8 juillet 2014

Mogli pericolose (1958) de Luigi Comencini

Traduction du titre : « Femmes dangereuses »

Femmes dangereusesQuatre couples passent un week-end à la campagne. Pendant que les maris sont partis à la chasse, les femmes parlent des hommes. La jeune Ornella n’est pas d’accord pour dire qu’ils sont tous volages : elle sait qu’elle peut faire confiance à son mari. Son amie Tosca lui propose de faire le pari qu’elle parviendra à le séduire. De retour à Rome, elle met son projet à exécution… Ecrit et réalisé par Luigi Comencini, Mogli pericolose est une comédie légère sur les rapports entre hommes et femmes à l’intérieur du couple et plus précisément sur les dangers de la jalousie excessive. Comme beaucoup des comédies italiennes de cette époque, Mogli pericolose dresse un portrait de la classe moyenne, celle qui sort triomphante de la reconstruction italienne, suffisamment aisée pour oublier tout problème matériel et se concentrer sur ses rapports humains. Le fond est un peu moins superficiel qu’il n’en a l’air même si l’étude n’est pas très profonde. Sans trop forcer le trait ni verser dans la caricature, Comencini utilise les quatre couples pour montrer quatre situations très différentes (confiance, déséquilibre, suspicion, conflit ouvert). L’humour est créé à partir des tensions, des drames qui se nouent. L’ensemble est très amusant, servi par un très bon plateau d’acteurs. On se demande pourquoi le film est si rare.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Sylva Koscina, Renato Salvatori, Dorian Gray, Franco Fabrizi, Pupella Maggio, Mario Carotenuto
Voir la fiche du film et la filmographie de Luigi Comencini sur le site IMDB.

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Remarques :
* Mogli pericolose n’est jamais sorti en France. Il a été diffusé pour la première fois à la télévision au Cinéma de Minuit de Patrick Brion en mars 2014.

* A propos de l’humour, Comencini précise :
« Une chose est certaine: pour faire un film comique, il faut inventer des histoires vraiment tragiques. (…) Le rire est une manifestation de la méchanceté humaine. Charlot a toujours fait rire seulement avec ses malheurs. Quand finalement les choses s’arrangent pour lui, sur l’écran apparaît le mot « fin ». Beaucoup plus modestement, Mogli pericolose se propose de faire rire en montrant les dangers et les désastres qui plus ou moins pointent le bout du nez dans toutes nos maisons. Dans le film, ces dangers et ces désastres ne pointent pas le bout du nez, ils débordent avec toute leur force, leur insistance aveugle et persistante, et ils font rire. » (interview publié dans Tempo du 25/11/58 cité dans le livre de Jean A. Gili sur Comencini).
C’est une citation très intéressante même si l’on peut penser que Comencini oublie de prendre en compte le recul qu’offre le cinéma et sa fonction de miroir. C’est en tous cas, un beau sujet de réflexion…

14 octobre 2013

Un vrai crime d’amour (1974) de Luigi Comencini

Titre original : « Delitto d’amore »

Un vrai crime d'amourA Milan, Carmela et Nullo se sont croisés à l’usine où ils travaillent et sont tombés instantanément amoureux l’un de l’autre. Il est lombard et syndicaliste. Elle est sicilienne… Ecrit par Comencini et Ugo Pirro, Un vrai crime d’amour est un film qui va beaucoup plus loin qu’attendu. Sous couvert d’un mélodrame reprenant certains des codes du genre, Comencini aborde plusieurs des grands problèmes de l’Italie des années soixante-dix : le déracinement des italiens du sud qui vont chercher du travail au nord, le mépris des italiens du nord envers les italiens du sud du fait des différences de culture, l’émancipation des femmes, la pollution industrielle destructrice du cadre de vie, les conditions de travail dans les usines. On peut y ajouter l’immobilier avec ses grands ensembles impersonnels et la société de consommation puisque l’usine produit un objet dont l’utilité n’est pas évidente (1). L’histoire d’amour donne des atours grand public à ce propos engagé, presque militant, et en décuple la portée. Cela peut aussi dérouter puisque, à sa sortie, le film a été laminé par la critique italienne, de droite comme de gauche (2), et a été peu remarqué lors de son passage à Cannes. Pourtant Comencini parvient ici à un très bel équilibre empreint d’humanisme. Ses deux personnages sont particulièrement attachants.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Giuliano Gemma, Stefania Sandrelli
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(1) L’usine produit une sorte de cylindre métallique creux d’une vingtaine de centimètres, qui pourrait ressembler à une douille d’obus. La jeune fille se pose la question de son utilité : « Je me demande si nous n’en produisons pas trop ». « Ne t’inquiète pas pour cela » lui répond son fiancé, « s’il nous les font produire, c’est qu’ils les vendent. »

