19 décembre 2020

Les Croix de bois (1932) de Raymond Bernard

Les croix de boisEn France, pendant la Première Guerre mondiale, Gilbert Demachy, étudiant en droit, s’engage pour en découdre avec l’envahisseur allemand. La ligne de Front paraît stagner en Champagne. Terré dans les tranchées, chaque camp attend de passer à l’offensive…
Les Croix de bois de Raymond Bernard est une adaptation du roman homonyme paru en 1919 de Roland Dorgelès qui s’inspirait de sa propre expérience pendant la Première Guerre mondiale. Si le film est indéniablement anti-guerre, ce n’est nullement par sa rhétorique ou par un procédé scénaristique : le récit ne fait que décrire le quotidien de la vie des soldats, il nous montre ce qu’ils ont vécu sans effet superflu ni surcroit de dramatisation. Il n’y en a nul besoin hélas. Une longue séquence nous fait vivre une attaque qui a duré dix jours, véritable chaos avec des bombardements continuels et assourdissants, un déluge de feu. Le film a été tourné sur les lieux-mêmes (1) et, pour faire plus vrai, Raymond Bernard a préféré utiliser des anciens soldats comme figurants plutôt que les jeunes recrues que l’armée avait mises à sa disposition. Les acteurs Charles Vanel, Raymond Aimos, Jean Galland et Pierre Blanchar ont eux aussi réellement combattu pendant la Première Guerre mondiale. Le résultat est un film qui sonne très vrai et n’en est donc que plus terrifiant. Bizarrement, Les Croix de bois n’a pas toujours été bien considéré alors qu’il le mérite. Certes, il n’a pas l’ampleur de films comme La Grande Parade de King Vidor (1925) ou de À l’Ouest, rien de nouveau de Lewis Milestone (1930) mais son message est tout aussi puissant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Pierre Blanchar, Gabriel Gabrio, Charles Vanel, Raymond Aimos, Antonin Artaud, Paul Azaïs
Voir la fiche du film et la filmographie de Raymond Bernard sur le site IMDB.

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(1) Raymond Bernard raconte : « Une grande partie du film a été réalisée en Champagne. Les traces des tranchées n’étant pas encore effacées, il nous suffisait de les remettre en état. Nous avons travaillé avec une ardeur et une conviction solide, une foi indéracinable, la certitude que nous collaborions à quelque chose d’utile, à une oeuvre qui resterait dans la mémoire des hommes » (Propos cités par Patrick Brion)

Les croix de boisPierre Blanchar et Gabriel Gabrio dans Les croix de bois de Raymond Bernard.

27 septembre 2019

Dans un recoin de ce monde (2016) de Sunao Katabuchi

Titre original : « Kono sekai no katasumi ni »

Dans un recoin de ce mondeAprès avoir grandi dans l’Hiroshima des années 30, la jeune Suzu doit quitter sa famille pour aller dans la ville proche de Kure pour épouser un homme qu’elle ne connaît pas. Nous sommes alors en 1944 et la ville qui abrite un port militaire va avoir à subir des bombardements répétés…
Dans un recoin de ce monde est adapté d’un manga de Fumiyo Kôno sorti en 2008. Son histoire se déroule en un lieu où s’est écrite l’Histoire mais, si la guerre est bien dramatiquement présente, le récit laisse une grande place aux scènes du quotidien. La jeune Suzu se retrouve dans un recoin de ce monde pour y passer un temps très précieux. Les thèmes abordés n’en ont pas moins de force : la place de la femme soumise aux mariages forcés et surtout le fléau de la guerre. En fait, le récit embrasse tout un monde, du plus anodin au plus grave. Visuellement, l’animation est un peu sommaire mais le dessin est remarquable, très beau, souvent proche de l’aquarelle, avec un merveilleux sens du détail. L’atmosphère est légèrement onirique, enchanteresse, d’une quiétude qui contraste fortement avec la guerre. Dans un recoin de ce monde est un film très attachant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs:
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Dans un recoin de ce mondeDans un recoin de ce monde de Sunao Katabuchi.

Dans un recoin de ce mondeHiroshima dans les années 30 dans Dans un recoin de ce monde de Sunao Katabuchi.

Dans un recoin de ce mondeDans un recoin de ce monde de Sunao Katabuchi.

5 octobre 2016

Abattoir 5 (1972) de George Roy Hill

Titre original : « Slaughterhouse-Five »

Abattoir 5Ancien soldat, Billy Pilgrim revit par courtes séquences des périodes de son passé et même de son avenir sans qu’il puisse le contrôler… Abattoir 5 est tiré du roman homonyme de Kurt Vonnegut Jr. qui fut lui-même prisonnier de guerre à Dresde et qui, comme son personnage, est resté marqué à vie par le bombardement de la ville en 1945 par les américains. Abattoir 5 est à la fois un témoignage historique et un récit de science-fiction, mélange qui le rend assez unique en son genre. Le livre est très difficile à adapter au cinéma et George Roy Hill s’en tire fort bien. La structure est en effet des plus surprenantes puisque les périodes s’entremêlent, les passages de l’une à l’autre étant incessants, parfois très rapides pour quelques secondes seulement. Une certaine philosophie de vie émane de l’ensemble : la vie est composée de moments juxtaposés par le hasard et c’est à nous de les ordonner et de leur donner ou non de l’importance afin de contrôler et orienter notre existence.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Michael Sacks, Ron Leibman, Eugene Roche, Valerie Perrine
Voir la fiche du film et la filmographie de George Roy Hill sur le site IMDB.

Remarque :
* Le film cite le chiffre de 130 000 morts lors du bombardement de Dresde. Ce chiffre très élevé était issu d’un livre de l’écrivain anglais David Irving qui s’est révélé plus tard être un négationniste. Aujourd’hui, le bilan généralement admis est de 25 000 morts, ce qui est déjà suffisamment terrifiant.

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Ekkehardt Belle, Michael Sacks et Eugene Roche dans Abattoir 5 de George Roy Hill.

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Valerie Perrine et Michael Sacks dans Abattoir 5 de George Roy Hill.

28 septembre 2012

Quand passent les cigognes (1957) de Mikhail Kalatozov

Titre original : « Letyat zhuravli »

Quand passent les cigognesA Moscou, en 1941, Veronika et Boris sont amoureux. La guerre éclate et Boris décide de s’engager volontairement au grand désespoir de sa famille et de Veronika… Quand passent les cigognes a été tourné quatre ans après la mort de Staline et marque un tournant dans le cinéma soviétique. Plus que tout autre, ce grand film romantique symbolise la libération du carcan des films de propagande et le retour à une grande créativité qui rappelle celle des années vingt. Quand passent les cigognes a effectivement en commun avec les grands films muets cette beauté formelle qui se manifeste tant dans la lumière que dans le mouvement. Les éclairages sont travaillés avec des gros plans de toute beauté, la caméra est étonnamment mobile, capable de filer, de virevolter, de suivre les personnages dans une enivrante frénésie. Les scènes remarquables sont nombreuses(1). Kalatanov maitrise parfaitement sa créativité foisonnante, tout est parfait, rien n’est gratuit. Quand passent les cigognes Son plus grand talent est de savoir mettre la virtuosité technique au service de l’histoire qui se retrouve transcendée, puissamment élevée par un lyrisme qui nous traverse et nous bouleverse. Tatiana Samoïlova est remarquable, d’abord par sa très grande beauté juvénile, mais surtout par son interprétation très complète, exprimant à la fois de la force et de la fragilité, constamment touchante. La scène finale, ahurissante par son ampleur et sa virtuosité, est émouvante, poignante, d’un lyrisme rarement égalé. Palme d’Or à Cannes, Quand passent les cigognes connut fort justement un très succès, aussi bien dans son pays qu’à l’international.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Tatyana Samojlova, Aleksey Batalov, Vasili Merkuryev, Aleksandr Shvorin
Voir la fiche du film et la filmographie de Mikhail Kalatozov sur le site IMDB.

(1) « Les principaux moments de bravoure : l’adieu matinal dans l’escalier, le départ pour la guerre, le viol pendant le bombardement, la découverte de la maison détruite, la fuite après le discours de l’hôpital, la scène finale sur le quai de la gare passent le stade de la simple bravoure pour déboucher sur une beauté fort authentique. Il y a aussi un certain nombre de scènes d’intimité d’un naturel et d’une vivacité étincelants. » (J. Doniol-Valcroze)