17 mars 2010

Lettre d’une inconnue (1948) de Max Ophüls

Titre original : « Letter from an unknown woman »

Lettre d'une inconnueLui :
Il s’agit du deuxième film américain de Max Ophüls et probablement son plus beau. L’histoire se déroule à Vienne en 1900 : alors qu’il est promis à une mort certaine dans un duel le lendemain à l’aube, un homme reçoit la lettre d’une inconnue… Cette adaptation d’un roman de l’autrichien Stefan Zweig est l’histoire d’un amour qui s’est révélé impossible, d’un bonheur qui se dérobe constamment, une histoire belle et tragique que Max Ophüls met en images avec une délicatesse infinie. Avec pour cadre une atmosphère de début de siècle parfaitement reconstituée, il parvient à retranscrire toute la fragilité de ses deux personnages par la sensibilité de sa mise en scène. On remarque en premier la douceur et la fluidité de ses mouvements de caméra ; à ce niveau on ne peut plus parler de fluidité… c’est de grâce dont il s’agit. Certains plans fixes sont tout aussi somptueux par sa façon de cadrer, d’enchaîner les plans. Il se dégage une grande harmonie de son cinéma. Joan Fontaine et Louis Jourdan sont remarquables et donnent beaucoup de profondeur à leur personnage. Le temps ne semble pas avoir de prise sur les grands films : plus de soixante ans après sa sortie, Lettre d’une inconnue reste absolument remarquable par l’élégance de sa mise en scène.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Joan Fontaine, Louis Jourdan, Mady Christians, Marcel Journet
Voir la fiche du film et la filmographie de Max Ophüls sur le site IMDB.

Voir les autres films de Max Ophüls chroniqués sur ce blog…

Autres adaptations du même roman de Stefan Zweig :
Une nuit seulement (Only yesterday) de John M. Stahl (1933) avec Margaret Sullivan
Lettre d’une inconnue de Jacques Deray (2001) (TV France 3) avec Irène Jacob
Yi ge mo sheng nu ren de lai xin de la chinoise Xu Jinglei (2004)

16 mars 2010

Un conte d’été polonais (2007) de Andrzej Jakimowski

Titre original : « Sztuczki »

Un conte d'été polonaisElle :
Un film plein de tendresse visuelle et intérieure. Une petite ville monotone et un jeune garçon qui se prend à rêver de changer le cours de son existence et d’apporter un peu de fantaisie dans son morne quotidien. Il utilise des pièces de monnaie pour attirer les passants et faire revenir son père indirectement ou pose sur la voie ferrée des soldats de plomb qui doivent rester debout lors du passage du train. Le film est ponctué de petits signes du destin d’une grande poésie. Dans ce deuxième film, Jakimowski use de belles subtilités pour aborder les déchirures de la famille. Pas un mot de trop ni de larmes, beaucoup de douceur et d’espoir et des images et cadrages de toute beauté.
Note : 4 étoiles

Lui :
Un jeune garçon de dix ans vit avec sa grande sœur et sa mère dans une petite ville de Pologne. Parmi les voyageurs qui attendent le train, il croit reconnaître son père. A partir de là, il va tout faire pour « forcer la chance » afin de réunir sa mère et sa père. Le cinéaste Andrzej Jakimowski s’est inspiré de ses propres souvenirs d’enfance pour écrire et réaliser Un conte d’été polonais. Tout est vu par les yeux de ce jeune garçon qui croit à la chance et qui fait tout pour qu’elle tourne en sa faveur. Le cinéaste utilise à merveille le décor d’une ville qui semble osciller entre délabrement et renouveau, et la relation entre le garçon et sa sœur bien plus âgée que lui. Loin de tout misérabilisme, il met en images cette histoire en lui donnant une connotation positive avec une pointe d’humour discrète mais permanente. Ses personnages sont pleins de vie. Très original, Un conte d’été polonais est finalement bien attachant.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Damian Ul, Ewelina Walendziak, Tomasz Sapryk, Rafal Guzniczak
Voir la fiche du film et la filmographie de Andrzej Jakimowski sur le site imdb.com.

15 mars 2010

Number, please? (1920) de Hal Roach et Fred C. Newmeyer

Titre français parfois utilisé : « Quel numéro demandez-vous? »

Number, Please?Lui :
L’essentiel de l’action de Number, Please? se déroule dans un parc d’attractions au bord de l’Océan Pacifique. Les scènes principales sont une course pour rattraper le chien de Mildred Davis, les multiples tentatives pour passer un coup de téléphone et une poursuite avec des policiers où Harold Lloyd s’efforce de se débarrasser d’un objet qu’un voleur a placé dans sa poche. Number, Please? Durant tout le film, les obstacles se multiplient face à lui, il doit faire face à une forte adversité. A noter que Number Please? est l’un des rares films d’Harold Lloyd avec une fin malheureuse (1). Si l’histoire n’a pas la qualité des meilleurs courts métrages d’Harold Lloyd, il y a de bons moments et bonnes trouvailles de gag dans Number Please.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Harold Lloyd, Mildred Davis, Roy Brooks
Voir la fiche du film et la filmographie de Hal Roach & Fred C. Newmeyer sur le site imdb.com.
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(1) Le seul autre film d’Harold Lloyd avec une fin malheureuse est le court-métrage Ring up the curtain (1919).

14 mars 2010

Rumba (2008) de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy

RumbaElle :
Dans ce deuxième long métrage, après L’iceberg, les trois réalisateurs impriment définitivement leur style loufoque, coloré et décalé. Les scènes sont remplies d’audaces de scénario et de poésie visuelle de grande intensité et émotion. Ce couple amoureux dont la vie se démantèle fort dangereusement est très expressif visuellement. La maigreur et les corps longilignes permettent de belles chorégraphies mouvantes et sensuelles. L’humour ravageur est également bien présent.
Note : 4 étoiles

Lui :
Dans Rumba, nous suivons un jeune couple qui voit son bonheur s’éloigner peu à peu et qui va de catastrophe en catastrophe. Le film est particulièrement économe sur les paroles, l’humour étant essentiellement sur les situations et sur la gestuelle ; les acteurs jouent beaucoup avec leur corps. Cela va jusqu’à quelques scènes de danse avec notamment une danse en ombres sur un mur de toute beauté. Les couleurs sont vives, dans un style années cinquante. Les trois réalisateurs de Rumba ont adopté une certaine simplicité dans la réalisation qui leur donne une certaine authenticité et une grande fraîcheur. L’ensemble est très original, simple et possède un indéniable petit charme.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Dominique Abel, Fiona Gordon, Philippe Martz, Bruno Romy
Voir la fiche du film et la filmographie de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy sur le site imdb.com.

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Homonymes :
Rumba (La dernière rumba) de Marion Gering (1935) avec George Raft et Carole Lombard
La Rumba de Roger Hanin (1987) avec Michel Piccoli et Roger Hanin

13 mars 2010

Y-a-t-il toujours un pilote dans l’avion? (1982) de Ken Finkleman

Titre original : « Airplane II: the sequel »
Autre titre français : « Y a-t-il enfin un pilote dans l’avion? »

Y-a-t-il toujours un pilote dans l'avion?Lui :
Qu’il y ait une suite à Y a-t-il un pilote dans l’avion?, après son succès en 1980, était bien prévu mais pour plus tard… Impatiente, Paramount la tournera sans attendre et sans son trio de créateurs, Jim Abrahams, David Zucker et Jerry Zucker. Trahis, ces derniers ont toujours refusé d’en voir une seule image. Au lieu d’un avion à la dérive, nous avons cette fois une navette spatiale à la dérive. Le film n’est pas mauvais en soi car il regorge d’humour, les gags fusent rapidement et il n’y a pas trop de lourdeurs. Le problème vient plutôt du fait que, pour une énorme majorité, ces gags sont repris du premier volet et dans ce cas il est préférable de re-regarder le premier plutôt que sa copie qui fait plus penser à l’application minutieuse d’une recette… Le film fut un flop et, malgré l’annonce dans les toutes dernières images d’un Airplane 3, le film Y a-t-il enfin un pilote dans l’avion? resta sans suite.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Robert Hays, Julie Hagerty, Lloyd Bridges, Peter Graves, William Shatner, Raymond Burr
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12 mars 2010

La cible (1968) de Peter Bogdanovich

Titre original : « Targets »

