24 octobre 2013

Une femme dont on parle (1954) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Uwasa no onna »

Une femme dont on parleDans le quartier des plaisirs de Kyoto, Hatsuko dirige une maison de geishas. Elle vient d’aller chercher sa fille qui faisait des études à Tokyo après que celle-ci ait tenté de se suicider à la suite d’une peine de coeur. D’allure et de tempérament moderne, la jeune fille rejette le métier de sa mère… Une femme dont on parle est un film qui a été imposé à Mizoguchi par sa compagnie, la Daiei. L’histoire a toutefois été écrite par Masashige Narusawa et Yoshikata Yoda. Elle met en relief non seulement le fossé des générations mais aussi les difficultés de l’amour et l’impossibilité pour les femmes de ce milieu de sortir de leur condition. Il est, bien entendu, tentant de rapprocher Une femme dont on parle de Les Musiciens de Gion tourné l’année précédente. L’histoire est ici un peu moins puissante, les personnages étant également moins forts. Sur la forme, Mizoguchi semble s’écarter quelque peu des longs plans séquences, utilisant le montage pour insérer fréquemment des gros plans et des champs-contrechamps. Les travelings semblent également plus rares. Une femme dont on parle n’en reste pas moins un beau film empreint d’un certain fatalisme.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Kinuyo Tanaka, Tomoemon Otani, Yoshiko Kuga, Eitarô Shindô
Voir la fiche du film et la filmographie de Kenji Mizoguchi sur le site IMDB.

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Remarques :
* C’est le dernier film de Mizoguchi avec son actrice fétiche, dont il était plus ou moins secrètement amoureux, Kinuyo Tanaka. L’actrice était en effet passée de l’autre côté de la caméra pour réaliser un premier film et un second film était en projet. Assez égoïstement, Mizoguchi tenta même de bloquer ce second projet. Ils se quittèrent donc en mauvais termes. Kinuyo Tanaka est devenue la première femme réalisatrice japonaise. Elle a réalisé 6 films entre 1953 et 1962 tout en continuant à être une actrice très demandée (entre 1924 et 1976, elle apparaît dans 163 films).

* On peut se demander pourquoi tant de films de Mizoguchi ont pour cadre le milieu des geishas ou de la prostitution. La réponse, il faut aller la chercher dans l’enfance du cinéaste. En 1905 (Kenji a alors 7 ans), la famille Mizoguchi est ruinée et le père est réduit à placer sa fille comme geisha. Ce sacrifice de sa soeur ainée pour faire vivre la famille a marqué durablement le cinéaste. Plus tard, dans les années 30 et 40, il a lui-même beaucoup fréquenté les prostituées (ce qui d’ailleurs était socialement admis à cette époque), éprouvant toujours de la sympathie pour elles.

22 octobre 2013

Les Musiciens de Gion (1953) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Gion bayashi »
Autre titre français « La Fête à Gion »

Les musiciens de Gion ou La fête à GionA Kyoto, une jeune fille se présente chez Miyoharu, geisha de belle réputation. Elle désire apprendre le métier de courtisane afin de prendre la place de sa mère décédée qui travaillait avec Miyoharu. Convaincue par son ardeur, cette dernière accepte de la prendre en charge… Les Musiciens de Gion reprend le même thème que Les Soeurs de Gion, réalisé par Mizoguchi en 1936, mais ce n’est en aucun cas un remake. Le propos est tout à fait différent. Alors que le film de 1936 dressait le portrait de deux geishas aux caractères tout à fait opposés, Les Musiciens de Gion nous montre comment le métier de geisha changeait radicalement de visage dans la société japonaise de l’Après-guerre : la compagnie des geishas était autrefois recherchée essentiellement pour leurs talents dans les arts et pour leur raffinement, sans que cela ne débouche (systématiquement du moins) sur un rapport sexuel. Dans le Japon des années cinquante, ce métier commençait à s’effacer pour laisser la place à une prostitution plus directe. Mizoguchi filme cette histoire avec beaucoup de délicatesse et de sensibilité, sans apitoiement et sans discours moralisateur. Moins réputé que les autres films de Mizoguchi des années cinquante qui lui ont certainement fait de l’ombre, Les Musiciens de Gion n’est pas moins un très beau film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Michiyo Kogure, Ayako Wakao, Seizaburô Kawazu
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19 octobre 2013

La Vie d’O’Haru, femme galante (1952) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Saikaku ichidai onna »

