Titre français parfois utilisé : « Témoin sous surveillance »
De passage dans la gare de Philadelphie, un enfant de la communauté Amish est témoin du meurtre d’un homme. Lorsqu’il découvre que des policiers sont impliqués, l’inspecteur John Book (Harrison Ford) doit se réfugier chez les Amish… Pour son premier film américain, on peut dire que l’australien Peter Weir a réussi un coup de maître : tout en adoptant l’enveloppe très hollywoodienne d’un film policier, il a su conserver une approche toute personnelle et son attrait pour les civilisations perdues ou isolées. L’idée de départ toutefois est celle du producteur Edward S. Feldman qui eut bien du mal à imposer son projet (1). L’intrigue policière est rapidement délaissée pour se concentrer sur cette communauté Amish qui vit de manière identique depuis le XVIIIe siècle. L’approche de cette vaste communauté puritaine et austère est très respectueuse, nous montrant une partie de son fonctionnement et la formidable entraide entre ses membres (superbe scène de la construction d’une grange). Leur non violence est tout en contraste avec celle du monde extérieur mais l’approche de Peter Weir n’est aucunement manichéenne : il met en parallèle plus qu’il n’oppose. Witness, c’est aussi l’histoire d’un amour impossible. Harrison Ford est remarquable. L’acteur sortait de plusieurs films à succès (Star Wars, Indiana Jones) qui l’enfermaient dans un certain type de rôles. Witness lui a permis de prouver qu’il pouvait interpréter des rôles d’une certaine profondeur. Sa présence a certainement contribué au succès populaire du film. Face à lui, Kelly McGillis montre beaucoup de sensibilité avec un visage presque angélique. Witness fut un très grand succès. Même s’il n’y a plus aujourd’hui cet aspect de la découverte d’une communauté étonnante, Witness est, trente ans plus tard, toujours aussi enthousiasmant.
Elle:
Lui :
Acteurs: Harrison Ford, Kelly McGillis, Lukas Haas, Alexander Godunov, Danny Glover
Voir la fiche du film et la filmographie de Peter Weir sur le site IMDB.
Voir les autres films de Peter Weir chroniqués sur ce blog…
Remarques :
* Lukas Haas, âgé de 8 ans au moment du tournage, a maintenant presque 40 ans et plus de 80 films à son actif.
* La communauté Amish n’a pas trop apprécié être propulsée ainsi sur le devant de la scène, estimant que le film donnait d’eux une image fausse. En outre, ils ont du faire face à un afflux de curieux.
(1) Initialement, Edward S. Feldman a proposé le projet à la Fox qui lui a répondu que la Fox ne faisait pas de « rural movies ». Le projet a ensuite plus ou moins fait le tour de tous les studios avant d’être accepté in extremis par la Paramount.
Très beau film que j’ai revu moi aussi récemment avec plaisir. Il a gardé sa force. Vous dites qu’il n’a plus aujourd’hui sa qualité de « découverte » d’un autre type de société, je ne suis pas d’accord : il permet toujours de pénétrer au coeur d’un autre type d’organisation sociale. Il a toujours cette vertu presque sociologique.
En fait, le sens de ma remarque était plus lié à la communauté Amish qu’au film. Je me rappelle quand nous avons le film pour la première fois dans les années quatre vingt, je n’avais absolument aucune connaissance de l’existence de cette communauté et de leur mode de vie si particulier. La surprise était totale.
Il me semble qu’aujourd’hui leur existence est connue plus largement.
Ceci dit, je me trompe peut-être…
Chef-d’œuvre. J’ai rarement eu un sentiment de plénitude aussi fort après avoir vu un film. Arriver à traiter autant de thèmes si différents dans une histoire, et de manière aussi naturelle et harmonieuse, ça tient du génie. Un documentaire sur la vie d’une communauté Amish, aussi respectueux que sensible et bien documenté, une histoire d’amour impossible traitée avec une délicatesse rare, une vraie réflexion sur la non-violence, le tout enchâssé dans un thriller qui au début semblait tout à fait classique… l’ensemble magnifié par une superbe photographie, certaines scènes d’intérieur intimistes sont de vrais tableaux de Georges de la Tour.
L’inspecteur John Book, complètement investi dans sa profession, « n’ose pas prendre ses responsabilités », sa sœur dixit. Il va pourtant mettre sa propre vie en danger, en disparaissant, blessé, pour protéger le jeune garçon témoin du meurtre. Petit à petit, de flic violent, John Book devient un homme sensible et respectueux une fois chez les Amish; comme si la vie de cette communauté hors du « vrai » monde lui déteignait dessus, comme si il découvrait qu’il pouvait y avoir une autre manière de vivre que la ville et sa violence. Le respect qu’il témoigne aux gens de cette communauté n’a d’égal que la délicatesse avec laquelle il répond aux avances de Rachel; on est loin ici de scènes de sexe tapageuses: il finit par s’effacer par altruisme, il se rend compte que cet amour ne peut se réaliser, et n’amènerait que son lot de souffrance.
La scène finale avec les trois flics renégats est aussi remarquable et assez inhabituelle dans un film américain (ce n’est peut-être pas un hasard, Weir ne l’est pas). Malgré la présence des fusils à pompe, il n’y aura finalement qu’un seul mort par balle; un autre a été tué par du maïs… la revanche non-violente des paysans? Même le flic-supérieur, faux-jeton s’il en est, pourtant en position de force, semble contaminé par la non-violence ambiante et lâche son arme. Dans beaucoup d’autres films, il y aurait eu un bain de sang.
Cette dernière scène est beaucoup plus respectueuse de la philosophie de cette communauté, qu’une scène comparable dans un film de Fleischer (1955) où on voit un Amish, interprété par Ernest Borgnine(!), planter sa fourche dans le dos d’un bandit, certes pour sauver le héros du film… là, le message est sans ambiguité en faveur d’une violence salvatrice comme seule issue.
Le générique de fin s’amorce sur le départ de John Book, dans sa petite voiture bleue, comme un pauvre cow-boy solitaire; et on se demande bien s’il pourra réintégrer sans autres sa vie d’avant, après ce parcours initiatique. Oui vraiment, Harrison Ford a joué dans « witness » peut-être son plus beau rôle.