17 janvier 2011

Juge et hors-la-loi (1972) de John Huston

Titre original : « The life and times of Judge Roy Bean »

Juge et hors-la-loiLui :
Dans l’ouest du Texas, en 1890, un hors-la-loi ayant échappé de peu à la pendaison par les habitants sans foi ni loi, s’autoproclame juge dans la minuscule bourgade de Vinegaroon. Utilisant des méthodes peu orthodoxes, il parvient à faire régner une certaine loi et les quelques maisons se transforment en une petite cité… Séduit par l’idée de pouvoir reconstituer l’atmosphère du grand Ouest et de développer un certain point de vue sur la perte de l’innocence de l’Amérique (1), John Huston crée un western faussement léger : s’il est doté d’une bonne dose d’humour (comme d’autres westerns tournés en ce début des années soixante-dix), le film n’en est pas moins porteur d’une vraie réflexion. Juge et hors-la-loi Certains ont même vu dans l’épilogue une allusion à la corruption du gouvernement Nixon. Paul Newman a beaucoup apporté au film en s’imprégnant totalement de son personnage haut en couleur et en improvisant partiellement. La liberté de ton se ressent jusque dans la construction elle-même (2). Le scénario est basé sur une légende réelle, celle du Juge Roy Bean « the law west of the Pecos » (= la Loi à l’ouest du Pecos, le Pecos étant un fleuve à l’extrême ouest du Texas), légende déjà portée à l’écran de façon plus sérieuse par William Wyler (3). Juge et hors-la-loi n’eut qu’un succès relatif. Il est certainement encore un peu sous-estimé aujourd’hui.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Paul Newman, Victoria Principal, Ned Beatty, Anthony Perkins, Jacqueline Bisset, Ava Gardner
Voir la fiche du film et la filmographie de John Huston sur le site IMDB.

Voir les autres films de John Huston chroniqués sur ce blog…

(1) C’est ainsi que John Huston parle de la génèse du projet dans ses mémoires.
(2) John Huston précise : « Pour appuyer mes effets, j’ai adopté une technique qui, depuis, a fait école, en mêlant à l’action des incidents sans justification logique. Des images survenaient, drôles ou tristes, comiques ou dramatiques, passant du grotesque au sérieux. »
(3) Le cavalier du désert (The Westerner) de William Wyler (1940) avec Gary Cooper et Walter Brennan.

16 janvier 2011

Eldorado (2008) de Bouli Lanners

EldoradoLui :
Deux types traversent la Belgique dans une vieille Chevrolet. Ils se sont rencontrés de la façon la plus improbable qui soit, l’un découvrant l’autre venu le cambrioler, caché sous son lit… Eldorado est un road-movie assez atypique. Bien qu’il ne se passe finalement que peu de choses, on ne s’ennuie pas une seconde. Bouli Lanners réussit à établir un joli rythme et surtout à créer un film graphiquement très beau, avec de superbes travelings. Il utilise merveilleusement le plan large et le paysage de son plat pays qu’il fait parfois ressembler au grand Ouest américain. Grands espaces et routes minuscules, le très grand croise le plus petit. Si les rencontres sont peu nombreuses, elles sont totalement inattendues et créent des situations autant imprévisibles qu’improbables. Doté d’un humour discret mais solide, Eldorado est un film original et attachant.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Bouli Lanners, Fabrice Adde, Philippe Nahon
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Homonymes :
El Dorado de Marcel l’Herbier (1921)
Eldorado film canadien de Charles Binamé (1995)
Eldorado de Richard Driscoll (2010)

15 janvier 2011

The Black Watch (1929) de John Ford

Traduction du titre : « La Garde Noire »

The Black WatchLui :
Un capitaine de la compagnie écossaise Black Watch est envoyé en mission secrète en Inde en 1914, le jour même où la guerre est déclarée en Europe. Là-bas, il doit prévenir une attaque de fanatiques dirigés par une mystérieuse femme qu’ils suivent aveuglément. The Black Watch est le premier film parlant de John Ford. Bizarrement, la Fox a préféré confier la réalisation des scènes de dialogues à Lumsden Hare, acteur dans le film mais surtout metteur en scène de théâtre. Le résultat est donc hétéroclite : le film comporte de belles scènes d’action (celles dirigées par John Ford) mais les dialogues sont déclamés de façon épouvantable, avec beaucoup d’emphase et de rigidité. Ce film, assez rare, est donc plutôt une curiosité, témoignage des difficultés du passage au parlant.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Victor McLaglen, Myrna Loy, David Torrence, Lumsden Hare, Roy D’Arcy
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Remake :
Capitaine King (King of the Khyber Rifles) de Henry King (1953) avec Tyrone Power et Terry Moore.

14 janvier 2011

In the loop (2009) d’ Armando Iannucci

In the LoopLui :
Faire une comédie des tensions et tractations politiques entre Londres et Washington à la veille de la déclaration de guerre à l’Irak n’est pas un pari gagné d’avance…
C’est pourtant ce qu’a fait l’anglais Armando Iannucci en s’appuyant, il est vrai, sur la popularité de sa série télévisée The thick of it, comédie satirique politique. Dans In the Loop, il va beaucoup plus loin et nous fait une caricature assez extrême de la vie politique où les ministres et hauts fonctionnaires sont manipulateurs, épouvantablement grossiers, arrivistes et aveuglément bellicistes… et les rares qui ne sont pas ainsi sont incompétents et gaffeurs ! Les conseillers sont tous de très jeunes arrivistes dotés d’un Q.I. de sauterelle. Le personnage le plus haut en couleur est le Directeur de la Communication et de la Stratégie du Premier Ministre, interprété avec énergie et exubérance par Peter Capaldi ; constamment en colère, il déroule un flot quasi continu d’injures, de menaces et d’obscénités ; il faut saluer la créativité des scénaristes car l’inventivité dans la grossièreté est assez incroyable. Et tout cela, dans un style d’humour très britannique, c’est à dire filmé avec tant de sérieux que l’on pourrait presque prendre cela au premier degré. Le film utilise d’ailleurs largement la caméra à l’épaule et les cadrages approximatifs pour donner l’impression d’images prises sur le vif. Sur le fond, In the loop montre une Angleterre servile, à la botte des Etats Unis qui la mènent en bateau, sans jamais la faire participer réellement aux décisions. Les clins d’oeil à la réalité sont nombreux (1). Voilà un film qui ne va pas vraiment arranger l’image des politiques (et il a été tourné avant le scandale des notes de frais colossales des députés britanniques !) Le film a été bien reçu en Angleterre et même aux Etats Unis où il a sans doute fait office d’exutoire. Extrême, outrancier, doté d’un comique ravageur, In the Loop est une satire vraiment mordante et très amusante.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Peter Capaldi, Tom Hollander, Chris Addison, Gina McKee, Mimi Kennedy, James Gandolfini
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In the loop

Remarques :
* Aussi incroyable que cela puisse paraître, les scènes censées se dérouler dans les bureaux du 10, Downing Street ont réellement été tournées au 10, Downing Street. C’est la popularité de la série TV qui a permis cela : les membres du personnel voulaient voir les acteurs qui allaient jouer leur rôle.
* Armando Iannucci a pris soin d’éviter tout financement d’origine américaine pour son film car il voulait garder une totale indépendance.

(1) Le directeur de la communication et de la stratégie de Tony Blair était à cette époque Alastair Campbell (qui, comme on peut s’en douter, n’a guère apprécié le film). Le personnage du ministre pacifique et incompétent est inspiré de Clare Short (qui a démissionné peu après le début de la guerre en Irak). Côté américain, le corpulent général pacifique est bien entendu Colin Powell alors que le va-t-en-guerre Linton Barwick peut évoquer Donald Rumsfeld ou Dick Cheney.

13 janvier 2011

La fille du RER (2009) d’ André Téchiné

La fille du RERElle :
Note : 3 étoiles

Lui :
On se souvient de l’affaire de « l’agression du RER D » qui avait, en 2004, défrayé la chronique : une jeune fille déclarait avoir été agressée par un groupe de jeunes gens qui la croyait juive, avant de reconnaître quelques jours plus tard qu’elle avait tout inventé. André Téchiné s’inspire de cette affaire et crée les évènements qui précédent et ceux qui suivent. Il le fait non pour expliquer le geste de la jeune fille (il ne faut donc surtout pas attendre d’explications car le film n’en donne pas) mais pour créer une histoire qui met en relief une série de fêlure dans la vie de cette jeune fille et un certain besoin de liens. Si Téchiné ne convainc pas totalement sur le fond, il réussit en revanche totalement sur la forme. La Fille du RER est un film très beau, assez délicat malgré le sujet propice à générer des lourdeurs. André Téchiné filme magnifiquement Emilie Dequenne dont émane une constante fragilité. Le plan final de son héroïne en rollers qui apparaît en pointillés à travers les herbes est absolument superbe.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Émilie Dequenne, Michel Blanc, Catherine Deneuve, Mathieu Demy, Ronit Elkabetz, Nicolas Duvauchelle
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12 janvier 2011

Viva Maria! (1965) de Louis Malle

Viva Maria!Lui :
Au début du XXe siècle en Amérique Centrale, Maria, fille d’un terroriste irlandais, rencontre Maria, chanteuse dans une troupe ambulante. Elles mettent sur pied un numéro de cabaret et « inventent » le striptease avant de prendre la tête d’une révolution. Viva Maria est un élégant divertissement, dynamisé par un couple de charme : Brigitte Bardot et Jeanne Moreau. Entre les deux actrices, la symbiose fonctionne parfaitement. La première partie du film est la plus réussie, assez pétillante et relevée par une série de gags. La seconde partie peut paraître un peu plus longue ; plus parodique, elle s’enlise parfois. Il faut saluer les effets pyrotechniques, les explosions n’étant jamais petites… Le scénario est un peu décousu, part parfois dans tous les sens mais l’ensemble reste très divertissant.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Brigitte Bardot, Jeanne Moreau, Paulette Dubost, George Hamilton
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Remarques : 
* La musique est de Georges Delerue.
* Parmi les assistants-réalisateurs de Viva Maria, on peut noter la présence de Juan Luis Buñuel (fils de Luis Buñuel) et celle de Volker Schlöndorff.
* Louis Malle décrit ainsi son film : « Un film d’action, avec des rires, des décors exotiques, et sans traumatisme de l’esprit. »

11 janvier 2011

Le signal de l’amour (1921) de Frances Marion

Titre original : « The Love Light »

The Love Light Lui :
(Film muet) Sur la côte italienne, une jeune femme et ses deux frères vivent dans une maison isolée près du phare qu’ils allument tous les soirs. Lorsque ses deux frères partent à la guerre, elle reste seule. Un matin, elle sauve un naufragé qui se dit être un américain déserteur. Elle le cache chez elle et en tombe peu à peu amoureux… Frances Marion est l’une des plus grandes scénaristes d’Hollywood (1) et il paraît donc logique que le premier film qu’elle réalise soit une intrigue assez complexe. Aussi incroyable qu’elle puisse paraître dans son développement, elle est basée sur une histoire vraie. Mary Pickford interprète ici un personnage qui convient plus à son âge réel (elle a alors 28 ans), plus mature. The Love Light L’actrice parvient à s’écarter des rôles de jeunes filles espiègles pour montrer qu’elle sait aussi donner une vraie dimension dramatique à son personnage. L’acteur Fred Thomson fait ici ses débuts (2) et se révèle avoir une forte présence à l’écran. Le Signal de l’Amour ne fut qu’un demi-succès, le public étant certainement dérouté de ne pas retrouver la Mary Pickford mutine et turbulente qu’il avait l’habitude de voir. Il avait tort…
Note : 3 étoiles

Acteurs: Mary Pickford, Fred Thomson, Raymond Bloomer
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(1) A côté de ses très nombreux scénarios, Frances Marion n’a dirigé que trois films. Le Signal de l’Amour est hélas le seul qui ait survécu. Les femmes-réalisatrices étaient extrêmement rares à Hollywood à cette époque (et après aussi, d’ailleurs…) A noter que Frances Marion et Mary Pickford étaient très amies dans la vie.
(2) Fred Thomson, qui venait d’épouser Frances Marion, n’avait à priori aucune envie de devenir acteur.  Il se laissa convaincre à la demande pressante de sa femme et de Mary Pickford. Après ces débuts prometteurs, cet acteur au superbe physique tourna une trentaine de films (dont très peu ont survécu) et devint une grande star du western. Sa carrière fut hélas très courte du fait de son décès en 1928 (dû au tétanos).

