5 avril 2009

Le Tueur (2007) de Cédric Anger

Le TueurElle :
Face à un titre comme Le Tueur, on se dit qu’on va avoir affaire à un polar de plus. Et bien non, Cédric Anger qui fut le scénariste de Xavier Beauvois nous offre un premier film d’une grande maîtrise, qui sort des codes classiques du film policier. Le scénario se distingue par l’originalité de son sujet qui se situe autour de la confrontation inattendue d’un tueur glacial et d’un homme de la finance qui se sent menacé. Originalité également de la mise en scène qui nous plonge dans de très beaux univers de la nuit et dans des musiques intrigantes. Cédric Anger fait monter la tension progressivement ; l’angoisse et la perte des repères finissent par nous gagner, tout en subtilité. Enfin, le film révèle des personnages touchants, mal dans leur peau, au bord de la fêlure. Gilbert Melki, Grégoire Colin et Mélanie Laurent sont très convaincants.
Note : 4 étoiles

Lui :
Ce film noir, premier long métrage de Cédric Anger, met en scène les liens ambigus qui se tissent entre un homme et un tueur à gages venu pour le tuer. Rapidement, on s’aperçoit que cette histoire casse les codes du genre et son originalité se dévoile peu à peu. Sous l’apparente froideur, se cache une humanité qui ressurgit là où on l’attend le moins. Gérard Melki est un acteur qui déçoit rarement et ici il ne faillit pas à la règle face à un Grégoire Colin qui parvient bien à traduire l’ambiguïté et les désirs de son personnage. Très belle photographie de Caroline Champetier. Assez remarquable pour une première réalisation, Le Tueur est un film original et parfaitement maîtrisé.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Gilbert Melki, Grégoire Colin, Mélanie Laurent, Xavier Beauvois, Sophie Cattani
Voir la fiche du film et la filmographie de Cédric Anger sur le site IMDB.

Homonymes :
Le Tueur de Denys de La Patellière (1972) avec Jean Gabin (et le jeune Gérard Depardieu)
Le Tueur du mexicain Juan López Moctezuma (1985) sur un scénario co-ecrit par Rafael Buñuel (fils de Luis Buñuel),
et aussi :
Les Tueurs de Robert Siodmak (1946), très beau film noir avec Burt Lancaster et Ava Gardner.

4 avril 2009

Footlight Parade (1933) de Lloyd Bacon

Titre français parfois utilisé : « Prologue »

Footlight ParadeElle :
(pas vu)

Lui :
Après les énormes succès de 42e Rue et de Chercheuses d’Or, les producteurs hollywoodiens en redemandaient dans ce style backstage musicals, c’est-à-dire de films dont l’intrigue nous plonge en plein montage d’un show musical. Ici, l’histoire est celle d’un metteur en scène qui doit monter de plus en plus de numéros musicaux, des prologues, pour faire face à la concurrence du cinéma parlant et aussi celle d’un concurrent malhonnête. Il faut bien l’avouer, la première heure de Footlight Parade n’est guère remarquable : James Cagney a beau se démener comme un beau diable pour relever cette histoire, l’ensemble paraît assez fade. Mais le morceau de choix de ce genre de films, ce sont les ballets musicaux qui sont regroupés dans la seconde partie. Ils sont ici dirigés par le maître du genre, Busby Berkeley. La critique de l’époque (et même parfois d’aujourd’hui) a surtout retenu et loué le numéro final Shanghai Lil parce qu’il montrait un James Cagney inhabituel (rien d’étonnant toutefois : avant de personnifier les petits truands bagarreurs, l’acteur a débuté sa carrière comme danseur). By a waterfallMais le plus beau numéro de Footlight Parade, c’est By a Waterfall, un numéro époustouflant, où chaque scène dépasse la précédente en termes de beauté et d’audace, où Busby Berkeley joue avec les mouvements, les formes autour d’une cascade et d’un bassin. Le thème étant une certaine idéalisation de la femme et du mariage par un homme amoureux, on peut remarquer plusieurs allusions assez nette à la fertilité féminine… sans toutefois que cela soit trop évident car nous sommes à une époque où la censure veille! Ce numéro est incontestablement d’un des plus beaux ballets (le plus beau ?) de Busby Berkeley.
Note : 4 étoiles