La cibleLui :
Les origines de La Cible sont assez inhabituelles : Boris Karloff devait par un vieux contrat quelques jours de tournage au producteur/réalisateur Roger Corman. Ce dernier en fit profiter son jeune protégé, Peter Bogdanovich, qui imagina un scénario très original mêlant une certaine nostalgie cinéphilique à une réflexion sur la violence. Il y a deux histoires juxtaposées : l’une concerne un acteur qui désire prendre sa retraite après une longue carrière dans les films d’horreur, l’autre un jeune homme, charmant en apparence, mais qui se met à tirer et tuer au hasard. Bogdanovich oppose, ou met en parallèle, l’horreur de pacotille et l’horreur réelle, non pas pour montrer que l’une a engendré l’autre mais plutôt pour mieux faire ressortir le caractère très ordinaire de la violence réelle : alors que les films utilisent des décors anciens, presque irréels, et des visages à faire frémir, le jeune tueur fou est un garçon tout à fait ordinaire, très calme et poli, anonyme. Peter Bogdanovich montre un réel talent pour mettre cela en images et, de plus, avec très peu de moyens (1). Il parvient à créer une atmosphère paisible qui contraste avec les évènements. Il réussit aussi de superbes plans comme celui de la juxtaposition de Karloff et de son image projetée dans le drive-in (2). A 81 ans, Boris Karloff joue donc son propre rôle et, même, s’en amuse (3). C’est en tout cas un beau moyen de terminer sa longue carrière car, déjà très malade, il n’a que très peu tourné ensuite. Pour Peter Bogdanovich, ancien critique de cinéma, La Cible est un beau moyen de débuter sa carrière de réalisateur. Ce premier film a généralement été apprécié par la critique, ses suivants beaucoup moins… (4)
Note : 4 étoiles

Acteurs: Tim O’Kelly, Boris Karloff, Arthur Peterson, Nancy Hsueh
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(1) Le tournage n’a duré que 22 jours. Boris Karloff a tourné cinq jours seulement, allant un peu au delà de ce qu’exigeait son contrat car il aimait beaucoup le projet.
(2) Le film projeté dans le drive-in est L’halluciné (The Terror) de… Roger Corman (1963) avec Boris Karloff et le jeune Jack Nicholson (autre protégé de Corman).
(3) Ce serait Boris Karloff lui-même qui aurait suggéré la scène amusante où, mal réveillé, il a un petit sursaut de peur en s’apercevant dans une glace. A noter que Peter Bogdanovich joue aussi presque son propre rôle : le jeune réalisateur qui désire faire tourner Karloff.
(4) Ses défenseurs (dont je fais partie) se plaisent à affirmer que les critiques ont la dent dure envers Bogdanovich parce qu’ils ne lui ont pas pardonné le succès de son film suivant (The Last Picture Show). « On » aurait sans doute préféré voir cet ancien critique de cinéma faire des films obscurs…

Remarques :
– Samuel Fuller a participé à l’écriture du script (non crédité).
– L’histoire qu’Orlock raconte (le valet qui cherche à échapper à la Mort) est en réalité une courte nouvelle de W. Somerset Maugham, Rendez-vous à Samarra, texte qui a en outre inspiré un livre à John O’Hara intitulé… Rendez-vous à Samarra.

11 mars 2010

La fiancée de Frankenstein (1935) de James Whale

Titre original : « The bride of Frankenstein »

La fiancée de FrankensteinLui :
Après le succès de Frankenstein quatre plus tôt, Universal décide de lui donner une suite ; c’est le début d’une longue série basée sur le personnage mythique créé par la romancière anglaise Mary Shelley un siècle plus tôt. La fiancée de Frankenstein est certainement le meilleur du lot, celui qui donne le plus de profondeur au personnage du Monstre (1). Il est ici doté de sentiments humains, allant ainsi bien au-delà du monstre sanguinaire, avec notamment l’une des plus belles et célèbres scènes du cinéma, la rencontre du monstre avec l’aveugle : ne pouvant le voir sous sa repoussante apparence, l’aveugle l’accueille comme un ami et lui fait découvrir quelques plaisirs simples de la vie. Le film est aussi remarquable par la qualité des maquillages et quelques trucages joliment utilisés. Bien que couramment classé dans les films d’horreur, La fiancée de Frankenstein n’est en réalité guère effrayant, Universal tenant à ce que le divertissement reste pour tous publics. Le film est court, 75 minutes (2), ce qui lui donne une intensité certaine. La plupart des scènes sont assez fortes, la création finale de la fiancée étant assez impressionnante. La fiancée en question n’est visible que cinq minutes, elle n’émet que quelques sons, mais son personnage et son apparence physique si particulière sont restés ancrés durablement dans les esprits (3).
Note : 4 étoiles

