6 mai 2009

L’heure d’été (2008) de Olivier Assayas

L'heure d'étéElle :
L’heure d’été est une œuvre subtile et originale qui effleure en délicatesse des sujets graves et profonds sans tomber dans la dramaturgie exacerbée. Olivier Assayas entre avec bonheur dans d’autres registres d’expression. Il analyse les relations familiales confrontées au problème du temps qui passe, de la mort, de la disparition d’une mère et de la transmission d’un héritage composé d’une superbe maison et d’œuvres d’art très précieuses. Que deviennent tous ces objets tant aimés dans la sphère intime lorsqu’ils passent le pas de la porte et se retrouvent au musée d’Orsay ? Peu de larmes, pas de déchirures entre frères et sœurs suite à la décision de tout vendre mais des touches de mélancolie, de regret enfouis au travers de ces personnages pleins de respect les uns pour les autres. Le cinéaste ouvre la fin du film vers l’avenir et les enfants qui viennent passer un dernier week-end dans la maison en vente. Ils resteront marqués eux aussi par les bons moments passés à cet endroit aux côtés de leur grand-mère.
Note : 4 étoiles

Lui :
A la disparition de leur mère, trois frères et sœurs doivent décider s’ils doivent ou non garder la grande demeure familiale et une petite collection d’œuvres d’art issue d’un grand oncle, peintre connu. En fait L’heure d’été aborde deux sujets principaux : d’une part, la transmission entre générations d’un patrimoine chargé de vécus mais aussi de valeurs et d’autre part, la place de l’Art, une œuvre d’art qui a pris un sens dans la vraie vie peut-elle continuer d’exister dans un musée ? (1) Comme dans ses autres films, Assayas montre dans L’heure d’été une très grande maîtrise dans la mise en scène, maîtrise qui frise parfois la virtuosité, avec une caméra très mobile qui fait corps avec les mouvements de ses personnages (la scène finale avec les enfants est sur ce point remarquable). Il montre aussi une belle maîtrise du déroulement du récit, pratiquant de larges ellipses sans laisser apparaître de discontinuité. Son cinéma est vraiment convaincant. Il est de plus servi ici par une excellente interprétation, notamment de Charles Berling qui sait parfaitement traduire tous les questionnements de son personnage.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Juliette Binoche, Charles Berling, Jérémie Renier, Edith Scob, Dominique Reymond, Valérie Bonneton, Isabelle Sadoyan
Voir la fiche du film et la filmographie de Olivier Assayas sur le site IMDB.

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(1) À ce sujet, il est intéressant de savoir qu’au tout départ, il y avait une commande du Musée d’Orsay pour une série de courts métrages autour de la place de l’Art, projet qui ne vit pas le jour mais inspira ce film à Assayas.

5 mai 2009

La légion noire (1937) de Archie Mayo

Titre original : « Black Legion »

La légion noireElle :
(pas vu)

Lui :
Alors que la promotion qu’il pensait devoir lui revenir est donnée à un de ses collègues d’origine étrangère, un ouvrier se joint à un gang qui organise des actions punitives contre les étrangers. La légion noire est ouvertement une dénonciation du Ku-Klux-Klan et l’originalité est de montrer comment un homme ordinaire peut succomber aux sirènes de cette organisation sinistre : une fois pris dans l’engrenage, il ne pourra plus revenir en arrière, lui-même victime autant que bourreau. Le film eut un grand retentissement à sa sortie aux Etats-Unis et fut même en partie banni en Europe (1). Il faut dire que, sans être exceptionnel, La Légion Noire est un film assez efficace, avec quelques scènes explicites lors des expéditions punitives qui, si elles ont perdu de leur impact aujourd’hui, marquèrent assez fortement les esprits dans les années 30. Pour l’un de ses premiers films où il tient la tête d’affiche, Humphrey Bogart livre une prestation assez convaincante. La Légion Noire peut sembler un peu naïf aujourd’hui, notamment dans son final, mais le fond de son propos, sur la xénophobie, reste toujours d’actualité, hélas.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Dick Foran, Erin O’Brien-Moore, Ann Sheridan, Helen Flint
Voir la fiche du film et la filmographie de Archie Mayo sur le site IMDB.

