2 janvier 2019

Whiplash (2014) de Damien Chazelle

WhiplashUn jeune batteur de jazz de 19 ans vient d’intégrer le prestigieux Shaffer Conservatory de New York. Il est repéré par le très exigeant Terence Fletcher, enseignant et chef d’orchestre…
Whiplash est un film remarquable à plus d’un titre. Tout d’abord, le scénario est très réduit mais il parvient néanmoins à nous captiver. Il faut y réfléchir après coup pour réaliser qu’il répète plus ou moins le même type de scène. Ensuite, et c’est sans doute l’explication, l’interprétation est admirable. J.K. Simmons et le jeune Miles Teller montrent tous deux une grande présence à l’écran. De plus, alors que le cinéma nous a habitués aux acteurs qui ne savent qu’à peine tenir un instrument de musique, Miles Teller est batteur depuis dix ans et J.K. Simmons se destinait au métier de compositeur avant de devenir acteur. Damien Chazelle (29 ans) a lui-même envisagé devenir batteur de jazz professionnel avant de se lancer dans le cinéma. Tout cela donne une grande authenticité à l’ensemble et Whiplash est sans aucun doute l’un des films qui approche le mieux la démarche et le travail d’un musicien. Le fond du propos est un peu confus puisqu’il semble fustiger la recherche à tout prix de la perfection, ce que vient contredire un happy-end plaisant mais antagonique. Le film a connut un grand succès.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Miles Teller, J.K. Simmons, Paul Reiser, Melissa Benoist
Voir la fiche du film et la filmographie de Damien Chazelle sur le site IMDB.

Remarques :
* Le titre fait référence au morceau Whiplash de Hank Levy, repris plusieurs fois dans le film.
* Ne parvenant pas à financer un long métrage, Damien Chazelle a d’abord réalisé un court-métrage qu’il présenta au Festival du film de Sundance en 2013. Grâce au Prix du Jury, il parvint à trouver le financement pour le faire en long métrage. J.K. Simmons interprétait déjà le professeur dans le court métrage.

Whiplash
Miles Teller et J.K. Simmons dans Whiplash de Damien Chazelle.

7 réflexions sur « Whiplash (2014) de Damien Chazelle »

  1. Les qualités du film sont manifestes. Le résultat est très réussi. Quant au fond du propos, la fin contredit en effet la critique de la performance à tout prix qui est développée tout au long du récit. Mais ceci relève, me semble-t-il, d’un procédé que l’on trouve dans certains films américains : faire valoir des objections fortes à l’encontre d’une méthode donnée, puis montrer en définitive que la considération du but (réussite, efficacité, victoire, etc) relègue toutes les objections au second plan. A ce titre, ce film, au-delà de l’éloge légitime qu’il fait de la persévérance dans l’action et des belles aptitudes qui peuvent en résulter, me paraît promouvoir implicitement la compétition interne acharnée qui caractérise aujourd’hui les sociétés occidentales. Je critique donc clairement l’intention profonde qui l’habite, mais je reconnais l’excellence de sa mise en scène et de son interprétation. Quoi qu’il en soit, c’est un film important. Vous avez bien fait de le chroniquer.

  2. Pour rebondir sur le propos de Vaugirard, je ne trouve pas que le film fasse l’éloge de la compétition. S’il fait la promotion de quelque chose, c’est plutôt celle du dépassement de soi.

  3. A Eric B. Whiplash promeut en effet le dépassement de soi. C’est sans conteste un des aspects les plus forts d’un film qui est avant tout une célébration du jazz et de la formation musicale (et une évocation fine de la démarche propre au musicien comme l’indique justement Lui). Mais, par ailleurs, il me semble qu’une seconde intention, nullement contradictoire avec la première, sous-tend le récit. On voit la relation maître-élève évoluer à la fin d’une manière qui, à mon sens, illustre le second sens de ce récit. De fait, la pression implacable du maître talentueux et infiniment exigeant ne débouche pas ici sur un drame comme dans « Les chaussons rouges » de Powell, ni sur la vengeance, mais sur une situation de rivalité pure où de plus en plus de coups sont permis de part et d’autre. Dans cette perspective, on peut considérer que l’émulation, même rude, est créatrice, du moins tant qu’on respecte certains principes.

  4. Personnellement, je n’ai pas trop senti cette compétition (le chef d’orchestre le met bien en compétition à un moment donné mais c’est plus une humiliation qu’autre chose car l’autre batteur n’est pas du tout du même niveau). Je n’ai pas perçu non plus de rivalité quelconque (sauf au tout début, mais c’est rapidement évacué).

    Je peux me tromper mais j’ai vu le film comme une critique ou au moins une réflexion sur la « méthode » qui consiste à pousser quelqu’un à bout pour obtenir le meilleur de lui. Laissant libre cours à son exigence, le chef d’orchestre emploie des méthodes pour le moins discutables, despotiques, dictatoriales et il pratique couramment l’humiliation, le harcèlement. Dans le cinéma, on a des exemples de metteurs en scène qui ont employé des méthodes similaires : on peut penser à Pialat par exemple (entre autres).

    Si c’est bien le propos du film, la fin vient tout casser puisque le chef parvient effectivement à tirer le meilleur du jeune batteur qui finit par se surpasser. Serait-ce le fameux « La fin justifie les moyens » que l’on voit si souvent dans les films hollywoodiens ? Ou est-ce un simple placage de happy end ?

  5. Il me semble qu’une des dimensions du film relève en effet de ce fréquent « la fin justifie les moyens ».

    Concernant le terme de « compétition » que j’avais utilisé dans le premier commentaire, il ne s’appliquait en fait qu’à la relation entre Fletcher et le jeune batteur, surtout à l’état final de cette relation, alors transformée par la volonté de l’élève de recourir désormais, lui aussi, à des moyens discutables. Devant le public, le jeune musicien semble ainsi entrer dans une compétition, quant aux procédés déloyaux employés, avec son maître. Ce que Fletcher accepte, puisqu’il reconnaît là, au fond, sa propre manière d’agir.

  6. Je comprends mieux votre propos.
    Une autre façon de voir l’état final de leur relation est celle d’un affranchissement : l’élève n’a plus besoin du maître.

  7. A mon avis Fletcher n’est pas un prof exigeant, c’est un pervers qui profite de sa fonction d’enseignant pour assouvir son besoin de domination. Avec Andrew on le voit repérer sa proie, l’attirer dans le filet dont il a fait sa classe, le faire souffrir autant physiquement ( les batteurs aux mains saignantes ) que moralement ( la peur qu’a le jeune étudiant de ne pas être à la hauteur ) et , on l’apprends au 3/4 du film , il a au moins un antécédent dans son comportement ( et hasard ? l’acteur J.K.Simmons a interprété un personnage similaire de taulard sadique dans la série carcérale Oz ). Et le plus fort dans l’histoire est que la musique et la maestria avec laquelle on la joue devient élément essentiel dans la progression du film et des rapports entre les deux hommes . Faut il l’en blâmer , est ce à cause de l’influence de Fletcher ou de sa passion pour la batterie , mais Andrew n’est pas vraiment exemplaire non plus : on le voit larguer sa pourtant amoureuse petite amie, être odieux avec des membres de sa famille, provoquer un accident de voiture . On le voit tout abandonner ( pour se préserver de Fletcher ? ) et retomber jusqu’à la formidable ultime scène ou la musique devient un piège diabolique ou il devra faire appel autant à son art qu’à sa ruse et son sens de l’improvisation ( la meilleure des qualités parait il chez les jazzmen ). Jusqu’à une abrupte dernière image ou tout restera ouvert à l’imagination du spectateur. Après deux visions j’ai envie de voir encore ce film tellement j’y ai pris du plaisir et reste intrigué . Maestro Chazelle !!!

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