14 février 2021

Jabberwocky (1977) de Terry Gilliam

JabberwockyÀ la mort de son père, le jeune Dennis décide de tenter sa chance en ville dans l’espoir de conquérir le cœur de sa dulcinée, Griselda, restée au village. Pendant ce temps, un horrible monstre surnommé Jabberwocky fait régner la terreur, tuant et anéantissant tout sur son passage. Voyant son royaume menacé, le roi Bruno le Contestable promet la main de sa fille à celui qui terrassera la bête…
Jabberwocky est le premier long métrage que Terry Gilliam réalise seul. Après le grand succès de Monty Python Sacré Graal (1975), Terry Gilliam ressent le besoin de s’évader du format du sketch court et de mettre en scène une histoire complète. John Cleese étant opposé à l’idée que ce soit un film des Monty Python, seul un autre membre de la bande de joyeux drilles est présent de façon importante : Michael Palin. Le reste de la distribution est composé d’humoristes très connus sur la scène anglaise de l’époque comme Max Wall ou John Le Mesurier. L’histoire est inspirée d’un poème de Lewis Carroll qui permet à Terry Gilliam de créer un univers médiéval grouillant de personnages exagérés à outrance, grotesques et souvent difformes. Gilliam dit avoir été inspiré par les peintures de Brueghel et de Bosch, ce qui est effectivement assez net dans certaines scènes. La société décrite est assez oppressante, le peuple étant maintenu dans une très grande pauvreté par quelques notables. Certains commentateurs le présentent ainsi comme une préfiguration du futur Brazil (1985) mais il s’agit ici principalement d’une farce et l’humour fonctionne d’ailleurs à merveille. Le budget fut assez réduit mais Terry Gilliam s’est montré particulièrement inventif et le résultat ne détonne pas dans sa filmographie, loin de là. Le film se revoit avec grand plaisir.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Michael Palin, Harry H. Corbett, John Le Mesurier, Warren Mitchell, Max Wall, Annette Badland
Voir la fiche du film et la filmographie de Terry Gilliam sur le site IMDB.

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Remarques :
* Jabberwocky vient d’être restauré en 4K, il est disponible chez Carlotta. L’interview en supplément de Terry Gilliam et Michael Palin est en outre très intéressante.

* Caméo : Terry Gilliam apparaît brièvement, il interprète l’homme qui prend de vulgaires cailloux pour des pierres précieuses.
Terry Jones (autre membre des Monty Python et co-réalisateur de Sacré Graal) interprète le braconnier dans la scène d’ouverture.

* Le Jabberwocky est un des poèmes les plus connus de Lewis Carroll. Le poème figure dans De l’autre côté du miroir (Through the Looking-Glass, and What Alice Found There, 1871). C’est un poème très particulier où Lewis Carroll triture et fusionne les mots. On entend les premiers vers en ouverture du film.
En triturant la langue et les mots, en inventant le mot-valise (qu’il appelle « portmanteau » en référence au mot français « porte-manteau »), Lewis Carroll ouvre une voie nouvelle pour les poètes et la poésie, qu’empruntent ensuite, en France, aussi bien Roussel et Artaud que Leiris, puis Queneau et les oulipiens comme Roubaud, Salon, Fournel ou encore Le Tellier. (Extrait Wikipédia)

JabberwockyMichael Palin dans Jabberwocky de Terry Gilliam.

22 mai 2019

La Mort de Staline (2017) de Armando Iannucci

Titre original : « The Death of Stalin »

La Mort de StalineLa Mort de Staline est une comédie satirique britannico-franco-belge réalisée par l’écossais Armando Iannucci. Il s’agit de l’adaptation de la bande dessinée française homonyme de Thierry Robin et Fabien Nury. L’histoire se concentre sur luttes de pouvoir entre les six principaux membres du Politburo, le tout artificiellement concentré sur les quelques jours qui suivent la mort du dictateur.
Mettre en scène des personnages si sombres avec humour n’est pas sans poser des problèmes de principe. Si Beria est bien présenté comme un personnage odieux et criminel, d’autres comme Malenkov apparaissent plus grotesques que dangereux alors qu’ils sont en réalité responsables chacun de dizaines de milliers de morts. Mais l’humour ne pourrait-il pas être l’une des meilleures armes contre les dictatures ? Ne serait-ce qu’en rappelant ces (mé)faits ?
Tous ces questionnements nous viennent toutefois après la projection car le film se révèle un vrai délice au niveau des dialogues, avec un humour acide et toujours très vif. Les acteurs sont anglais et américain. La prestation de Steve Buscemi en Khrouchtchev est la plus démonstrative et jouissive. On notera aussi la présence de l’ex-Monty Python Michael Palin. L’histoire reste assez proche de la réalité historique ; le plus terrifiant dans tout cela est que ce sont les évènements qui paraissent les plus improbables qui sont en fait les plus authentiques (1).
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Steve Buscemi, Simon Russell Beale, Jeffrey Tambor, Michael Palin, Jason Isaacs, Olga Kurylenko, Rupert Friend
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Remarques :
* Entendre tous ces soviétiques s’exprimer en anglais/américain populaire (avec la cargaison de f… qui s’impose) dérange quelque peu en début de film mais on s’y habitue.
* Le film a été interdit de projection en Russie au motif qu’il « s’en prend à des symboles nationaux. »

(1) Par exemple sont authentiques : le concert refait, les repas-souleries face à Staline, le corps inanimé gisant dans une flaque d’urine pendant des heures, l’absence de secours car personne n’osait prendre d’initiative, l’absence de médecin personnel car tous avaient été congédiés ou déportés, les 1600 morts dans la bousculade des funérailles, la femme de Molotov libérée, etc… En revanche, les luttes de pouvoir ont été bien plus étalées dans le temps. L’éviction de Béria eut lieu trois mois après le décès, on ne connait d’ailleurs toujours pas le déroulement exact de son exécution.

La Mort de Staline
Michael Palin (Molotov), Jeffrey Tambor (Malenkov), Rupert Friend (fils de Staline), Steve Buscemi (Khrouchtchev) et Simon Russell Beale (Beria) dans La Mort de Staline de Armando Iannucci.

La mort de Staline
Steve Buscemi, Olga Kurylenko (la pianiste Maria Youdina) et Simon Russell Beale dans La Mort de Staline de Armando Iannucci.

La Mort de Staline
Steve Buscemi, Simon Russell Beale et Adrian McLoughlin (au sol) dans La Mort de Staline de Armando Iannucci.

23 novembre 2016

Monty Python – Sacré Graal! (1975) de Terry Gilliam et Terry Jones

Titre original : « Monty Python and the Holy Grail »

Monty Python sacré graal!Angleterre, an 932. Le roi Arthur parcourt la campagne pour recruter ses Chevaliers de la Table Ronde et entreprendre la sainte quête du Graal… Les Monty Python ont eut bien du mal à trouver le financement pour faire leur premier long métrage, les producteurs considérant que Terry Gilliam et Terry Jones n’avaient pas l’expérience suffisante. Ce n’est que grâce aux groupes de rock Pink Floyd, Genesis et Led Zeppelin, tous de grands fans, qu’ils parviendront à réunir un budget minimal. Ce manque de moyens va tourner à leur avantage : ne pouvant s’offrir de vrais chevaux, ils contournent le problème en créant le gag des noix de coco, devenu leur gag le plus célèbre (1). Le tournage fut difficile, non seulement à cause du temps écossais humide mais aussi du fait de tensions au sein de l’équipe et de l’alcoolisme de Graham Chapman. Si le film manque un peu de cohésion globale, les saynètes qui le composent reposent sur des idées de gags brillantes, un humour qui fonctionne sur le fameux nonsense britannique (2). Il y eut un travail important de montage (Eric Idle parle de treize projections-tests) pour arriver à un résultat assez unique en son genre et qui reste dans nos esprits. Le succès fut important, notamment aux Etats-Unis où la popularité des Monty Python explosa.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Graham Chapman, John Cleese, Eric Idle, Terry Gilliam, Terry Jones, Michael Palin
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Monty Python Sacré Graal
John Cleese, Graham Chapman et Terry Jones chevauchant leur destrier dans Monty Python sacré graal! de Terry Gilliam et Terry Jones.

Monty Python Sacré Graal
Terry Gilliam et les fameuses noix de coco de Monty Python sacré graal! de Terry Gilliam et Terry Jones (c’est vrai qu’on peut se demander où ils ont trouvé ces noix de coco).

Monty Python Sacré Graal
John Cleese en français grand pourvoyeur d’injures très imagées du haut de ses remparts dans Monty Python sacré graal! de Terry Gilliam et Terry Jones.

(1) En Allemagne, le film est sorti sous le titre Die Ritter der Kokosnuß (= Le Chevalier à la noix de coco).
(2) Le nonsense n’est toutefois pas toujours là où on le pense : par exemple, le lancer de vaches repose sur un épisode historique (ou, plus exactement, une légende) : lors du siège de Carcassonne au VIIIe siècle par Charlemagne, alors qu’ils étaient sur le point de mourir de faim, les assiégés engraissèrent un porcelet avec leurs dernières réserves de blé et le jetèrent sur leurs attaquants pour laisser croire qu’ils avaient de la nourriture en abondance. La ruse fonctionna : Charlemagne leva le siège.

15 octobre 2016

La Vie de Brian (1979) de Terry Jones

Titre original : « Life of Brian »

La Vie de BrianBrian nait un 25 décembre en terre de Galilée. Sa mère est très étonnée de voir arriver trois rois mages. Elle veut les mettre dehors mais se ravise à la vue des cadeaux qu’ils apportent. Ils viendront les lui reprendre sans ménagement quand ils réaliseront qu’ils se sont trompés d’étable… Après l’arrêt de leur série TV Monty Python’s Flying Circus en 1974, les Monty Python se sont lancés dans les longs métrages. La Vie de Brian est le deuxième d’entre eux et le plus homogène, celui où les sketches s’enchainent parfaitement grâce à la présence d’un fil narratif directeur. L’humour est bien celui des Monty Python, pas de déconvenue de ce côté, un humour débridé où le nonsense et le saugrenu tiennent la plus grande part. Tout est de très bon niveau, il n’y a ni faiblesse, ni temps mort. Les six membres de l’équipe tiennent tous les rôles principaux, soit une demi-douzaine chacun. La cible de l’humour n’est pas tant la religion mais plutôt le fanatisme sous toutes ses formes, y compris politique (les groupuscules ne sont pas à la fête), et la bêtise qu’il engendre. Bien que le personnage de Jésus n’apparaisse que quelques secondes (et sans aucune moquerie), le film scandalisa certains spectateurs et fut même parfois interdit.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Graham Chapman, John Cleese, Terry Gilliam, Eric Idle, Terry Jones, Michael Palin
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La Vie de Brian
(De g. à d.) Michael Palin, John Cleese, Graham Chapman, Eric Idle, Terry Gilliam et Terry Jones sur le tournage de La Vie de Brian de Terry Jones.

Remarques :
* L’idée de départ vient d’une boutade : lassé de se voir poser la question par les journalistes « quel sera le titre de votre prochain film ? », Eric Idle a répondu pour les faire taire « Jésus-Christ, Lust of Glory » (« Jésus Christ ou la soif de gloire »). Cela eut l’effet escompté de les calmer mais aussi permit à l’idée de germer. Mais plutôt que de se centrer sur le personnage de Jésus, ils choisirent de se moquer du fanatisme en prenant un personnage né à la même époque.

* La chanson « Always Look on the Bright Side of Life » a été composée par Eric Idle.

* L’un des producteurs n’est autre que l’ex-Beatles George Harrison. Grand fan des Monty Python, il a mis sa maison londonienne en gage pour venir à la rescousse lorsqu’EMI s’est brutalement retiré une semaine avant le début du tournage. La phrase « Bernie, I said, they’ll never make their money back » à la toute fin est une pique destinée à Bernard Delfont qui était alors à la tête d’EMI Ltd.

* La Vie de Brian fut interdit pendant huit ans en Irlande, et pendant un an en Norvège (la publicité en Suède annonça : « un film tellement drôle que les Norvégiens ont dû l’interdire »). Le film ne fut pas distribué en Italie avant 1990, onze ans après sa sortie.

La Vie de Brian
(De g. à d.) Eric Idle, John Cleese, Michael Palin et Sue Jones-Davies complotent au sein du People’s Front of Judea dans La Vie de Brian de Terry Jones. (Anecdote : lorsque Sue Jones-Davies est devenue maire de la ville universitaire de Aberystwyth au Pays de Galles en 2008, l’une de ses premières actions a été de lever l’interdiction de projection de ce film qui durait depuis 30 ans !)

La Vie de Brian
(De g. à d.) John Cleese, Michael Palin et Graham Chapman dans La Vie de Brian de Terry Jones. A noter que Graham Chapman est celui qui a le moins de rôles différents puisqu’il interprète Brian qui est de presque toutes les scènes. A part Brian, il interprète un roi mage et le zozotant Biggus Dickus (ci-dessus).

18 août 2016

Absolutely Anything (2015) de Terry Jones

Absolutely AnythingLancée en 1972 pour explorer les confins du système solaire et porter un message pacifique, la sonde Pioneer 10 est capturée par des créatures extraterrestres, représentants d’un groupement de civilisations très avancées. Pour savoir s’il faut détruire la Terre ou pas, ils décident de donner des super pouvoirs à un humain-test et observer s’il les utilise pour faire le bien ou pour faire le mal. Le tirage au sort désigne un professeur célibataire qui vit avec son chien… Ecrit et réalisé par l’ex-Monty Python Terry Jones, Absolutely Anything est une amusante comédie à l’humour très british. Le début a un petit air de Guide du Routard Galactique (de Douglas Adams) pour évoluer ensuite vers un humour nonsense qui joue beaucoup avec le sens des mots : la formulation approximative des vœux entraine souvent des effets inattendus. Simon Pegg est très bien mais le personnage le plus réussi est celui-ci du chien, habilement utilisé et merveilleusement doublé par Robin Williams (qui n’a hélas pu voir la sortie du film, c’est son dernier film). Les seconds rôles manquent sans doute de consistance. Le personnage de l’américain est par exemple loin d’être aussi pittoresque que celui d’Un poisson nommé Wanda même s’il permet le même type d’humour sur le décalage anglais / américain. L’ensemble est tout de même assez réussi même s’il laisse l’impression qu’il aurait pu l’être encore plus. Cela fait du bien de retrouver l’humour Monty Python.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Simon Pegg, Kate Beckinsale, Rob Riggle, Robin Williams
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Absolutely anything
Simon Pegg et Kate Beckinsale dans Absolutely Anything de Terry Jones.

Absolutely anything
Le chien Mojo (prénommé Dennis dans le film) et Simon Pegg dans Absolutely Anything de Terry Jones.

Remarques :
* Le film réunit cinq ex-Monty Python qui font les voix des aliens : John Cleese (le chef), Terry Gilliam (l’alien méchant), Eric Idle (Salubrious Gat), Terry Jones (l’alien scientifique), Michael Palin (le gentil alien) (le sixième Monty Python, Graham Chapman, est décédé en 1989). Terry Jones a déclaré que ce serait certainement la dernière fois qu’ils apparaissent ensemble. Terry Jones fait également une courte apparition (le conducteur de la camionnette qui renverse le vélo de Neil).

* Pour l’idée de départ, Terry Jones dit s’être inspiré de la nouvelle de H.G. Wells L’homme qui pouvait accomplir des miracles. Cette nouvelle a été portée à l’écran par le producteur anglais Alexander Korda en 1936 sous le titre The Man Who Could Work Miracles avec Roland Young.

* Le dernier contact avec Pioneer 10 date de 2003. Une tentative de contact a été faite en 2006. La sonde n’a pas répondu. Elle continue néanmoins sa course qui devrait lui permettre d’atteindre Aldébaran dans deux millions d’années (à noter dans son agenda…)

9 juin 2013

Brazil (1985) de Terry Gilliam

BrazilDans une société dominée par une administration oppressante, un jeune employé tente de s’évader de la grisaille de son quotidien par ses rêves où il vole au secours d’une jeune fille. Un jour, il l’aperçoit en chair et en os et cherche à la rencontrer… Brazil est un film hors-normes comme on en voit peu. Terry Gilliam a imaginé et brillamment mis en images un monde kafkaïen où l’administration a enflé de façon démesurée. Bien que le qualificatif ait souvent été donné au film, ce n’est en aucun cas un monde futuriste, il n’y a d’ailleurs aucun objet ou élément futuriste dans le film. En revanche, on peut dire que Brazil brasse les époques ce qui renforce son côté atemporel : que ce soit dans les objets, les décors ou les costumes, il y a un savant mélange des cinquante dernières années. Mention particulière doit être faite des conduits et tuyaux qui, figure allégorique de l’administration, ont enflés pour devenir aussi envahissant que sources de dysfonctionnement. Sam Lowry est un personnage sans ambition qui tente vainement de s’échapper de ce monde : dans ses rêves, la jeune femme représente l’espoir et le samouraï le système. Terry Gilliam ne cherche pas à adoucir son propos avec un happy end, Brazil est un film plutôt sombre. C’est aussi un film extrêmement riche, qu’il faut voir plusieurs fois ; Terry Gilliam donne libre cours à toute sa créativité. L’humour est très présent mais il peut apparaître très soudainement pour s’effacer aussitôt. Brazil est à classer parmi les 5 ou 10 films les plus créatifs de toute l’histoire du cinéma.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jonathan Pryce, Robert De Niro, Katherine Helmond, Ian Holm, Bob Hoskins, Michael Palin, Kim Greist
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Remarques :
Brazil* A la sortie du film aux Etats-Unis, Terry Gilliam se heurta à Sid Sheinberg, alors à la tête des Studios Universal. Pour ce dernier, le film était trop long, trop compliqué et avait le défaut de mal se terminer. Il fit refaire un montage, une version de 94 minutes (au lieu de 142) désignée sous le nom « Love Conquers all ». Terry Gilliam fut toutefois habile en médiatisant l’affaire et, finalement, Sheinberg renoncera à sortir cette version courte en salles. Elle ne sera montrée qu’à la télévision. Cette version réduite est présente en bonus de l’édition en LaserDisc (coffret) et de certains DVD. Jack Mathews raconte cette bataille dans son livre « The Battle of Brazil » (Crown, 1987)

* Terry Gilliam a choisi le titre Brazil pour son film après avoir vu un homme seul sur une plage, par mauvais temps dans un environnement industriel et poussiéreux, qui écoutait cette chanson. C’était, à ses yeux, le symbole du fort besoin d’évasion de l’homme malgré l’adversité, son désir de rendre son environnement moins gris.

Brazil* A la sortie du film Les Aventures du baron de Munchausen, Terry Gilliam a parlé d’une « trilogie du rêve » formée par Time Bandits (1981), Brazil (1985) et Munchausen (1988). Il est vrai que les trois films utilisent le rêve comme moyen d’évasion et le personnage principal avance en âge. Terry Gilliam a toutefois déclaré par la suite que parler de trilogie était peut-être un peu prétentieux de sa part…

* Lors du premier rêve de Sam, au début du film, la chanson Brazil est interprétée par Kate Bush.

* La scène où Sam découvre le visage du samouraï qu’il vient de tuer et voit son propre visage peut être interprétée de deux manières :
1. Sam est lui-même un membre de l’administration qu’il combat.
2. Gilliam a lancé lors d’une interview qu’il s’agissait d’une simple boutade car « samouraï » en anglais est proche de « Sam or I » ou encore proche en écriture de « Sam-U-R-I » (= Sam, you are I ).

* La voiture conduite par Sam est une Messerschmitt KR 175 (automobile produite entre 1953 et 1964).

* Le scénario a été écrit par Terry Gilliam, Tom Stoppard et Charles McKeown.

* Avec son humour habituel, Terry Gilliam dit s’être inspiré du livre de George Orwell 1984 tout en précisant aussitôt qu’il n’a jamais lu le livre. Le réalisateur dit avoir pendant longtemps désigné son film sous le titre 1984 ½ (clin d’oeil au 8 ½ de Fellini) mais il peut s’agir d’une boutade car les premiers scripts se nomment The Ministry. D’ailleurs, il n’est pas si proche de l’univers de 1984 : Orwell a imaginé (en 1945) une société où une technologie évoluée était au service d’un pouvoir fasciste. Dans Brazil, la technologie n’est en rien évoluée, elle est poussive et la question du régime politique n’est pas directement abordée. C’est l’administration qui a enflé de façon démesurée et, avec elle, ses dysfonctionnements…


Versions principales :
– Version sortie en Europe de 142 mn
– Version sortie aux Etats-Unis de 132 mn
– Version TV « Love Conquers all » de 94 mn.

Regarder la version Love Conquers all  est intéressant car cela permet de mesurer comment le montage peut créer un film assez différent et également de voir le formatage du cinéma hollywoodien en pleine action. Globalement, cette version met au centre du film l’idylle entre Sam et Jill, supprime toutes les scènes de rêve sauf la première et la dernière (qui devient la fin réelle), simplifie beaucoup de choses, enlève tout ce qui est trop subtil. Sam devient un super-héros qui a vaincu l’administration et gagné le coeur de la belle… Happy end.