23 décembre 2013

La Tour de Nesle (1955) de Abel Gance

La tour de NesleParis, XIVe siècle, sous le règne de Louis X le Hutin. Tous les matins, des cadavres sont repêchés dans la Seine près de la tour de Nesle. Ce sont les victimes des orgies de Marguerite de Bourgogne et des princesses Blanche et Jeanne… Production franco-italienne, La Tour de Nesle est adapté de la pièce d’Alexandre Dumas et Frédéric Gaillardet qui se sont inspirés d’une légende, probable extrapolation de faits réels (1). Cette pièce fut adaptée plusieurs fois à l’écran. L’histoire est, il est vrai, assez riche avec de nombreux éléments pour éveiller l’intérêt. Abel Gance en fait une bonne adaptation, sans doute pas aussi brillante qu’attendue d’un cinéaste si novateur, mais de belle facture et assez prenante. Le film est en couleurs (Gevacolor) ce qui n’était pas si courant dans le cinéma français de l’époque. Il comporte de courtes scènes de nudité assez audacieuses pour 1955. La Tour de Nesle est un film assez rare. Plus un divertissement qu’un mélodrame, il ne manque pas d’attraits.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Pierre Brasseur, Silvana Pampanini, Paul Guers, Jacques Toja, Michel Bouquet
Voir la fiche du film et la filmographie de Abel Gance sur le site IMDB.
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Remarques :
* La tour de Nesle fut construite vers 1200 sur la rive gauche de la Seine, face au Louvre. Elle servait à la surveillance et permettait d’interdire le passage nocturne des bateaux. Elle fut détruite au XVIIe siècle pour permettre la construction de la toujours actuelle bibliothèque Mazarine.
* Outre Alexandre Dumas en 1832, Michel Zévaco tira un roman de la même légende, intitulé Buridan, le héros de la tour de Nesle et Maurice Druon écrivit Le Roi de fer dans sa saga historique Les Rois maudits.

Les adaptations :
La Tour de Nesle d’Albert Capellani (1909)
Buridan, le héros de la tour de Nesle de Pierre Marodon (1923)
La Tour de Nesle de Gaston Roudès (1937)
La Tour de Nesle d’Abel Gance (1955)
La Tour de Nesle (Der Turm der verbotenen Liebe) (1968) de l’allemand Franz Antel (alias François Legrand) avec Jean Piat
Les versions de 1923 et 1968 sont plus proches du roman de Zévaco que de Dumas.

(1) La seule chose qui soit certaine, historiquement parlant, est le fait que la princesse Marguerite de Bourgogne (qui n’était pas encore reine) et la Princesse Blanche eurent pour amants deux frères. Tous furent arrêtés pour adultère en 1314 ; les frères furent torturés et écorchés vifs et les princesses emprisonnées. Même lorsque son époux Louis X devint roi, Marguerite resta enfermée. Victime de mauvais traitements, elle fut retrouvée morte peu après dans sa cellule. Elle n’avait que 25 ans. Tout le reste (les orgies, les meurtres, Buridan échappant à la mort, …) ne sont probablement qu’affabulations, une légende autour cette affaire qui ébranla la monarchie.

3 septembre 2012

Le Roman de Marguerite Gautier (1936) de George Cukor

Titre original : « Camille »

Le roman de Marguerite GautierDans le Paris de 1847, Marguerite est une courtisane parisienne qui profite de la vie et de ses amants. Une amie lui fait rencontrer le riche et austère baron de Varville qui devient son protecteur mais elle est plus attirée par le jeune Armand Duval qui est éperdument amoureux… George Cukor a fait un beau travail de réécriture en adaptant le roman d’Alexandre Dumas Fils La dame aux camélias. Il sait éviter tout travers trop littéraire et convention mélodramatique pour magnifier davantage l’amour-passion. Et aussi, certainement sous l’influence de Garbo, le personnage de Marguerite Gautier devient bien plus qu’une courtisane frivole : elle analyse sa situation avec clairvoyance, maturité et intelligence. C’est l’une des plus belles interprétations de Greta Garbo qui est tout à la fois : forte et fragile, joyeuse et grave, rayonnante et sombre. Le roman de Marguerite Gautier Et comme l’a souligné George Cukor, chacun de ses mouvements, ses gestes, la façon dont elle déplace, sont empreint d’une grâce infinie(1). Sa voix est elle aussi envoutante, douce, mélodieuse avec toujours cette façon si particulière de traîner légèrement sur certaines syllabes. La mise en scène de Cukor est remarquable que ce soit par les cadrages, le découpage, le rythme global. Autour de Garbo, Robert Taylor est un très bel Armand Duval et tous les seconds rôles montrent beaucoup de nuances. Le roman de Marguerite Gautier est un film qui approche une certaine perfection.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Greta Garbo, Robert Taylor, Lionel Barrymore, Henry Daniell, Rex O’Malley
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(1) Cukor a parlé d’une véritable « plastique » des mouvements de Greta Garbo : « Lorsque le personnage de Varville, son protecteur, lui demande de ramasser son éventail, elle le fait dans un mouvement absolument remarquable qui est presque le mouvement chorégraphique d’une Isadora Duncan : en effet, au lieu de s’agenouiller pour récupérer l’objet, elle se penche sur le côté avec une élégance naturelle extraordinaire. »

Principales autres adaptations :
Camille de J. Gordon Edwards (1917) avec Theda Bara
Camille de Ray C. Smallwood (1921) avec Alla Nazimova et Rudolph Valentino
Arme Violetta de Paul L. Stein (1921) avec Pola Negri
Camille de Fred Niblo (1926) avec Norma Talmadge
La dame aux camélias de Fernand Rivers (1934) avec Yvonne Printemps et Pierre Fresnay
La dame aux camélias de Mauro Bolognini (1981) avec Isabelle Huppert

11 décembre 2011

Le chevalier de Maison-Rouge (1914) de Albert Capellani

Le chevalier de Maison-RougePendant la Révolution, sous la Terreur, le maître tanneur Dixmer abrite clandestinement le frère de sa femme, le Chevalier de Maison-Rouge. Celui-ci a échafaudé un plan pour faire évader la reine Marie-Antoinette. La femme de Dixmer tombe amoureuse d’un jeune garde national, Maurice Lindey, qui va malgré lui jouer un rôle dans la conspiration… Le chevalier de Maison-Rouge est l’adaptation du roman homonyme d’Alexandre Dumas père. Albert Capellani en fait une adaptation assez ambitieuse, en six parties et soixante tableaux, avec de nombreux décors et figurants ce qui lui donne une force visuelle indéniable. Sa caméra est fixe et le réalisateur est expert pour faire entrer toute l’action dans son champ, quelquefois de façon originale (1). Ses images sont pleines de vie, à tel point que l’on a parfois du mal à tout voir. Le soin porté à la reconstitution est visible, que ce soit dans les costumes ou les décors. Marie-Louise Derval Si les seconds rôles et même figurants sont très convaincants, les premiers rôles sont marqués par un jeu trop appuyé, travers encore assez courant à cette époque, qui nuit à la force narrative de l’ensemble. Paul Escoffier (Le Chevalier de Maison-Rouge) est le plus théâtral. Seul, Georges Dorival (Dixmer) offre une interprétation intéressante apportant une certaine complexité à son personnage. Les intertitres présentent l’action avant qu’elle se déroule sous nos yeux, ce qui correspondait à l’usage de l’époque. On notera une large utilisation de billets écrits montrés en insert dans l’action.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Paul Escoffier, Marie-Louise Derval, Georges Dorival, Henri Rollan
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Remarques :
Le film a été restauré en 1987 dans une version sans les inter-titres. Ce n’est très récemment qu’a été découvert un document établi pour la censure suédoise où tous les inter-titres étaient consignés. En 2010, une nouvelle version a été créée par la Cinémathèque Française en réinsérant ces cartons-titres et les inserts. Le film est ainsi ressorti en juillet 2010, en copie teintée selon les indications de l’époque, le film retrouvant une nouvelle vie 96 ans après sa sortie.

(1) Le plan le plus étonnant se situe dans le jardin de Dixmer vers la fin du film : Capellani a positionné sa caméra sur un balcon au premier étage, en plongée longeant le bâtiment. Nous voyons le jeune garde joué par Henri Rollan marcher dans le jardin assez loin de nous, il disparaît du champ par le bas de l’image pour réapparaitre tout près de nous après avoir (on le comprend) escaladé le bâtiment, puis il s’éloigne sur le balcon suivant et entre par la fenêtre. C’est une répartition étonnante de l’action dans un plan fixe.

Autres adaptations :
Le prince au masque rouge (Il cavaliere di Maison Rouge, 1954) de Vittorio Cottafavi avec Renée Saint-Cyr
Le chevalier de Maison Rouge (1963) de Claude Barma (série TV) avec Jean Desailly, François Chaumette et Michel Le Royer.