22 septembre 2010

Quatre nuits avec Anna (2008) de Jerzy Skolimowski

Titre original : « Cztery noce z Anna »

Quatre nuits avec AnnaLui :
Après 17 ans d’interruption, le réalisateur polonais Jerzy Skolimowski revient avec un film qu’il tourne dans son pays natal. Dans une petite bourgade rurale de Pologne, un homme qui vit seul avec sa grand-mère est fasciné par sa voisine… Dès le début du film, Skolimowski cultive l’ambiguïté, nous intrigue, nous entraîne sur des fausses pistes (1). Il crée une atmosphère étrange, où l’on ne se sent pas bien à l’aise, mais peu à peu nous commençons à comprendre le comportement de son personnage principal. Le réalisateur a fait lui-même le rapprochement entre son personnage et l’âne d’Au Hasard Balthazar de Bresson, c’est-à-dire un être mêlant simplicité d’esprit et une grande innocence. Quatre Nuits avec Anna n’est pas vraiment un film sombre, c’est le portrait d’un être solitaire qui subit le monde qui l’entoure sans pouvoir y prendre part.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Artur Steranko, Kinga Preis
Voir la fiche du film et la filmographie de Jerzy Skolimowski sur le site IMDB.

(1) Une fois de plus, il est important de ne pas lire auparavant certaines critiques de films (ou pire encore, les synopsis de films) qui ne peuvent s’empêcher de tout dévoiler.

13 septembre 2010

La troisième génération (1979) de Rainer Fassbinder

Titre original : « Die dritte Generation »

La troisième générationLui :
S’inscrivant dans la série de films de Fassbinder sur la société allemande, La troisième génération traite du terrorisme en cette fin des années soixante-dix, au travers d’une petite cellule d’une petite dizaine de personnes. Fassbinder ne mâche pas ses mots. Tout d’abord, il nous les montre comme des petits bourgeois, sans aucune conscience politique, uniquement attirés par l’excitation de l’action et du risque, ne représentant personne et même insensible au monde qui les entoure : la bande sonore est une superposition continuelle, en bruit de fond il y a toujours une télévision allumée ou une radio qui relate les grands évènements de la planète mais ils n’écoutent pas, totalement accaparés par leurs petites manigances (en plaçant, au début de chaque acte, un intertitre de graffitis obscènes relevés dans les toilettes publiques, Fassbinder montre de manière assez crue à quel niveau il place leurs préoccupations). Ensuite, son deuxième point est de montrer que ces aspirants-terroristes sont manipulés à leur insu par la police et le pouvoir en place. La Troisième Génération est donc un film très direct, Fassbinder ne prend pas de gants pour donner sa vision du terrorisme allemand post-Baader. La forme est très particulière avec notamment ce barrage sonore, les transitions brutales, une forme qui donne beaucoup de force au film.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Hanna Schygulla, Hark Bohm, Bulle Ogier, Margit Carstensen, Eddie Constantine, Udo Kier
Voir la fiche du film et la filmographie de Rainer Fassbinder sur le site IMDB.

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Sous-titre du film :
« Une comédie en six parties, pleine de tension, d’excitation et de logique, de cruauté et de folie, comme les contes (que l’on raconte aux enfants) pour les aider à supporter leur vie jusqu’à leur mort. »

18 août 2010

Harakiri (1919) de Fritz Lang

Madame ButterflyLui :
(film muet) Au tout début de sa carrière, Fritz Lang réalise cette adaptation de l’opéra de Puccini « Madame Butterfly » (1). L’adaptation est très fidèle, le scénario étant très proche du livret : une femme japonaise s’éprend d’un occidental de passage qui l’épouse. Elle attend son retour avec l’enfant qui a vu le jour. Les décors et costumes sont assez soignés, ce qui est assez remarquable quand on pense à la rapidité à laquelle se tournaient les films alors (2). En revanche, il est aujourd’hui assez difficile de ne pas être perturbé par l’apparence très occidentale des acteurs, pas un seul n’a le moindre trait japonais. Globalement, Harakiri n’a pas la force habituelle des films de Fritz Lang mais on peut remarquer quelques scènes remarquables, les plus tragiques. La scène finale est assez stupéfiante dans le sens où elle présente des points communs avec le drame qui a touché Fritz Lang et qui a marqué tous ses films. Seulement en 1919, ce drame n’est pas encore arrivé (3).
Note : 2 étoiles

Acteurs: Lil Dagover, Niels Prien, Georg John, Meinhart Maur, Rudolf Lettinger
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Honorables homonymes :
Hara-kiri de Marie-Louise Iribe et Henri Debain (1928)
Harakiri de Masaki Kobayashi (1962), superbe film
(ce ne sont pas des remakes, les scénarios sont différents)

(1) Le livret de Madame Butterfly est l’œuvre de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica. Cet opéra de Puccini fut représenté pour la première fois à La Scala de Milan le 17 février 1904, soit seulement 15 ans avant le film de Lang.
(2) Fritz Lang a réalisé 4 longs métrages au cours de la seule année 1919. Celui-ci est le quatrième. De plus, il faut se souvenir que la situation politique de l’Allemagne était très instable : la République de Weimar n’est dotée d’une Constitution qu’à la fin de juillet 1919.
(3) En 1920, Fritz Lang rencontre Théa von Harbou, ils écrivent ensemble les scénarios. Rapidement, ils tombent amoureux l’un de l’autre. Théa von Harbou emménage dans l’immeuble même où habite Fritz Lang et sa femme, Lisa Rosenthal. Un jour de 1921, la femme surprend les deux amants. Sans se montrer, elle remonte dans son appartement et se donne la mort avec une arme à feu appartenant à son mari. C’est du moins la version finalement retenue par la police qui a tout de même interrogé longuement les deux amants. L’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’un meurtre a même été émise. Sans aller jusque là, l’évènement est suffisamment traumatisant pour que tous les films ultérieurs de Fritz Lang soient marqués par la culpabilité et l’idée qu’il suffit de peu de choses pour qu’un homme ordinaire devienne un meurtrier, parfois involontaire.
Note: Le déroulement exact de cet évènement tragique reste incertain. Cette version des faits, la plus probable, est celle émise en premier par Patrick McGilligan dans son livre : « Fritz Lang: The Nature of the Beast », St. Martin’s Press, New York (1997)

3 août 2010

Home (2008) de Ursula Meier

HomeElle :
Une écriture personnelle et un scénario original autour d’une autoroute qui vient briser la vie d’une famille unie et heureuse. Après dix ans d’une interminable construction, les véhicules viennent encombrer et polluer l’espace de cette famille. Ce sont deux mondes qui s’affrontent sans communication entre les deux. Malgré le bruit et les dangers, cette famille choisit de résister. La réalisatrice a choisi d’exagérer le trait par des situations tantôt cocasses tantôt dramatiques pour mettre à jour les excès de notre société de consommation. Petit regret : on devine un peu trop ce qui va se passer et dès lors le film perd de sa vivacité.
Note : 3 étoiles

Lui :
Une famille vit depuis 10 ans dans une maison totalement isolée, au bord d’une autoroute qui n’a jamais été ouverte. Mais l’évènement redouté finit par arriver… Pour son premier long métrage, la réalisatrice franco-suisse Ursula Meier nous livre un film assez original où elle force le trait, allant parfois au-delà de toute vraisemblance pour mieux mettre en évidence cette parabole moderne. Cette famille qui paraît tout d’abord se situer hors du monde (et presque hors du temps) voit cette civilisation arriver dans ce qu’elle a de plus inhumain et agressif. Elle tente tout d’abord de résister à ce monde étranger, de garder intacte la vie qu’elle a bâtie mais finit par se replier sur elle-même pour se préserver. Une fois passées les premières scènes assez pénibles en caméra à l’épaule, la mise en scène d’Ursula Meier fait montre de retenue et de maitrise. Home est un premier film assez réussi.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Isabelle Huppert, Olivier Gourmet, Adélaïde Leroux, Madeleine Budd, Kacey Mottet Klein
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Homonyme :
Home de Yann Arthus-Bertrand (2009)

14 juillet 2010

Duel au sommet (2008) de Philipp Stölzl

Titre original : « Nordwand »

NordwandLui :
Librement adapté d’un fait réel, le film allemand Duel au Sommet met en scène le vrai défi d’escalader la face nord de l’Eiger en Suisse, une paroi quasiment verticale de 1600 mètres, l’une des plus terribles des Alpes. Le film nous fait suivre la tentative des allemands Toni Kurz et Andreas Hinterstoisser, peu avant les Jeux Olympiques de 1936, en y ajoutant comme il se doit une petite romance. Si les films sur les grands exploits d’alpinisme peuvent être parfois assez passionnants, Duel au Sommet ne parvient que partiellement à ce but, le film n’ayant pas tout à fait l’envergure requise : caméra hésitante, effets de montage faciles, étirement du récit. Les scènes les plus réussies se situent lors de l’escalade mais finissent par être gâchées par les longueurs. Le suivi par les idéologues nazis, par l’intermédiaire d’un journal (partie inventée), ne convainc guère. Duel au Sommet manque quelque peu de densité.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Benno Fürmann, Florian Lukas, Johanna Wokalek, Georg Friedrich
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5 juillet 2010

Lili Marleen (1981) de Rainer-Werner Fassbinder

Lili MarleenLui :
L’histoire est très librement adaptée de la vie de Lale Andersen, chanteuse allemande sans grand talent qui devint l’égérie de l’Allemagne nazie avec la chanson Lili Marleen. Cette chanson eut un destin tout particulier puisqu’elle fut extrêmement populaire aussi bien auprès des soldats allemands qu’auprès des soldats alliés. Lili Marleen fait partie d’un ensemble de films de Rainer-Werner Fassbinder sur l’Histoire récente de l’Allemagne  (1). Pour traiter de la période du nazisme, il choisit l’histoire étrange de cette femme qui, tout en étant amoureuse d’un juif suisse, se retrouve propulsée parmi les plus hautes sphères du nazisme. Fassbinder la met en scène avec beaucoup de distance, sans jugement, sans mise en valeur de l’un de personnages. Cette fausse neutralité vis-à-vis du sujet a parfois été mal comprise, jusqu’à être interprétée comme preuve d’une certaine nostalgie ou du moins d’une fascination/répulsion. En réalité, son film nous questionne sur la conscience et sur les choix ; rien n’est simple. Ce sentiment de distanciation est d’ailleurs amplifié par le doublage en allemand (le film a été tourné en anglais et postsynchronisé en allemand par Fassbinder) ; ce doublage ajoute emphase et fausseté, toutes deux assez inutiles.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Hanna Schygulla, Giancarlo Giannini, Mel Ferrer, Karl-Heinz von Hassel, Erik Schumann, Hark Bohm
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(1) Fassbinder déclarait à la sortie du film : « J’espère vivre assez longtemps pour réaliser une douzaine de films qui recomposeraient l’Allemagne dans sa globalité, telle que je la vois. Chacun représenterait une étape même si l’ordre chronologique n’est pas respecté. Lili Marleen est mon premier sujet sur le IIIe Reich, ce ne sera pas le dernier. Berlin Alexander Platz et Despair se situent avant, Le mariage de Maria Braun et Lola après. Je vais poursuivre jusqu’au temps présent, pas à pas. (…) Je cherche en moi où je suis dans l’histoire de mon pays, pourquoi je suis allemand. » (Le Monde du 17 avril 1981)
Hélas, la mort prématurée de Fassbinder en 1982 (à l’âge de 37 ans) ne lui a permis de mener ce projet à terme.

29 juin 2010

Coeurs en lutte (1921) de Fritz Lang

Titre original : « (Die) Vier um die Frau » ou « Kämpfende Herzen »
Autre titre français : « Quatre hommes pour une femme »

Quatre hommes pour une femmeLui :
(film muet) Cœurs en Lutte a longtemps été considéré comme définitivement perdu. Ce n’est qu’assez récemment qu’une copie a été retrouvée au Brésil ; cette copie a été restaurée et les intertitres recréés à partir des intertitres espagnols (les intertitres originaux en allemand restent à ce jour perdus). S’il s’agit d’un drame de la jalousie, Cœurs en Lutte est très intéressant car il est doublé d’une peinture sociale de la haute bourgeoisie assez mordante où de riches courtiers en Bourse fréquentent la pègre pour écouler fausse monnaie et bijoux volés. En ce sens, il préfigure Dr Mabuse, le Joueur que Fritz Lang tournera un an plus tard. Lang cosigne le scénario avec Thea von Harbou, c’est déjà leur troisième collaboration. L’interprétation est assez puissante tout en évitant les excès. On remarquera la belle prestation de Carola Toelle. Cœurs en Lutte (ou Quatre hommes pour une femme) est bien plus qu’une curiosité, il montre un Fritz Lang qui affirme de plus en plus sa maitrise du récit et de la réalisation.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Ludwig Hartau, Carola Toelle, Anton Edthofer, Rudolf Klein-Rogge, Lisa von Marton
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Quatre hommes pour une femmeVoir les autres films de Fritz Lang chroniqués sur ce blog…

Remarque :
1) Le film a été diffusé pour la première fois à la télévison française au Ciné-Club de Patrick Brion, le 27 juin 2010.
2) Marmorhaus est un grand cinéma berlinois, situé sur l’avenue Kurfürstendamm. Ce cinéma avait pour habitude d’avoir des affiches spécialement créées à son seul usage. Il était dirigé à cette époque par un certain Siegrert Goldschmidt, dont le nom figure sur ces affiches.

23 mars 2010

L’homme de Londres (2007) de Béla Tarr

Titre original : « A Londoni férfi »

L'homme de LondresLui :
L’homme de Londres est un roman de Georges Simenon qui a déjà été porté à l’écran par deux fois dans les années quarante. On comprend que Béla Tarr l’ait choisi car cette histoire de meurtre dans un port ferroviaire offre au réalisateur hongrois un support idéal pour le cinéma qu’il affectionne. Il s’applique donc à créer une ambiance empreinte d’une lenteur extrême qui devient hypnotique et à explorer les tréfonds de l’âme de ses personnages. Désireux de calquer le rythme de son film sur la vie monotone de son personnage principal, Bela Tarr lui donne hélas trop d’importance et s’éloigne de la recherche d’une rythmique propre. De ce fait, le caractère hypnotique de son cinéma ne joue pas ici pleinement, c’est d’autant plus dommage que les images sont très belles (l’affiche du film en donne une idée). On peut bien entendu parler alors de « recherche formelle »… mais quand on commence à employer ces mots-là pour parler d’un film, ce n’est généralement pas bon signe!
Note : 2 étoiles

Acteurs: Miroslav Krobot, Tilda Swinton, István Lénárt
Voir la fiche du film et la filmographie de Béla Tarr & Ágnes Hranitzky (co-directeur) sur le site imdb.com.

Voir les autres films de Béla Tarr chroniqués sur ce blog :
Les Harmonies Werckmeister

Autres adaptations du roman de Simenon :
L’Homme de Londres (1943) d’ Henri Decoin avec Fernand Ledoux, Jules Berry et Suzy Prim (lire nos commentaires)
Le port de la Tentation (Temptation harbour) de l’anglais Lance Comfort (1947) avec Robert Newton et Simone Simon.

16 mars 2010

Un conte d’été polonais (2007) de Andrzej Jakimowski

Titre original : « Sztuczki »

Un conte d'été polonaisElle :
Un film plein de tendresse visuelle et intérieure. Une petite ville monotone et un jeune garçon qui se prend à rêver de changer le cours de son existence et d’apporter un peu de fantaisie dans son morne quotidien. Il utilise des pièces de monnaie pour attirer les passants et faire revenir son père indirectement ou pose sur la voie ferrée des soldats de plomb qui doivent rester debout lors du passage du train. Le film est ponctué de petits signes du destin d’une grande poésie. Dans ce deuxième film, Jakimowski use de belles subtilités pour aborder les déchirures de la famille. Pas un mot de trop ni de larmes, beaucoup de douceur et d’espoir et des images et cadrages de toute beauté.
Note : 4 étoiles

Lui :
Un jeune garçon de dix ans vit avec sa grande sœur et sa mère dans une petite ville de Pologne. Parmi les voyageurs qui attendent le train, il croit reconnaître son père. A partir de là, il va tout faire pour « forcer la chance » afin de réunir sa mère et sa père. Le cinéaste Andrzej Jakimowski s’est inspiré de ses propres souvenirs d’enfance pour écrire et réaliser Un conte d’été polonais. Tout est vu par les yeux de ce jeune garçon qui croit à la chance et qui fait tout pour qu’elle tourne en sa faveur. Le cinéaste utilise à merveille le décor d’une ville qui semble osciller entre délabrement et renouveau, et la relation entre le garçon et sa sœur bien plus âgée que lui. Loin de tout misérabilisme, il met en images cette histoire en lui donnant une connotation positive avec une pointe d’humour discrète mais permanente. Ses personnages sont pleins de vie. Très original, Un conte d’été polonais est finalement bien attachant.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Damian Ul, Ewelina Walendziak, Tomasz Sapryk, Rafal Guzniczak
Voir la fiche du film et la filmographie de Andrzej Jakimowski sur le site imdb.com.

8 mars 2010

Loulou (1929) de Georg Wilhelm Pabst

Autre titre  : « La boîte de Pandore »
Titre original : « Die Büchse der Pandora »

La boite de PandoreLui :
(Film muet) Au départ, il y a deux pièces de l’allemand Frank Wedekind, La Boîte de Pandore et L’esprit de la Terre, qui firent grand scandale aux alentours de 1900, étant qualifiées d’immorales et sans valeur artistique. Ces pièces ont créé un personnage qui sera adapté plusieurs fois au grand écran : Loulou, une très jeune femme amorale qui vit dans l’instant, jouit de la vie et détruit les hommes qui la côtoient. C’est bien entendu la version de G.W. Pabst qui est restée dans les esprits de tous les cinéphiles, un véritable mythe s’étant développé autour de Louise Brooks, qui avait alors 22 ans quand elle tourna ce film. Louise Brooks est, il est vrai, une actrice totalement à part : elle ne semble pas jouer son personnage, elle vit son personnage. Elle ne joue pas Loulou, elle est Loulou, impression certainement accentuée par le fait qu’elle ne lisait pas les scénarii (1). Très spontanée, déroutante, sa Loulou dégage une forte sensualité couplée à une innocence presque enfantine. Le résultat est désarmant… Le jeu très simple de Louise Brooks n’était toutefois pas vraiment compris, ni par ses partenaires (2), ni par la critique qui éreinta le film à sa sortie. Les aspects licencieux du film firent le reste : il fut mis à l’index (3). Ce n’est que dans les années cinquante qu’il fut redécouvert et reconsidéré, la brièveté de la carrière de Louise Brooks n’en parut alors que plus incompréhensible. Avec les deux films tournés avec Pabst, Loulou et Le journal d’une fille perdue, Louise Brooks est vue aujourd’hui par beaucoup de cinéphiles comme l’un des plus grands sex-symbols de l’histoire du cinéma.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Louise Brooks, Fritz Kortner, Francis Lederer, Carl Goetz, Alice Roberts, Gustav Diessl
Voir la fiche du film et la filmographie de Georg Wilhelm Pabst sur le site IMDB.

Voir les autres films de Georg Wilhelm Pabst chroniqués sur ce blog…
Lire aussi ce bel article sur Louise Brooks sur le site DVDclassiks
Voir les livres sur Louise Brooks

La boite de Pandore(1) Louise Brooks raconte dans l’un de ses articles (assemblés dans le livre Louise Brooks par Louise Brooks aux éditions Pygmalion, 1983) que Pabst lui expliquait au fur et à mesure ce qu’elle devait faire : « L’onéreuse traduction en anglais du scénario, que j’avais jetée au pied de mon fauteuil sans même l’ouvrir, avait déjà été récupérée par un assistant outré, provoquant un sourire goguenard chez Pabst. » Dans le même ordre d’idée, elle raconte comment Pabst s’est peu à peu ingérée dans sa vie privée, lui interdisant de sortir le soir par exemple. Plusieurs exemples montrent que, pour Pabst, Louise Brooks était Loulou.
(2) Louise Brooks raconte que Fritz Kortner, la considérant comme la pire actrice au monde, la haïssait et refusait de lui adresser la parole en dehors des scènes. Dans la scène où il la secoue et la malmène, il lui serra si fort le bras qu’elle eut des bleus pendant plusieurs jours. D’une manière générale, tout l’entourage de Pabst pensait qu’il avait été comme envoûté par la jeune actrice.
(3) La danse de Loulou avec la Comtesse est très probablement la première scène fortement suggestive d’amour lesbien au cinéma. Ajoutez à cela l’inceste, le libertinage, les dessous d’une bourgeoisie respectable, l’érotisme suggéré, il y avait de quoi choquer les esprits.

Versions :
Le film est maintenant disponible dans sa version originale intégrale de 133 minutes. Auparavant, la version la plus courante était celle de 109/110 minutes.
L’historien Georges Sadoul parle aussi d’une version française qui avait été totalement remaniée par la censure de l’époque : le fils devient un simple secrétaire, l’amie lesbienne devient une amie d’enfance, Loulou est acquittée au procès, Jack L’éventreur est gommé et Loulou s’engage à l’Armée du Salut à la fin du film….!
Le site IMDB parle d’une version de 152 minutes avec intertitres français qui serait au Musée du Cinéma à Bruxelles. Est-ce la version remaniée par la censure? Ce serait étonnant qu’elle soit ainsi beaucoup longue que l’originale.

Autres principales adaptations de la pièce de Frank Wedekind :
Erdgeist (1923) de l’allemand Leopold Jessner avec Asta Nielsen
Les liaisons douteuses (1962) de l’allemand Rolf Thiele avec Nadja Tiller
Lulu (1980) de Walerian Borowczyk avec Anne Bennent

Homonyme:
Loulou (1980) de Maurice Pialat avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu.