21 avril 2011

Une histoire immortelle (1968) d’ Orson Welles

Une histoire immortelleLui :
Un riche marchand se souvient d’une histoire qu’un marin lui a racontée : un vieil homme paie grassement un marin trouvé dans la rue pour coucher avec sa femme afin de lui donner un héritier. Lorsque son secrétaire lui affirme que cette histoire est en réalité une fable que tous les marins du monde racontent, le riche marchant décide de mettre en scène cette histoire afin qu’elle devienne authentique : « Si cette histoire n’est jamais arrivée, moi je la ferai arriver »… Une Histoire immortelle est adapté d’une nouvelle de Karen Blixen qu’Orson Welles admirait. Le film a été produit par l’ORTF, il est sorti simultanément en salles et à la télévision (1). Il s’agit du premier film en couleurs d’Orson Welles (2). Le film est court (58 minutes) mais l’histoire est assez riche, multi-facettes et très évocatrice. C’est à la fois une réflexion sur le mensonge de la mise en scène, sur le rapport entre l’Art et la réalité, sur la jeunesse perdue, sur le passé réel ou imaginé Une histoire immortelle que l’on fait revivre, sur le passé que l’on veut faire revivre et celui que l’on fait revivre. L’histoire se déroule au XIXe siècle dans la colonie portugaise de Macao mais elle est atemporelle et non marquée par le lieu. Hélas, le film est doublé en français et l’image n’est aujourd’hui plus parfaite : les blancs sont brûlés dans les scènes les plus lumineuses.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Jeanne Moreau, Orson Welles, Roger Coggio, Norman Eshley, Fernando Rey
Voir la fiche du film et la filmographie de Orson Welles sur le site IMDB.
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Remarques :
Ecrivaine danoise et authentique baronne, Karen Blixen a signé ses livres sous le nom d’Isak Dinesen. Parmi ses autres livres adaptés au cinéma, on notera Out of Africa et Le festin de Babette. L’adaptation française d’Une Histoire Immortelle est signée Louise de Vilmorin.

(1) Une Histoire immortelle a été diffusé pour la première fois à la télévision française le 24 mai 1968, certainement pas la période idéale pour ce genre d’histoire (24 mai est d’ailleurs le jour où le Général De Gaulle a fait une intervention télévisée pour proposer un référendum).
(2) Orson Welles avait toutefois tourné certaines scènes de son film (inachevé) de 1942 It’s all true en couleurs. Il a un jour déclaré que seuls les cinéastes japonais savaient utiliser au mieux la couleur.

3 avril 2011

L’oeil du malin (1962) de Claude Chabrol

L'oeil du malinLui :
Un jeune homme s’immisce dans la vie d’un couple bourgeois dont l’ostensible bonheur l’exaspère… L’œil du Malin est un film assez peu connu du début de carrière de Claude Chabrol. Son aspect le plus remarquable est de préfigurer certains de ses films ultérieurs, notamment La femme infidèle. On retrouve ici en effet la même peinture d’un couple bourgeois qui, sous des apparences parfaites, recèle une bonne part de mensonge. L’ensemble est toutefois beaucoup maladroit ici, le point faible étant essentiellement le personnage du trublion, ce jeune homme qui va briser la carapace : le problème n’est pas tant qu’il soit parfaitement odieux et détestable mais qu’il soit odieux et rien d’autre. Très certainement, Jacques Charrier est un acteur qui possède un registre insuffisamment large pour ce rôle mais il y a aussi une certaine carence au niveau du scénario qui reste en surface du personnage et de ses motivations. La photographie est assez belle avec, en intérieurs, des éclairages travaillés. Film d’auteur, imparfait, L’œil du malin est un film qu’il est intéressant de regarder aujourd’hui avec la perspective des films ultérieurs du cinéaste.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Jacques Charrier, Stéphane Audran, Walter Reyer
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30 mars 2011