La vie d'O'Haru femme galanteAu XVIIe siècle, O’Haru est Dame d’honneur à la cour impériale de Kyoto. Après s’être laissé courtiser par un homme de moindre rang que le sien, elle est chassée et exilée à la campagne avec sa famille… La Vie d’O’Haru femme galante est adapté d’un roman écrit en 1686 par Saikaku Ihara, écrivain très connu au Japon. Il retrace le parcours d’une femme qui va connaitre la déchéance, passant par de nombreuses situations mais subissant à chaque fois des règles sociales faites pour les hommes et où la femme ne reçoit aucune considération. C’est donc une profonde critique de la société et du comportement des hommes de cette époque féodale, certes révolue au moment où Mizoguchi tourne son film mais qui trouve des prolongements dans notre société moderne. L’art de Mizoguchi est de traiter cette histoire sans mélodrame, montrant avec une belle simplicité et même un certain dépouillement cette fatalité subie. Il se dégage une indéniable beauté de ses images où tout parait à la fois simple et parfait et le propos ne prend que plus de force. Kinuyo Tanaka montre beaucoup de retenue et de délicatesse dans son interprétation. A noter que Mizoguchi ne fait pas vieillir son personnage tout au long du récit ce qui donne un caractère atemporel au film.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Kinuyo Tanaka, Tsukie Matsuura, Ichirô Sugai, Toshirô Mifune, Daisuke Katô
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Remarques :
* C’est avec La Vie d’O’Haru femme galante que l’Europe a découvert Mizoguchi lors du Festival de Venise en 1952. Auparavant, Kurosawa était le seul cinéaste japonais connu (depuis peu) en Occident.
* Le film a été tourné avec un budget très réduit, forçant Mizoguchi à utiliser un entrepôt au lieu d’un véritable studio. Le bruit des trains d’une voie ferrée proche obligeait à interrompre fréquemment le tournage.
* Le court rôle de Toshirô Mifune dans ce film sera la seule participation de l’acteur à un film de Mizoguchi.

Pour en savoir plus sur l’écrivain Ihara Saikaku (1642-1693) : lire….

24 juin 2013

Les Soeurs de Gion (1936) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Gion no shimai »

Les soeurs de GionLorsque le commerçant Furusawa fait faillite, il se réfugie chez la geisha Umekichi qui se sent moralement tenue de lui venir en aide. Elle vit avec sa jeune soeur, Omocha, qui a une vision bien différente des hommes qu’elle cherche à utiliser à son profit… Dans la lignée de L’Elégie de Naniwa tourné quelques mois auparavant, Kenji Mizoguchi se penche une nouvelle fois sur la position de la femme dans la société japonaise avec Les Soeurs de Gion. Le monde des geishas lui permet d’avoir deux personnages aux tempéraments marqués et en totale opposition : la soeur la plus âgée s’inscrit dans la tradition, elle est soumise aux hommes, prête à tout accepter pour leur bien-être tandis que la soeur la plus jeune est moderne, cynique, adroite pour manipuler les hommes et exploiter leurs faiblesses à son seul profit. Mizoguchi nous démontre que quelle que soit l’attitude de la femme, elle sera au final utilisée par l’homme et en sortira meurtrie. Une fois encore, l’argent est l’un des agents de cette dépendance. Le constat est implacable et la démonstration suffisamment efficace pour avoir marqué et choqué les esprits de l’époque. Dans Les Soeurs de Gion, le cinéma de Mizoguchi montre déjà une certaine perfection. La construction est admirable. Le cinéaste utilise de longs plans-séquence qui apportent beaucoup de force, de contenu et d’authenticité à son récit. Aucune scène, aucun plan ne semble inutile. Le regard porté par Mizoguchi est extérieur, il ne peut y avoir d’identification du spectateur à l’un des personnages, et pourtant c’est une vision très profonde et intime qu’il nous offre.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Isuzu Yamada, Yôko Umemura, Benkei Shiganoya
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Remarque :
Le scénario est signé par Yoshikata Yoda et Kenji Mizoguchi,  libre adaptation d’un roman de l’écrivain russe Alexandre Kouprine « La Fosse aux filles » (1915).

17 mars 2012

Meurtre à Yoshiwara (1960) de Tomu Uchida

Titre original : « Yoto monogatari: Hana no Yoshiwara hyaku-nin giri »

Meurtre à YoshiwaraPatron d’un atelier de tissage prospère, Jirozaemon voudrait se marier mais une vilaine tâche de naissance sur le côté droit de son visage effraie toutes les femmes rencontrées. Pour lui changer les idées, son plus gros client l’emmène à Yoshiwara, quartier de Edo (aujourd’hui Tokyo), dans une maison de plaisirs. Toutes les geishas refusent sa compagnie sauf Tsuru, une ancienne taularde. Il va dépenser sans compter pour son apprentissage de courtisane… Tomu Uchida adapte ici une pièce du théâtre traditionnel japonais qui oppose la bonté à la cupidité et à l’égoïsme. C’est un mélodrame rendu puissant par le traitement du réalisateur et une interprétation très juste. L’image est étonnamment belle, un superbe cinémascope en couleurs, le format large étant particulièrement bien exploité par le réalisateur : beaucoup de plans sont de toute beauté. Le film a aussi un côté presque documentaire car il nous montre à la fois certains rites sociaux dans le commerce et surtout le fonctionnement du quartier des geishas, avec ses codes et ses tensions. Meurtre à Yoshiwara est un très beau film doté d’un final superbe.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Chiezo Kataoka, Yaeko Mizutani, Isao Kimura
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