Acteurs: James Cagney, Joan Blondell, Ruby Keeler, Dick Powell, Frank McHugh
Voir la fiche du film et la filmographie de Lloyd Bacon sur le site IMDB.
Voir les autres films de Lloyd Bacon chroniqués sur ce blog…

Numéros musicaux de Footlight Parade :
En cours de film :
« Ah, the moon is here » et « Sittin’ on a backyard Fence ».
Les trois ballets de fin :
By a waterfall 1. « Honeymoon Hotel » variations gentilles autour d’un couple qui vient passer sa lune de miel. Avec un petit lutin espiègle (qui rappelle celui de « Pettin’ in the Park » dans Chercheuses d’Or).
2. « By a Waterfall » chanson qui évolue en ballet, avec des dizaines de girls dans des ballets aquatiques époustouflants d’invention et de de beauté. C’est le plus beau!
3. « Shanghai Lil » avec James Cagney en personnage principal. Belles scènes dans le bar chinois. Evolue en ballet militaire (qui nous rappelle que Busby Berkeley a dirigé des défilés militaires en 1917-18 en France…) dans lequel on notera le visage de Roosevelt qui apparaît, figure qui à l’époque personnifiait l’optimisme et la volonté de surmonter la Grande Dépression.

3 avril 2009

Les yeux bandés (2007) de Thomas Lilti

Les Yeux bandésElle :
(pas vu…)

Lui :
Un jeune routier apprend que celui avec qui il a été élevé comme un frère est accusé d’être un meurtrier en série dans le Nord de la France. Il se rend sur place. Les Yeux Bandés n’est pas vraiment un polar, ni une quête identitaire. Non il s’agit plutôt d’un film psychologique car cet homme se demande jusqu’à quel point il est responsable de son frère, pourquoi après une jeunesse plus que turbulente, lui s’en est sorti et pas son demi-frère ? Alors que sa femme attend un enfant, doit-il sacrifier sa vie pour le sauver ? La mise en place est hélas trop confuse, Thomas Lilti ayant voulu entremêler des flashbacks qui ne dévoilent que peu de choses à chaque fois. Ces circonvolutions n’apportent rien si ce n’est qu’elles retardent notre pénétration dans l’histoire. Une fois passées ces 20-30 premières minutes, le film prend toute sa force avec une présence assez intense de Jonathan Zaccaï. Guillaume Depardieu n’a qu’un rôle assez court mais il met beaucoup de force dans son personnage rétif. L’environnement sombre des quartiers ouvriers du Nord ajoutent à la dramatisation de l’ensemble et à une sensation d’enfermement que le réalisateur ne relâche que lors de quelques scènes de bord de mer, en contraste total. Pour un premier long métrage, Les Yeux Bandés montre une belle intensité dans son récit.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jonathan Zaccaï, Guillaume Depardieu, Lionel Abelanski, Frédérique Meininger
Voir la fiche du film et la filmographie de Thomas Lilti sur le site imdb.com.

1 avril 2009

Promets-moi (2007) de Emir Kusturica

Titre original : « Zavet »

Promets-moiElle :
On est bien d’accord, le cinéma de Kusturica est unique. Mise en scène talentueuse, originalité, loufoquerie, extravagance, inventivité, poésie parsèment ses films. Cependant, le scénario de Promets-moi est vraiment trop léger pour me retenir jusqu’à la fin.
Note : pas d'étoile

Lui :
Un jeune adolescent serbe est chargé par son grand-père d’aller à la ville vendre une vache et ramener une fiancée. Avec Promets-moi, Kusturica se livre à une surenchère, comme pour toujours aller plus loin dans le loufoque hystérique. Il s’appuie sur des personnages hauts en couleur, notamment un petit gang de truands d’opérette et un duo de pieds nickelés, sorte de lutins manieurs de mitraillettes. Ça part dans tous les sens, le délire est total avec les clins d’œil cinématographiques de rigueur (de Buster Keaton à Fellini). Il y a bien quelques bons moments mais l’ensemble semble assez gratuit et manque d’un semblant de cohérence.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Uros Milovanovic, Marija Petronijevic, Aleksandar Bercek, Miki Manojlovic
Voir la fiche du film et la filmographie de Emir Kusturica sur le site IMDB.

Voir les autres films de Emir Kusturica chroniqués sur ce blog…

31 mars 2009

Sommaire de mars 2009

Lust, cautionThe happy endingL'image vagabondeUne grande annéeOccupe-toi d'Amélie..!La garçonnièreDidineLa huitième femme de Barbe-bleue

Lust, caution

(2007) de Ang Lee

The happy ending

(1969) de Richard Brooks

L’image vagabonde

(1920) de Fritz Lang

Une grande année

(2006) de Ridley Scott

Occupe-toi d’Amélie..!

(1949) de Claude Autant-Lara

La garçonnière

(1960) de Billy Wilder

Didine

(2008) de Vincent Dietschy

La huitième femme de Barbe-bleue

(1938) de Ernst Lubitsch

Enfin veuveRedacted, revu et corrigéViridianaLe Colonel Blimp21 GrammesFaussaireParisLe scandale

Enfin veuve

(2007) de Isabelle Mergault

Redacted, revu et corrigé

(2007) de Brian De Palma

Viridiana

(1961) de Luis Buñuel

Le Colonel Blimp

(1943) de Michael Powell et E. Pressburger

21 Grammes

(2003) de Alejandro González Iñárritu

Faussaire

(2006) de Lasse Hallström

Paris

(2008) de Cédric Klapisch

Le scandale

(1967) de Claude Chabrol

Ecrit sur du ventLa horde sauvageLes climatsUn baiser s'il vous plaîtInto the wildLa couleur de l'argentCarsLa graine et le mulet

Ecrit sur du vent

(1956) de Douglas Sirk

La horde sauvage

(1969) de Sam Peckinpah

Les climats

(2006) de Nuri Bilge Ceylan

Un baiser s’il vous plaît

(2007) de Emmanuel Mouret

Into the wild

(2007) de Sean Penn

La couleur de l’argent

(1986) de Martin Scorsese

Cars

(2006) de John Lasseter

La graine et le mulet

(2007) de Abdel Kechiche

Pour une poignée de dollarsJaneDarlingY a-t-il un pilote dans l'avion?L'Homme perdu

Pour une poignée de dollars

(1964) de Sergio Leone

Jane

(2007) de Julian Jarrold

Darling

(2007) de Christine Carrière

Y a-t-il un pilote dans l’avion?

(1980) de Jim Abrahams, David Zucker et Jerry Zucker

L’Homme perdu

(1951) de Peter Lorre

Nombre de billets : 29

31 mars 2009

Lust, caution (2007) de Ang Lee

Titre original : « Se, jie »

Lust, CautionElle :
Un film soporifique à grand spectacle auquel je suis restée hermétique. De belles images c’est vrai mais ça ne suffit pas. Une première partie longue et ennuyeuse parsemée de flashbacks. Une histoire d’amour sulfureuse totalement prévisible entre cette jeune espionne séductrice et cet homme froid qui se laisse prendre au piège de la beauté. Un film académique qui répond davantage aux codes d’Hollywood et du film à oscar qu’à un cinéma novateur et audacieux. (Abandon au bout d’une heure.)
Note : pas d'étoile

Lui :
A Shanghai, en 1942, sous l’occupation japonaise, une jeune actrice débutante se retrouve impliquée dans un projet d’assassinat par un petit groupe de jeunes résistants. Elle est chargée de séduire l’un des membres les plus en vue de la collaboration. Après plusieurs films à Hollywood, Ang Lee revient en Chine pour tourner Lust, Caution. Cela ne l’empêche pas de bénéficier de moyens importants pour sa reconstitution, assez impressionnante par sa minutie, du Shanghai de 1942. La mise en scène est opulente, parfois même un peu trop démonstrative. Cela n’empêche pas Ang Lee d’insuffler une réelle force à son film, avec une intensité qui monte très lentement mais sans faillir. La fausse légèreté du début de Lust, Caution laisse la place à une montée de la tension entre les deux personnages principaux, tension ponctuée par des scènes d’amour d’une intensité rare. Lust, Caution repose essentiellement sur son duo d’acteurs principaux : Tony Leung, dont on connaît les qualités grâce aux films de Wong Kar-wai, et Tang Wei, nouvelle venue, qui parvient parfaitement à traduire toute l’ambiguïté (et l’ambivalence) de son personnage.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Tony Leung Chiu Wai, Tang Wei, Joan Chen, Lee-Hom Wang
Voir la fiche du film et la filmographie de Ang Lee sur le site IMDB.

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29 mars 2009

The happy ending (1969) de Richard Brooks

The Happy EndingElle :
(pas vu)

Lui :
Richard Brooks a écrit et réalisé ce film pour sa femme, Jean Simmons. Il n’eut aucun succès aux Etats-Unis et n’est même jamais sorti en France. Une des explications de cet insuccès est qu’il portait un propos qui, en 1969, était en avance de 7 à 10 ans sur son temps. L’histoire de The Happy Ending est celle d’une femme qui, après 15 ans de mariage dit-heureux, est étouffée par son couple : un mari trop prévenant, un sentiment de vacuité, la peur de vieillir, tout pousse Mary à ne pas (ou plus) trouver d’épanouissement dans ce rôle d’épouse parfaite. Le jour de son 16e anniversaire de mariage, elle fait une fugue. Malgré une ambiance un peu trop romanesque (accentuée par la musique sirupeuse de Michel Legrand), Richard Brooks parvient à donner beaucoup de force à ce récit féministe avant l’heure. La construction est un peu alambiquée, on ne sait plus très bien ce qui relève du flashback ou pas, mais l’ensemble a une cohésion certaine. En le regardant aujourd’hui il faut bien entendu se replacer dans le contexte de l’époque. The Happy Ending offre un très beau rôle à Jean Simmons, qui y est assez admirable.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jean Simmons, John Forsythe, Lloyd Bridges, Teresa Wright, Nanette Fabray, Shirley Jones
Voir la fiche du film et la filmographie de Richard Brooks sur le site IMDB.

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Remarque :
The Happy Ending a été présenté pour la première fois en France par Patrick Brion en décembre 2008, au ciné-club de FR3.

28 mars 2009

L’image vagabonde (1920) de Fritz Lang

Titre original : « Das wandernde Bild »

Fritz LangElle :
(pas vu)

Lui :
L’image vagabonde fait partie des tous premiers films muets de Fritz Lang, entre Les Araignées et Dr Mabuse, le joueur. C’est le premier film écrit conjointement avec sa (future) femme Thea von Harbou. Il s’agit d’une intrigue qui ne se dévoile que petit à petit, où une femme, veuve de fraîche date, est poursuivi par un homme jusque dans les montagnes situées autour d’un grand lac. Le film a longtemps été considéré comme perdu mais une copie incomplète (60 minutes environ) a pu être restaurée en 1987. Les intertitres ont été recréés. Fritz Lang montre déjà beaucoup de son talent, jouant remarquablement avec les visages et les personnages. Belle symbolique autour d’une statue de vierge à l’enfant dans la neige qui reprend vie.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Mia May, Hans Marr, Rudolf Klein-Rogge, Harry Frank
Voir la fiche du film et la filmographie de Fritz Lang sur le site IMDB.

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Remarque :
L’image vagabonde a été présenté pour la première fois en France par Patrick Brion en janvier 2009, au ciné-club de FR3.

27 mars 2009

Une grande année (2006) de Ridley Scott

Titre original : « A good year »

Une grande annéeElle :
(pas vu)

Lui :
Un Golden Boy londonien, cynique et sans morale, hérite de son oncle un domaine viticole dans le Luberon où il allait autrefois en vacances. Désireux de vendre, il doit tout de même se rendre sur place. Va t-il succomber aux charmes de la Provence ? Une Grande Année est l’adaptation du roman homonyme (gros best-seller outre-Manche) de l’anglais Peter Mayle qui a lui-même abandonné la City pour venir vivre en Provence. Mais l’idée de départ, c’est Ridley Scott qui la lui a soufflée, le réalisateur en ayant eu l’idée en voyant l’émergence des « vins de garage » (1) bordelais durant les années 90. Avec un tel scénario, personne ne sera étonné que le film regorge de poncifs et d’images d’Epinal. Les français ne sont pas toutefois trop maltraités pour une fois… car le fond du propos est de vanter les avantages d’une certaine douceur de vivre. Tout le monde est charmant mais Une Grande Année manque d’intensité ; il se laisse regarder d’un œil un peu distrait. La réalisation est parfaite mais c’est un peu étonnant de voir Ridley Scott réaliser un film somme toute plutôt insignifiant.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Russell Crowe, Marion Cotillard, Albert Finney, Freddie Highmore, Tom Hollander, Abbie Cornish
Voir la fiche du film et la filmographie de Ridley Scott sur le site IMDB.

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Remarque :
Le film a été tourné au Château La Canorgue, domaine bio situé à Bonnieux, près d’Apt. La maison toute éclairée des Duflot lors du repas est en réalité le Château Les Eydins, autre domaine bio de Bonnieux. D’autres scènes ont été tournées à Gordes et à Apt.  

(1) L’idée des « vins de garage » est de produire un vin de qualité parfaite sur une toute petite superficie avec des méthodes dignes d’une manucure. Le terme vient du fait que les tous premiers étaient vinifiés non pas dans un local professionnel mais dans un garage (ou parfois dans un salon d’habitation). Du fait de la très faible quantité disponible et de la forte demande internationale, le prix des vins de garage ont souvent atteint des sommets déraisonnables.

26 mars 2009

Occupe-toi d’Amélie..! (1949) de Claude Autant-Lara

Occupe-toi d'Amélie..!Elle :
(pas vu)

Lui :
Voir pour la première fois un film de 1949 quasiment inédit de Claude Autant-Lara est une expérience rare et en l’occurrence particulièrement réjouissante. Occupe-toi d’Amélie est l’adaptation d’une pièce de Feydeau et les héritiers de ce dernier s’opposèrent à toute nouvelle sortie du film, estimant qu’il trahissait l’œuvre originale. Pourtant les scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost ont fait des merveilles en réécrivant cette histoire autour d’un faux mariage pour toucher l’héritage du grand oncle. C’est du Feydeau, donc du vaudeville léger et joyeux, mais le film va beaucoup plus loin dans la satire sociale et semble repousser les limites de l’humour et du réalisme. Les personnages sont hauts en couleur et quiproquos, rebondissements et coups d’éclats se succèdent à un rythme effréné dès le début du film, pour aller en s’intensifiant. La scène du mariage à la Mairie est absolument délirante (dans le vrai sens du terme), un véritable foutoir que n’auraient certainement pas renié les Marx Brothers. Cette scène est incroyable! Et ce qui est tout aussi étonnant dans Occupe-toi d’Amélie, c’est la façon dont Autant-Lara fait éclater la séparation acteurs/spectateurs. A certains moments, un rideau s’ouvre ou se ferme et l’on découvre que nous étions sur une scène face à des spectateurs (Buñuel le fera de façon presque identique plus tard dans Le charme discret de la bourgeoisie), des ouvriers finissent d’arranger les décors juste avant que n’arrive un personnage, des spectateurs entrent dans l’histoire pour influer sur les évènements… On est loin du théâtre filmé, Autant-Lara fait exploser le cadre du spectacle, de la représentation : il n’y plus de frontière, tout est faux ou tout est vrai, on ne sait plus très bien… Les acteurs sont tous parfaitement dans le ton et Danielle Darrieux est vraiment charmante en Amélie. Les décors, quant à eux, sont somptueux dans le style fin XIXe (il ne faut pas oublier que Claude Autant-Lara a débuté dans le cinéma comme décorateur). On se demande comment un tel film a pu moisir dans des cartons pendant toutes ces années. Occupe-toi d’Amélie est un petit bijou.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Acteurs: Danielle Darrieux, Jean Desailly, Louise Conte, Victor Guyau, Grégoire Aslan, Julien Carette, André Bervil
Voir la fiche du film et la filmographie de Claude Autant-Lara sur le site imdb.com.

La pièce de Feydeau avait déjà été adaptée 2 fois en France :
Occupe-toi d’Amélie d’Emile Chautard (1912), version muette donc… (!)
Occupe-toi d’Amélie de Marguerite Viel et Richard Weisbach (1932) avec Renée Bartout
A noter aussi une adaptation italienne muette (1925) et une autre plus récente de Flavio Mogherini en 1982 avec Barbara Bouchet.