Tant qu’on a la santé (1966) de Pierre Étaix

Tant qu'on a la santéLui :
Tant qu’on a la santé est le troisième long métrage de Pierre Etaix. C’est un film en quatre tableaux ou quatre actes (Pierre Etaix refusait le terme de « film à sketches ») avec de multiples variations burlesques sur les objets et la vie quotidienne moderne. Pierre Etaix va ici beaucoup plus loin que Tati dans la satire de la vie moderne. S’il y a quelques passages plus faibles (notamment les scènes de vampires du premier acte), la plupart des scènes sont de très haut niveau, reposant sur une écriture très précise du scénario (coécrit avec Jean-Claude Carrière) : il faut voir, par exemple, la scène millimétrée du restaurant où le malheureux voisin de table de Pierre Etaix va ingurgiter un repas un peu particulier… un vrai petit bijou. Le film est ainsi parsemé de superbes trouvailles de gag. Pratiquement sans paroles, Tant qu’on a la santé est une petite merveille d’invention.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Pierre Étaix, Denise Péronne, Simone Fonder
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Remarques :
Les quatre actes :
1. L’insomnie : un homme, ne pouvant dormir, lit un livre racontant une histoire de vampires.
2. Le cinématographe : dans une salle de cinéma bondée, un spectateur a bien des déconvenues pour trouver une bonne place assise.
3. Tant qu’on a la santé : variations sur le stress du monde moderne
4. Nous n’irons plus au bois : un chasseur du dimanche, un couple cherchant un emplacement pour piqueniquer, un paysan qui met en place une clôture… tous se retrouvent dans le même petit bois…

Tant qu’on a la santé est sorti en 1966 dans une version avec, comme fil conducteur, le personnage interprété par Pierre Etaix. En 1971, Pierre Etaix l’a remonté comme il le désirait initialement, en l’articulant en quatre actes en ajoutant L’insomnie qu’il avait initialement tourné en court métrage en 1962 et qui n’avait pas été exploité. En contrepartie, une séquence est retirée du film : En pleine forme qui ressort en court métrage aujourd’hui.

30 mars 2011

En pleine forme (1966) de Pierre Étaix

En pleine formeLui :
(Court métrage 13 min) Initialement intégré à Tant qu’on a la santé, cette séquence a été retirée par Pierre Etaix du long métrage lors d’un nouveau montage en 1971. En pleine forme nous montre un jeune campeur adepte du camping sauvage qui s’éveille et tente de se faire un café avec une cafetière électrique… Délogé ensuite par un agent, il est envoyé dans un camping officiel… L’humour joue sur les objets et sur la reproduction des codes de la vie sociale au sein du camping. Pierre Etaix et Jean-Claude Carrière jouent aussi beaucoup avec les situations saugrenues pour créer l’humour, tel ce couple qui dort dans une toute petite tente parce que la grande abrite l’auto…
Note : 3 étoiles

Acteurs: Pierre Étaix
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27 mars 2011

Le soupirant (1962) de Pierre Étaix

Le soupirantLui :
Poussé par ses parents qui désirent le voir se marier, un jeune homme sort de ses livres d’astronomie pour s’intéresser à la gent féminine… Si Pierre Etaix est indéniablement inspiré par Buster Keaton, pour son visage imperturbable, et par Jacques Tati, pour son jeu avec les objets, son comique s’est orienté dans une voie très personnelle et cela est sensible dès son premier long métrage, Le soupirant. Pierre Etaix donne une dimension poétique et même onirique à son humour, dimension que ses grands prédécesseurs n’avaient pas à ce point. Son personnage donne l’impression de flotter sur un petit nuage. Sa gaucherie et ses hésitations le rendent attachant. Les gags sont nombreux, jamais trop ostensibles, avec beaucoup d’inventivité dans les interactions avec les objets. Le comique de Pierre Etaix est subtil et c’est peut-être cette subtilité qui l’a empêché de rencontrer un grand succès. Heureusement, presque cinquante ans après leur première sortie, ses films sont aujourd‘hui à nouveau disponibles dans une version parfaitement restaurée.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Pierre Étaix, Laurence Lignères, Claude Massot, Denise Péronne, France Arnel, Karin Vesely
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Remarque :
A la suite d’un imbroglio juridique, les films de Pierre Etaix ont été absents des écrans pendant de nombreuses années. Il aura fallu attendre 2010 pour les voir ressortir enfin, dans une version restaurée, en salles et en un coffret DVD.