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(1) L’ouvrier qui souffle la promotion à Humphrey Bogart est présenté comme étant un polonais. Les sous-titres français parlent de « hongrois ». Cette substitution remonte t-elle aux années 30 (du fait de la montée de l’antisémitisme, cet ouvrier polonais étant implicitement juif) ou est-elle postérieure ?
(2) La Warner sortit un autre film dénonçant directement les méfaits du Ku-Klux-Klan 15 ans plus tard : Storm Warning (1951) de Stuart Heisler avec Ronald Reagan et Ginger Rodgers (film inédit en France).

4 mai 2009

L’espion noir (1939) de Michael Powell

Titre original : « The Spy in Black »
Titre américain : « U-Boat 29 »

L'espion noirElle :
(pas vu)

Lui :
Tourné juste avant la Seconde Guerre Mondiale, L’espion noir se situe en 1917, sur fond de lutte des sous-marins allemands contre la marine anglaise. Le commandant d’un sous-marin allemand est chargé d’infiltrer un centre militaire en Ecosse pour connaître la future mission d’un groupe de destroyers anglais. Il est aidé par une jeune espionne allemande. Il n’a que peu de scènes en mer, l’essentiel de l’action se déroulant à terre. U-Boat 29 L’originalité de L’espion noir est de nous faire vivre cette histoire au travers des yeux du commandant allemand qui, dès lors, nous apparaît comme sympathique et loyal. Ce n’est pas habituel pour 1939, en cette veille de guerre. Le scénario a été entièrement remanié par Emeric Pressburger. C’est la première fois que Michael Powell et lui travaillent ensemble, le premier de toute une série. L’histoire se déroule avec précision, sans temps mort, le suspense étant sans cesse renouvelé jusqu’à la fin. L’espion noir apparaît comme un film parfaitement maîtrisé. L’initiateur et le véritable producteur du film est Alexander Korda.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Conrad Veidt, Sebastian Shaw, Valerie Hobson, Marius Goring, June Duprez
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3 mai 2009

Peau de banane (1963) de Marcel Ophüls

Peau de bananeElle :
(pas vu)

Lui :
Peau de Banane est le premier long métrage de Marcel Ophüls (fils de Max Ophüls). C’est une histoire de d’arnaques où une jolie veuve (Jeanne Moreau) s’adjoint les services d’un de ses anciens amoureux (Jean-Paul Belmondo) pour aller dépouiller les ex-associés peu scrupuleux de feu son mari. L’histoire est bien mise en place et se déroule sur le ton de la comédie légère, joliment menée par un duo plein de charme et de vitalité. L’ensemble est plaisant. A noter la présence de Costa-Gavras en assistant-réalisateur, de Claude Sautet en co-scénariste et aussi de Claude Pinoteau et Claude Zidi.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jeanne Moreau, Jean-Paul Belmondo, Claude Brasseur, Jean-Pierre Marielle, Gert Fröbe, Paulette Dubost, Alain Cuny
Voir la fiche du film et la filmographie de Marcel Ophüls sur le site IMDB.

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2 mai 2009

XXY (2007) de Lucía Puenzo

XXYElle :
Un film sensible, pudique et dépouillé sur un sujet tabou pas facile à aborder au cinéma. Pas de voyeurisme dans le regard que porte Lucia Puenzo sur cette jeune adolescente hermaphrodite. Pas un mot de trop dans ce décor de bord de mer agité dans lequel deux adolescents sont en plein questionnement sur leur identité et leurs amours réciproques. Les adultes parents sont à l’écoute eux aussi et doutent sur la conduite à adopter. Faut-il laisser les penchants de leur fille en pleine souffrance s’exprimer en liberté ou faire intervenir la médecine pour retrouver la normalité et échapper ainsi aux regards et comportements désapprobateurs? La mise en scène sombre est ponctuée de moments fugaces qui expriment le déséquilibre et l’intensité des sentiments intérieurs. Lucia Puenzo montre une belle maîtrise pour un premier film et révèle une véritable écriture filmique.
Note : 4 étoiles

Lui :
Le personnage central de ce film argentin est une jeune adolescente de 15 ans qui est hermaphrodite, c’est-à-dire qu’elle possède certains attributs des deux sexes. La mère invite un couple ami de la famille à passer quelques jours dans leur maison isolée sur la côte uruguayenne. L’homme étant chirurgien et accompagné de son fils, la question des choix va ressurgir de façon pressante. Le film de Lucia Puenzo a l’intelligence de n’apporter aucune réponse toute faite, les questionnements sont nombreux mais les réponses peu évidentes et le regard des autres tend à dramatiser une situation déjà déroutante. Si les acteurs, à commencer par les deux adolescents, savent tous trouver le ton juste, le film est un peu victime de cette volonté de traiter le sujet avec grande délicatesse et le récit semble s’étirer quelque peu en longueur. Il a toutefois cette qualité d’aborder le sujet sans dramatisation inutile et sans voyeurisme.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Ricardo Darín, Valeria Bertuccelli, Germán Palacios, Carolina Pelleritti
Voir la fiche du film et la filmographie de Lucía Puenzo sur le site imdb.com.

