2 juillet 2015

Les yeux sans visage (1960) de Georges Franju

Les yeux sans visagePour reconstruire le visage de sa fille défigurée par un accident de voiture, le docteur Genessier kidnappe des jeunes femmes afin de pratiquer une greffe de visage… Les yeux sans visage est le deuxième long métrage de Georges Franju, après plus d’une douzaine de courts métrages réalisés sur dix ans. Il est considéré aujourd’hui comme l’un des classiques du film d’épouvante, un genre quasiment absent du cinéma français de l’époque. Tout l’art de Georges Franju est d’avoir mêlé un réalisme assez terrifiant (la scène de l’opération est particulièrement difficile à regarder) avec une certaine poésie apportée principalement par le personnage de la fille du chirurgien, au visage de cire, aérienne, d’une fragilité fantomatique. Cette alliance de contraires crée une étrange attirance, un envoutement qui contribue à faire des Yeux sans visage un film assez unique bien que perturbant. Il a été très mal reçu par la critique au moment de sa sortie.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Pierre Brasseur, Alida Valli, Edith Scob, Claude Brasseur
Voir la fiche du film et la filmographie de Georges Franju sur le site IMDB.

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Les Yeux sans visage
Edith Scob dans Les yeux sans visage de Georges Franju

Remarques :
* Les yeux sans visage est basé sur un roman de Jean Redon, adapté par lui-même, Boileau-Narcejac et Claude Sautet (qui est également assistant-réalisateur).
* Georges Franju est, rappelons-le, le cofondateur de la Cinémathèque Française.

6 réflexions sur « Les yeux sans visage (1960) de Georges Franju »

  1. Le scène de l’opération a été censurée lors de la sortie du film en 1960 et elle n’a été réintégrée qu’il y a une quinzaine d’années.
    Les copies et les DVD actuels montrent une image recadrée en 1,66, mais ce film a été tourné en format 1.33 lequel était respecté sur les copies VHS.
    La Cinémathèque royale de Belgique projette ce 2 juillet la version au format d’origine.

  2. Merci pour ces précisions.

    A propos de la scène de l’opération : votre précision m’ôte un doute car c’est un film que j’avais déjà vu il y a de nombreuses années et je ne me souvenais pas d’une telle scène (que, personnellement, je suis parfaitement incapable de regarder entièrement).

  3. LA PEAU DE CHAGRIN
    Film passionnant car effectivement à peu près sans équivalent dans le paysage français de l’époque (on ne voit guère que Cocteau). Le chef d’oeuvre de Franju (par ailleurs futur adaptateur de Cocteau) inspira remakes et variations chez bon nombre de cinéastes, un des derniers étant Almodovar avec « La peau qui m’habite »

    J’en parle de mémoire mais il me semble que Les yeux sans visage s’ouvre(nt) et se referme(nt) sur la nuit. Noir et blanc étonnant d’Eugêne Schufftan, grand opérateur depuis l’expressionnisme, dans lequel baigne la lumière tranchée ainsi qu’une musique non moins étonnante de Maurice Jarre, sorte de valse crin crin de fête foraine
    Il y a là un professeur fou à la Frankenstein, ça ne m’étonnerait pas s’il se prénommait Victor (Pierre Brasseur), une assistante vampire et rabatteuse enchaînée au chirurgien par reconnaissance (Alida Valli), les proies (nombreuses), la victime défigurée au masque blanc, et puis bien sur la grande villa isolée dans le parc solitaire et glaçant avec salle d’opération en sous-sol, les chiens…Franju héritier de Feuillade et de Caligari
    On pressent que ça finira mal, bien plus mal encore que ce que l’on croit, on ne dira rien pour ceux qui ne connaissent pas, mais c’est d’une folle beauté
    Ce qui me reste c’est la silhouette étrange d’Edith Scob au masque quasi neutre, clair, lisse, sans artifice, comme une peau tendue d’où seuls émergent les yeux vivants. Et lorsque l’actrice ne porte plus son masque, entre deux opérations, c’est un visage nu et sans identité, diaphane, ne présentant pas d’écart avec son masque qui apparait et rend la chose effrayante. On se rend compte alors que tous les visages du film s’apparentent à des masques. Coup de génie!
    Edith Scob, cinquante ans après, rend hommage à son personnage dans le dernier Léos Carax « Holly motors »

    il est vrai que ce grand film, interdit aux mineurs de 16 ans à l’époque, n’eut aucun succès public (il n’a même pas été comptabilisé dans le box office de l’année) mais le temps lui accorda sa revanche. En ce début de 1960 le film sort juste après « Plein soleil » et juste avant « A bout de souffle ». Sacrée cuvée qui voit aussi dans la foulée : La dolce vita, L’aventurra, Rocco et ses frères, Psycho, La vérité…..

  4. Merci pour ce commentaire.
    Effectivement, Carax a fait un clin d’oeil au film dans Holy Motors : Edith Scob y porte brièvement un masque similaire (j’avoue ne pas me souvenir de la scène…)

  5. CASSE GUEULE

    Il n’y a ni ellipse, ni plan de coupe. Les visages des jeunes femmes kidnappées sont bel et bien écorchés et pelés, tandis que allongée sur son sofa, la fille tant chérie du responsable de tous ses malheurs, assiste, comme nous, à l’opération qui pourrait lui rendre un si doux visage. Comme dans ses documentaires, «Le sang des bêtes » ou surtout « Hôtel des Invalides » Franju tient à nous montrer l’in-montrable. Ainsi, ces visages difformes des «gueules cassées» de 14-18. La guerre est horrible, les progrès de la science peuvent l’être également, et générer des monstres. Par exemple, ce chirurgien, docteur cinoque, plus ambitieux que vraiment père éploré, et cyniquement interprété par Brasseur père, alors que Brasseur fils joue un jeune flic.
    Ces «Yeux sans visage» désiraient perturber, que l’on regarde la vérité en face. Le film fut donc «casse gueule». Pareil au précédant, à propos des abus psychiatriques, «La tête contre les murs», avec ce jeune acteur/scénariste, lui aussi, tout aussi dérangeant, Jean-Pierre Mocky.
    Mais Franju pratiquait aussi l’humour décapent. Nous apprécions à sa juste valeur ce monumental caveau de famille bourgeoise reconverti en nécropole pour les victimes, tandis que le fossoyeur/chirurgien fait pendre son veston à une croix de tombe voisine. Polanski n’a pas fait mieux. La secrétaire, possédée, amante, et chasseresse de jeunes filles pour le monstre, Alida Valli, ressemble furieusement à l’une des malheureuses écorchées, Juliette Mayniel. Comme c’est étrange !
    Mais nous préférons la fin: La jeune femme, (Edith Scob, magnifique, gracile, fragile), qui ne parviendra pas à retrouver la face, délivre la dernière sacrifiée, tue l’amante/chasseresse d’un coup de bistouri, libère la meute de chiens enragés qui va dévorer son prédateur de père, puis s’en va dans la nuit, une colombe perchée sur la main, un masque d’albâtre posé sur son visage à jamais défiguré. Beau, Cruel et Insolent à la fois !
    Quelques années plus tard (1965) Georges Franju sera bien involontairement mêlé, comme Marguerite Duras d’ailleurs, à la fameuse affaire politico-judiciaire Ben Barka. Encore plus tard, dans les années 2000, Serge Leprohon en fera un remarquable film « J’ai vu tuer Ben Barka » avec dans le rôle de Franju, le plus « décapant » lui aussi, des acteurs Jean-Pierre Léaud ! Et après ça, certains pensent encore que l’Histoire ne repasse pas les plats !

  6. Les Yeux sans Visage est un très bon film ! Je suis tombé dessus par pur hasard en parcourant la liste proposée par cette application : h**p://play.google.com/store/apps/details?id=virgoplay.vod.playvod&hl=fr_FR . Je ne suis pas un grand fan de vieux longs-métrages, mais je trouve que cette œuvre de Georges Franju est une réussite.

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