10 janvier 2011

Looking for Eric (2009) de Ken Loach

Looking for EricLui :
Admirateur d’Eric Cantona, un postier anglais dont la vie est en déroute voit son idole apparaître en chair et en os pour lui prodiguer des conseils qui vont lui permettre de reprendre goût à la vie… Looking for Eric est un film assez étonnant de Ken Loach, une variation sur le « thème de l’ange », thème souvent abordé au cinéma mais en tout cas jamais sous les traits d’un (vrai) footballer! C’est plutôt amusant mais je suppose qu’une partie de l’humour a du m’échapper du fait que je connais très mal Eric Cantona (je le connais surtout par les Guignols des années 90, donc je l’ai plus souvent vu peindre des tableaux que pousser un ballon…!) Sur le déroulement, Ken Loach est moins convaincant qu’à l’habitude, moins subtil aussi : il charge beaucoup son personnage principal. Il vire ensuite vers le polar à mi-parcours, incursion un peu longuette mais qui lui permet de mettre en place un final inattendu et amusant.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Steve Evets, Eric Cantona, Stephanie Bishop, Gerard Kearns
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9 janvier 2011

Le passage du Rhin (1960) de André Cayatte

Le passage du RhinLui :
Le passage du Rhin nous fait suivre le parcours de deux français aux tempéraments opposés pendant la Seconde Guerre mondiale. Tous deux sont faits prisonniers dès le début de la guerre et envoyé travailler dans des fermes allemandes. L’un est un journaliste qui se bat par idéal pour défendre la Liberté, l’autre est un pâtissier qui subit un peu sa vie. On comprend aisément que le film d’André Cayatte ait pu désarçonner à sa sortie : il prend le contrepied de l’image classique du héros et, en outre, montre la guerre vue du côté allemand. Pour ne rien arranger, il montre aussi une certaine collaboration ordinaire. Le Passage du Rhin a effectivement souvent été critiqué pour son « propos discutable ». Avec le recul, on s’aperçoit que le propos du cinéaste est surtout profondément humaniste. Charles Aznavour se révèle une fois de plus étonnant par la justesse de son interprétation. Avec Tirez sur le Pianiste (1), ce film contribuera à montrer au grand jour ses qualités d’acteur. En réalité, le seul reproche que l’on puisse faire à ce Passage du Rhin est sa construction un peu brouillonne : Cayatte saute parfois d’une scène à l’autre sans liaison et c’est à nous de combler les trous…
Note : 4 étoiles

Acteurs: Charles Aznavour, Nicole Courcel, Georges Rivière, Cordula Trantow
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(1) Il est amusant qu’Aznavour ait enchaîné les deux films car on ne peut pas dire que Cayate ait été un cinéaste très apprécié par la Nouvelle Vague…!

8 janvier 2011

Agora (2009) de Alejandro Amenábar

AgoraLui :
Nous sommes à Alexandrie au IVe siècle, alors que la ville est l’objet de grandes tensions entre le peuple majoritairement chrétien et les notables païens. Une philosophe tente de préserver les connaissances accumulées depuis des siècles… Agora est librement adapté de la vie d’Hypatie d’Alexandrie, philosophe platonicienne et probablement astronome dont nous ne savons que peu de choses puisque tous ses travaux ont disparu dans l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie (1). Le film met l’accent sur l’obscurantisme religieux qui s’oppose à la science et sur les luttes de pouvoirs entre païens et chrétiens, puis entre juifs et chrétiens. Mais Agora est avant tout un film à grand spectacle ; il n’échappe pas à un maniérisme très marqué du genre : c’est le spectaculaire qui est privilégié à grands renforts d’infrabasses qui font vibrer les murs. Le propos quant à lui est très simple, extrêmement manichéen et nourri de stéréotypes.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Rachel Weisz, Max Minghella, Oscar Isaac, Ashraf Barhom, Michael Lonsdale, Rupert Evans
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(1) Rappelons que nous ne savons toujours pas comment a disparu la bibliothèque d’Alexandrie. Il n’y a même aucun vestige matériel étudiable. Les historiens sont divisés et avancent plusieurs hypothèses hélas invérifiables. Le film Agora repose sur l’une d’elles : la bibliothèque aurait été détruite par les chrétiens lors de la destruction des temples païens à la fin du IVe siècle.