27 mars 2011

Le soupirant (1962) de Pierre Étaix

Le soupirantLui :
Poussé par ses parents qui désirent le voir se marier, un jeune homme sort de ses livres d’astronomie pour s’intéresser à la gent féminine… Si Pierre Etaix est indéniablement inspiré par Buster Keaton, pour son visage imperturbable, et par Jacques Tati, pour son jeu avec les objets, son comique s’est orienté dans une voie très personnelle et cela est sensible dès son premier long métrage, Le soupirant. Pierre Etaix donne une dimension poétique et même onirique à son humour, dimension que ses grands prédécesseurs n’avaient pas à ce point. Son personnage donne l’impression de flotter sur un petit nuage. Sa gaucherie et ses hésitations le rendent attachant. Les gags sont nombreux, jamais trop ostensibles, avec beaucoup d’inventivité dans les interactions avec les objets. Le comique de Pierre Etaix est subtil et c’est peut-être cette subtilité qui l’a empêché de rencontrer un grand succès. Heureusement, presque cinquante ans après leur première sortie, ses films sont aujourd‘hui à nouveau disponibles dans une version parfaitement restaurée.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Pierre Étaix, Laurence Lignères, Claude Massot, Denise Péronne, France Arnel, Karin Vesely
Voir la fiche du film et la filmographie de Pierre Étaix sur le site IMDB.

Remarque :
A la suite d’un imbroglio juridique, les films de Pierre Etaix ont été absents des écrans pendant de nombreuses années. Il aura fallu attendre 2010 pour les voir ressortir enfin, dans une version restaurée, en salles et en un coffret DVD.

24 mars 2011

Le déjeuner sur l’herbe (1959) de Jean Renoir

Le déjeuner sur l'herbeLui :
Un éminent biologiste développe une théorie pour faire adopter l’insémination artificielle afin de faire progresser la race humaine. Nénette, déçue de l’amour après une expérience malheureuse, désire se porter volontaire. La jeune fille descend de son mas isolé de Provence alors que le guindé scientifique organise un déjeuner sur l’herbe pour officialiser ses fiançailles avec sa cousine… Parfois jugé réactionnaire quand il est sorti en 1959, le film de Jean Renoir prend une nouvelle résonnance aujourd’hui : il s’agit d’une fable assez poétique qui fustige le développement scientifique aveugle et prône le rapprochement à la nature. Avec le recul, le film peut paraître étonnamment visionnaire sur certains points. Le déjeuner sur l'herbe d'Edouard Manet Le titre est bien entendu une référence au tableau homonyme de Manet qui mêle, tout comme le film, nature, sexualité et intellectualisme. L’influence ou hommage à l’impressionnisme est d’ailleurs présente dans le film sous plusieurs formes, ne serait-ce que par cette glorification de la nature que son père, Auguste Renoir, a si souvent peinte (1). Catherine Rouvel peut aussi évoquer certains modèles du peintre. Le déjeuner sur l’herbe est un film plein de fraîcheur et de simplicité, avec une certaine naïveté attachante. Les personnages sont admirablement typés, volontairement avec excès pour certains. Paul Meurisse excelle dans ce style de personnage guindé, pompeux et maniéré ; le film regorge de seconds rôles hauts en couleur. Constamment, de petits détails relance l’humour, la satire. Le Déjeuner sur l’herbe est un film qu’il faut regarder avec un certain abandon pour se laisser gagner par sa grande fraîcheur.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Paul Meurisse, Catherine Rouvel, Fernand Sardou
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Renoir sur le site IMDB.

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Remarques :
(1) Le film a été tourné dans la propriété familiale des Renoir, « Les Collettes » à Cagnes-sur-Mer, où Auguste Renoir a vécu les vingt dernières années de sa vie. Jean Renoir était alors enfant.
Si les images sont remarquables, Jean Renoir a été probablement handicapé par le nouveau procédé qu’il testait, celui de filmer avec plusieurs caméras (de 3 à 8). Si ce système permettait effectivement de jouer des scènes avec une certaine continuité, évitant les interruptions et les reprises pour changer de plan, il était trop contraignant sur le placement des caméras car il fallait éviter que chacune ne soit dans le champ des autres. Il avait utilisé ce même procédé sur Le testament du Docteur Cordelier.
* Le berger à la flute est une figuration provençale du dieu Pan, le dieu de la nature et de la fécondité. Il peut être vu comme une façon pour Renoir de se représenter lui-même.

10 mars 2011

Le diable au corps (1947) de Claude Autant-Lara

Le diable au corpsLui :
Retraçant les amours d’un collégien avec une jeune fille mariée à un soldat parti au front, le roman autobiographique du très jeune Raymond Radiguet avait fait scandale dès sa sortie en 1923, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Claude Autant-Lara l’adapte au cinéma au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et le film choqua tout aussi profondément (1). Le cinéaste a rapporté que c’est le pacifisme du livre qui l’avait poussé à faire cette adaptation ; cet aspect est étonnamment assez absent du film final. Le diable au corps reste une belle ode à l’amour, celui qui est au dessus des guerres, des conventions sociales, de la raison. Gérard Philipe, ici dans son premier très grand rôle au cinéma, est parfait pour le rôle, fougueux et spontané. Micheline Presle apporte beaucoup de fraîcheur. On peut regretter la construction en flashback, qui n’apporte qu’une lourdeur inutile, et la platitude de certains dialogues qui peinent souvent à émouvoir. Pourtant certaines scènes sont très fortes comme celle, trop courte hélas, de leur second passage au restaurant parisien (Le Grand Véfour) ou très belles comme celle, également trop courte, de la promenade en barque. La mauvaise qualité (visuelle et surtout sonore) de la copie visionnée empêche quelque peu d’apprécier la qualité de la réalisation d’Autant-Lara.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Micheline Presle, Gérard Philipe, Denise Grey, Jean Debucourt
Voir la fiche du film et la filmographie de Claude Autant-Lara sur le site IMDB.
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(1) L’historien Georges Sadoul rapporte que, lors de sortie à Bordeaux, la presse locale écrivit : « Cette production ajoute le cynisme le plus révoltant à l’exaltation de l’adultère, en ridiculisant la famille, la Croix-Rouge et même l’armée. Devant le flot de boue qui monte, au nom du public, nous demandons que ce film ignoble soit retiré des écrans. » A Paris, de nombreux critiques jugèrent le sujet « répugnant ».

Remarques :
Raymond Radiguet est mort à l’âge de 20 ans en 1923 (de la fièvre typhoïde). Il a écrit deux romans : Le diable au corps et Le Bal du comte d’Orgel (qui a été adapté au cinéma par Marc Allégret en 1970).

Autres adaptations du roman :
Le diable au corps (Diavolo in corpo) de Marco Bellocchio (1986) avec Maruschka Detmers
Devil in the Flesh de l’australien Scott Murray (1989)
… toutes deux plus « racoleuses ».

7 mars 2011

L’affaire Farewell (2009) de Christian Carion

L'affaire FarewellLui :
S’inspirant de faits supposés réels, L’Affaire Farewell dévoile au grand jour l’une des plus grandes affaires d’espionnage de la Guerre Froide, un épisode qui aurait contribué à affaiblir l’Empire soviétique et, à long terme, contribué à provoquer sa chute. Nous sommes en 1983 à Moscou. Un colonel du KGB fournit à un petit cadre français sans histoire des informations capitales sur les agents de l’Est opérant à l’Ouest… Le rôle de ce colonel du KGB est tenu par Emir Kusturica, le réalisateur yougoslave montrant une présence étonnante à l’écran. Face à lui, Guillaume Canet est très crédible en homme dépassé par les évènements. Après une bonne mise en place, L’Affaire Farewell accuse une petite baisse de tension en milieu de film, devenant un peu répétitif, mais devient plus passionnant sur son derniers tiers, assez surprenant sur ses révélations finales. Sur le fond, il montre bien les rapports entre les services d’espionnage français et américains et la façon dont les seconds ont exploité les premiers. L’Affaire Farewell montre que le cinéma français sait aussi faire de bons films d’espionnage.
Note :  étoiles

Acteurs: Emir Kusturica, Guillaume Canet, Fred Ward, Ingeborga Dapkunaite, Philippe Magnan, Niels Arestrup
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5 mars 2011

