4 juin 2009

Le grand silence (1968) de Sergio Corbucci

Titre original : « Il grande silenzio »

Le grand silenceElle :
(pas vu)

Lui :
Le Grand Silence de l’italien Sergio Corbucci est parfois décrit comme étant l’un des meilleurs westerns-spaghetti. Il est en tous cas l’un des plus originaux, pas vraiment par son scénario mais plutôt par son absence de concession et par son décor : tout le film se déroule dans les Montagnes Rocheuses de l’ouest des Etats-Unis, en plein hiver. L’omniprésence de la neige épaisse permet de très beaux plans, notamment lors des déplacements à cheval, les montures devant faire parfois des bonds de cabri pour avancer dans soixante centimètres de neige. De plus, la neige permet des contrastes forts, rien de tel que la neige pour faire ressortir le rouge sang… Le Grand Silence ne fait aucune concession dans le tableau qu’il nous brosse de l’Ouest, à une époque où les chasseurs de primes ont fait de véritables massacres pour traquer de prétendus hors-la-loi, en réalité des miséreux bannis de la société par des notables avides et peu scrupuleux. Les cadrages semblent parfois approximatifs et il faut bien reconnaître que Corbucci n’a pas la maîtrise esthétique d’un Leone. Jean-Louis Trintignant montre une forte présence même s’il ne s’agit pas vraiment de l’un de ses grands rôles ; face à lui Klaus Kinski, à cette époque un grand habitué des séries B, livre là une belle prestation qui est rendue encore plus exotique par un doublage en italien avec une voix de bellâtre, une voix douce certainement choisie pour créer un fort contraste avec son personnage peu reluisant. La fin est surprenante. Par son absence de complaisance, elle a certainement contribué à alimenter l’aura du Grand Silence. Qu’il la mérite ou pas, c’est au moins un film original.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Louis Trintignant, Klaus Kinski, Frank Wolff, Luigi Pistilli, Vonetta McGee
Voir la fiche du film et la filmographie de Sergio Corbucci sur le site IMDB.

Remarque :
Le site IMDB rapporte que Jean-Louis Trintignant n’aurait accepté ce rôle que pour rendre service au producteur qui était l’un de ses amis. Sa condition était de n’avoir à apprendre aucune ligne de texte et c’est ainsi que le personnage du justicier muet serait né.

Homonyme :
Le Grand Silence (Die große Stille) de Philip Gröning (2005) qui n’a absolument rien à voir puisqu’il s’agit d’un film documentaire sur la communauté du Monastère de la Grande Chartreuse.

19 réflexions sur « Le grand silence (1968) de Sergio Corbucci »

  1. Effectivement ce film est l’un des meilleurs spaghettis, ce qui montre tout l’écart qu’il pouvait y avoir entre Sergio Leone et le reste (Solima, Castellari, Corbucci …). Il reste néanmoins comme vous dites une fin brutale (visiblement c’est pour coller à un microévenement historique), une ambiance étrange entre neige et couleurs criardes, et surtout l’une des plus belles bande-sons d’Ennio Morricone.

  2. Vous me donnez férocement envie de le découvrir !!!

    Une question pour réveiller notre vieux débat. Il y a quelque temps, nous avions discuté de « Et pour une poignée de dollars », que vous jugiez vieilli et qui vous plaisait désormais beaucoup moins qu’à une époque.

    Cette chronique est-elle celle d’un premier regard ?

    J’ai l’impression que ce film vous paraît désormais supérieur à celui de Leone et je voulais simplement vous demander pourquoi, étant entendu que je n’ai vu que le Leone et que je pense qu’il s’agit du même genre de films.

  3. Oui, c’est la première fois que je voyais ce film (je pense…)

    Je ne sais pas s’il me paraît supérieur aux films de Leone… Sur le plan « maîtrise technique », il ne l’est pas, c’est certain, mais il a des atouts que les films de Leone n’ont pas toujours : une originalité certaine, moins de « tape à l’oeil » et d’effets qui me paraissent faciles maintenant (mais que j’appréciais auparavant). Le Grand Silence paraît ainsi plus authentique… mais c’est aussi du à son absence de moyens.
    C’est en tous cas différent…

  4. un western a voir et revoir ! un masterpiece base sur des evenements veridiques ! dommage que Corbucci a ensuite continuer a faire des navets comme le stupide « Ringo au pistolet d’or  » ou le western tres moyen « Navajo Joe « ! mais je n’oublierai jamais un autre de ses chef d’oeuvre comme « Django  » qui a marque ma jeunesse !

  5. Rares sont les westerns spaghettis où (……) à la fin du film ! je peux en citer quelque uns :  » une corde … un colt  » avec robert Hossein ,  » 1 minute pour prier , 1 seconde pour mourir » avec Alex Cord , « poker d’as pour django  » avec maurice Poli ! les heros dans ces recits sont soit des tueurs soit des truands ! les realisateurs essayaient a l’epoque de donner une certaine « morale » dans leur recit et c’est bien ainsi !

  6. a l’epoque , le film a ete interdit aux moins de 18 ans et a juste titre ! on n’avait jamais vu encore tant de violence dans un western ! nous voyons le sang gicler ( bien avant le western crepusculaire de Sam Peckinpah « la Horde Sauvage ») et comme tant de spectateurs cet apreme la dans mon cinoche du quartier de belleville a Paris nous avons ete si etonnes de voir (………) ! encore gosse ( je n’avais que 14 ans a l’epoque ) je suis sorti de la salle de cine attristé (………), mais aussi emerveille par le jeu admirable des acteurs , par ces paysages enneiges a nous couper le souffle !

    NDLR : Certains passages de ce commentaire ont été supprimés pour éviter de dévoiler la fin du film. Désolé…

  7. original comme film avec des acteurs de nom Jean-Louis Trintignant, Klaus Kinski, Frank Wolff et merci

  8. Merci au « passionné » gerardszarlit d’avoir dévoilé la fin (sur deux posts d’affilée, remarquable dans l’entêtement, le gars !) qui avait été soigneusement tue par le rédacteur de la chronique, on a bien compris que vous l’aviez vu ce film, et que vous en aviez vu d’autres !

  9. Oui, vous avez raison.
    J’ai donc supprimé certains passages. Que gerardszarlit veuille bien m’en excuser mais je prends toujours soin de ne pas dévoiler la fin (ou même le déroulement) des films afin de ne pas entraver le plaisir et l’intérêt des personnes qui n’ont pas vu le film.

  10. « Le grand silence » est un chef-d’oeuvre absolu le meilleur western probablement !. On vit l’action, on s’y croirait, c’est impressionnant car on n’a aucune peine à penser que cela se passait comme ça à cette époque, Sergio Corbucci a réussi quelque chose de monumental, Bravo Monsieur Corbucci !.

  11. Ce western-tortellini fait surtout beaucoup rire! Le début est un pastiche hilarant, entre brutes mexicaines et gringos ku klux klan. L’indispensable VO est jubilatoire, Klaus Kinski parlant avec une voix de Titi napolitain (ou romain, je ne sais)… JL Trintignant a récemment raconté à la radio (dans « Mauvais genre ») qu’il avait accepté à la condition de ne pas avoir à dire une ligne car les dialogues des Westerns spaghetti lui semblaient affligeants. C’est ce qui a donné l’idée du « Silence » à Corbucci. « Django », la neige en moins mais l’accessoire en plus, est également à déguster (quoique tout aussi sadique: on se demande pourquoi Corbucci veut absolument broyer les mains de ses héros)

  12. Les paysages sont beaux… mais comme le reste, fort peu authentiques : il s’agit des Pyrénées espagnoles et non pas des Montagnes Rocheuses. Ce western, quelquefois réussi d’un point de vue formel (cadrage, mouvements de caméra, malgré un abus de zoom) n’a aucune profondeur et tient à peine debout. Son intérêt est en quelque sorte historique : il retourne indéniablement (mais arbitrairement) les codes du genre, jusqu’à la fin, qui est l’exact contraire de tout ce qu’on peut trouver dans un western américain classique. Certes le film est d’une extrême « noirceur » – en contraste avec tout ce blanc – mais n’est-ce pas un peu facile d’être « noir » quand on se dégage de tout réalisme psychologique ? Aucun personnage n’est vrai, n’a d’épaisseur humaine. Le seul qui soit intéressant et drôle, c’est le shériff. Le reste n’est que caricature ou figuration. Ajoutez à cela la musique de Morricone qui a l’air de se foutre du monde (en plaquant les préludes de Chopin dans ce bar de Snowhill et en mêlant à la sauce qui baigne tout le film des accords de sitar… comme c’était la mode à l’époque !) A bien des égards c’est du grand n’importe quoi (l’usage de la langue italienne dans une action où on est censé parler américain n’est pas la moindre de ses aberrations) et ce film a été et apparemment reste encore largement surévalué.

  13. Je vais contredire le sieur Grundmann à propos de Ennio Morricone. Effectivement le compositeur met du sitar dans sa musique parce que c’était à la mode.
    Jean Sebastien Bach mettait du clavecin comme instrument de percussion parce que c’était aussi à la mode. Jusqu’à ce que Mozart le remplace par le piano parce que c’était à la mode…etc…
    La musique du maestro pour « Le grand Silence » fait partie de ses compositions les plus mémorables. On entend les pas des chevaux dans la neige et le bruit des éperons dans sa musique. Travail remarquable.
    De même le thème d’amour est parmi les plus somptueux qu’il ait composé.

  14. Le réalisme n’est pas le point fort de ce western des neiges. Les principaux personnages sont des masques purs et simples. Dommage que Corbucci n’ait pas eu la bonne idée de tenter ce que Peckinpah a réussi avec « La Horde sauvage » ou « Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia », ou même – à un moindre degré – Damiani dans « El Chuncho ». Son western « noir » est devenu culte à cause du décor naturel surprenant, de sa violence graphique et du non respect (un peu vain parce que trop systématique) des codes du genre.
    Pas si mal, me direz-vous! Oui, mais pas suffisant pour faire un grand film. En tout cas, « Le grand silence » reste un western atypique, y compris dans la production européenne des ces années-là.

  15. Tout à fait d’accord avec le commentateur qui, un peu plus haut, qualifie de « grand n’importe quoi » ce monument de laideur. « Le Grand Silence » est au western ce que les navets d’Ed Wood sont au genre de la science-fiction : un ratage complet. L’accumulation d’erreurs techniques (on flirte en permanence avec l’amateurisme), incohérences, défauts multiples que présente ce pseudo-western atteint de tels sommets, que ce soit du point de vue de l’interprétation, de la cinématographie, du scénario, etc., que nombre de naïfs ont cru tenir là une espèce de chef-d’oeuvre. Ce film ne présente aucune originalité ; il est tout simplement le résultat d’une addition d’incompétences. Très mal filmé (et c’est peu dire), atrocement mis en scène, monté avec les pieds, incroyablement mal joué, toutes ces aberrations ont fini par jouer en faveur de ce gâchis de pellicule au point que certains cinéphiles un peu tordus lui vouent désormais un culte assez inexplicable. « Le Grand Silence » ne vaut pas un clou. Ce n’est là que mon opinion personnelle, bien entendu.

  16. Au début des années 70 le film était passé dans le cinéma de la petite ville ou j’étais lycéen. N’ayant pas pu le voir, je me souviens de la réaction dans la cour du bahut de ceux qui avaient la chance d’y être allé : completement déconcertés les gars . Une fin comme çà, une cruauté continuelle et une scene d’amour assez chaude pour un ado de l’époque. Et , même si il est italien, dans un western ! Completement inconcevable pour les gamins que nous étions !
    Drole de personnalité en tout cas que le deuxième Sergio. Esprit de contradiction, humour noir moqueur à la romaine, sadisme rigolard ( « je suis un petit Néron » ,affirme t-il dans un entretien ), Corbucci prends le contrepieds des codes moraux et narratifs des westerns précédents.Les Bounty killers, héros admirés chez Leone, sont ici des salopards encore plus dérangeants qu’ils sont du bon côté d’une loi leur garantissant toute puissance dans leur cruauté; les supposés hors-la-loi ne sont que de pauvres types affamés ne faisant pas le poids face à Kinski et ses acolytes, le shérif, qui devrait être arbitre moral, est constamment ridiculisé.. Western de la transgression, un enfant est torturé, des innocents massacrés et bien sûr la scène finale, Corbucci se lache completement et va jusqu’au bout de ce qu’il avait entamé avec Minnesota Clay et Django. Un jeu sadique de chat et de souris entre le réalisateur et son héros, ou ici, contrairement à tout ce qui est convenu, c’est le chat qui gagne.
    Pour les erreurs techniques, rappelons nous les difficultés liées aux conditions de tournage ( montagne , neige, froid, un Kinski parait il infernal sur le tournage , des intérieurs dans des refuges , des étables …) Corbucci se sortant plutôt bien de toutes ses contraintes. Beaucoup de longs plans sans dialogues sur la neige , des cavalcades difficiles, une diligence transportant des cadavres, mettent en valeur la musique de Morricone qui devient presque une symphonie de la montagne et du désespoir.
    Quant aux différentes fins ( trois différentes ), signalons le moins connu Minnesota Clay montrant la descente aux enfers de Cameron Mitchell : apres avoir été trahi, emprisonné, vieillissant ,devenant aveugle et se faisant tirer dessus, une derniere scene visiblement rajoutée et tombant comme un cheveu dans la soupe ( du moins dans la VF de l’époque ) nous le montrait en pleine santé, épanoui et ayant recouvré la vue ! Concession morale et commerciale du distributeur ?
    Pour Le grand silence, je ne sais pas quelle fin avait été diffusée dans le vieux cinéma à côté du lycée de Sainte-Foy- la Grande, mais ce n’était pas en tout cas la plus heureuse.
    Chez Corbucci, de Django aux routiers de « I bestioni  » et de Minnesota à Silence, le boulot de héros n’est décidément pas une sinécure .

  17. Bonjour.
    C’est là ma première intervention sur votre blog que je trouve intéressant.
    Deux trois choses à propos de ce Corbucci.
    Le Grand Silence a été tourné dans les Alpes, du côté de Cortina d’Ampezzo.
    Ringo au pistolet d’or date de 1965 et Navajo Joe de 1966. Ils sont donc antérieurs au Grand Silence.
    Enfin, je constate que pour certains, le western européen a toujours du mal à passer. On se croirait dans les années 60 où les critiques fustigeaient le genre. Quant à ce pauvre Trintignant, s’il n’aimait pas le western transalpin, il n’avait qu’à pas le tourner. Bien d’autres auraient fait l’affaire, à commencer par Franco Nero.
    Quelle idée d’engager Trintignant! Quelle idée d’engager Johnny Halliday l’année suivante pour être Le Spécialiste!
    Certes, ce Silence n’est pas exempt de défauts mais l’on aurait tort, je crois, de tenter une comparaison avec le western U.S. que j’apprécie énormément. Ce sont deux genres différents qui ont leurs lettres de noblesse.
    Pour ce qui est du western européen, je conseille Le Dernier face à face, 1967, Sergio Sollima. C’est un pur chef-d’œuvre.
    Amicalement.

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