30 avril 2009

Sommaire d’avril 2009

A casa nostraAssurance sur la mortUne aventure de Buffalo BillLes dames du Bois de BoulogneLily la tigresseReviens-moiRanQuand la ville dort

A casa nostra

(2006) de Francesca Comencini

Assurance sur la mort

(1944) de Billy Wilder

Une aventure de Buffalo Bill

(1936) de Cecil B. DeMille

Les dames du Bois de Boulogne

(1945) de Robert Bresson

Lily la tigresse

(1966) de Woody Allen & Senkichi Taniguchi

Reviens-moi

(2007) de Joe Wright

Ran

(1985) de Akira Kurosawa

Quand la ville dort

(1950) de John Huston

L'immeuble YacoubianLes conquérants d'un nouveau mondeLa vie criminelle d'Archibald de la CruzÇa se soigne?Les affameursDésirEn cloque, mode d'emploiCrime passionnel

L’immeuble Yacoubian

(2006) de Marwan Hamed

Les conquérants d’un nouveau monde

(1946) de Cecil B. DeMille

La vie criminelle d’Archibald de la Cruz

(1955) de Luis Buñuel

Ça se soigne?

(2008) de Laurent Chouchan

Les affameurs

(1952) de Anthony Mann

Désir

(1936) de Frank Borzage

En cloque, mode d’emploi

(2007) de Judd Apatow

Crime passionnel

(1945) de Otto Preminger

Le TueurFootlight ParadeLes yeux bandésPromets-moi

Le Tueur

(2007) de Cédric Anger

Footlight Parade

(1933) de Lloyd Bacon

Les yeux bandés

(2007) de Thomas Lilti

Promets-moi

(2007) de Emir Kusturica

Nombre de billets : 20

29 avril 2009

A casa nostra (2006) de Francesca Comencini

A casa nostraElle :
(pas vu)

Lui :
A Casa Nostra n’est pas un film sur la mafia. En réalité, Francesca Comencini (fille de Luigi Comencini) utilise ce jeu de mot pour décrire l’Italie actuelle avec son lot de corruption dû à l’attrait de l’argent, présenté ici comme unique moteur la société italienne. Le film se passe à Milan et introduit de multiples personnages dès les premières minutes ce qui plonge rapidement le spectateur dans la plus grande confusion. En fait, il faudra parfois attendre les dernières minutes pour visualiser les liens entre certains personnages, alors que notre intérêt aura, il faut bien l’avouer, en grande partie disparu. Il nous reste la belle photographie de Luca Bigazzi, tout en contrastes saisissants, entre les intérieurs chaleureux et les extérieurs impersonnels et froids. A Casa Nostra est certes un film dont on peut saluer les convictions politiques et son humanité mais qui pêche par une construction inutilement complexe.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Luca Zingaretti, Valeria Golino, Giuseppe Battiston, Laura Chiatti
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29 avril 2009

Assurance sur la mort (1944) de Billy Wilder

Titre original : « Double Indemnity »

Assurance sur la mortLui :
Histoire de crime presque parfait, Assurance sur la mort est le premier « grand film » de Billy Wilder en tant que réalisateur. Pour adapter ce roman policier de James M. Cain, il s’est adjoint les services de Raymond Chandler dont c’est ici le premier apport en tant que scénariste. La construction est originale puisque le film débute par la confession d’un agent d’assurances : une balle dans le corps, il avoue son crime à un magnétophone. Donc, le suspense n’est pas de savoir qui a tué, ni pourquoi (il dit avoir tué pour l’argent et pour une femme), mais de savoir comment cet homme a pu en arriver là. L’originalité d’Assurance sur la mort est aussi là : le meurtrier est un homme tout à fait ordinaire, ni médiocre ni brillant, un cadre moyen sans histoire. Habitué à des rôles plus légers, Double IndemnityFred McMurray a été réticent à accepter le rôle mais Billy Wilder a insisté, attiré justement par son côté affable. Face à lui, Barbara Stanwyck, avec sa perruque blonde et souvent vêtue de blanc, est étonnante en mante religieuse qui berne les hommes avec un petit sourire légèrement démoniaque. Edward G. Robinson complète le trio ; suspicieux, malin et méthodique, il oppose l’intelligence et la déduction aux pulsions incontrôlées. Original sur bien des points et remarquablement bien construit, Assurance sur la Mort est bien l’un des plus grands classiques du film noir.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Fred MacMurray, Barbara Stanwyck, Edward G. Robinson
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Remarques :
– Le Code Hays avait longtemps interdit d’adaptation les deux livres de James M. Cain, Assurance sur la mort et Le Facteur sonne toujours deux fois. Tous deux reposent il est vrai sur le même thème, le désir sexuel qui pousse au crime un homme ordinaire. Ces deux livres ont donné deux très grands films noirs, à classer sans aucun doute parmi les 10 plus grands des années 40.
– L’histoire est basée sur un fait divers réel qui s’est déroulé à New York en 1927.