21 mars 2011

Théorème (1968) de Pier Paolo Pasolini

Titre original : « Teorema »

ThéorèmeLui :
Un jeune homme, d’une beauté angélique, passe quelque temps dans une riche famille milanaise. Auprès de chacun des membres de la famille, il agit comme un révélateur, il ouvre des portes. Son départ va les laisser totalement transformés… Théorème part d’une hypothèse, d’une interrogation : que se passerait-il si un être supérieur rendait visite à une famille bourgeoise bien installée dans les codes de la société ? Notons que cet être absolu peut être vu comme un jeune Dieu ou un jeune diable (1). La « révélation » passe dans tous les cas par le sexe qui joue ici un rôle central, une passerelle vers un autre moi. A long terme, les effets sur chacun sont très variables et dépendent de l’individu puisque cela ira de la catatonie totale à l’explosion créative. En cette fin des années soixante, Théorème est un film très libre, sans contrainte, sans dogme ; Pasolini le définit plutôt comme un poème. Il parvient parfaitement à mêler réel et onirisme, on semble toujours osciller entre les deux. C’est aussi un film très beau, à la fois par ses images et ses cadrages très purs, et aussi par une belle utilisation du Requiem de Mozart.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Silvana Mangano, Terence Stamp, Massimo Girotti, Anne Wiazemsky, Laura Betti, Andrés José Cruz Soublette
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Remarques :
(1) L’Office catholique international du cinéma y a vu un jeune Dieu puisqu’elle a attribué un prix à Théorème. L’attribution de ce prix, quelque peu surprenant il est vrai, a fait grand scandale à l’époque, plus que le film lui-même…!

14 mars 2011

L’amour en quatrième vitesse (1964) de George Sidney

Titre original : « Viva Las Vegas »
Autre titre : « Love in Las Vegas »

L'amour en quatrième vitesseLui :
Il faut faire preuve d’une certaine indulgence en regardant Viva Las Vegas : si les films faits sur mesure pour Elvis Presley ne brillent généralement pas par la profondeur de leur scénario, celui-ci atteint le vide sidéral et le film fait preuve d’un machisme assez évident… Et pourtant, le film a tout de même un certain charme grâce à l’alchimie entre ses deux acteurs principaux qui semblent s’aimanter l’un l’autre. L'amour en quatrième vitesse Il n’est guère surprenant d’apprendre que l’aventure entre Elvis Presley et Ann-Margret s’est prolongée à la ville, au-delà de l’écran. A 23 ans, la jeune actrice d’origine suédoise était alors en train d’exploser : danseuse et chanteuse, elle déploie sa grâce féline et exhale une sensualité charmeuse. Musicalement, le morceau de choix est le C’mon Everybody de la scène de l’Université du Nevada, surtout pour sa chorégraphie pleine de punch où Ann-Margret éclipse assez nettement son partenaire. On notera aussi un très beau duo The lady loves me, plein d’humour et, bien entendu, le morceau-titre, Viva Las Vegas, malheureusement gâché par un play-back épouvantable.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Elvis Presley, Ann-Margret, Cesare Danova, William Demarest
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L'amour en quatrième vitesse L'amour en quatrième vitesse L'amour en quatrième vitesse L'amour en quatrième vitesse

Homonyme :
Viva Las Vegas de Roy Rowland (1956) avec Cyd Charisse

28 janvier 2011

Ces messieurs dames (1966) de Pietro Germi

Titre original : « Signore & signori »
Autre titre : « Belles dames, vilains messieurs »

Ces messieurs damesLui :
Ces Messieurs Dames est un film à sketches de Pietro Germi qui, bien qu’un peu oublié aujourd’hui, fut l’un des créateurs de la nouvelle comédie italienne dans les années cinquante. Les trois sketches traitent de la vie sexuelle de la moyenne bourgeoisie d’une grande ville de Vénétie. Premier sketch : avant de se rendre à une soirée, un homme confie à son ami médecin qu’il souffre d’impuissance. Rapidement, tout le monde est au courant et il doit endurer les sarcasmes… Deuxième sketch : un employé de banque, accablé de reproches par une femme insupportable et plus riche que lui, tombe amoureux de la caissière du café voisin. Il parvient à l’inviter et à la séduire… Troisième sketch : un petit groupe de notables profitent d’une jeune paysanne aguichante et peu farouche. Ils réalisent un peu tard que la jeune fille est mineure… Ces Messieurs Dames montre les déboires et les turpitudes du mâle italien, successivement roublard, victime ou coupable dans ces trois sketches. En commun, il y a le poids des conventions sociales qui ne tolèrent pas les écarts, du moins quand ils sont visibles. L’humour, très présent dans le premier sketch, reste une constante. L’ensemble est bien relevé par un belle vivacité des dialogues, avec des éclats hauts en couleur.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Virna Lisi, Gastone Moschin, Nora Ricci, Alberto Lionello, Olga Villi, Franco Fabrizi, Beba Loncar, Gigi Ballista
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Remarques :
* Ces Messieurs Dames a reçu la Palme d’Or à Cannes en 1966 (ex-aequo avec Un homme Une Femme de Lelouch). Pietro Germi dut aller chercher sa palme sous les sifflets et a lancé à ses détracteurs sa célèbre répartie : « Excusez-moi de vous avoir fait rire… »
* Bien que le nom (imaginaire) de « Regaza » soit utilisé pour désigner la ville, le film a été tourné à Trévise.

