18 octobre 2013

Miss Oyû (1951) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Oyû-sama »
Autres titres français : « Mademoiselle Oyû », « Madame Oyû »

Madame OyûJapon, fin de l’ère Meiji (1). Lorsque Shinnosuke est présenté à Shizu en vue d’un mariage, il est ébloui par sa soeur Oyû, plus âgée. Bien qu’elle soit veuve, les conventions empêchent toutefois cette dernière de se marier car elle reste liée à son défunt mari par l’enfant qu’ils ont eu ensemble… Miss Oyû est adapté d’un roman à succès des années trente de Jun’ichirô Tanizaki. Ce triangle amoureux est rendu très puissant par la force des sentiments et la mise en scène, belle et épurée de Mizoguchi. C’est essentiellement un double portrait de femme, le personnage masculin étant, comme souvent chez Mizoguchi, particulièrement faible : ce sont les femmes qui décident pour lui. Il recherche avant tout la mère qu’il n’a que très peu connue. Les personnalités d’Oyû et de sa jeune soeur sont bien plus développées, fortes sans être complexes. Mizoguchi filme avec une certaine épure, avec une caméra qui sait se faire mobile (travelings latéraux) quand il faut et des cadrages qui jouent avec la distance ou la proximité. Miss Oyû est souvent considéré comme mineur dans la filmographie de Mizoguchi mais cette alliance (tant recherchée par les cinéastes) de force et de simplicité rend ce film assez remarquable.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Kinuyo Tanaka, Nobuko Otowa, Yûji Hori
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(1) L’ère Meiji est la période historique du Japon qui va de 1868 à 1912, sous le règne de l’Empereur Meiji. Cette période qui a vu l’ouverture du pays sur le monde extérieur est celle qui a le plus inspiré écrivains et cinéastes.

8 février 2013

Flamme de mon amour (1949) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Waga koi wa moenu »

Flamme de mon amourNous sommes au Japon, à la fin du XIXe siècle. Après la fermeture arbitraire de l’école pour jeunes filles qu’elle avait fondée, Eiko se rend à Tokyo et devient chroniqueuse dans le journal du Parti Libéral qui milite pour l’instauration d’une constitution… Dans la ligne de La Victoire des femmes qu’il avait tourné trois années plus tôt, Flamme de mon amour retrace le parcours de la militante féministe Hideko Fukuda (1), parfois surnommée « la Jeanne d’Arc japonaise ». S’il puise ainsi dans l’histoire du Japon, c’est pour mieux évoquer la situation actuelle de son pays et les nécessaires évolutions de société. Il met donc ostensiblement en relief le machisme des hommes (y compris au sein du parti le plus progressiste de l’ère Meiji) pour mieux montrer que la situation n’a pas tant évolué depuis. Par rapport à son film précédent, une incursion dans le néoréalisme à l’italienne, le style de Mizoguchi est ici plus formel, assez beau, avec de grands travellings et de belles envolées lyriques. Belle scène finale porteuse d’un élan et d’un optimisme assez inhabituel chez Mizoguchi. Flamme de mon amour est un grand et beau film féministe.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Kinuyo Tanaka, Mitsuko Mito, Kuniko Miyake, Ichirô Sugai
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Remarque :
Flamme de mon amour est adapté d’un roman de Kôgo Noda tiré de l’autobiographie de Hideko Fukuda , « Warawa no hanshogai ».

(1) Hideko Fukuda (1865-1927) est également connue sous son nom de jeune fille : Hideko Kageyama.

2 février 2013

Les Femmes de la nuit (1948) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Yoru no onnatachi »

Les femmes de la nuitDans le Japon de l’après-guerre, Fusako apprend que son mari dont elle espérait le retour est décédé. Elle doit subvenir seule à ses besoins et à celle de sa sœur qu’elle a retrouvée, entraineuse dans un cabaret. Elle en vient à envisager la prostitution… Impressionné par les premiers films néoréalistes italiens (1), Kenji Mizoguchi change de style et signe son film le plus sombre. Tourné en grande partie en décors réels, dans les quartiers pauvres d’Osaka encore fortement marqués par les dégâts de la guerre, Les Femmes de la nuit décrit la descente aux enfers de trois femmes qui en viennent à se prostituer pour simplement pouvoir vivre. Avec son scénariste Yoshikata Yoda, le réalisateur est allé à la rencontre des prostituées et parvient donc à une description très réaliste des relations qu’elles ont entre elles. Il montre comment ces femmes reproduisent la violence que la société leur fait subir. Ses images sont brutes et sans fard. Certaines scènes sont très fortes, assez violentes aussi. Toute la dernière scène du film est particulièrement poignante et puissante. En montrant la condition tragique de certaines femmes, Mizoguchi dresse aussi le portrait de son pays, dévasté et meurtri par la guerre, le montrant sans optimisme dans sa triste réalité.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Kinuyo Tanaka, Sanae Takasugi, Tomie Tsunoda, Mitsuo Nagata
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Remarques :
* Le film est adapté d’un roman d’Eijirô Hisaita.
* Un autre film de 1948 porte en français un titre très proche : Femmes dans la nuit (Women of the night) de l’américain William Rowland.