Acteurs: Boris Karloff, Colin Clive, Valerie Hobson, Ernest Thesiger, Elsa Lanchester
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La fiancée de Frankenstein(1) Le Monstre n’a en fait pas de nom. Frankenstein est le nom de son créateur, le docteur Frankenstein. Les titres de film, à commencer par celui-ci, ont créé la confusion et le langage populaire a retenu le nom de Frankenstein comme étant celui du Monstre…
(2) Le film était au départ prévu pour durer 120 minutes mais il a subi des coupes importantes. A noter que les titres initialement prévus étaient Frankenstein lives again! puis The return of Frankenstein.
(3) Boris Karloff, quant à lui, sera par la suite totalement prisonnier de son personnage : il ne tournera plus que des films d’horreur, genre qu’il n’aimait guère, lui qui rêvait d’être un grand acteur shakespearien.

Les trois premiers (et les trois meilleurs) Frankenstein :
Frankenstein (1931) de James Whale
La fiancée de Frankenstein (1935) de James Whale
Le fils de Frankenstein (1939) de Rowland V. Lee avec Basil Rathbone, Boris Karloff et Bela Lugosi.
A noter que c’est ce troisième film qui est parodié par Mel Brooks dans Frankenstein Junior.
Après 1940, on ne compte pas moins d’une vingtaine de films comportant le mot Frankenstein dans leur titre…

10 mars 2010

Celui par qui le scandale arrive (1960) de Vincente Minnelli

Titre original : « Home from the Hill »

Celui par qui le scandale arriveLui :
Un propriétaire terrien texan décide de reprendre en main l’éducation de son fils de dix-sept ans jusque là élevé par sa femme. Les rapports au sein de la famille sont marqués par l’absence de rapports entre le père et la mère. Adaptée d’un roman William Humphrey, cette histoire permet à Vincente Minnelli de mettre en place un grand mélodrame où il transcrit l’espace étouffant d’une cellule familiale reposant sur le ressentiment. Les relations complexes entre les quatre personnages principaux tissent un écheveau serré, rendu indémêlable par le désir de respect des conventions et apparences. Minnelli parvient à rendre ces quatre personnages sympathiques, ce qui est assez étonnant vu la situation. Mitchum se donne particulièrement dans ce rôle qui lui sied à merveille ; George Hamilton et George Peppard livrent face à lui une belle performance. Celui par qui le scandale arrive est un film dont la tension monte lentement mais sûrement, avec quelques poussées d’intensité dans certaines scènes fortes. Minnelli fait également une très belle utilisation de la couleur (système Metrocolor) et des décors dans ce grand mélodrame familial et social.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Robert Mitchum, Eleanor Parker, George Peppard, George Hamilton, Luana Patten
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9 mars 2010

Ne vous retournez pas (1973) de Nicolas Roeg

Titre original : « Don’t Look Now »

Ne vous retournez pasLui :
Un couple, fortement perturbé par la mort récente de leur toute jeune fille, se rend à Venise pour oublier. Là, ils sont approché par une femme médium et aveugle qui se dit porteuse d’une message d’avertissement de la part de leur fille. Cette histoire baignée de supernaturel est adaptée d’une nouvelle de Daphné du Maurier. Après avoir été un chef opérateur réputé, Nicolas Roeg est passé à la réalisation avec Performance. Dans Ne vous retournez pas, il utilise comme décor Venise en plein hiver, exploitant son aspect vide et inquiétant. Nicolas Roeg a une certaine tendance à utiliser certains effets à outrance, que ce soit dans le montage ou dans le déroulement narratif : de nombreuses fausses pistes ou attitudes inquiétantes accentuent notre sensation de confusion. L’ensemble m’a paru assez décevant personnellement. Ne vous retournez pas est pourtant généralement plutôt bien estimé par les amateurs de surnaturel. Bonne prestation de Donald Sutherland (affublé d’une perruque frisée!)
Note : 2 étoiles

Acteurs: Julie Christie, Donald Sutherland, Hilary Mason, Clelia Matania
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8 mars 2010

Loulou (1929) de Georg Wilhelm Pabst

Autre titre  : « La boîte de Pandore »
Titre original : « Die Büchse der Pandora »

