29 mai 2016

Chinatown (1974) de Roman Polanski

ChinatownEn 1937, alors que la sècheresse sévit à Los Angeles, le détective privé Gittes est engagé par une femme pour faire suivre son mari qu’elle soupçonne d’adultère. Le détective le surprend effectivement avec une jeune femme et l’histoire fait la une des journaux car l’homme est à la tête du service des eaux. Le détective découvre alors qu’il a été utilisé… Avec Chinatown, Roman Polanski rend un superbe hommage au film noir avec une intrigue digne de Dashiell Hammett ou de Raymond Chandler. Tout comme ces deux maitres, il a écrit avec Robert Towne une histoire aux couches multiples prenant des tournures inattendues. Elle nous plonge dans la « California Water War », une guerre de l’eau où un aqueduc, construit à la fin du XIXe depuis l’Owens River pour alimenter Los Angeles, eut pour résultat d’assécher totalement la verdoyante et fertile Owens Valley. La reconstitution est magnifique avec une superbe photographie qui génère une atmosphère particulièrement prenante. On n’a absolument pas l’impression qu’il s’agit de décors. Polanski utilise fréquemment le principe de la caméra subjective pour mieux nous mettre dans la peau du détective (et aussi, sans doute, pour mieux coller à l’esprit Chandler dont tous les romans sont écrits à la première personne), un détective personnifié avec brio par un Jack Nicholson tout en retenue, très juste dans son jeu. Faye Dunaway forme avec lui un couple assez fascinant, plutôt électrique. Le réalisateur John Huston complète le tableau, il est ici l’un de ses grands rôles en tant qu’acteur (1). La musique de Jerry Goldsmith contribue à rendre l’atmosphère encore plus envoutante. Le déroulement du scénario est d’une grande perfection. Gros succès populaire, Chinatown est le dernier film que Roman Polanski tourna aux Etats-Unis.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jack Nicholson, Faye Dunaway, John Huston, Perry Lopez
Voir la fiche du film et la filmographie de Roman Polanski sur le site IMDB.

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Remarques :
* Roman Polanski tient le rôle du sinistre petit malfrat manieur de couteau.
* Seule la scène finale se déroule à Chinatown. Dans la première version du script, il n’y avait même aucune scène se déroulant à Chinatown.
* La première version du script a été écrite par Robert Towne seul mais, à son grand dam, Polanski a voulu revoir tout avec lui.
* La fin est un peu étrange, très noire. Polanski a déclaré qu’elle traduisait un peu son désespoir après le meurtre de sa femme Sharon Tate.
* Jack Nicholson donnera une suite à Chinatown avec The Two Jakes (1990), film bien moins réussi.

(1) Rappelons que le grand John Huston, qui a débuté sa carrière de réalisateur en adaptant un roman noir de Dashiell Hammett Le Faucon Maltais (1940), a eu une carrière intermittente d’acteur en plus de celle de réalisateur. Il fut d’ailleurs nominé pour un oscar en tant qu’acteur pour The Cardinal d’Otto Preminger (1963).

Chinatown
Jack Nicholson dans Chinatown de Roman Polanski.

Chinatown
Jack Nicholson et Faye Dunaway dans Chinatown de Roman Polanski.

John Huston dans Chinatown
John Huston dans Chinatown de Roman Polanski.

19 avril 2015

La Clé de verre (1942) de Stuart Heisler

Titre original : « The Glass Key »

La clé de verreHomme politique trouble, Paul Madvig décide de soutenir la candidature à la mairie de Ralph Henry qui veut assainir la ville, rompant ainsi brutalement ses relations avec le patron de maisons de jeux Nick Varda. En réalité, Madvig s’est surtout entichée de la fille de Ralph Henry. Ed Beaumont, le bras droit de Madvig ne voit pas cela d’un bon oeil. Ses craintes se justifient lorsque le fils de Ralph Henry est retrouvé mort dans une ruelle… Comme Le Faucon Maltais, le roman le plus connu des cinéphiles de Dashiell Hammett, La Clé de verre a été porté plusieurs fois à l’écran en moins de dix ans : Frank Tuttle l’avait déjà adapté en 1935 dans une assez bonne version avec George Raft et Edward Arnold. Cette version de 1942 est assez fidèle au roman dans le déroulement de l’histoire, à ceci près qu’elle se concentre sur la relation entre Beaumont et la fille de Henry. Pour la Paramount, l’occasion était trop belle de réunir à nouveau Alan Ladd et Veronica Lake à l’écran, après l’énorme succès de Tueurs à gages quelques mois auparavant, et de jouer sur la tension sexuelle générée par le couple et sur une certaine aura de mystère autour de Veronica Lake. Par rapport au livre, les relations ambigües entre Beaumont et l’homme de main Jeff, fortement teintées d’homosexualité et de sadomasochisme, sont restées (assez bizarrement, du fait de la censure). Sur le fond, le film met le doigt sur la corruption des politiques qui sont aux ordres de la pègre. Au final, on peut donc considérer que cette version de La clé de verre restitue bien l’esprit assez subversif des romans de Dashiell Hammett.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Brian Donlevy, Veronica Lake, Alan Ladd, Richard Denning, Joseph Calleia, William Bendix
Voir la fiche du film et la filmographie de Stuart Heisler sur le site IMDB.

The Glass Key (1942)
Brian Donlevy, Alan Ladd et Veronica Lake dans La clé de verre de Stuart Heisler (photo publicitaire)

Remarque :
* Pendant le tournage, Alan Ladd s’est retrouvé réellement assommé par William Bendix à la suite d’une erreur dans le coup porté par ce dernier. Bendix s’est à tel point confondu en excuses que ce fut le début d’une profonde amitié entre les deux acteurs qui durera jusqu’à leur mort (la même année en 1964).

Autres adaptations :
The Glass Key de frank Tuttle (1935) avec George Raft, Claire Dodd et Edward Arnold
Miller’s crossing des frères Coen (1990) (inspirés de deux romans de Hammett : La Clé de verre et La Moisson rouge)

Veronica Lake
Veronica Lake dans La clé de verre de Stuart Heisler (photo publicitaire)

22 mars 2012

Hammett (1982) de Wim Wenders

HammettEn 1928 à San Francisco, un ex-détective privé devenu écrivain d’histoires policières se trouve impliqué dans la recherche d’une jeune fille mystérieusement disparue. Son enquête le mène à Chinatown… Grand admirateur du film noir américain, Wim Wenders lui rend hommage par cette évocation du fondateur du roman noir, Dashiell Hammett (1). L’idée est de plonger l’écrivain dans l’univers de ses écrits ce qui constitue une approche originale. Hammett fait partie de la période américaine du réalisateur allemand Wim Wenders qui dut ici collaborer avec un producteur assez intrusif, Francis Ford Coppola. Les visions des deux cinéastes étaient trop différentes, la production fut donc « longue et difficile ». Une première version, plus centrée sur l’écrivain que sur le détective, fut tournée et refusée par Coppola (2). Le résultat final apparaît comme un compromis où la patte de Wenders se ressent de manière un peu plus diffuse que dans ses autres films : un certain détachement et une façon d’aller chercher l’essence de l’époque. L’atmosphère est particulièrement bien rendue, assez épaisse, intense. Hammett est un beau film noir qui se regarde avec plaisir.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Frederic Forrest, Peter Boyle, Marilu Henner, Roy Kinnear, Elisha Cook Jr.
Voir la fiche du film et la filmographie de Wim Wenders sur le site IMDB.
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Remarque :
Le superbe plan de la machine à écrire vue par le dessous des touches aurait été soufflé à Wenders par Samuel Fuller. Le réalisateur fait d’ailleurs une petite apparition dans une scène, dans la salle de jeux.

(1) C’est Dashiell Hammett qui a donné un ton nouveau aux histoires policières à la fin des années 20 en durcissant ses personnages, créant ainsi le genre des hard-boiled detective stories (« hard-boiled » = dur à cuire). Son détective ne s’en laisse pas conter car il a à faire face à des adversaires pas toujours très tendres. Raymond Chandler est un peu le fils spirituel de Dashiell Hammett. Plusieurs romans de Dashiell Hammett ont été adaptés au cinéma : Le Faucon Maltais (adapté 3 fois), La Clé de Verre et L’introuvable pour ne citer que les plus célèbres.
(2) Dans la première version, l’amie de Hammett était interprétée par Ronee Blakley, alors épouse de Wenders. Ils divorcèrent entre les deux versions et elle fut donc remplacée ! Presque tous les acteurs furent remplacés d’ailleurs mais Frederic Forrest figure dans les deux (entre les deux versions, il a tourné Coup de Cœur de Coppola).