14 janvier 2013

Despair (1978) de Rainer Fassbinder

DespairA Berlin en 1930, un dandy d’origine russe dirige une petite entreprise de fabrication de chocolats. Il développe un dédoublement de la personnalité : il s’imagine par exemple assis dans un fauteuil se regardant faire l’amour à sa femme. Ce syndrome va l’entrainer à mettre sur pied une surprenante machination… En 1978, Fassbinder a surpris le monde du cinéma avec Despair : pour son 34e film, le réalisateur a accepté une production internationale, avec un budget conséquent et une tête d’affiche connue. Il tourne un film assez déroutant qui tranche avec ses films précédents. Le scénario de cette adaptation du roman La Méprise de Nabokov est signé Tom Stoppard, écrivain de théâtre anglais d’origine tchèque qui avait notamment écrit pour Losey. Le film déroute car il paraît alourdi par un symbolisme trop appuyé de symboles et une diction des acteurs presque pédante (1). Il reste assez nébuleux dans son développement. Sur le plan de la forme, c’est le jeu avec les vitres et les reflets qui est le plus réussi bien qu’il soit, lui aussi, souvent trop appuyé, semblant se transformer alors en course à la virtuosité. Les références à l’Histoire de l’Allemagne, toujours très fortes chez Fassbinder, sont ici réduites à de la pure figuration. Assez rapidement, on se désintéresse de cette lente glissade vers la folie. Despair est un film bien surprenant de la part de Fassbinder.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Dirk Bogarde, Andréa Ferréol, Klaus Löwitsch, Volker Spengler
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(1) A noter que le film a de plus été tourné en anglais et donc les accents sont assez marqués. Même Dirk Bogarde semble avoir un accent.

4 janvier 2013

Lilly Turner (1933) de William A. Wellman

Lilly TurnerAu grand désespoir de sa mère, la jeune Lilly épouse un beau parleur qui se révèle rapidement n’être qu’un prestidigitateur de foire, cavaleur et recherché pour bigamie. Lilly se met alors sous la protection d’un rabatteur forain, prévenant mais alcoolique… Lilly Turner est adapté d’une pièce de Phillip Dunning et George Abbott. C’est un mélodrame social désenchanté comme il s’en tournait beaucoup en cette période de crise du début des années trente. Le film est au assez sombre, y compris au premier sens du terme : pratiquement toutes les scènes sont nocturnes et semblent assez peu éclairées (1). Le film ne manque pas d’intérêt mais souffre certainement d’une certaine rapidité de tournage. Ruth Chatterton fait une belle prestation (à noter que l’actrice était alors âgée de 40 ans, son personnage est donc bien plus jeune qu’elle) mais elle est certainement plus à l’aise dans des rôles un peu plus sophistiqués. Elle est une fois de plus en tandem avec le séduisant George Brent, ils étaient d’ailleurs mari et femme au moment du tournage.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Ruth Chatterton, George Brent, Frank McHugh, Guy Kibbee
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Remarque :
La Warner n’a pu ressortir Lilly Turner en 1936 comme elle le souhaitait car le bureau du Production Code (Code Hayes) a refusé de l’approuver.

(1) Il est vraisemblable que la copie diffusée au Cinéma de Minuit de Patrick Brion était un peu sombre. Il faut être indulgent car il s’agit d’un film plutôt rare.

18 avril 2012

Hantise (1944) de George Cukor

Titre original : « Gaslight »

HantiseLondres à la fin du XIXe siècle. Après l’assassinat de sa tante, cantatrice célèbre qui l’a élevée, la jeune Paula part en Italie pour oublier cette tragédie. Elle y fait la rencontre de Gregory, pianiste chez son professeur de chant. Ils se marient et retournent vivre à Londres… Hantise est l’adaptation d’une pièce de l’anglais Patrick Hamilton qui avait déjà été adaptée brillamment à l’écran quatre ans plus tôt en Angleterre. La décennie des années quarante à Hollywood est marquée par la vogue des films psychologiques et ce film de Cukor en est l’un des plus beaux fleurons. Il bénéficie de décors soignés et d’une belle distribution. Charles Boyer et Ingrid Bergman livrent tous deux une performance brillante, Joseph Cotten jouant le troisième homme (avec un accent très américain qui détonne quelque peu dans cet environnement européen). La jeune Angela Lansbury fut aussi remarquée pour son rôle de femme de chambre puisqu’à 19 ans, pour son tout premier rôle, elle fut nominée aux Oscars. George Cukor crée habilement une atmosphère puissante qui devient graduellement de plus en plus angoissante et inquiétante. Hantise garde encore aujourd’hui toute sa force.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Charles Boyer, Ingrid Bergman, Joseph Cotten, Angela Lansbury
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Remarques :
* Du fait de la pièce et de ce film, le terme Gaslighting est passé dans le langage courant (anglais bien entendu) pour désigner le processus qui consiste à donner de fausses informations à une personne pour faire croire qu’elle perd la mémoire ou la raison.
* Les écrits de Patrick Hamilton ont également inspiré Hangover Square de John Brahm et La Corde de Hitchcock.

Précédente version :
Gaslight (1940) film anglais de Thorold Dickinson (1940) avec Anton Walbrook et Diana Wynyard.
Quand il fut décidé d’adapter la pièce de Patrick Hamilton, la M.G.M. a acquis les négatifs du film de Thorold Dickinson dans le but de le retirer totalement de la circulation. Les négatifs furent détruits. Le film de Dickinson gagna, au cours des ans, une aura de chef d’œuvre disparu (que l’on disait, sans l’avoir vu le plus souvent, supérieur au remake de Cukor). Le film n’a refait surface que bien plus tard grâce à une copie que Thorold Dickinson avait préservée de la destruction.

A noter, qu’il existe aussi une version TV de Gas Light (BBC) qui est en réalité la pièce filmée à l’Apollo Theatre à Londres, le 19 mars 1939.

Homonyme (mais sans autre point commun) :
La Hantise de Louis Feuillade (1912)
Hantise (The Haunting) de Jan de Bont (1999)