(1) Le premier grand film néoréaliste Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini est sorti en 1945.

 

29 janvier 2013

L’Amour de l’actrice Sumako (1947) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Joyû Sumako no koi »

L'amour de l'actrice SumakoProfesseur passionné de théâtre moderne, Shimamura choisit une jeune actrice en rupture pour interpréter la pièce d’Ibsen qu’il monte. Une relation étroite s’installe entre eux… Tourné peu après la fin de la guerre, L’amour de l’actrice Sumako est une biographie romancée de l’actrice Sumako Matsui (1886-1919), actrice célèbre à une époque où cela n’était guère concevable pour une femme. Le scénario est une fois de plus signé Yoshikata Yoda. Mizoguchi s’est volontairement écarté de la vérité, rendant son personnage plus sympathique qu’il ne l’était en réalité, pour mieux se concentrer sur son sujet : la passion pour l’Art. Pour lui, ses deux personnages, Shimamura et Sumako, vont tout sacrifier, famille et amis, affronter les critiques de l’intelligentsia, surmonter les obstacles. Le film manque un peu d’élan, on ne retrouve pas ici le souffle de création que l’on avait dans Cinq femmes autour d’Utamaro. Le film est quelque peu empâté par la relation amoureuse qui est amplifiée pour édulcorer l’ensemble mais se révèle être assez plate et conventionnelle. L’amour de l’actrice Sumako semble un film plutôt mineur dans la filmographie de Mizoguchi.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Kinuyo Tanaka, Sô Yamamura, Eitarô Ozawa, Eijirô Tôno
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Remarque :
En cette même année 1947, mais chez Toho le studio concurrent de la Shôchiku,  sortit un autre film sur la biographie de Sumako Matsui film que Mizoguchi aurait dit préférer à son propre film (!) :
L’actrice (Joyu) de Teinosuke Kinugasa (1947), film semble t-il perdu.
Ce film n’est pas à confondre avec L’actrice (Eiga joyu) de Kon Ichikawa (1987), film qui relate la carrière de Kinuyo Tanaka et ses relations avec Mizoguchi.

19 janvier 2013

Cinq Femmes autour d’Utamaro (1946) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Utamaro o meguru gonin no onna »

Cinq femmes autour d'UtamaroUn jeune élève de l’école de peinture traditionnelle Kano abandonne tout pour devenir le disciple d’Utamaro, graveur populaire qui sait mettre beaucoup de vie dans ses superbes portraits de femmes. Utamaro ne vit que pour son art et trouve ses modèles dans le « quartier des plaisirs » d’Edo… Kenji Mizoguchi réalise Cinq femmes autour d’Utamaro juste après la guerre. Après ces années d’horreurs et d’humiliation, il célèbre l’Art et la recherche de la beauté. La démarche du peintre Utamaro est parfaite pour illustrer cette quête d’absolu, le graveur étant totalement voué à son œuvre et sa recherche stylistique ; cette démarche entière ne pouvait que plaire à Mizoguchi qui s’est certainement identifié à son personnage. En outre, le réalisateur dresse le portrait des cinq femmes du titre et introduit l’amour comme étant un leurre puisqu’il ne mène qu’à la mort. Cinq femmes autour d’Utamaro fait partie, sans aucun doute, des plus beaux films sur l’Art.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Minosuke Bandô, Kinuyo Tanaka, Kôtarô Bandô, Hiroko Kawasaki
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Utamaro - Trois beautés de notre tempsRemarque :
Kitagawa Utamaro (1753-1806) est un peintre et graveur japonais dont les œuvres les plus connues sont ses représentations de femmes. Ses estampes sont très célèbres, y compris en Occident depuis le XIXe siècle. Il fut surnommé « le peintre des maisons vertes » (les maisons closes) pour ses très nombreuses estampes consacrées au Yoshiwara (quartier des plaisirs à Edo, aujourd’hui Tokyo). On peut voir plusieurs estampes d’Utamaro dans la collection de Claude Monet à Giverny (portraits de femmes et série sur les oiseaux).