30 avril 2005

Sommaire d’avril 2005

Les Harmonies Werckmeister

(2000) de Béla Tarr

L’Autre

(2003) de Benoît Mariage

Dolls

(2002) de Takeshi Kitano

Toto le héros

(1991) de Jaco van Dormael

Vodka Lemon

(2003) de Hiner Saleem

Sciuscià

(1946) de Vittorio De Sica

La Bataille du Rio de la Plata

(1956) de Michael Powell et E. Pressburger

Décalogue

(1988) de Krzysztof Kieslowski

The Bad and the Beautiful

(1952) de Vincente Minnelli

Master and Commander :
De l’autre côté du monde

(2003) de Peter Weir

Agents Secrets

(2004) de Frédéric Shoendoerffer

Nombre de billets : 11

29 avril 2005

Les Harmonies Werckmeister (2000) de Béla Tarr

Titre original : « Werckmeister harmóniák »

Les Harmonies WerckmeisterElle :
Film hongrois d’une incroyable lenteur. Pas beaucoup de patience ce soir. J’ai décroché très vite fait.
Note : pas d'étoiles

Lui :
Les Harmonies WerckmeisterUn village qui semble hors du monde et du temps, et où débarque par convoi spécial une énorme baleine morte… Il s’ensuit une situation de grande confusion, un grand danger semblant planer sur les habitants… Il est difficile de résumer ce film où la raison ne tient pas face à l’irrationnel et au chaos.
Tourné en noir et blanc, Les Harmonies Werckmeister possède un rythme bien à lui : De longs plans, tellement longs que certains en viennent à ressembler à une ritournelle, un disque rayé, tel ce plan étonnant de marche des deux personnages, un plan qui semble développer sa propre musique dans sa répétition. Ou alors cet extraordinaire long plan d’une foule en marche, silencieuse, froide et déterminée, sans expression, telle une armée de zombies, un plan dont se dégage une force vraiment peu commune.
Les Harmonies WerckmeisterBéla Tarr ne nous donne que peu d’explications sur cette menace qui plane tout au long des Harmonies Werckmeister, ou sur ce prince qui semble lui-même manipulé, mais par contre la symbolique est là et on devine aisément les références à la situation sous l’ex-bloc soviétique.
Mais les interprétations peuvent être multiples. Par exemple, cette foule déterminée (mentionnée plus haut) va en fait saccager un hôpital, tabasser les blessés et les malades. Peut-on imaginer un acte plus illogique, contraire à la raison? Faut-il y voir l’expression du sentiment d’avoir au dessus de soi une force colossale, dont on ne comprend pas la logique mais qui peut vous engloutir ? Ou plus simplement, l’expression du fait que dans une situation de crise, une foule peut accomplir les actes les plus inutiles, barbares et idiots ?
Sur la forme, il faut noter également, le travail sur la photo, avec de très beaux plans de visages. Les Harmonies Werckmeister est un film étonnant, pas facile à aborder, mais assez beau et puissant.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Lars Rudolph, Hanna Schygulla, Peter Fitz
Voir la fiche complète du film et la filmographie de Béla Tarr

28 avril 2005

« L’Autre » (2003) de Benoît Mariage

l4AutreElle :
Un film d’1h pas vraiment abouti. Une jeune femme enceinte de jumeaux décide de supprimer un embryon. Le mari pas vraiment communicatif et solidaire, n’approuve pas cette décision et quitte le foyer pour aller pédaler sur son tandem. La femme déprime et sympathise avec un handicapé. Ce que le réalisateur cherche à faire passer est assez confus. Il ne fait qu’effleurer les problèmes et ne cherche pas à donner un peu de profondeur à ses personnages. Tout est gris ; on ne communique pas et la fin est assez énigmatique.
Note : 2 étoiles

Lui :
C’est un film assez étrange, dont il est même un peu difficile de parler… L’histoire est à la fois à la limite du documentaire tout en n’étant pas très crédible. Les personnages sont assez peu approfondis, nous n’avons aucun indice pour savoir pourquoi ce couple est à ce point fragile. C’est en fait sur une situation que l’on se penche, mais cette situation paraît un peu artificielle et l’on reste vraiment spectateur. On peut certes sentir une certaine influence de Kieslowski mais l’histoire et les sentiments exposés n’ont pas la même force.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Dominique Baeyens, Philippe Grand’Henry
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27 avril 2005

