16 novembre 2009

Les Lois de l’hospitalité (1923) de Buster Keaton et Jack Blystone

Titre original : Our hospitality

Our Hospitality Les lois de l’hospitalité est le second long métrage de Buster Keaton. Profitant d’une certaine vogue pour ce type d’histoires, il prend pour base une querelle entre deux familles qui eut lieu au siècle précédent et qui fit plusieurs morts. D’une histoire à priori tragique, il va faire un grand film comique Our Hospitality où il interprète un jeune homme qui revient dans son village natal et qui va être pourchassé par les membres d’une famille rivale. Après un court prologue, l’humour est constamment présent par petites touches. Passionné par les trains, Buster Keaton a reconstitué un trajet en train de 1830. Si beaucoup d’éléments sont assez farfelus (l’humour joue beaucoup avec les rails), la réplique de la locomotive et des wagons est quant à elle minutieuse (1). Le voyage est en tout cas pittoresque… L’autre moment fort du film est la scène dans les rapides où Buster Keaton prit (comme toujours) des risques insensés (2). Les lois de l'hospitalité Le résultat est, il est vrai, franchement spectaculaire. Natalie Talmadge était alors la femme de Keaton, le bébé du début du film est le leur et le mécanicien de la locomotive est Jo Keaton, le père de Buster. L’ensemble est à la fois amusant, charmant, bucolique, époustouflant. Les lois de l’hospitalité est indéniablement à ranger parmi les tous meilleurs films de « l’homme qui ne rit jamais ».
Note : 5 étoiles

Acteurs: Buster Keaton, Natalie Talmadge, Joe Roberts, Ralph Bushman, Craig Ward
Voir la fiche du film et la filmographie de Buster Keaton sur le site imdb.com.

La locomotive Rocket de Stephenson(1) La locomotive est une réplique de la première locomotive anglaise, la « Rocket ». Keaton a choisi cette locomotive anglaise plutôt qu’une américaine à cause de sa forme très pittoresque. A noter aussi que la réplique de la draisienne (vélo sans pédale), que Keaton utilise au début du film, était si parfaite qu’elle fut ensuite exposée au musée Smithsonian.
(2) Certaines scènes ont été tournées en décors réels. Dans la scène où Buster Keaton est emporté par les rapides, un accident de tournage faillit lui coûter la vie. Le filin de sécurité s’est rompu et il a alors réellement été emporté par les flots. Il n’a du son salut qu’à des branches auxquelles il put s’accrocher plus loin. Le tournage fut arrêté plusieurs mois, le temps qu’il se remette de ses nombreuses contusions et blessures contre les cailloux. La scène a été gardée, elle est présente dans le film.
Plus tard, en studios, il perdit connaissance lors de la scène où il est suspendu à une corde au sommet de la cascade. Il fallu une intervention pour lui vider les poumons qui étaient plein d’eau.

15 novembre 2009

Si tu crois fillette… (1971) de Roger Vadim

Titre original : Pretty maids all in a row

Pretty Maids All in a RowElle :
(pas vu)

Lui :
C’est le scénariste et producteur américain Gene Roddenberry (plus connu comme créateur de la série Star Trek) qui est allé chercher Roger Vadim en France pour adapter ce roman qui mêle la comédie sexy soft avec une trame policière. Nous sommes dans un collège californien au tout début des années soixante-dix, en pleine période de libération sexuelle et de l’amour libre. Professeurs et élèves, tout ce petit monde semble vivre sans aucun tabou ni entrave. Un jour, une élève est retrouvée assassinée. Un enquêteur enquête… Si tu crois fillette était un film provocateur à son époque (aujourd’hui, il serait tout bonnement inconcevable) et Vadim s’y entend pour rendre l’ensemble visuellement charmant mais sans tomber, on peut mettre cela à son crédit, dans le voyeurisme. Le film fit un gros flop. Malgré une bonne interprétation et quelques notes d’humour, l’ensemble paraît tout de même un peu creux et il faut voir Si tu crois fillette plutôt comme un divertissement très léger ou encore comme un vestige…
Note : 2 étoiles

Acteurs: Rock Hudson, Angie Dickinson, Telly Savalas, John David Carson
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14 novembre 2009

Charlot fait une cure (1917) de Charles Chaplin

Titre original : The cure

The CureElle :
(pas vu)