27 avril 2009

Une aventure de Buffalo Bill (1936) de Cecil B. DeMille

Titre original : « The Plainsman »

Une aventure de Buffalo BillElle :
(pas vu)

Lui :
Au lendemain de la guerre de Sécession, de vils marchands d’armes trouvent de nouveaux marchés en vendent des armes aux Indiens. Des hommes vont aider l’armée à faire cesser ce trafic. Comme l’annonce l’avertissement en début de film, Une aventure de Buffalo Bill condense en un seul récit plusieurs épisodes célèbres du début de la Conquête de l’Ouest. La vérité historique est cependant globalement respectée. On peut regretter l’importance donnée à la supposée romance entre Calamity Jane et Bill Hickock qui est ici le véritable héros du film, plus que Buffalo Bill. Une aventure de Buffalo Bill Le propos de Cecil B. DeMille est ici d’exalter le courage d’hommes qui forgèrent l’esprit d’une Nation en pleine évolution et, même si l’on peut regretter la simplicité du discours du fait d’un certain manichéisme, il le fait ici sans aucun excès, avec un très grand classicisme qui met en valeur le caractère profondément humain de ces grandes figures de l’Ouest. Une Aventure de Buffalo Bill apparaît ainsi comme un grand western classique : confrontation avec les Indiens, embuscade, arrivée de la cavalerie en renfort, règlements de comptes et chasse à l’homme forment un ensemble toujours efficace 75 ans après sa sortie.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Gary Cooper, Jean Arthur, James Ellison, Charles Bickford, Helen Burgess
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The plainsman
Jean Arthur est Calamity Jane dans The Plainsman de Cecil B. DeMille

The plainsman
Calamity Jane (Jean Arthur) et le général Custer (John Miljan). Photo (probablement) de tournage de The Plainsman de Cecil B. DeMille

21 avril 2009

Les Dames du Bois de Boulogne (1945) de Robert Bresson

Les Dames du Bois de BoulogneLui :
Les Dames du Bois de Boulogne, le deuxième long métrage de Robert Bresson, est d’un style plus classique et même sous certains aspects en opposition avec ses films suivants. Librement adaptée d’un conte de Diderot contenu dans Jacques le fataliste et son maître, l’histoire est une variation machiavélique du triangle amoureux : délaissée par son amant, une dame du monde décide de se venger en faisant en sorte qu’il tombe amoureux d’une ex-danseuse sans connaître son passé. L’histoire est transposée en 1943, ce qui crée parfois un léger décalage mais les très beaux dialogues de Jean Cocteau assurent la liaison par leur grand classicisme. Le producteur imposa Paul Bernard pour le rôle de l’homme-victime, acteur plutôt connu pour ses rôles de personnages cyniques, ce qui enlève une partie de la force du film. La présence d’Alain Cuny, initialement pressenti pour le rôle, aurait certainement élargi la dimension dramatique des Dames du Bois de Boulogne en nous rendant son personnage sympathique et aurait ainsi intensifié les tensions. Robert Bresson se concentre avant tout sur ses personnages, décors, costumes et lieux sont très simples sans que cette sobriété n’entrave une certaine élégance de ton. Si elle fut partiellement imposée par l’époque (Les Dames du Bois de Boulogne a été tourné sous l’Occupation), cette sobriété préfigure le style que développera Robert Bresson.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Paul Bernard, María Casares, Elina Labourdette, Lucienne Bogaert
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Autre adaptation du même conte de Diderot :
Mademoiselle de Joncquières d’Emmanuel Mouret (2018) avec Cecile de France et Edouard Baer.