15 juin 2024

Adieu chérie (1946) de Raymond Bernard

Adieu chériePour éviter un mariage arrangé avec une riche héritière, le jeune bourgeois Bruno Brétillac propose à Chérie, une entraîneuse qu’il rencontre dans un salon de jeux, un stratagème : l’épouser contre rémunération et, plus tard, divorcer…
Adieu chérie est un film français réalisé par Raymond Bernard, sur une histoire créée et adaptée par Jacques Companéez et Alex Joffé. C’est le premier film que Danielle Darrieux a tourné à la Libération mais il reste dans l’esprit de ses films d’avant-guerre. Si l’actrice désirait alors passer à des rôles plus profonds que ces rôles simples de séduction, elle le tient néanmoins une fois de plus avec brillance. Le film n’est pas très bien considéré par les historiens et critiques (quand ils en parlent). Il est certes très léger mais il repose sur un bon scénario, des dialogues assez brillants et une bonne distribution jusque dans les seconds rôles. Il y a de belles trouvailles d’humour et même des scènes assez mémorables. La comédie se mue en drame vers son épilogue qui peut surprendre (il était alors important que la morale soit respectée). Une bien plaisante comédie qui connut un beau succès à sa sortie mais, aujourd’hui, complètement oubliée.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Danielle Darrieux, Louis Salou, Gabrielle Dorziat, Pierre Larquey, Jacques Berthier, Alice Tissot
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Danielle Darrieux et Louis Salou dans Adieu chérie de Raymond Bernard.
Jean-Jacques Delbo et Danielle Darrieux dans Adieu chérie de Raymond Bernard.
A noter : une courte apparition non créditée de Charles Aznavour
chantant en duo avec Pierre Roche dans Adieu chérie de Raymond Bernard.

19 décembre 2020

Les Croix de bois (1932) de Raymond Bernard

Les croix de boisEn France, pendant la Première Guerre mondiale, Gilbert Demachy, étudiant en droit, s’engage pour en découdre avec l’envahisseur allemand. La ligne de Front paraît stagner en Champagne. Terré dans les tranchées, chaque camp attend de passer à l’offensive…
Les Croix de bois de Raymond Bernard est une adaptation du roman homonyme paru en 1919 de Roland Dorgelès qui s’inspirait de sa propre expérience pendant la Première Guerre mondiale. Si le film est indéniablement anti-guerre, ce n’est nullement par sa rhétorique ou par un procédé scénaristique : le récit ne fait que décrire le quotidien de la vie des soldats, il nous montre ce qu’ils ont vécu sans effet superflu ni surcroit de dramatisation. Il n’y en a nul besoin hélas. Une longue séquence nous fait vivre une attaque qui a duré dix jours, véritable chaos avec des bombardements continuels et assourdissants, un déluge de feu. Le film a été tourné sur les lieux-mêmes (1) et, pour faire plus vrai, Raymond Bernard a préféré utiliser des anciens soldats comme figurants plutôt que les jeunes recrues que l’armée avait mises à sa disposition. Les acteurs Charles Vanel, Raymond Aimos, Jean Galland et Pierre Blanchar ont eux aussi réellement combattu pendant la Première Guerre mondiale. Le résultat est un film qui sonne très vrai et n’en est donc que plus terrifiant. Bizarrement, Les Croix de bois n’a pas toujours été bien considéré alors qu’il le mérite. Certes, il n’a pas l’ampleur de films comme La Grande Parade de King Vidor (1925) ou de À l’Ouest, rien de nouveau de Lewis Milestone (1930) mais son message est tout aussi puissant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Pierre Blanchar, Gabriel Gabrio, Charles Vanel, Raymond Aimos, Antonin Artaud, Paul Azaïs
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(1) Raymond Bernard raconte : « Une grande partie du film a été réalisée en Champagne. Les traces des tranchées n’étant pas encore effacées, il nous suffisait de les remettre en état. Nous avons travaillé avec une ardeur et une conviction solide, une foi indéracinable, la certitude que nous collaborions à quelque chose d’utile, à une oeuvre qui resterait dans la mémoire des hommes » (Propos cités par Patrick Brion)

Les croix de boisPierre Blanchar et Gabriel Gabrio dans Les croix de bois de Raymond Bernard.

3 février 2018

Le Coupable (1937) de Raymond Bernard

Le CoupablePromis à la riche Marie-Louise Gaude, Jérôme Lescuyer monte à Paris faire des études de droit pour poursuivre la tradition familiale et devenir magistrat. Il tombe amoureux d’une jeune fleuriste, Thérèse Forgeat, qui est enceinte après quelques mois. Mais la guerre est là et Jérôme est mobilisé…
Ce film de Raymond Bernard est la seconde adaptation du roman de François Coppée, Le Coupable, dont Raymond Bernard modifie quelque peu le déroulement. Ce grand mélodrame peut sembler d’abord assez conventionnel mais prend une grande ampleur dans son dernier tiers avec une longue scène de tribunal, forte et émouvante, qui mérite de figurer parmi les grandes scènes de tribunal du cinéma français. Pierre Blanchar se surpasse alors, évitant tout excès de grandiloquence. Pour le reste, le mélodrame se double d’une critique sociale, qui certes n’évite pas les clichés mais doté d’une belle touche d’humour. La présence de tant d’humour au sein du mélodrame est d’ailleurs assez surprenante. L’interprétation est de très bon niveau avec de beaux seconds rôles et une remarquable prestation de Gilbert Gil. La mise en scène de Raymond Bernard est bien maitrisée et la photographie de Robert Lefebvre se distingue par ses cadrages obliques fort bien intégrés.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Pierre Blanchar, Madeleine Ozeray, Gabriel Signoret, Suzet Maïs, Junie Astor, Gilbert Gil, Marguerite Moreno
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Remarques :
* Précédente adaptation :
Le Coupable d’André Antoine (1917) avec Romuald Joubé et Sylvie.

* C’est l’un des derniers films de Gabriel Signoret (souvent aux génériques sous le simple nom de Signoret) qui est mort en 1937. Quelques années plus tard, la jeune Simone Kaminker choisira comme nom d’artiste Simone Signoret en hommage à ce grand acteur du théâtre et du cinéma.

Le coupable
Pierre Blanchar et Junie Astor dans Le Coupable de Raymond Bernard.

Le Coupable
Gilbert Gil dans Le Coupable de Raymond Bernard.

Le Coupable
Marguerite Moreno et Gabriel Signoret dans Le Coupable de Raymond Bernard.

11 décembre 2013

Les Misérables (1934) de Raymond Bernard

Partie 1 : « Une tempête sous un crâne » (1h50)
Partie 2 : « Les Thénardier » (1h25)
Partie 3 : « Liberté, liberté chérie… » (1h26)

Les misérablesAprès 19 ans de bagne pour avoir volé une miche de pain, le forçat Jean Valjean est libéré et part de Toulon pour rejoindre Pontarlier. Arrivé dans la ville de Digne, toutes les portes se referment devant lui et seul Monseigneur Myriel accepte de l’héberger pour la nuit… Le grand roman humaniste de Victor Hugo a été porté de multiples fois à l’écran mais les adaptations vraiment remarquables se comptent sur les doigts d’une main. L’ampleur du roman et le nombre de personnages rend en effet l’entreprise délicate. Les Misérables de François Bernard est assez souvent considérée comme étant la meilleure. Avec celle d’Henri Frescourt (muet, 1925), c’est aussi la plus complète et la plus fidèle. Elle a bénéficié d’un budget très important ce qui témoigne de la vitalité du cinéma français des années trente. Raymond Bernard a su trouver le ton juste, évitant de se laisser emporter par le souffle de l’oeuvre. Il ne tombe jamais dans l’excès ou dans la grandiloquence. Il a su aussi parfaitement choisir ses comédiens et les faire jouer avec mesure. Harry Baur est monumental dans le rôle de Jean Valjean mais sans éclipser les autres personnages ; tous les rôles sont remarquablement tenus. Les décors sont nombreux et soignés, la photographie est assez belle, très contrastée mais, sur le plan de la forme, ce qui surprend le plus est l’utilisation fréquente des cadrages obliques.Les misérablesLes misérables On peut certainement y voir là une certaine influence des expressionnistes allemands mais cela dénote aussi d’une belle inventivité et même d’une certaine audace. Dans le même ordre d’idées, les scènes de barricades en « caméra à l’épaule » (1) sont assez étonnantes. Les Misérables de Raymond Bernard est une très belle adaptation qui sait restituer l’ampleur et la force du roman de Victor Hugo.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Harry Baur, Charles Vanel, Charles Dullin, Émile Genevois, Orane Demazis, Florelle, Josseline Gaël, Marguerite Moreno
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Remarques :
* Comme le dit très justement Jacques Lourcelles : « L’adaptation des Misérables de Raymond Bernard est un film d’honnête homme et d’humaniste. Il ne vise jamais plus haut que ce qu’il peut atteindre et atteint dès lors presque toujours son but. »
* A lire sur le site de la Cinémathèque, le compte-rendu de la première au Marignan par Max Mate dans le numéro de février 1934 de Ciné-Magazine (c’est à la page 14, soit la page 9 du PDF). Pathé-Natan avait organisé un dîner de presse de 1000 couverts avec trois orchestres!
Les misérables* Le film fut très longtemps exploité en deux parties ( 1 « Jean Valjean » et 2 « Cosette ») pour une durée totale de 3h20 au lieu des 4h40 initiales.
* La révolte populaire décrite par Victor Hugo est l’insurrection républicaine de 1832, tentative de renversement de la Monarchie de Juillet. Les obsèques sont celles du Général Lamarque, grande figure du parti républicain. Le roi Louis-Philippe n’abdiquera que 16 ans plus tard lors de la Révolution de 1848.
* Le personnage de Marius est, selon les propres dires de l’écrivain, inspiré de la vie de Victor Hugo lui-même.
* Principaux passages du livre absents de cette adaptation :
1. La bataille de Waterloo.
2. Les années où Jean Valjean et Cosette vivent au couvent du Petit Picpus.
3. L’évasion de prison de Thénardier et ses nouvelles tentatives d’assassinat et autres fourberies.

Les grandes adaptations du roman de Victor Hugo :
Les Misérables d’Albert Capellani (1912), en 2 films pour une durée totale de 2h20
Les Misérables d’Henri Frescourt (1925) en quatre parties (muet, 8h30)
Les Misérables de Raymond Bernard (1934) en trois parties (4h40)
Les Misérables (I Miserabili) de Riccardo Freda (Italie, 1948) en deux parties (3h10), sorti en France en version raccourcie en 1952 sous le titre L’évadé du bagne (1h50).

Autres adaptations (liste incomplète) :
Les Misérables de Richard Boleslawski (USA, 1935) avec Fredric March
Les Misérables (La Vie de Jean Valjean) de Lewis Milestone (USA, 1952) avec Michael Rennie
Les Misérables de Jean-Paul Le Chanois (1958) avec Jean Gabin et Bernard Blier
Les Misérables de Glenn Jordan (UK TV, 1978) avec Richard Jordan et Anthony Perkins
Les Misérables de Robert Hossein (1982) avec Lino Ventura et Michel Bouquet
Les Misérables de Claude Lelouch (1995) avec Jean-Paul Belmondo
Les Misérables de Bille August (USA, 1998) avec Liam Neeson et Uma Thurman
Les Misérables de Tom Hooper (USA, 2012) avec Hugh Jackman et Rusell Crowe

(1) Vu le poids des caméras, il était bien entendu impossible de mettre une caméra sur son épaule à cette époque…