(2) Luigi Comencini : « On retrouve là une vieille polémique : si les films ne sont pas intellectuels, ils ne sont pas de gauche. Les histoires simples ne sont pas bonnes parce qu’elles sont populaires et que donc elles sont trop faciles. » (Entretien avec Jean A. Gili, octobre 1974)

23 juillet 2012

L’argent de la vieille (1972) de Luigi Comencini

Titre original : « Lo scopone scientifico »

L'argent de la vieilleTous les ans, une riche américaine vient passer quelques jours dans une somptueuse villa de Rome. Elle a pour habitude de jouer aux cartes avec un couple habitant le bidonville situé au pied de la colline. La vieille dame leur donne à chaque début de soirée un million de lires qu’ils perdent invariablement mais ils nourrissent l’espoir de gagner un jour… L’argent de la vieille est un film ambivalent à plus d’un titre. D’abord, sous couvert d’une comédie, le film a un contenu politique puissant ; ensuite, à l’aide d’un cas très particulier, il propose une vision on ne peut plus générale. Ce que l’on peut prendre au départ comme le gentil passe-temps d’une vieille dame est donc en réalité un jeu cruel dont les dés sont pipés, parabole sur les différences de classe entre riches et pauvres, capitalisme américain contre vieille Europe. Il faut tout l’art d’un grand metteur en scène pour parvenir à ce subtil équilibre entre les multiples composantes mises en œuvre, entre la comédie et le drame, entre la légèreté et la profondeur. Le film est très prenant. Les personnages sont hauts en couleur, avec de très nombreux seconds rôles très typés mais sans excès. Comencini dit avoir soigné les personnages des enfants, les seuls à ne pas tomber dans le panneau et desquels vient la solution ultime et radicale (qui est bien entendu une image : c’est le capitalisme qu’il faut tuer selon Comencini). L’argent de la vieille connut un beau succès. Il paraît toujours aussi actuel aujourd’hui.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Silvana Mangano, Joseph Cotten, Bette Davis, Mario Carotenuto
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Remarques :
* Oublié par les distributeurs, L’argent de la vieille n’est sorti en France qu’en 1977.
* Le scénario a été écrit par Rodolfo Sonego qui s’est inspiré d’un fait divers dont il avait été lui-même le témoin.
* Joseph Cotten a un rôle plutôt réduit : « Est-ce que mon dos a bien joué? » demandait-il à Comencini sur le tournage.

6 janvier 2012

Casanova, un adolescent à Venise (1969) de Luigi Comencini

Titre original : « Infanzia, vocazione e prime esperienze di Giacomo Casanova, veneziano »

Casanova, un adolescent à VeniseA Venise, le jeune Casanova est élevé par sa grand-mère puis reçoit une bonne éducation grâce à un protecteur abbé. Il se prépare à entrer dans les ordres… Luigi Comencini désirait tourner un film en costumes sur la vie et la société du XVIIIe siècle. Il choisit comme support un personnage bien connu du public et utilise les cinq premiers chapitres des « Mémoires de Casanova ». Mais, comme il le dit lui-même, le vrai thème du film, ce sont les conditions de vie, les coutumes, les rapports sociaux. Sur ce plan, le film est effectivement très riche, il fourmille de détails, offre un portrait très réaliste de la société (parfois même presque trop réaliste, comme dans cette scène assez effroyable de l’opération). C’est un portrait non édulcoré, Comencini nous montre une société proche de la décadence, sclérosée per ses contraintes sociales, où seuls les prêtres peuvent sortir de leur classe. Le film n’est pas dénué d’humour pour autant. Côté acteurs, seul Leonard Whiting, acteur beau mais terne, ne paraît pas à sa place. Les costumes sont à la fois beaux et réalistes. Casanova, un adolescent à Venise est aussi un spectacle, un spectacle instructif.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Leonard Whiting, Maria Grazia Buccella, Lionel Stander, Raoul Grassilli, Wilfrid Brambell, Tina Aumont
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Remarques :
Pour Casanova, un adolescent à Venise, Comencini s’est également inspiré d’autres écrits de l’époque et de peintures. Par exemple, la scène du rhinocéros est tirée d’une peinture de Pietro Longhi, peintre vénitien qui a peint de nombreuses de la vie quotidienne.