Dolls (2002) de Takeshi Kitano

DollsElle :
J’aime bien Kitano mais pas tous ses films et celui-ci ne fait pas partie des élus. Je l’ai trouvé particulièrement soporifique et ai abandonné au bout d’1h. Il s’agit de trois histoires d’amour avortées car le désir de réussite sociale a été le plus fort : un jeune couple enchaîné qui erre sans fin, un chef « du milieu » qui part à la recherche de son amour de jeunesse trente ans plus tard, une troisième histoire que je n’ai pas vue. La mise en scène est assez onirique ; il y a peu de dialogues et de bande son.
Note : pas d'étoiles

Lui :
Avec ce film Kitano nous conte trois histoires, des histoires tragiques à l’image de celles des bunrakus japonais. Ces trois histoires n’ont pas la même présence, la plus forte étant celle des « mendiants enchaînés », ce jeune couple dont chaque geste est empreint de tristesse et de mélancolie et qui erre sans but, rongé par le remords. Ce couple errant est l’occasion pour Kitano de créer de très beaux plans, notamment en utilisant les couleurs des quatre saisons et de montrer une grande maîtrise de la mise en scène. Tout en étant assez fort, le film n’est pas sans défaut : l’une des trois histoires (avec la jeune star) paraît forcée et futile et le rythme général est tout de même très lent. Il faut sans doute y voir un film essentiellement visuel, presque hors du temps, une sorte de version moderne de ces tragiques légendes japonaises.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Miho Kanno, Hidetoshi Nishijima, Tatsuya Mihashi, Chieko Matsubara
Voir la fiche du film et la filmographie de Takeshi Kitano sur le site IMDB.

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26 avril 2005

Toto le héros (1991) de Jaco van Dormael

Toto le héros Elle :
Ce film belge est une vraie réussite. Originalité et richesse du scénario, mise en scène talentueuse et complexe, émotion et humour au rendez-vous. Michel Bouquet incarne un vieil homme qui veut se venger de son ancien camarade car il pense qu’il a été changé de famille par erreur lors d’un incendie. Le réalisateur passe fort habilement de l’enfance, à l’âge adulte, à l’heure de la vieillesse et de la mort. pour nous conter la vie de Thomas. La mort d’un père et d’une sœur dont il était amoureux bouleverse son parcours à tout jamais. On passe du rire aux larmes. La musique de Charles Trénet ponctue les moments de joie. Les univers des différentes époques sont presque irréels. Les personnages sont très attachants et émouvants. Toto le héros est un bon film qui interroge également sur la vie et les raisons de vivre.
Note : 5 étoiles

Lui :
Pour son premier long métrage, Jaco van Dormael fait preuve d’une maîtrise certaine de la mise en scène, réussissant à entrelacer de façon audacieuse plusieurs époques dans son récit et surtout en parvenant à nous plonger entièrement dans cette histoire qui a des aspects oniriques, fantastiques ou plutôt surréalistes. Michel Bouquet est particulièrement brillant dans son interprétation de personnage à la fois simple et multi facettes. On peut noter quelques clins d’oeil cinématographiques, à Brazil notamment. Un film qui parvient à nous passionner et à nous intriguer.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Michel Bouquet, Mireille Perrier
Voir la fiche du film et la filmographie de Jaco van Dormael sur le site IMDB.

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25 avril 2005

« Vodka Lemon » (2003) de Hiner Saleem

Vodka lemonElle :
Ce réalisateur kurde parvient avec des bouts de ficelle à créer un univers décalé ponctué d’humour et de fantaisie dans un village perdu d’Arménie. Dans de superbes paysages enneigés, on voit évoluer un veuf et une veuve qui se rendent sur la tombe de leurs époux respectifs et qui finiront par se rapprocher tant la vie et la solitude sont rudes. Pas d’argent, pas de travail, pas de présent et pas d’avenir. On voit des chaises un peu partout à l’extérieur comme si elles symbolisaient l’attente d’un avenir meilleur. Hamo veut vendre son armoire qu’il transbahute sur son dos et Lala tente de vendre son piano pour survivre. Les compositions d’images sont incongrues et amusantes tel ce lit tiré dans la neige par un bus, ce magasin de vodka perdu dans la campagne, ce cheval qui traverse l’écran de temps à autre, ce repas de noce pris dans la neige. Les personnages sont également attachants ; ils subissent leur sort mais parviennent à grappiller de temps à autre des parcelles de bonheur grâce au chant et à la musique.
Note : 4 étoiles

