16 juin 2010

Arènes sanglantes (1922) de Fred Niblo

Titre original : « Blood and Sand »

Arènes sanglantesLui :
Vu aujourd’hui, Arènes Sanglantes semble surtout être un vecteur pour son acteur vedette, Rudolph Valentino. Après Le Cheik, l’acteur d’origine italiano-française était alors au sommet de sa popularité et ce film au fort parfum espagnol a encore renforcé son image de « latin lover ». Cette histoire de toréador à la popularité météoritique n’est d’ailleurs pas sans point commun avec celle de l’acteur qui aura, lui aussi, une vie sentimentale mouvementée et qui mourra, lui aussi, prématurément quatre ans plus tard. Fred Niblo ne semble pas avoir été vraiment inspiré par l’atmosphère espagnole et le film manque globalement de force. Rudoplh Valentino et Nita Naldi Rudolph Valentino montre cependant beaucoup de présence à l’écran. Le plus remarquable du film reste ces scènes de passion entre Valentino et sa voluptueuse tentatrice, joliment interprétée par Nita Naldi avec laquelle il tournera quatre films. Arènes Sanglantes connut un énorme succès populaire.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Rudolph Valentino, Nita Naldi, Lila Lee, Walter Long
Voir la fiche du film et la filmographie de Fred Niblo sur le site IMDB.

Remarques :
Arènes sanglantes1) (Attention cette remarque va dévoiler la fin du film… si tant est que vous ne l’aviez pas deviné à l’énoncé du titre ou encore avec l’affiche française ci-contre) Le scénario original, initialement tourné, se termine avec la mort du toréador. Fred Niblo a toutefois tourné une seconde fin qui fut bien plus populaire où Valentino se remet de ses blessures grâce à sa femme qui lui a tout pardonné.
2) Le scénario est adapté d’un roman de l’espagnol Vicente Blasco Ibáñez

Remakes :
Arènes Sanglantes (Blood and Sand) de Rouben Mamoulian (1941) avec Tyrone Power et Rita Hayworth
Arènes Sanglantes (Sangre y arena) de l’espagnol Javier Elorrieta avec Sharon Stone.

15 juin 2010

La famille Savage (2007) de Tamara Jenkins

Titre original : « The Savages »

La famille SavageLui :
Alors qu’ils doivent prendre en charge leur père atteint de démence sénile, un frère et une sœur, tous deux quadragénaires, se retrouvent. Ce rapprochement est l’occasion de faire le bilan de la vie que chacun a tenté de construire alors que leurs parents ne se sont apparemment guère souciés d’eux. La Famille Savage est le second long métrage de la réalisatrice Tamara Jenkins (1) aborde un sujet assez délicat, notre comportement face à l’approche de la mort d’un parent très proche, ce qui est assez courageux mais le sujet principal reste ce frère et cette sœur à la vie sentimentale et professionnelle instable et, là, nous avons droit à un certain nombre de poncifs. La mise en scène apparaît vraiment plate et sans saveur mais, heureusement, Philip Seymour Hoffman et Laura Linnet apportent une authenticité certaine à leur personnage et relèvent l’ensemble.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Laura Linney, Philip Seymour Hoffman, Philip Bosco
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(1) Son précédent long métrage, Les taudis de Beverly Hills (1998), avait également été très bien reçu.

14 juin 2010

20 000 lieues sous les mers (1954) de Richard Fleischer

Titre original : « 20,000 leagues under the sea »

20 000 lieues sous les mersLui :
Cette adaptation du roman de Jules Verne produite par Walt Disney est très fidèle, tout au plus les caractères de certains personnages ont-ils été accentués pour mieux plaire au public américain (1) et un animal apprivoisé introduit (une otarie) pour plaire aux enfants. Mais l’esprit reste celui de Jules Verne avec ce mélange d’attirance et de mise en garde vis-à-vis de la technologie. Il est remarquable que le film conserve toute la capacité d’émerveillement du roman car, si les sous-marins n’existaient pas encore lorsque Jules Verne l’a écrit en 1869, ils étaient bien entendu connus de tous en 1954. Le spectacle est servi par le Technicolor et le Cinémascope qui n’en était alors qu’à ses débuts. Les grandes scènes spectaculaires, comme l’attaque du calmar géant, sont admirables et l’intérieur du Nautilus est somptueusement décoré, avec un mélange de modernisme et de style victorien. Alors qu’il n’avait tourné auparavant que des petites productions, Richard Fleisher montre beaucoup de maîtrise dans la réalisation de cette super-production et le déroulement du scénario montre un rythme parfait. Côté acteurs, James Mason semble vraiment fait pour le rôle du Capitaine Nemo. 20 000 lieues sous les mers est la meilleure adaptation d’un roman de Jules Verne au cinéma, c’est aussi l’un des tous meilleurs films sortis des Studios Disney (2). Insensible au temps, le film conserve aujourd’hui tout son impact.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Kirk Douglas, James Mason, Paul Lukas, Peter Lorre
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20.000 lieues sous les mers(1) Le personnage de Ned Land, interprété par Kirk Douglas, a été un peu poussé pour que le public américain s’identifie pleinement à lui. De son côté, le ténébreux Capitaine Nemo (James Mason) est plus sympathique, au détriment du Professeur Aronnax qui est plus effacé.
(2) A noter également que 20 000 lieues sous les mers est le premier film Walt Disney avec des acteurs très connus (Kirk Douglas et James Mason étaient de grandes stars en 1954). C’est aussi la première incursion de Walt Disney dans le domaine de la science-fiction.

Autres adaptations :
20000 lieues sous les mers de Georges Méliès (1907) film de 18 minutes
20,000 leagues under the sea de Stuart Paton (1916) film de 105 mn
+ plusieurs adaptations pour la télévision dont :
20 000 lieues sous les mers de l’australien Rod Hardy (1997) avec Michael Caine en Capitaine Nemo.
Les Studios Walt Disney préparent une nouvelle version prévue pour 2011.

13 juin 2010

L’inconnu du Nord-Express (1951) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Strangers on a Train »

L'inconnu du Nord-ExpressLui :
Sortant de deux échecs commerciaux consécutifs, Alfred Hitchcock décide de revenir sur un terrain plus sûr en adaptant un roman de Patricia Highsmith. Un jeune champion de tennis est abordé dans un train par un inconnu qui semble en savoir long sur ses déboires conjugaux. Il lui expose une théorie sur le meurtre parfait où chacun va tuer le gêneur de l’autre. Un échange de meurtres. L’inconnu du Nord Express est très souvent cité comme l’un des chefs d’œuvre de Hitchcock. Pourtant, le film est loin d’être parfait : d’une part les dialogues sont très ordinaires (1) et, d’autre part, l’actrice principale (Ruth Roman, imposée à Hitchcock par la Warner) et même Farley Granger montrent un jeu fade et sans relief. C’est plutôt la forme qui rend le film si remarquable : la construction du récit tout d’abord, l’utilisation d’une grande variété de lieux, les plans originaux (la scène du meurtre vue en reflet dans les verres de lunette est l’une des plus audacieuses du cinéma), la mise en place du suspense, de ces éléments transpire une grande maîtrise qui frise la perfection. Alfred Hitchcock est bien ici le maître du suspense. Il faut aussi souligner la belle prestation de Robert Walker (2), en fils de bonne famille charmeur et schizophrène, et de Marion Lorne (sa mère). L’inconnu du Nord Express permit à Hitchcock de renouer avec le succès, c’est maintenant l’un de ses films les plus connus. 
Note : 4 étoiles

Acteurs: Farley Granger, Ruth Roman, Robert Walker, Marion Lorne, Leo G. Carroll
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(1) Alfred Hitchcock et Raymond Chandler (engagé par la Warner) ne se sont pas entendus, vraiment pas du tout. Hitchcock a alors engagé un second scénariste (Czenzi Ormonde, une assistante de Ben Hecht) pour réécrire une bonne partie du scénario. Hitchcock raconte que, une fois le découpage fini, auncun écrivain ne voulait écrire les dialogues car personne ne trouvait cela bon.
(2) Robert Walker, acteur très prometteur à la vie personnelle assez tumultueuse, est hélas mort prématurément quelques mois plus tard. Il n’avait que 32 ans.

12 juin 2010

OSS 117: Rio ne répond plus (2009) de Michel Hazanavicius

Rio ne répond plusLui :
Avec ce second volet des aventures d’OSS 177 / Dujardin, Michel Hazanavicius ne parvient pas vraiment à retrouver l’équilibre qui faisait la réussite du premier épisode. Il était probablement difficile de continuer sur ce principe de l’agent secret balourd et assez stupide sans appuyer trop fort sur la pédale et sans tomber dans la répétition. Certes, il y a de bons moments mais l’ensemble paraît souvent un peu poussif. OSS 117 qui était plusieurs choses à la fois dans le premier volet (prétentieux, incompétent, chanceux et naïf) est ici tout simplement idiot. L’ambiance « années soixante » est bien restituée mais, bizarrement, Rio ne répond plus n’a pas du tout la qualité graphique du premier opus. Le film se laisse regarder mais n’arrache que quelques sourires. C’est trop peu….
Note : 2 étoiles

Acteurs: Jean Dujardin, Louise Monot, Alex Lutz, Reem Kherici
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Voir les commentaires sur le premier volet : OSS 117: Le Caire nid d’espions (2006) du même Michel Hazanavicius

11 juin 2010

Les compagnons de la marguerite (1967) de Jean-Pierre Mocky

Les compagnons de la margueriteLui :
Virtuose de la restauration de documents écrits à la Bibliothèque Nationale, l’employé-modèle Matouzec (Claude Rich) découvre soudainement qu’il peut utiliser ses talents pour modifier le registre d’état civil de son mariage. Il passe donc une annonce pour faire un échange de conjoint avec un autre couple, « sans frais d’avocats et sans tracasserie administrative ». C’est l’inspecteur Leloup (Francis Blanche) qui va y répondre pour tenter de le coincer. Ce ne sera pas si facile… Avec Les Compagnons de la Marguerite, Jean-Pierre Mocky s’attaque joyeusement à l’institution du mariage qu’il fait voler en éclats avec un humour bien enlevé. Lui-même sortait d’un divorce difficile, ce qui a du le motiver tout particulièrement. Ici, tout se fait à l’amiable, dans la bonne humeur, échange de conjoints ou même polygamie, tout le monde est heureux… sauf les avocats qui n’ont plus de travail. Mocky fustige un modèle de société où il faut un permis pour tout. Tourné presque deux ans avant mai 68, son film présente une utopie qu’il appelle « la démocratie conjugale ». Claude Rich incarne parfaitement l’idéaliste naïf avec une petite touche d’anarchisme mondain. Face à lui, il a un solide groupe de policiers, Francis Blanche et Michel Serrault en tête, qui alimentent l’histoire en situations cocasses dans ce jeu du chat et de la souris. Les jeux de mots sont nombreux, souvent assez discrets, bien intégrés dans les scènes. Personne ne charge trop son personnage, l’humour est constant et bien dosé. Les Compagnons de la Marguerite est l’un des films les plus réussis de Jean-Pierre Mocky. C’est un vrai plaisir de le redécouvrir aujourd’hui.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Claude Rich, Michel Serrault, Francis Blanche, Paola Pitagora, Roland Dubillard, René-Jean Chauffard
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Remarque :
Catherine Rich, qui interprète la femme de Claude Rich dans le film (la grande adepte de la télévision), était (et même est toujours) sa femme dans la vraie vie.

10 juin 2010

Le mauvais chemin (1961) de Mauro Bolognini

Titre original : « La viaccia »

Le mauvais cheminLui :
A la fin du XIXe siècle, une famille tente de maintenir entière la petite ferme familiale La Viaccia. Le jeune fils Amerigo est envoyé chez son oncle malade à Florence dans l’espoir de bénéficier du futur héritage. Mais, une fois en ville, il tombe amoureux de la belle Bianca qui travaille dans une maison close. Le mauvais chemin est adapté d’un roman de Mario Pratesi. Sur cette trame qui évoque Zola, le film de Mauro Bolognini est à la fois un grand drame passionnel sans espoir et une peinture sociale qui met en relief les différences entre la grande pauvreté des campagnes et la relative aisance de la bourgeoisie des villes. C’est aussi le triomphe de la passion sur la raison. Filmé en noir et blanc, La Viaccia restitue parfaitement l’atmosphère du tournant du siècle, avec ses décors de maisons closes, lourdement chargés de tentures et de colifichets. Jean-Paul Belmondo (ici doublé en italien) apporte beaucoup de fraîcheur et de candeur tandis que Claudia Cardinale donne une belle interprétation, surmontant parfaitement la relative rigidité du texte. On lui doit les plus belles et les plus émouvantes scènes du film.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Paul Belmondo, Claudia Cardinale, Pietro Germi, Romolo Valli
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9 juin 2010

12 hommes en colère (1957) de Sidney Lumet

Titre original : « 12 Angry Men »

12 hommes en colèreLui :
Premier long métrage de Sydney Lumet, Douze hommes en colère est un film assez unique en son genre : ce huis clos étouffant nous montre le fonctionnement de la justice comme on ne l’a jamais vu. La réussite du film doit beaucoup à l’excellent scénario de Reginald Rose, scénario qui avait été rodé par une adaptation télévisuelle deux ans auparavant. Dans une affaire sans éclat, un jeune garçon d’origine modeste accusé d’avoir mortellement poignardé son père, douze jurés s’enferment pour délibérer. Ils doivent donner un verdict unanime. Tout accuse le jeune garçon, tous le croient coupable… sauf un.  Sydney Lumet était jusqu’alors un réalisateur de télévision et il a su ainsi s’adapter au budget réduit et à l’unité de lieu. Douze hommes en colère est en effet le huis clos le plus célèbre du cinéma : à part la première et la dernière minute, tout le film se déroule dans une seule pièce, petite et sans attrait, en temps réel, sans ellipse ni flashback. Le propos est assez fort car le film nous démontre la faillibilité du système, la fragilité des témoignages et l’influence des préjugés de toute nature, qu’ils soient généraux ou personnels. Le film nous interpelle : quels peuvent être, dans ce contexte, les fondements d’une conviction ? Au-delà de sa forme et de son contenu, ce qui donne à Douze hommes en colère toute sa force, c’est aussi son atmosphère : la chaleur accablante de cette journée orageuse semble traverser l’écran pour venir jusqu’à nous. Pour ce faire, Lumet utilise les gros plans avec une certaine habilité. Il joue également beaucoup avec la hauteur de caméra pour donner ou non de l’intensité aux discussions. S’il fut un peu ignoré à sa sortie américaine, Douze hommes en colère a peu à peu acquis le statut de film-étalon de son genre.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Henry Fonda, Lee J. Cobb, E.G. Marshall, Jack Klugman, Jack Warden, Ed Begley, George Voskovec, Robert Webber, Martin Balsam, John Fiedler, Edward Binns, Joseph Sweeney
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Remarques :
1) Contacté par United Artists pour tenir le rôle principal, Henry Fonda a accepté d’être également producteur après avoir visionné la version TV. C’est lui qui a engagé Sydney Lumet. Il s’agit du seul film produit par Henry Fonda.
2) Henry Fonda a fait répéter tout le monde pendant deux semaines comme s’il s’était agi d’une pièce de théâtre. Le tournage en lui-même n’a duré que 17 jours. Le budget final s’est établi à $340.000 ! Un budget ridicule pour un film de cinéma.
3) Si le film se déroule en temps continu, le tournage fut fragmenté. Pour limiter les déplacements d’éclairage, et donc les coûts, les plans d’un même côté de champ furent regroupés pour être tournés et ainsi de suite.
4) Henry Fonda raconte dans ses mémoires qu’il avait l’intention de sortir le film dans une petite salle new-yorkaise et compter ensuite sur le bouche à oreille. United Artists a voulu qu’il en soit autrement et le film est sorti au Capitol Theater de 4600 places… « Au premier jour, seuls les quatre ou cinq premiers rangs étaient remplis. Le film fut enlevé de l’affiche au bout d’une semaine ». Quelques mois plus tard, le film gagna l’Ours d’Or à Berlin et sa notoriété grandit ensuite.
6) Joseph Sweeney (juré 9, le juré le plus âgé) et George Voskovec (juré 11, l’horloger d’origine étrangère) jouaient déjà les mêmes rôles dans la version TV.

Version originale :
Studio One – Twelve angry men de Franklin J. Schaffner (TV, 60 mn, 1954) avec Robert Cummings dans le rôle principal.
Remakes :
12 angry men de William Friedkin (TV, 1997) avec Jack Lemmon
12 de Nikita Mikhalkov (2007).

8 juin 2010

Carrefour (1938) de Curtis Bernhardt

CarrefourLui :
Un industriel prospère (Charles Vanel), qui était revenu amnésique de la guerre de 14-18, se voit accuser vingt ans plus tard d’être en réalité un ancien petit truand et d’avoir pris l’identité d’un autre soldat. Un avertissement au début du film nous indique qu’il s’agit d’une histoire basée sur des cas réels similaires. Carrefour est un film dramatique, et aussi judiciaire puisque qu’une bonne partie se déroule pendant un procès. Bien mis en place, il nous fait accompagner cet homme dans ses doutes qui balayent peu à peu toutes les certitudes acquises au cours des ans. Il nous offre aussi de beaux moments d’émotion. Assez court mais bien fait, le film Carrefour aurait influencé l’écrivain Léo Malet et a eu plusieurs remakes, déclarés comme tels ou pas.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Charles Vanel, Jules Berry, Suzy Prim, Tania Fédor
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Remakes ou films très proches :
Dead Man’s Shoes de Thomas Bentley (1940) avec Leslie Banks
Crossroads de Jack Conway (1942) avec William Powell et Hedy Lamarr
Le Retour de Martin Guerre de Daniel Vigne (1982) avec Gérard Depardieu et Nathalie Baye
Sommersby de Jon Amiel (1993) très beau film avec Richard Gere et Jodie Foster

7 juin 2010

La porte du paradis (1980) de Michael Cimino

Titre original : « Heaven’s Gate »

La porte du paradisLui :
Nous sommes au Wyoming en 1890, à la fin de la conquête de l’Ouest, au moment du partage des terres. La Porte du Paradis fait ressurgir un épisode brutal de l’histoire des Etats-Unis. Forts de leurs appuis politiques, un groupe de grands propriétaires accuse les immigrants possédant une concession virtuelle d’être des anarchistes et des voleurs de bétail. Une milice de mercenaires est recrutée pour exterminer plus d’une centaine d’entre eux. Inspiré d’un épisode réel (1), le propos Michael Cimino ne laisse planer aucun doute sur les intentions criminelles des propriétaires de bétail face à cet afflux d’immigrants. Grâce à l’immense succès de son film précédent, Voyage au bout de l’enfer, Cimino a bénéficié d’un budget important pour filmer une grande fresque de 3h30, où les grandes scènes étourdissantes alternent avec des passages plus lents et même intimes. Il semble parfois de laisser emporter mais sans excès toutefois, car ses grandes scènes sont toujours très belles. Côté acteurs, on remarquera la belle prestation d’Isabelle Huppert, le personnage le plus volubile face aux taciturnes Kristofferson et Walken. Hélas, La Porte du Paradis reste dans l’histoire du cinéma comme l’un des films les plus injustement assassinés par la critique. Après quelques jours d’exploitation à New York, le film est retiré des salles face à l’hostilité générale et aux critiques très dures (2). Michael Cimino ramène la durée du film à 2h30… sans plus de succès. Le désastre financier fut tel qu’il participa grandement à la fin d’United Artists. Il faut voir ce beau film, même dans sa version courte, mais on peut le voir maintenant en version intégrale (3).
Note : 4 étoiles

Acteurs: Kris Kristofferson, Isabelle Huppert, Christopher Walken, John Hurt, Sam Waterston, Joseph Cotten, Jeff Bridges
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(1) Les Affrontements du Comté Johnson (« Johnson County War ») durèrent en réalité plusieurs années à partir de 1888. La Wyoming Stock Growers Association, le groupement de propriétaires qui avait alors établi une liste noire et engagé des tueurs, existe toujours aujourd’hui.  Les immigrants traqués avaient pour beaucoup travaillé à l’installation des lignes de chemin de fer. Ils avaient reçu un bout de terrain mais ne parvenaient pas à faire enregistrer leur concession. En s’installant dans de petites fermes pour élever des moutons, ils faisaient obstacle à « l’open land » voulu par les grands propriétaires de bétail. Dans la réalité, Jim Averell et sa compagne Ella Watson furent abattus par les tueurs dès le début de cette mini-guerre, soit 3 ans avant la bataille rangée. L’armée intervint pour mettre fin aux affrontements et captura les mercenaires pour qu’ils soient jugés… Le jugement n’eut cependant jamais lieu, ils furent relâchés.
(2) Il est bien entendu tentant d’expliquer l’hostilité de la critique vis à vis d’Heaven’s Gate par le fait qu’il met à mal l’idéal américain, provoquant ainsi une certaine mauvaise conscience. Certes, cela a du jouer mais ce n’est probablement pas la seule raison : Jean-Pierre Coursodon, qui était sur place, parle aussi de jalousie, de jubilation morbide et d’une volonté de la critique new-yorkaise de casser du jeune cinéaste. Il souligne aussi le fait qu’il s’agit d’un film qui réclame une certaine attention pour en saisir toutes les nuances… (Revue Cinéma n°266 de février 81). Si Jean-Pierre Coursodon est de son côté consterné face à l’assassinat du film par la critique new-yorkaise, le film ne fut guère mieux considéré en Europe quand il sortit un peu plus tard. En compétition à Cannes en mai 81, il fut plutôt ignoré.
(3) La version intégrale est disponible depuis 2013. Avant cela, c’était la version courte qui était la plus courante. Elle reste intéressante même si certaines scènes perdent un peu de leur sens : par exemple, dans le prologue à Harvard, le discours du jeune Irvine a été coupé. Après l’exposé des grandes valeurs par le doyen (que personne n’avait écouté), le discours du jeune Irvine prônait un certain pragmatisme teinté d’immobilisme et aussi un refus d’implication qu’il mettra en pratique par la suite. Tout le film est presque dans le prologue : les grandes idées se noient dans le pragmatisme économique, dans l’ignorance et l’égoïsme… Dans la version écourtée, le prologue apparaît donc plus gratuit mais il reste intéressant pour ses très belles scènes (la scène de la valse est visuellement incroyable, sur le Beau Danube Bleu de Strauss, orchestre ni plus ni moins dirigé par Leonard Bernstein).