Lui :
(Court-métrage de 31 mn) Parmi les douze films que Charles Chaplin tourna pour la Mutual en 1916 et 1917, Charlot fait une cure fut l’un des plus populaires. Encore aujourd’hui, certaines personnes le décrivent comme le plus drôle qu’il ait jamais tourné. Un alcoolique arrive passablement éméché dans un lieu de cure thermale. Il n’a pour seul bagage qu’une grande malle remplie de bouteilles. The Cure Chaplin n’est pas ici dans son personnage de vagabond au chapeau melon (même si le dit-chapeau se trouve dans ses bagages, il ne le porte pas), il joue ici un personnage plutôt mondain, bien habillé et coiffé d’un canotier. Charlot fait une cure joue sur l’humour pur, notre alcoolique est bien entendu absolument opposé à ingurgiter une seule goutte d’eau et les interactions avec les autres pensionnaires sont riches en gags. Certaines scènes sont mémorables, comme celle de la porte à tambour (pas facile à passer quand on est passablement éméché) et surtout celle du bain thermal avec un masseur plutôt énergique. S’il n’a pas de dimension dramatique comme L’émigrant, qu’il tournera juste après, Charlot fait une cure nous montre Charlie Chaplin en artisan de génie du burlesque.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Charles Chaplin, Edna Purviance, Eric Campbell, Henry Bergman
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Remarque :
Le documentaire anglais Unknown Chaplin (Chaplin inconnu) de Kevin Brownlow (1982) nous montre, grâce à des chutes de film retrouvées, comment ce film a pris forme : au départ, Chaplin devait incarner un employé du centre de cure alors qu’un alcoolique arrivait éméché. Il y avait notamment toute une scène où il réglait la circulation des fauteuils roulants à la manière d’un agent de police à un carrefour, gag qui ne fut pas gardé lorsque Chaplin décida d’inverser les rôles et de jouer le client alcoolique. Chaplin construisait ainsi ses films, petit à petit, par essais successifs jusqu’à ce qu’il soit satisfait du résultat.

Les 12 films de Chaplin pour la Mutual (de mai 1916 à octobre 1917) :
1) The Floorwalker (Charlot chef de rayon)
2) The Fireman (Charlot pompier)
3) The Vagabond (Charlot musicien)
4) One A.M. (Charlot rentre tard)
5) The Count (Charlot et le comte)
6) The Pawnshop (Charlot brocanteur)
7) Behind the screen (Charlot machiniste)
8) The Rink (Charlot patine)
9) Easy Street (Charlot policeman)
10)The Cure (Charlot fait une cure)
11)The Immigrant (L’émigrant)
12)The Adventurer (Charlot s’évade)

13 novembre 2009

Le commando de Sa Majesté (1980) de Andrew V. McLaglen

Titre original : The Sea Wolves

The Sea WolvesElle :
(pas vu)

Lui :
Relatant un fait d’armes de la Seconde Guerre Mondiale, Le Commando de sa Majesté nous transporte aux Indes où un navire espion allemand, ancré en zone neutre, donne des renseignements aux sous-marins allemands qui rôdent en mer. L’Amirauté anglaise met sur pied une expédition non officielle pour aller neutraliser le navire, un commando composé d’anciens officiers plus vraiment très jeunes. L’histoire est donc basée sur des faits réels mais, hélas, le film ne leur rend guère hommage tant la réalisation semble molle et dénuée d’entrain. Les acteurs paraissent aussi fatigués que leurs personnages et l’on doit forcer son attention. Les quelques touches d’humour très british ne suffisent pas à relever l’ensemble qui montre beaucoup de mollesse.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Gregory Peck, Roger Moore, David Niven, Trevor Howard, Barbara Kellerman, Patrick Macnee
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12 novembre 2009

Le voleur (1967) de Louis Malle

Le voleurElle :
(pas vu)

Lui :
En adaptant un roman de Georges Darien, écrivain de la fin du XIXe siècle assez violemment anti-bourgeois, Louis Malle gomme les motivations sociales et politiques du héros, un bandit de haut vol, pour se concentrer sur l’aspect reconstitution. Sur ce plan, Le Voleur est assez remarquable, l’atmosphère de la société 1900 est parfaitement et minutieusement restituée. En revanche, le contenu manque quelque peu de sel et il ne reste que les performances d’un voleur dans le style Arsène Lupin sans flamboyance. Le film paraît ainsi très froid et semble même un peu vain, sans enjeu et sans portée (même si on peut penser que certains personnages secondaires, comme le curé dévoyé, pouvaient choquer les esprits beaucoup plus en 1967 que maintenant). De plus, il n’est pas certain que Jean-Paul Belmondo ait été le meilleur choix pour ce rôle, il semble totalement décalé dans ses habits et n’a pas l’élégance que son personnage est censé avoir. En revanche, les seconds rôles sont parfaitement tenus, surtout du côté féminin, avec une mention spéciale pour Geneviève Bujolds qui est absolument lumineuse dans ce film. Toutefois, au final, Le Voleur nous laisse sur un sentiment de déception.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Jean-Paul Belmondo, Geneviève Bujold, Marie Dubois, Julien Guiomar, Paul Le Person, Françoise Fabian, Marlène Jobert, Charles Denner
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11 novembre 2009

Leur morale… et la nôtre (2008) de Florence Quentin

Leur morale... et la nôtreElle :
(pas vu)

Lui :
Leur morale et la nôtre met en scène un couple de bons français, radins, mesquins et racistes, dans une histoire de voisinage. Dans le but de dénoncer la bêtise, Florence Quentin a choisi de forcer le trait, de faire une comédie très haute en couleur mais elle appuie trop fort sur la pédale. André Dussollier et Victoria Abril utilisent toute leur énergie pour rendre leur odieux personnages très crédibles ; le film tourne à la performance d’acteurs. Trop de caricature tue la caricature.
Note : 1 étoile

Acteurs: André Dussollier, Victoria Abril, Samir Guesmi, Micha Lescot
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10 novembre 2009

L’homme qui n’a pas d’étoile (1955) de King Vidor

Titre original : Man without a star
Autre titre  : L’homme sans destin (Belgique)

Man Without a StarElle :
(pas vu)

Lui :
Tourné très rapidement, L’homme qui n’a pas d’étoile n’en est pas moins un western assez fort : King Vidor parvient à donner à une histoire somme toute assez simple une vraie dimension de tragédie. Il y parvient  par son personnage principal, tenu brillamment par un Kirk Douglas qui semble survolté, à la limite d’en surjouer les côtés picaresques et joyeux. Nous sommes en plein Ouest, au moment précis où les premières clôtures barbelées ont fait leur apparition : sur les terres qui n’étaient alors à personne (« open land »), L'homme qui n'a pas d'étoile si ce n’est à l’Etat, certains éleveurs ont commencé à vouloir préserver des pâturages pour leurs énormes troupeaux. Kirk Douglas incarne un personnage comme Vidor les aime, c’est-à-dire un individualiste avec une forte personnalité, sans attache (d’où le titre, l’étoile dont il est question est une étoile du ciel et non une étoile de sheriff), d’abord rétif à toute organisation de la société mais qui devra s’adapter, lui aussi. L’homme qui n’a pas d’étoile est un western qui garde encore aujourd’hui beaucoup de sa force.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Kirk Douglas, Jeanne Crain, Claire Trevor, William Campbell, Richard Boone
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Remarques:
* Dans son autobiographie, King Vidor raconte qu’il voyait le film comme un pari : Kirk Douglas n’était libre que pour quatre semaines et il fallut concevoir et tourner le film très rapidement. Le tournage fut bouclé en 22 jours seulement !
* Il raconte aussi qu’il du abandonner le film (il partait en Europe pour tourner Guerre et Paix) avant de tourner la scène de l’emballement du bétail. Il fut très déçu du résultat (il est vrai que la scène n’est pas très forte et tourne court). C’est probablement pour cela qu’il n’a jamais considéré L’homme qui n’a pas d’étoile comme faisant partie de ses meilleurs films. Le film eut toutefois beaucoup de succès, à la fois populaire et critique.

Remake :
Un colt nommé Gannon (A man called Gannon) de James Goldstone (1968), film généralement peu estimé.

8 novembre 2009

L’émigrant (1917) de Charles Chaplin

Titre original : The immigrant

The ImmigrantEn 1916 et 1917, Charlie Chaplin est dans la période où il construit son personnage. Parmi les douze courts métrages qu’il tourne alors pour la Mutual, L’émigrant est le plus remarquable car il marque un tournant important. Alors que jusqu’ici ses films jouaient la carte du comique pur, c’est dans L’émigrant que Chaplin introduit pour la première fois un fond de situation tragique sur lequel l’humour vient prendre appui. Ici, il s’agit de la situation des immigrants qui arrivent aux Etats-Unis : The Immigranttraversée difficile, mauvais traitement par les services d’immigration et ensuite la pauvreté. Difficile de trouver plus tragique… et pourtant c’est l’humour qui domine. Le comique prend ainsi une dimension sociale, presque documentaire, qui élève incontestablement le film au dessus de ses semblables. L’émigrant a beau ne durer qu’une vingtaine de minutes, il est étonnamment riche. Il permet d’assister en quelque sorte à la naissance du « grand Chaplin ».
Note : 5 étoiles

Acteurs: Charles Chaplin, Edna Purviance, Eric Campbell, Henry Bergman
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Remarque :
The Immigrant* Au départ, le film ne devait comporter que la scène du restaurant. C’est en cours de tournage que Chaplin eut l’idée d’expliquer pourquoi le personnage joué par Edna Purviance se retrouvait sans le sou dans un restaurant.
* La genèse de ce film est expliquée dans le remarquable documentaire anglais Unknown Chaplin (Chaplin inconnu) de Kevin Brownlow (1982).
* Lors de la mise en accusation de Charlie Chaplin par la commission présidée par McCarthy au début des années cinquante, L’émigrant fut cité à charge par ses accusateurs : la scène où son personnage reçoit un coup de pied par l’employé du service d’immigration pour entrer aux Etats-Unis était à leurs yeux l’une des preuves manifestes de son anti-américanisme. De force, Charlie Chaplin dut quitter les Etats-Unis en 1952 pour aller s’établir en Suisse jusqu’à sa mort en 1977 (il ne remit les pieds aux Etats-Unis qu’une seule fois en 1972 pour recevoir un Oscar). Alimentée par le fanatisme et la peur, la bêtise humaine ne semble pas avoir de limite.

6 novembre 2009

Chaînes conjugales (1949) de Joseph L. Mankiewicz

Titre original : A letter to three wives

A Letter to Three WivesElle :
(pas revu)

Lui :
Chaînes Conjugales n’est que le sixième long métrage de Joseph Mankiewicz mais il y fait preuve d’une maîtrise du scénario et de la réalisation exceptionnelle. Alors qu’elles sont sur le point de prendre un bateau qui va les isoler du monde pour la journée, trois femmes reçoivent une lettre d’une amie qui leur annonce qu’elle part avec le mari de l’une d’elles. Toutes trois vont faire le point sur leur mariage, réfléchir à l’état de leur relation. Chaînes Conjugales est donc avant tout un film sur le mariage, sur les rapports entre hommes et femmes et la façon dont chacun peut gérer ses légères frustrations ou le sentiment de légère instabilité. Mankiewicz traite ce sujet sans manichéisme, tout n’est pas mauvais et tout n’est pas idéal, chacun doit composer. Comme toujours avec ce réalisateur, tout passe par les dialogues, profonds, riches et résultant d’une fine observation des caractères. Chaines conjugalesL’originalité est l’ajout d’une intrigue presque policière, on ne sait absolument pas lequel des trois maris est parti, et aussi l’utilisation de la quatrième femme, la voleuse de mari, en voix off pour jouer le rôle de narratrice (ce procédé a été maintes fois copié depuis). Il faut souligner le jeu très solide des acteurs, non seulement des trois femmes, toutes trois parfaitement différentes sans être trop typées, mais aussi des trois hommes, très consistants eux aussi dans leur personnage. Mankiewicz en profite pour dresser un portrait de l’Amérique moyenne en cette fin des années quarante, d’égratigner le snobisme et le culte de l’argent ; il livre une attaque en règle contre la publicité (radiophonique à l’époque) et contre une certaine détérioration du langage. Chaînes Conjugales montre un parfait équilibre, un déroulement parfait, un contenu étoffé ; c’est toujours un plaisir de le voir et de le revoir.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Jeanne Crain, Linda Darnell, Ann Sothern, Kirk Douglas, Paul Douglas, Thelma Ritter, Jeffrey Lynn
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* Le scénario est adapté d’un roman de John Klempner « Letter to five wives ». Il fut ramené à quatre femmes lors d’une première écriture, puis à trois par Darryl Zanuck. A ce propos, Mankiewicz dit modestement dans un interview : « J’aurais du y penser moi-même qu’il suffisait de supprimer encore une femme pour le raccourcir, mais j’étais encore inexpérimenté à l’époque. »
* L’historien et critique de cinéma Jacques Lourcelles rapporte qu’il arrive encore que, lors des passages à la télévision américaine, le film soit amputé de la tirade de Kirk Douglas contre la publicité.
* Un remake a été fait pour la télévision en 1985 par Larry Elikann.

5 novembre 2009

Les trois âges (1923) de Buster Keaton

Titre original : Three ages

Three Ages

Lui :
Après avoir réalisé presque vingt courts-métrages, Buster Keaton tourne enfin son premier long métrage : Les trois âges (1). Il s’inspire de la structure d’Intolérance de Griffith (2), c’est-à-dire un film où l’on suit la même histoire à trois époques différentes : l’âge de pierre, la Rome Antique et les temps actuels. Dans chacune de ces trois époques, un jeune amoureux tente de gagner la main d’une belle ingénue mais il est en compétition avec un homme qui a bien plus d’atouts que lui. Si la belle paraît plutôt empruntée à l’écran (3), Wallace Beery est parfait en concurrent quelque peu félon et bien entendu Buster Keaton déploie des trésors d’ingéniosité pour parvenir à ses fins, n’hésitant pas à accomplir des cascades périlleuses (4). Les gags s’enchaînent de façon constante, jouant beaucoup sur les anachronismes (l’homme préhistorique joue au golf, il neige à Rome pour la course de chars, …) Les Trois Ages remporta un grand succès et cela ne paraît guère étonnant quand on le visionne presque un siècle plus tard.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Buster Keaton, Wallace Beery, Margaret Leahy, Lillian Lawrence, Joe Roberts
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(1) Si le cinéma à ses débuts a fait une grande place au comique (à commencer par le premier film joué de toute l’histoire du cinéma : L’arroseur arrosé), le genre est resté cantonné au format court et moyen métrage (moins de 25 minutes soit 2 bobines) pendant plus de deux décennies. Il faut attendre le tout début des années vingt pour voir les premiers longs métrages de Charlie Chaplin, Harold Lloyd et Buster Keaton.
(2) Buster Keaton a déclaré par la suite que cette structure en trois époques permettait de sortir le film en trois courts-métrages si le long métrage n’avait pas marché. Il est difficile de savoir si cette affirmation est sérieuse ou pas. Le DVD de MK2 montre les séquences mises bout à bout : il en ressort que seule la partie moderne aurait été suffisamment longue et étoffée pour faire un court-métrage.
(3) L’actrice Margaret Leahy était une couturière anglaise qui gagna un concours organisé par les sœurs Talmadge (Norma et Constance) pour trouver une nouvelle actrice de premier plan. Hélas, une fois arrivée à Hollywood, il fut évident qu’elle était incapable de jouer et le réalisateur Franck Lloyd refusa de tourner avec elle. Joseph Schenck, co-producteur, l’imposa alors à Buster Keaton qui ne put refuser. Les trois âges fut le seul film où tourna Margaret Leahy… (Pour tout comprendre, il faut aussi savoir que Buster Keaton avait épousé en 1921 la troisième sœur Talmadge, Natalie, et que le mari de Norma Talmadge était alors… Joseph Schenck. Une histoire de famille donc.)
(4) La scène où Keaton saute d’un immeuble à l’autre qu’il manque de peu n’était pas prévue ainsi : Keaton se fit assez mal en tombant et mit trois jours à se remettre. Il décida de garder la prise et la compléta par une spectaculaire chute le long de l’immeuble, l’une des plus belles chutes du cinéma. A noter que la scène fut tournée à peu près au même endroit que la fameuse scène où Harold Lloyd se suspend aux aiguilles d’une horloge (Safety last), un endroit de Los Angeles où une petite colline permettait de créer un étonnant effet de perspective.
Hill Street Tunnel
Ci-contre : Photo du Hill Street Tunnel à Los Angeles peu après qu’il fut percé au début du XXe siècle. La photo donne une bonne idée des possibilités offertes. Le tunnel n’existe plus aujourd’hui, la colline a été aplanie dans les années cinquante.