Le grand Méliès (1952) de Georges Franju

Le grand MélièsLui :
Au début des années cinquante, Georges Franju réalise un court métrage sur la vie de Georges Méliès, pionnier du cinéma qui n’était pas, alors, pleinement reconnu. Ce film de 31 minutes est assez émouvant car le rôle de Méliès est tenu par son fils, André. Même s’il n’est visiblement pas un acteur, celui-ci donne un certain souffle au film, aidé par la présence de la seconde femme du réalisateur, Jeanne d’Alcy qui, à 87 ans, joue son propre rôle. Aucun texte n’est dit par les acteurs ; la narration est donnée en voix-off par François Lallement, collaborateur de Méliès à l’époque et parfois acteur (1). Le film retrace la vie du réalisateur dans ses grandes lignes, reconstitue la fameuse rencontre avec Louis Lumière, recrée le premier lieu de tournage en plein air, explique quelques trucages (notamment la tête qui grossit dans L’homme à la tête de choux) et la fin de Méliès comme vendeur de bonbons et de jouets à la Gare Montparnasse, le tout agrémenté d’extraits de quelques films, notamment du Voyage dans la Lune. L’ensemble est un peu austère mais constitue un bel hommage à ce grand pionnier du cinéma.
Note : 3 étoiles

Acteurs: André Méliès, Jeanne d’Alcy
Voir la fiche du film et la filmographie de Georges Franju sur le site IMDB.
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Remarques :
Rappelons que Georges Franju est, avec Henri Langlois, l’un des fondateurs de la Cinémathèque Française en 1936.

(1) Dans Le Voyage dans la Lune, François Lallement joue le personnage qui dirige le petit groupe de girls lors de la mise à feu. Il le précise lui-même dans sa narration.

Autre film documentaire :
La magie Méliès de Jacques Meny (TV, 1997)

4 mars 2011

Les derniers jours du monde (2009) de Arnaud Larrieu et Jean-Marie Larrieu

Les derniers jours du mondeElle :
Note : pas d'étoile

Lui :
Alors que la planète semble être au bord du goufre, un homme se remémore ses derniers jours et cherche à retrouver une jeune femme qu’il a aimée… Les intentions des frères Larrieu avec Les derniers jours du monde sont un peu délicates à cerner tant le film est un gigantesque fourre-tout mais il semble que ce soit l’amour et le désir, seul sentiment refuge en cas de certitude d’une fin proche. Le cataclysme est un véritable catalogue de toutes les catastrophes possibles (pollution, virus, guerre civile, guerre atomique, etc.) et les attitudes et les personnages semblent former un assemblage tout autant disparate. La crédibilité n’est visiblement pas recherchée par les réalisateurs mais, comme on ne croit à rien dans cette histoire, on s’en détache assez rapidement. Il reste un assemblage d’images-choc (scènes de foules assez incroyables à Pampelune), des références cinématographiques (scène du château-abri) et une brochette d’acteurs pour faire une belle affiche.
Note : 1 étoile

Acteurs: Mathieu Amalric, Catherine Frot, Karin Viard, Sergi López, Clotilde Hesme, Omahyra, Sabine Azéma
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28 février 2011

Cendrillon ou La pantoufle merveilleuse (1912) de Georges Méliès

Cendrillon ou La pantoufle merveilleuseLui :
(Muet, 24 minutes) Georges Méliès adapte pour la seconde fois le conte de Charles Perrault, Cendrillon. C’est bien entendu beaucoup plus long ici, le réalisateur a tendance à appuyer fortement ses effets et à prolonger les diverses transformations d’objets ou de personnages qui paraissent interminables. L’ensemble manque singulièrement de rythme. Cendrillon ou La pantoufle merveilleuse Comme pour tous les derniers films qu’il a tournés, on sent ici le fort décalage de Méliès avec les autres cinéastes en ce début des années 1910. Malgré tous les effets, la fixité de sa caméra se ressent et le côté théâtral de son cinéma paraît être une lourdeur.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Louise Lagrange, Jacques Feyder
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Précédente adaptation :
Cendrillon (1899) film de 6 minutes de Georges Méliès

Remarque :
Le dessin ci-dessus de Cendrillon ou La pantoufle merveilleuse est un dessin de Georges Méliès datant environ de 1930 (Collection de la Cinémathèque Française).

28 février 2011

À la conquête du pôle (1912) de Georges Méliès

À la conquête du pôleLui :
(Muet, 33 minutes) Les scientifiques du monde se rassemblent pour décider du meilleur moyen de transport à utiliser pour aller explorer le Pôle Nord. Un aéroplane est mis en construction. Puis commence un long voyage… A la conquête du pôle est une libre adaptation du roman de Jules Verne. La structure narrative du film rappelle fortement celle du Voyage dans la Lune qu’il a tourné dix ans plus tôt. Le traitement est aussi assez proche et on mesure là à quel point Méliès n’a pas suivi l’évolution du cinéma. Autant il était formidablement en avance sur son temps en 1902, aussi il paraît être plutôt en retard en 1912 : son cinéma semble comparativement trop théâtral  et c’est ce qui a provoqué sa forte baisse de popularité. La fibre créative, qui rend sa production si attrayante, paraît ici moins vive. À la conquête du pôle Le voyage dans les airs est particulièrement long et reprend le thème des signes du zodiaque animés que l’auteur/réalisateur a déjà utilisé plusieurs fois. Malgré quelques bonnes trouvailles, les scènes sur le pôle sont plutôt décevantes. A la conquête du Pôle fait hélas partie des derniers films qu’a tournés Georges Méliès.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Georges Méliès, Fernande Albany
Voir la fiche du film et la filmographie de Georges Méliès sur le site IMDB.

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Remarque :
On notera la façon dont les suffragettes sont ridiculisées par Méliès, allant jusqu’au plus mauvais goût (chute et empalement). Cela illustre bien à quel point l’action de ces suffragettes pouvaient déclencher des réactions hostiles et passionnées en cette veille de la Guerre de 14-18.

28 février 2011

Le tunnel sous la manche ou Le cauchemar franco-anglais (1907) de Georges Méliès

Le tunnel sous la manche ou Le cauchemar franco-anglaisLui :
(Muet, 15 minutes) Lors d’un sommet, les chefs d’état français et anglais dorment dans des chambres mitoyennes et font le même rêve : un tunnel sous la Manche est percé. Mais après l’euphorie, le rêve va se transformer en cauchemar… Ce film de Méliès est une comédie légère dont le ton (et même l’image parfois) est proche de celui de la caricature politique.
Note : 3 étoiles

Acteurs: 
Voir la fiche du film et la filmographie de Georges Méliès sur le site imdb.com.
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Remarque :
Méliès n’a pas (bien entendu) inventé le concept. Le projet d’un tunnel sous la Manche était déjà dans tous les esprits à cette époque et, ce, depuis de nombreuses années. Le percement d’un tunnel (uniquement ferroviaire puisque les automobiles étaient très peu répandues) avait même débuté en 1874 et été abandonné quelques années plus tard.

28 février 2011

Les quatre cents farces du diable (1906) de Georges Méliès

Les 400 farces du diableLui :
(Muet 17 minutes) Un mystérieux personnage donne à un inventeur et son valet des pilules magiques qui vont leur permettre de faire le tour du monde. Il n’exige en retour qu’une signature. Le malheureux ne sait pas qu’il vient de vendre son âme au diable qui n’aura de cesse de le tourmenter. Il part pour un grand voyage… Georges Méliès ne cherche pas ici à donner à l’histoire une once de vraisemblance, Les quatre cents farces du diable est plutôt une féerie d’effets spectaculaires, de transformations d’objets, d’apparitions. On a l’impression qu’il a voulu condenser tous ses effets en un seul film. Il fait preuve d’une inventivité remarquable : la transformation d’une série de malles de voyage en petit train est superbement inattendue, la course folle dans les astres est joliment onirique. Le rythme est soutenu, nous n’avons guère le temps de souffler et ne comptez pas sur un happy end à la fin ! Le film est aussi plein d’humour, notamment par le personnage du valet qui se comporte le plus souvent comme un bouffon. Belle réalisation et belles utilisation des couleurs.
Note : 4 étoiles

Acteurs: 
Voir la fiche du film et la filmographie de Georges Méliès sur le site imdb.com.
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Précision :
Mise en couleurs : non seulement, les films de Méliès étaient peints à la main, image par image, mais encore il fallait répéter l’opération pour chaque copie vendue car il n’y avait aucun moyen de les dupliquer. Cela paraît presque inconcevable à nos esprits d’aujourd’hui… La couche appliquée était bien entendu suffisamment transparente pour laisser apparentes les nuances de gris, ce qui permettait de colorier des « grandes » zones. Rappelons aussi que les films étaient vendus (et non loués) aux exploitants. La version couleur était bien entendu plus chère que la version noir et blanc.