20 janvier 2011

Point limite (1964) de Sidney Lumet

Titre original : « Fail-safe »

Point limiteLui :
A la suite d’un malfonctionnement, un groupe de six bombardiers américains reçoit l’ordre d’aller bombarder Moscou. L’ordre ne peut être annulé que dans les cinq premières minutes mais les communications semblent brouillées… Point Limite a eu la malchance de sortir quelques mois après le Docteur Folamour de Stanley Kubrick. Tous deux traitent du même sujet, le déclenchement accidentel d’une attaque nucléaire sur la Russie, mais ils le font de façon très différente. Là où Kubrick a brillamment utilisé l’humour en montrant des militaires psychopathes, Sidney Lumet utilise le réalisme, se situant presque à la limite du documentaire. C’est ce réalisme qui rend le film si efficace et terrifiant. A part deux va-t-en-guerre, ses militaires et hommes politiques sont posés, ils prennent de bonnes décisions et pourtant on va droit dans le mur, vers une abominable catastrophe. En ce sens, le film est bien plus antimilitariste que celui de Kubrick. Tourné avec peu de moyen, Point Limite est efficace, même stressant car Lumet bâtit son suspense lentement en jouant avec les lieux clos et les gros plans. On se surprend à suer à grosses gouttes… Adapté d’un roman d’Eugene Burdick et Harvey Wheeler, le film a été tourné peu après l’affaire des missiles de Cuba et le fiasco de la baie des Cochons. En plus de démontrer le risque d’une guerre nucléaire, le film voulait aussi redorer l’image de Kennedy, ce qu’Henry Fonda, en kennedyiste convaincu, faisait de bonne grâce. Hélas le président a été assassiné peu après la fin du tournage. Point Limite n’a donc pas eu de chances avec les dates. C’est la compétition avec le film de Kubrick qui lui a fait le plus de mal : après avoir vu Dr Folamour, le public ne pouvait prendre au sérieux Point Limite. Le film est resté longtemps très largement sous-estimé.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Henry Fonda, Walter Matthau, Larry Hagman, Frank Overton, Edward Binns, Fritz Weaver
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Remarques :
Le film est si réaliste que l’US Army obligea la Columbia à ajouter un avertissement dans le générique de fin précisant que Point Limite est une pure fiction et que de tels évènements ne pourront jamais se produire.

12 janvier 2011

Viva Maria! (1965) de Louis Malle

Viva Maria!Lui :
Au début du XXe siècle en Amérique Centrale, Maria, fille d’un terroriste irlandais, rencontre Maria, chanteuse dans une troupe ambulante. Elles mettent sur pied un numéro de cabaret et « inventent » le striptease avant de prendre la tête d’une révolution. Viva Maria est un élégant divertissement, dynamisé par un couple de charme : Brigitte Bardot et Jeanne Moreau. Entre les deux actrices, la symbiose fonctionne parfaitement. La première partie du film est la plus réussie, assez pétillante et relevée par une série de gags. La seconde partie peut paraître un peu plus longue ; plus parodique, elle s’enlise parfois. Il faut saluer les effets pyrotechniques, les explosions n’étant jamais petites… Le scénario est un peu décousu, part parfois dans tous les sens mais l’ensemble reste très divertissant.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Brigitte Bardot, Jeanne Moreau, Paulette Dubost, George Hamilton
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Remarques : 
* La musique est de Georges Delerue.
* Parmi les assistants-réalisateurs de Viva Maria, on peut noter la présence de Juan Luis Buñuel (fils de Luis Buñuel) et celle de Volker Schlöndorff.
* Louis Malle décrit ainsi son film : « Un film d’action, avec des rires, des décors exotiques, et sans traumatisme de l’esprit. »