Lui :
C’est avec une bonne dose d’humour que le réalisateur choisit de montrer la difficulté de vivre dans ce minuscule village d’Arménie, englué par la neige et loin de tout. Il n’hésite donc pas à enchaîner les situations les plus incongrues et inattendues, et le film a indéniablement un côté surréaliste. Parfois, cela semble un peu plaqué, on sent qu’il a voulu faire « une image », mais c’est le plus souvent réussi et surtout il parvient à rendre ses personnages assez attachants malgré leur mutisme quasi permanent. Le grand père du réalisateur avait, paraît-il, l’habitude de dire « notre passé est triste, notre présent est catastrophique mais, heureusement, nous n’avons pas d’avenir », une phrase à la fois drôle et terrible qui résume parfaitement le ton et le propos du film.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Romen Avinian, Lala Sarkissian
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24 avril 2005

Sciuscià (1946) de Vittorio De Sica

SciusciaElle :
Tout comme dans Le Voleur de Bicyclette, Vittorio de Sica met en scène des enfants des rues dans l’Italie de l’après-guerre. La misère règne et les familles ne mangent pas à leur faim. Deux enfants cireurs de chaussures sont laissés à l’abandon, trempent dans des mauvais coups pour gagner un peu d’argent et finissent dans une prison. De Sica parvient à saisir avec émotion le tragique parcours de ces enfants, leurs moments de joie, leur désespoir, leur lutte pour survivre, leur attente de jours meilleurs, les rudes conditions de vie de cette période, l’incohérence de la justice qui doit emprisonner des gamins qui volent pour manger. C’est un témoignage fort et poignant sur cette triste période d’après Mussolini.
Note : 5 étoiles

Lui :
Tourné 2 ans avant Le voleur de bicyclette, ce film de De Sica traite un peu du même thème, la survie dans la l’Italie de l’après-guerre de jeunes gamins livrés à eux-mêmes. Il le fait sans misérabilisme, soulignant par là le fait que ce sont surtout les circonstances qui leur enlèvent tout avenir. Très réaliste, mais filmé avec beaucoup de sensibilité, le cinéma de De Sica émeut et touche assez profondément, même 60 ans après sa sortie.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Franco Interlenghi, Rinaldo Smordoni
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Remarque :
Luis Bunuel raconte dans ses mémoires que Sciuscià l’avait incité à tourner Los Olvidados.

23 avril 2005

La Bataille du Rio de la Plata (1956) de Michael Powell et Emeric Pressburger

Titre original : « The battle of the River Plate »

La bataille du Rio de la PlataElle :
Vraiment pas passionnant cette bataille entre un cuirassé allemand et des croiseurs anglais lors de la seconde guerre mondiale. La réalisation manque de moyens et d’envergure si bien que l’on a surtout droit à des plans américains de militaires en train d’observer à la jumelle. Le film manque également d’intensité dramatique. Michael Powell semble avoir du mal à occuper ses personnages dans un espace clos.
Note : 2 étoiles

Lui :
Le film est un peu dominé par son aspect documentaire, car Michael Powell et Emeric Pressburger ont vraiment cherché à reconstituer minutieusement cet épisode naval du début la seconde guerre mondiale. Cet aspect documentaire s’impose donc au détriment du suspense et du déroulement, ce qui pénalise un peu l’implication du spectateur. Les scènes de combat maritime ont peut-être pâti d’un manque de moyens et les acteurs sont souvent peu convaincants. Le film vaut donc surtout pour son côté historique.
Note : 3 étoiles

Acteurs: John Gregson, Anthony Quayle, Ian Hunter
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14 avril 2005

Le Décalogue (1988) de Krzysztof Kieslowski

Titre original : « Dekalog »

DecalogueElle :
Ce cycle de dix films d’1h chacun se décline autour des dix commandements. Kieslowski situe ces épisodes dans une cité dortoir glauque et choisit de décrypter la vie de plusieurs familles qui pourront se croiser au fil des films. C’est dans un style dépouillé, dépourvu de bande musicale que le réalisateur détourne le sens de ces dix commandements en montrant qu’il n’est pas si facile de les appliquer. Il analyse les profondeurs et les contradictions de l’âme humaine. Pas de grands discours, des gros plans sur des visages, des rides, des objets et une atmosphère minimaliste. Beaucoup de symboles également comme un observateur muet commun aux dix épisodes, des liquides comme le lait, du verre brisé, des reflets sur les vitres, des regards interrogateurs, des diagonales ouvertes vers un autre ailleurs. Tous ces signes parsèment les histoires comme pour mieux exprimer les doutes sur la façon de se comporter, de penser et d’agir. L’ensemble est une œuvre élaborée et construite mais qu’il n’est toujours facile de suivre pas à pas tant les sujets abordés sont lourds et graves. Le DVD qui réunit ces dix épisodes, contient des documents très intéressants sur l’élaboration et la signification du Décalogue de Kieslowski.
Note : 3 étoiles

KieslowskiLui :
Bien évidemment, dans ce Décalogue, c’est bien plus qu’une illustration moralisante des dix commandements que nous propose Kieslowski… mais on ne peut pas affirmer que ce soit le contraire non plus. Pour chacun de ces commandements, il s’attache à nous mettre sous les yeux une situation où il ressort qu’il n’est pas si facile de dire « il y a le bien et le mal »… Au contraire, rien n’est simple. Si les personnages avaient suivi le dogme à la lettre, leur vie se serait soit terminée ou aurait sombré. En même temps, ce n’est pas non plus une négation de ces préceptes et le propos de Kieslowski est fondamentalement humaniste.
Note : 4 étoiles

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1) Un seul Dieu tu adoreras :
Decalogue 1Elle :
Cet épisode montre un père qui ne croit qu’en la science et sa sœur qui ne croit qu’en Dieu avec, au milieu, un petit garçon qui pose des questions sur le sens de la vie et de la mort. Il perd la vie sur un lac gelé à cause d’une mauvaise prévision de son père qui avait calculé quel poids la glace pouvait supporter et n’avait pas prévu qu’un feu serait allumé près du lac et fragiliserait la glace.
Lui :
Une histoire assez attachante, interprétée de façon très convaincante, notamment par cet étonnant petit garçon. Si l’univers est triste, froid et impersonnel, la relation entre le père et son fils dégage une chaleur peu commune. Difficile de ne croire qu’à une seule chose, de tout baser sur une croyance, telle semble être la morale avancée par Kieslowski dans Un seul Dieu tu adoreras.

2) Tu ne commettras pas de parjure :
Decalogue 2Elle :
Dans le même quartier que l’épisode 1, une jeune femme doit choisir entre son mari mourant et son amant qu’il l’a mise enceinte. Le médecin de son mari commet un parjure en lui disant que son mari va mourir pour éviter qu’elle ne se fasse avorter.
Lui :
Tu ne commettras pas de parjure est un étonnant face à face entre ce docteur et la femme d’un grand malade, une femme dont on perçoit petit à petit la situation pleine d’ambivalence et d’équivoque, entre deux chaises ou plutôt deux amants. Ici encore, le monde est froid et impersonnel.

3) Tu respecteras le jour du Seigneur :
Decalogue3Elle :
L’irruption dans une famille de l’ancienne amante du mari en pleine veillée de Noël. Cette femme esseulée et déboussolée a inventé toute une histoire pour pouvoir passer la nuit avec son ancien amant. J’avoue n’avoir pas beaucoup accroché l’histoire ici développée et n’avoir pas bien compris ce détournement du 3ème commandement. L’ensemble est moins convaincant.
Lui :
L’histoire choisie pour illustrer ce volet est un peu plus faible (une femme invente une histoire pour passer plusieurs heures avec son ancien amant à la recherche de son mari actuel, soit disant disparu). Les personnages de ces deux anciens amants sont vraiment survolés, on ignore tout d’eux et donc la symbiose ne fonctionne pas. Et toujours cet univers vide de monde, froid et peu chaleureux.

4/ Tu honoreras ton père et ta mère :
Decalogue 4Elle :
Une jeune femme dont la mère est morte fait croire à son père qu’elle n’est pas sa fille car elle l’aime secrètement. Elle ne peut donc honorer ni son père ni sa mère. La filiation est ambiguë. Cet épisode est plus touchant mais toujours très lent.
Lui :
Beaucoup d’intensité dans ce face à face entre un père et sa fille, l’ambiguïté de leurs rapports nous étant bien dévoilée petit à petit et le spectateur est autant troublé que le sont les personnages. Les sentiments sont plus que jamais au centre de ce volet.

5/ Tu ne tueras point :
Decalogue 5
Elle :
Un jeune homme tue un chauffeur de taxi avec acharnement. Il est condamné à la pendaison. Deux meurtres dont un commis par la justice. La première partie est franchement insoutenable. La deuxième partie qui se passe avec les préparatifs de la pendaison est plus intéressante et met en relief le problème de la peine de mort.
Lui :
Ce volet est un réquisitoire assez poignant contre la peine de mort, qui met face à face la brutalité du crime commis par un jeune garçon un peu désaxé et la brutalité de la sentence judiciaire. Même si l’argument utilisé ne semble pas en soi être ni le meilleur ni le plus efficace, le film de Kieslowski n’en remue pas moins les tripes, de par l’intensité de la préparation du crime commis et par le côté cru du passage à l’acte. Le montage met en parallèle la trajectoire du garçon et de son futur (jeune) avocat. La photographie tend à alourdir le climat, par l’utilisation de filtres jaunes ou par l’assombrissement des côtés de l’image. Un film dérangeant mais assez marquant.

6/ Tu ne seras pas luxurieux :
Decalogue 6Elle :
Un jeune homme fragile et timide observe à la longue-vue dans l’appartement d’en face une femme aux mœurs libres dont il est secrètement amoureux. Il est prêt à tout pour la rencontrer mais l’entrevue est un fiasco qui débouche sur une tentative de suicide. Ces deux personnages ne parviennent pas à s’extraire de leur solitude. Le rythme du film est vraiment très lent.
Lui :
Kieslowski met à nouveau en scène deux personnages totalement à l’opposé l’un de l’autre : une jeune femme sûre d’elle à la sexualité libérée et un jeune garçon timide, n’ayant jamais connu de vie amoureuse et passant ses soirées à épier la première. On peu certes reprocher au film une certaine lenteur, mais Kieslowski parvient bien à nous faire partager l’état d’esprit du jeune garçon ne sachant quoi faire avec son désir, tout comme il parvient bien à nous montrer le sentiment d’insatisfaction presque désabusé chez la femme. Une fois de plus, il choisit de ne pas approfondir les personnages, on ne sait que peu de choses de leur vie réelle, mais il se concentre sur le sujet traité et les sentiments qu’il génère. Et une fois de plus, l’intensité est réelle.

7/ Tu ne voleras point :
Decalogue 7Elle :
Il s’agit du vol d’une petite fille par sa grand-mère qui lui fait croire qu’elle est sa vraie mère. La jeune maman qui a eu cet enfant alors qu’elle avait 16 ans, souhaite maintenant remettre les choses dans l’ordre et retrouver son vrai rôle de mère. Elle kidnappe sa petite fille. On découvre alors la haine qui existe entre la grand-mère et sa vraie fille, la démission du vrai père de l’enfant et l’innocence de la petite fille victime de la bêtise des adultes. Certes, cet épisode n’est pas bien gai mais au filanl est beaucoup plus touchant que les autres.
Lui :
C’est de vol d’enfant dont il s’agit, une femme ayant inscrite sa petite fille comme étant sa fille pour éviter un scandale. La vraie mère va donc tenter d’enlever son enfant, voler le voleur en quelque sorte. C’est surtout de la situation de la vraie mère que traite Kieslowski, une femme qui ne parvient pas à trouver sa place, presque reniée par sa propre mère et incapable d’être une mère à sa fille, sans aucune attache, repoussée par l’homme avec lequel elle a eu l’enfant. Ce volet paraît toutefois un peu lent et long par rapport aux autres, et avec des caractères un peu marqués et typés.

8) Tu ne mentiras point :
Decalogue DVDElle :
Pour illustrer le non respect de ce commandement, Kieslowski met en scène une conférencière et une femme polonaise américaine qui veut assister à ses cours. Elle lui annonce être la petite juive que le professeur a refusé d’accueillir en 1943, ce qui lui aurait permis d’éviter les camps de concentration. La conférencière lui révèle qu’elle avait une bonne raison de mentir. Elle voulait protéger son réseau de résistance. Le sujet est intéressant, les visages sont filmés au plus près pour exprimer la douleur du passé. Néanmoins, je n’accroche pas à la forme, ce tempo très très lent du film. Il y a beaucoup d’attente, de silences qui pèsent sur les épaules et font que mon esprit vagabonde vers autre chose.
Lui :
Pour le thème du mensonge, ou plus exactement celui de « cacher la vérité », Kieslowski choisit une histoire se passant pendant la guerre ou plus exactement le moment où la vérité éclate 40 ans plus tard. Etant prise dans une situation totalement hors de l’ordinaire, qui plus est hors de toute raison, cette illustration perd de son impact et de sa force, me semble t-il. Le face à face entre les deux femmes est de plus assez peu nourri.

9) Tu ne convoiteras pas la femme de ton voisin :
Decalogue 9Elle :
Un homme qui vient de découvrir son impuissance propose à sa femme de prendre un amant. Il devient pourtant très jaloux : il l’épie, surveille ses conversations téléphoniques, assiste aux ébats amoureux de sa femme et tente en vain de se suicider alors que son épouse était en train de rompre sa relation. Cet épisode m’a beaucoup plus intéressée car il est beaucoup moins pesant dans sa forme, plus riche et est ponctué de thèmes musicaux, de changements de rythmes, de symboles à décrypter. Toujours des plans serrés, des gros plans sur le téléphone, des allers et retours entre ce que vit la femme et l’homme. Une belle réussite.
Lui :
Ce volet traite des sentiments et rapports de confiance entre une homme et une femme, dont le couple est placé dans une situation de crise (impuissance définitive du mari). Le cinéaste montre par quelles phases va passer l’état de leur relation et comment ce couple va se trouver au bord du drame. Une fois de plus, les situations, les sentiments sont simples mais intenses.

10) Tu ne convoiteras pas les biens d’autrui :
DecalogueElle :
Dans ce dernier épisode, Kieslowski cherche à montrer que dès que l’argent est en jeu, les hommes sont prêts à tout sacrifier. Il met en scène deux frères qui viennent de perdre leur père et découvrent que celui-ci avait amassé une véritable fortune en collectionnant les timbres. Ils cherchent donc à augmenter le patrimoine, à préserver le butin en se protégeant avec un chien danois et en mettant des barreaux à l’appartement. Un des frères va même jusqu’à se faire enlever un rein pour acquérir un timbre. Cette histoire fonctionne sur le mode de l’ironie et de l’humour. On reste sidéré devant cette bêtise humaine.
Lui :
Deux frères, de mode de vie très différents, se retrouvent face à un héritage de grande valeur sous la forme d’une collection de timbres. Kieslowski s’attache à nous montrer l’impact assez similaire qu’il va avoir sur ces deux frères, il dépasse l’aspect pécuniaire pur puisqu’ils seront atteints par le collectionnisme de leur père décédé. Il choisit donc de traiter de l’attrait de la possession en lui-même, attrait qui peut agir sur tous puisque l’un des frères pourrait être qualifié d’anarchiste nihiliste.

10 avril 2005

Les ensorcelés (1952) de Vincente Minnelli

Titre original : « The Bad and the Beautiful »

The Bad and the BeautifulElle :
Vincente Minelli nous projette au cœur du Hollywood des années 50 où les valeurs de la célébrité et de l’argent l’emportent sur toute valeur éthique. C’est Kirk Douglas qui incarne ce producteur ambitieux et sans scrupules. Il consacre toute son énergie pour révéler des stars et souvent à leurs dépens. Minelli retrace donc le parcours de trois personnages qui ont croisé son chemin et s’en sont mordu les doigts. Il s’agit d’une actrice (LanaTurner), d’un metteur en scène (Barry Sullivan) et d’un scénariste (Dick Powell). Cette satire est très révélatrice du milieu du cinéma de cette époque. La « boîte à rêves » fait fantasmer et attire comme des mouches même les gens les moins crédules. Même s’ils se font abuser, ils sont « ensorcelés ». J’ai eu un peu de mal à rentrer dans le film. Sa structure m’a un peu dérouté. J’ai trouvé certains passages ennuyeux. Malgré tout, c’est un bon sujet bien mis en scène.
Note : 3 étoiles

Les EnsorcelésLui :
Minelli se penche sur le petit monde d’Hollywood, traitant ici en 3 longs flash-back des rapports entre un producteur et trois acteurs principaux du cinéma : un metteur en scène, une starlette et un scénariste. Le personnage du producteur, admirablement interprété par Kirk Douglas, a ce mélange subtil de charisme et d’ambition qui flirte avec l’arrivisme. C’est un peu tout Hollywood qu’il nous décrit ici : Si chacun a des raisons de détester l’autre, ils se retrouveront finalement car ils sont forgés dans le même moule. Belle mise en scène de Minelli, précise, efficace et parfois audacieuse.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Kirk Douglas, Lana Turner, Walter Pidgeon, Dick Powell
Voir la fiche du film et la filmographie de Vincente Minnelli sur le site IMDB.

Voir les autres films de Vincente Minnelli chroniqués sur ce blog…

A noter que Minelli a tourné dix ans plus tard un autre film sur le même sujet :
Quinze jours ailleurs avec Kirk Douglas et Edward G.Robinson (1962).