La boite de PandoreLui :
(Film muet) Au départ, il y a deux pièces de l’allemand Frank Wedekind, La Boîte de Pandore et L’esprit de la Terre, qui firent grand scandale aux alentours de 1900, étant qualifiées d’immorales et sans valeur artistique. Ces pièces ont créé un personnage qui sera adapté plusieurs fois au grand écran : Loulou, une très jeune femme amorale qui vit dans l’instant, jouit de la vie et détruit les hommes qui la côtoient. C’est bien entendu la version de G.W. Pabst qui est restée dans les esprits de tous les cinéphiles, un véritable mythe s’étant développé autour de Louise Brooks, qui avait alors 22 ans quand elle tourna ce film. Louise Brooks est, il est vrai, une actrice totalement à part : elle ne semble pas jouer son personnage, elle vit son personnage. Elle ne joue pas Loulou, elle est Loulou, impression certainement accentuée par le fait qu’elle ne lisait pas les scénarii (1). Très spontanée, déroutante, sa Loulou dégage une forte sensualité couplée à une innocence presque enfantine. Le résultat est désarmant… Le jeu très simple de Louise Brooks n’était toutefois pas vraiment compris, ni par ses partenaires (2), ni par la critique qui éreinta le film à sa sortie. Les aspects licencieux du film firent le reste : il fut mis à l’index (3). Ce n’est que dans les années cinquante qu’il fut redécouvert et reconsidéré, la brièveté de la carrière de Louise Brooks n’en parut alors que plus incompréhensible. Avec les deux films tournés avec Pabst, Loulou et Le journal d’une fille perdue, Louise Brooks est vue aujourd’hui par beaucoup de cinéphiles comme l’un des plus grands sex-symbols de l’histoire du cinéma.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Louise Brooks, Fritz Kortner, Francis Lederer, Carl Goetz, Alice Roberts, Gustav Diessl
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Lire aussi ce bel article sur Louise Brooks sur le site DVDclassiks
Voir les livres sur Louise Brooks

La boite de Pandore(1) Louise Brooks raconte dans l’un de ses articles (assemblés dans le livre Louise Brooks par Louise Brooks aux éditions Pygmalion, 1983) que Pabst lui expliquait au fur et à mesure ce qu’elle devait faire : « L’onéreuse traduction en anglais du scénario, que j’avais jetée au pied de mon fauteuil sans même l’ouvrir, avait déjà été récupérée par un assistant outré, provoquant un sourire goguenard chez Pabst. » Dans le même ordre d’idée, elle raconte comment Pabst s’est peu à peu ingérée dans sa vie privée, lui interdisant de sortir le soir par exemple. Plusieurs exemples montrent que, pour Pabst, Louise Brooks était Loulou.
(2) Louise Brooks raconte que Fritz Kortner, la considérant comme la pire actrice au monde, la haïssait et refusait de lui adresser la parole en dehors des scènes. Dans la scène où il la secoue et la malmène, il lui serra si fort le bras qu’elle eut des bleus pendant plusieurs jours. D’une manière générale, tout l’entourage de Pabst pensait qu’il avait été comme envoûté par la jeune actrice.
(3) La danse de Loulou avec la Comtesse est très probablement la première scène fortement suggestive d’amour lesbien au cinéma. Ajoutez à cela l’inceste, le libertinage, les dessous d’une bourgeoisie respectable, l’érotisme suggéré, il y avait de quoi choquer les esprits.

Versions :
Le film est maintenant disponible dans sa version originale intégrale de 133 minutes. Auparavant, la version la plus courante était celle de 109/110 minutes.
L’historien Georges Sadoul parle aussi d’une version française qui avait été totalement remaniée par la censure de l’époque : le fils devient un simple secrétaire, l’amie lesbienne devient une amie d’enfance, Loulou est acquittée au procès, Jack L’éventreur est gommé et Loulou s’engage à l’Armée du Salut à la fin du film….!
Le site IMDB parle d’une version de 152 minutes avec intertitres français qui serait au Musée du Cinéma à Bruxelles. Est-ce la version remaniée par la censure? Ce serait étonnant qu’elle soit ainsi beaucoup longue que l’originale.

Autres principales adaptations de la pièce de Frank Wedekind :
Erdgeist (1923) de l’allemand Leopold Jessner avec Asta Nielsen
Les liaisons douteuses (1962) de l’allemand Rolf Thiele avec Nadja Tiller
Lulu (1980) de Walerian Borowczyk avec Anne Bennent

Homonyme:
Loulou (1980) de Maurice Pialat avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu.