20 mars 2010

Le testament d’Orphée (1960) de Jean Cocteau

Titre complet: « Le testament d’Orphée, ou ne me demandez pas pourquoi! »

Le testament d'Orphée, ou ne me demandez pas pourquoi!Lui :
Dernier long métrage de Jean Cocteau, Le Testament d’Orphée est aussi son ultime message comme il le définit lui-même en exergue de son film : « Voici le legs d’un poète aux jeunesses successives qui l’ont toujours soutenu » (1). Tourné dans les carrières des Baux-de-Provence, il s’agit d’une introspection où Cocteau se met lui-même en scène pour une série de variations poétiques et philosophiques sur les thèmes qu’il a explorés toute sa vie durant. « Ma grande affaire est de vivre une actualité qui m’est propre et qui abolit le temps. Ayant découvert que cet état était mon privilège, je m’y suis perfectionné et enfoncé davantage. » Il meurt et renaît plusieurs fois tel un phénix poétique. Il joue avec le temps, mêlant les époques et les mythologies, créant aussi de jolis effets visuels de plans retournés et de trucages audacieux. Il faut certainement être très familier de l’œuvre de Cocteau pour apprécier ce film à sa juste valeur. Beaucoup d’acteurs différents (dont Jean-Pierre Léaud à l’âge de quatorze ans!) et quelques apparitions de ses amis (2).
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jean Cocteau, Henri Crémieux, María Casares, François Périer, Edouard Dermithe, Jean Marais, Yul Brynner, Daniel Gélin
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Cocteau sur le site IMDB.

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(1) Cocteau a été soutenu par la Nouvelle Vague, y compris matériellement : apprenant que Cocteau avait des problèmes pour boucler son budget, François Truffaut lui apporta les toutes premières recettes de son premier film Les 400 coups ce qui permit à Cocteau de tourner.
(2) Les amis : Picasso, le danseur Serge Lifar, le torero Luis Miguel Dominguín, Charles Aznavour, Françoise Sagan, Jacqueline Roque (Jacqueline Picasso), Alice Sapritch
Francine Weisweiller a produit le film dont certaines scènes ont été tournées dans sa villa de Saint-Jean-Cap-Ferrat, villa décorée de fresques par Cocteau aujourd’hui classée monument historique. Elle joue également la femme élégante qui s’est trompée d’époque.

Remarque :
Un livre de photographies (jusque là inédites) prises pendant le tournage du Testament d’Orphée par Lucien Clergue est sorti chez Actes Sud en 2003 : Phénixologie.

14 mars 2010

Rumba (2008) de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy

RumbaElle :
Dans ce deuxième long métrage, après L’iceberg, les trois réalisateurs impriment définitivement leur style loufoque, coloré et décalé. Les scènes sont remplies d’audaces de scénario et de poésie visuelle de grande intensité et émotion. Ce couple amoureux dont la vie se démantèle fort dangereusement est très expressif visuellement. La maigreur et les corps longilignes permettent de belles chorégraphies mouvantes et sensuelles. L’humour ravageur est également bien présent.
Note : 4 étoiles

Lui :
Dans Rumba, nous suivons un jeune couple qui voit son bonheur s’éloigner peu à peu et qui va de catastrophe en catastrophe. Le film est particulièrement économe sur les paroles, l’humour étant essentiellement sur les situations et sur la gestuelle ; les acteurs jouent beaucoup avec leur corps. Cela va jusqu’à quelques scènes de danse avec notamment une danse en ombres sur un mur de toute beauté. Les couleurs sont vives, dans un style années cinquante. Les trois réalisateurs de Rumba ont adopté une certaine simplicité dans la réalisation qui leur donne une certaine authenticité et une grande fraîcheur. L’ensemble est très original, simple et possède un indéniable petit charme.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Dominique Abel, Fiona Gordon, Philippe Martz, Bruno Romy
Voir la fiche du film et la filmographie de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy sur le site imdb.com.

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Homonymes :
Rumba (La dernière rumba) de Marion Gering (1935) avec George Raft et Carole Lombard
La Rumba de Roger Hanin (1987) avec Michel Piccoli et Roger Hanin

6 mars 2010

Musée haut, musée bas (2008) de Jean-Michel Ribes

Musée haut, musée basLui :
Adaptation cinématographique d’une pièce écrite par Jean-Michel Ribes, Musée haut, musée bas est un ensemble de petites saynètes humoristiques se situant dans un grand musée imaginaire. L’humour joue sur l’ignorance des visiteurs, les difficultés d’orientation, la fatigue, le décalage et l’incongruité de certaines discussions, etc… Le nombre d’acteurs connus est phénoménal, si important que cela donne une vague impression de fourre-tout (120 rôles auraient ainsi été distribués). L’ensemble est franchement très inégal, il y a bien de bons moments et de belles trouvailles d’humour mais ils sont trop rares.
Note : 1 étoile

Acteurs: Victoria Abril, Pierre Arditi, Josiane Balasko, Dominique Besnehard, Michel Blanc, Isabelle Carré, Eva Darlan, André Dussollier, Julie Ferrier, Samir Guesmi, Gérard Jugnot, Valérie Lemercier, Micha Lescot, Fabrice Luchini, Valérie Mairesse, Yolande Moreau, François Morel, Chantal Neuwirth, Dominique Pinon, Micheline Presle, Daniel Prévost
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean-Michel Ribes sur le site IMDB.

5 mars 2010

Intrusions (2008) de Emmanuel Bourdieu

IntrusionsLui :
Sur un fond de double triangle amoureux, Intrusions est un film qui joue sur l’étrangeté des rapports, chacun s’efforçant ici d’exercer une pression sur l’autre. Suspense psychologique, le film semble partir dans plusieurs directions sans que l’une d’entre elles convainque vraiment. Beaucoup trop d’aspects de cette histoire ou de réactions des personnages paraissent improbables. Peu avant la fin, le film vire soudainement dans un style qui rappelle quelque peu Bunuel ; ce qui parait tout d’abord prometteur tourne court, hélas. Natacha Régnier fait une très belle performance dans son rôle de jeune femme un peu rigide et froide, assez complexe. Intrusions la met superbement en valeur. Denis Podalydès en revanche joue certainement un peu trop sur le côté éteint de son personnage, il semble presque absent.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Natacha Régnier, Denis Podalydès, Amira Casar, Jacques Weber, Françoise Gillard
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Homonyme :
Intrusion (The astronaut’s wife) de Rand Ravich (1999) avec Johnny Depp et Charlize Theron

27 février 2010

Orphée (1950) de Jean Cocteau

OrphéeLui :
Jean Cocteau transpose le mythe d’Orphée à l’époque actuelle, transposition qu’il faut plutôt voir comme une interprétation très personnelle de cette légende grecque. Dans un quartier genre Saint-Germain des Prés, Orphée est ainsi un poète à succès méprisé par la jeunesse. Il va faire connaissance avec La Mort, sous les traits d’une jeune femme qui va le fasciner et dont il va tomber amoureux. Il est indéniable que Jean Cocteau s’identifie à Orphée (ce sera encore plus net dans le film Le Testament d’Orphée, dix ans plus tard).
OrphéeCinématographiquement, Orphée se distingue par son inventivité et certaines libertés que Cocteau prend dix ans avant la Nouvelle Vague. Il utilise avec parcimonie certains trucages pour créer des effets surréalistes assez réussis. Le texte est beau et les acteurs l’interprètent avec la bonne mesure, sans mettre trop d’emphase. Maria Casarès incarne une Mort troublante et fascinante que les effets d’éclairages rendent plus envoûtante encore. Le film reste très facile d’accès, il suffit de se laisser gagner par lui. Malgré son positionnement marqué dans le temps, il apparaît aujourd’hui assez intemporel.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Jean Marais, François Périer, María Casares, Marie Déa, Juliette Gréco, Edouard Dermithe
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Remarques :
Orphée1) Jean Cocteau avait déjà adapté Orphée en pièce de théâtre en 1925, adaptation un peu plus proche de la légende grecque mais déjà très personnelle.
2) Les scènes situées dans le Royaume des Morts ont été tournées dans les ruines de Saint-Cyr (bombardé pendant la guerre).
3) Les dessins du générique sont de Cocteau lui-même, tout comme la voix off.
4) En plus de Juliette Gréco (qui joue Aglaonice, l’amie d’Eurydice), on peut remarquer la présence dans des petits rôles non crédités au générique de Jean-Pierre Melville (le directeur de l’hôtel), de Jean-Pierre Mocky (l’un des jeunes fauteurs de trouble), de Jacques Doniol-Valcroze, futur réalisateur et fondateur des Cahiers du Cinéma (l’un des jeunes au café).
5) Voici comment Cocteau parle de son film : « Orphée est un film qui ne peut exister que sur l’écran. J’ai essayé d’y employer le cinématographe non comme un stylographe mais comme de l’encre. J’y mène plusieurs mythes de front et je les entrecroise. Drame du visible et d’invisible. La Mort d’Orphée se trouve dans la situation d’une espionne. Elle se condamne elle-même au bénéfice de l’homme qu’elle doit perdre. L’homme est sauvé, La Mort meurt, c’est le mythe de l’immortalité. »

Autres adaptations du mythe d’Orphée au cinéma :
Orfeu negro (Orphée noir) film franco-brésilien de Marcel Camus (1959)
Parking de Jacques Demy (1985) avec Francis Huster

25 février 2010

Soit je meurs, soit je vais mieux (2008) de Laurence Ferreira Barbosa

Soit je meurs, soit je vais mieuxElle :
Note : 1 étoile

Lui :
Un adolescent et sa mère doivent déménager après le départ du père. Le jeune garçon a du mal à trouver ses repères dans sa nouvelle école. Il est attiré par deux sœurs jumelles au comportement assez mystérieux. Il est un peu difficile de cerner les intentions de Laurence Ferreira Barbosa. La relation entre cet adolescent et sa mère fantasque est assez conventionnelle, le trio formé avec les deux jumelles n’est guère crédible, le film passant (on le suppose, volontairement) la limite pour aller dans le domaine du fantasme. Peut-être s’agit-il tout simplement d’un film sur l’adolescence. Toujours est-il qu’après une mise en place des personnages plutôt bien faite, nous nous sommes hélas désintéressés du sujet.
Note : 1 étoile

Acteurs: Florence Thomassin, François Civil, Marine Barbosa, Carine Barbosa, Emile Berling
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20 février 2010

Dorothy (2008) de Agnès Merlet

Titre anglais : « Dorothy Mills »

DorothyLui :
Agnès Merlet est une réalisatrice qui ne tourne que très peu. Après son remarqué premier long métrage Le Fils du Requin, elle a mis cinq ans pour écrire et tourner Artemisia et dix ans pour Dorothy. Elle aborde une fois de plus un genre bien différent puisqu’il s’agit ici d’un thriller surnaturel et psychologique centré sur une adolescente au comportement étrange (les distributeurs le présentent comme « une version moderne de l’Exorciste »…) L’histoire prend place sur une île isolée irlandaise et Agnès Merlet l’a tournée en anglais. Le climat est étrange et nous met particulièrement mal à l’aise. L’histoire n’échappe pas à certaines conventions du genre, jouant certainement un peu trop avec l’obscurantisme de cette petite communauté. Dorothy est remarquablement interprétée par la jeune Jenn Murray qui réussit à donner une vraie dimension à son personnage multi-facettes.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Carice van Houten, Jenn Murray, David Wilmot, Ger Ryan
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19 février 2010

Le premier jour du reste de ta vie (2008) de Rémi Bezançon

Le premier jour du reste de ta vieElle :
Une chronique familiale pleine de tendresse autour de trois enfants, leurs parents et le grand-père. Elle évoque les problèmes du lien familial et de la transmission entre les générations. Elle s’égrène en plusieurs tableaux montrant certains des moments importants de leur vie: l’adolescence, l’amour, les ruptures, le mariage, la vieillesse et la mort. On peut reprocher quelques clichés et un scénario qui s’étiole peu à peu.
Note : 3 étoiles

Lui :
Le premier jour du reste de ta vie est une chronique familiale évoquant l’évolution d’une famille, deux parents et trois enfants, sur une quinzaine d’années. Les enfants grandissent… Le scénario ne parvient pas à éviter les conventions et les clichés, les personnages sont typés et nous avons le quota réglementaire de conflits, de fragilités, de joies et de tragédies. Le film parvient toutefois à trouver un bon équilibre grâce à un excellent jeu d’acteurs, Jacques Gamblin et Zabou Breitman en tête, et grâce à une certaine sensibilité de la part de Rémi Bezançon dont c’est ici le second long métrage.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jacques Gamblin, Zabou Breitman, Déborah François, Marc-André Grondin, Pio Marmaï, Roger Dumas
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10 février 2010

Entre les murs (2008) de Laurent Cantet

Entre les mursElle :
Un très bon film admirablement bien interprété et senti. Nous sommes immergés de façon crédible dans la réalité scolaire d’un établissement difficile où le langage devient une arme pour faire passer les idées et le sensible. D’un côté, des adolescents aux ethnies mélangées qui doutent d’eux-mêmes et ne maîtrisent pas bien la langue française et de l’autre, des professeurs qui tentent de nouer le contact, d’élever les âmes et de valoriser. Dans le regard de Laurent Cantet, on sent de la tendresse et du respect pour les deux parties. C’est une partie d’échecs complexe qui se joue sur le fil du rasoir. Chacun avance ses pions à l’aide des mots et des registres de langage différents. Il suffit d’un grain de sable pour que la pyramide du savoir patiemment échafaudée, s’écroule d’un seul coup.
Note : 5 étoiles

Lui :
Dans une classe de 4e d’un collège parisien réputé difficile, un professeur de français s’applique à établir un dialogue avec ses élèves pour faire passer son enseignement. Entre les Murs est l’adaptation d’un roman de François Bégaudeau qui joue ici son propre rôle. Le film de Laurent Cantet parvient à nous intéresser sur un sujet peu facile, il montre les choses sans forcer le trait, sans dramatiser à outrance et c’est ce qui fait sa force. Il souligne l’étroitesse de la marge d’erreur dans une voie qui met en avant le dialogue, les inévitables faux-pas entraînant obligatoirement un repli sur un arsenal plus lourd. Entre les murs est parfaitement interprété, que ce soit par le professeur ou par les jeunes élèves. Un film tout en retenue et très réussi.
Note : 4 étoiles

Acteurs: François Bégaudeau
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3 février 2010

Tirez sur le pianiste (1960) de François Truffaut

Tirez sur le pianisteElle :
(pas vu)

Lui :
Pour son deuxième long métrage, François Truffaut choisit un univers qu’il a souvent défendu en tant que critique, le film noir américain. Il adapte un roman de Davis Goodis mettant en scène un pianiste de café dont le frère est poursuivi par deux truands. Il va ainsi se retrouver impliqué de force dans une histoire qui ne semble pas être sienne. Truffaut restitue avant tout l’atmosphère des films policiers, avec beaucoup de scènes de nuit, très contrastées. Il amplifie les ruptures de tons du roman, passant ainsi très rapidement d’une forte tension dramatique au burlesque le plus farfelu, souvent au moment où l’on s’y attend le moins. Il ajoute aussi ces discussions sur la vie et surtout sur les femmes, mélange de fascination, d’attirance et de méfiance. Tirez sur le pianiste se situe ainsi tout à fait dans l’esprit de la Nouvelle Vague. Tous ces aspects sont habilement mêlés : ainsi, entre les scènes d’action, les deux truands ne semblent qu’intéressés par de longues discussions sur la vie et les femmes (Tarantino n’a rien inventé…) Charles Aznavour est assez étonnant, il parvient à donner une réelle épaisseur à son personnage timide, fragile, effacé, qui semble subir la vie. On notera aussi la présence d’une rare prestation scénique de Boby Lapointe dans une chanson intégralement montrée (avec sous-titres, s’il vous plait, afin que l’on puisse en saisir au vol tous les jeux de mots).
Note : 3 étoiles

Acteurs: Charles Aznavour, Marie Dubois, Nicole Berger, Michèle Mercier, Serge Davri, Claude Mansard
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Remarque :
On peut rapprocher Tirez sur le pianiste du dernier film de François Truffaut, Vivement Dimanche. La démarche est en effet pratiquement la même, le résultat étant bien entendu différent.