10 mars 2011

Le diable au corps (1947) de Claude Autant-Lara

Le diable au corpsLui :
Retraçant les amours d’un collégien avec une jeune fille mariée à un soldat parti au front, le roman autobiographique du très jeune Raymond Radiguet avait fait scandale dès sa sortie en 1923, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Claude Autant-Lara l’adapte au cinéma au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et le film choqua tout aussi profondément (1). Le cinéaste a rapporté que c’est le pacifisme du livre qui l’avait poussé à faire cette adaptation ; cet aspect est étonnamment assez absent du film final. Le diable au corps reste une belle ode à l’amour, celui qui est au dessus des guerres, des conventions sociales, de la raison. Gérard Philipe, ici dans son premier très grand rôle au cinéma, est parfait pour le rôle, fougueux et spontané. Micheline Presle apporte beaucoup de fraîcheur. On peut regretter la construction en flashback, qui n’apporte qu’une lourdeur inutile, et la platitude de certains dialogues qui peinent souvent à émouvoir. Pourtant certaines scènes sont très fortes comme celle, trop courte hélas, de leur second passage au restaurant parisien (Le Grand Véfour) ou très belles comme celle, également trop courte, de la promenade en barque. La mauvaise qualité (visuelle et surtout sonore) de la copie visionnée empêche quelque peu d’apprécier la qualité de la réalisation d’Autant-Lara.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Micheline Presle, Gérard Philipe, Denise Grey, Jean Debucourt
Voir la fiche du film et la filmographie de Claude Autant-Lara sur le site IMDB.
Voir les autres films de Claude Autant-Lara chroniqués sur ce blog…

(1) L’historien Georges Sadoul rapporte que, lors de sortie à Bordeaux, la presse locale écrivit : « Cette production ajoute le cynisme le plus révoltant à l’exaltation de l’adultère, en ridiculisant la famille, la Croix-Rouge et même l’armée. Devant le flot de boue qui monte, au nom du public, nous demandons que ce film ignoble soit retiré des écrans. » A Paris, de nombreux critiques jugèrent le sujet « répugnant ».

Remarques :
Raymond Radiguet est mort à l’âge de 20 ans en 1923 (de la fièvre typhoïde). Il a écrit deux romans : Le diable au corps et Le Bal du comte d’Orgel (qui a été adapté au cinéma par Marc Allégret en 1970).

Autres adaptations du roman :
Le diable au corps (Diavolo in corpo) de Marco Bellocchio (1986) avec Maruschka Detmers
Devil in the Flesh de l’australien Scott Murray (1989)
… toutes deux plus « racoleuses ».

2 réflexions sur « Le diable au corps (1947) de Claude Autant-Lara »

  1. François a rendez vous avec Marthe sur le Ponton. Mais Marthe a passé la dernière nuit avec Jacques son fiancé et François a observé la fenêtre du couple.
    François prend un révolver pour tuer Marthe parce qu’elle l’a trompé. En fait c’est plutôt Marthe qui trompe son fiancé en ayant François pour amant…Il s’apprête donc a commettre l’irréparable,mais son père le raisonne et va avec lui au rendez-vous sur le ponton , mais ils observent le ponton d’un pont et voient Marthe au rendez-vous. François aurait dû oublier sa rancœur et rejoindre son amour sans attendre, mais il hésite et finit par y renoncer malgré les conseils de son père. Il vient de commettre l’irréparable ou presque. Certes , c’est moins grave que ce qu’il avait l’intention de faire , mais suite à ce rendez-vous manqué Marthe va se marier avec Jacques. Ce qui n’empêchera pas les amants de se revoir en se mentant puis en avouant être venus au Ponton , mais ce rendez-vous manqué au Ponton leur laissera un goût amer . Si François revit cette scène , il doit se dire après coup qu’il avait tout le temps de rejoindre Marthe , comme il a eu le temps de renoncer a son funeste projet.

  2. En ce décembre 22 on fête le centenaire de la naissance de Gérard Philipe, prince foudroyé a 37 ans. Ce film est son premier grand succès populaire. Il a 24 ans et doit incarner un ado lycéen tourmenté, timide, violent, dépassé, de 16 ans, le héros en partie autobiographique du jeune Radiguet mort à vingt ans, et après tant d’années convenons que cette interprétation est parfaite
    Le livre suit une narration chronologique à la première personne alors que le film, qui démarre le jour de l’armistice de 1918 au milieu d’une foule en liesse et de cloches à toute volée tandis que le glas d’un enterrement s’y joint, fait le choix d’une remontée du temps en une série de flash-back , très en vogue à l’époque mais aujourd’hui un rien désuets et pesants techniquement parlant
    Je ne reviens pas sur le récit développé plus haut et m’attarde sur son atout principal, le couple d’acteurs très touchant formé par Micheline Presle et Gérard Philipe nés la même année
    Entrepris à l’initiative de l’actrice à qui le producteur donne carte blanche sur le choix du metteur en scène ainsi que de son partenaire, elle choisit C. Autant-Lara et G.Philipe
    Quand ce dernier déboule ainsi dans le paysage théâtral et cinématographique de l’après-guerre, on ne lui voit pas d’autre équivalence, c’est une sorte d’ange qui irradie de suite les planches et l’écran, doté d’un magnétisme puissant, porte parole d’ une nouvelle génération, une nouvelle jeunesse contre les conventions et hypocrisies diverses du temps
    On voit aujourd’hui encore la modernité de son jeu liée à son physique romantique et à l’expression autant tourmentée qu’enfantine de son visage
    Il appréhende les rôles de l’intérieur, fiévreusement, partagé entre retenue et éclat, plutôt dans une optique de sous-jeu rêveur
    Dans Le diable au corps, la fragilité et la force, l’insolence et la maladresse se joignent en lui autant par instinct que par conception intellectuelle
    La scène très drôle comme improvisée se situant au restaurant parisien du Grand Véfour avec le sommelier est un modèle de jeu d’acteur
    Le plan vers la fin de la rencontre entre l’amant et le mari autour d’une cigarette est splendide
    Le film lui vaudra le prix d’interprétation au festival de Bruxelles
    Voilà 76 ans que le film fut tourné, 63 ans que G.Philipe est parti, et Micheline Presle fête ses 100 ans…

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