14 juillet 2014

Larmes de joie (1960) de Mario Monicelli

Titre original : « Risate di gioia »

Larmes de joieUn soir de Nouvel An à Rome, une actrice de figuration se retrouve sans invitation. Accidentellement, elle tombe sur une de ses connaissances, acteur sur le retour, qui en est réduit à servir d’acolyte à un pickpocket… Larmes de joie est inspiré des Nouvelles romaines d’Alberto Moravia. Le film mélange le tragique et le comique : sous l’humour, présent dans presque toutes les scènes, Monicelli nous dépeint les difficultés de trois personnages qui se débattent pour mieux vivre dans cette Italie de la fin des années cinquante. L’une est une indéfectible optimiste qui espère toujours que la chance lui sourira un jour, le second vit de petites combines plutôt minables et le plus jeune des trois est depuis toujours dans la petite délinquance. Anna Magnani (en blonde) nous fait un grand numéro, elle est volubile, explosive, exubérante, et forme un superbe tandem avec Totò, ce grand comique qui donne à son personnage une belle épaisseur ; il est particulièrement touchant. Leurs joutes verbales sont hautes en couleur. Ben Gazzara est plus en retrait.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Anna Magnani, Totò, Ben Gazzara, Fred Clark
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Remarques :
* Le titre original est à double sens : la traduction littérale de Risate di gioia est « éclat de rire de joie » mais puisque Gioia est le prénom du personnage jouée par Anna Magnani, cela peut être tout aussi bien « le rire de Gioia » (qui ne passe pas inaperçu, soit-dit en passant…)

* C’est la première apparition du comédien-clown Mac Ronay (le conducteur du métro). Ce comique français, au physique à nul autre pareil, n’a hélas pas beaucoup tourné mais beaucoup le connaissent grâce à son rôle de porte-flingue dans Les Tontons flingueurs. Les italiens l’ont doté ici d’une voix très haut perchée.

* On notera le clin d’oeil à La Dolce Vita (l’américain ivre veut se baigner dans la fontaine de Trévi… « Foutu cinéma! » commente Anna Magnani). Le film de Fellini est sorti en février 1960 en Italie et a reçu la palme d’or à Cannes en mai ; Larmes de joie est sorti en octobre 1960.

3 octobre 2013

Le Pigeon (1958) de Mario Monicelli

Titre original : « I soliti ignoti »

Le pigeonCosimo est arrêté alors qu’il tentait de voler une voiture. Il aimerait sortir au plus vite car il a eu un tuyau pour un coup infaillible. Il cherche donc un « pigeon » c’est-à-dire quelqu’un pour prendre sa place… Le Pigeon est l’un des plus beaux joyaux de la comédie italienne. Mario Monicelli réussit là un équilibre parfait entre l’humour et le regard bienveillant porté sur ces petits malfrats marginaux. L’humour repose beaucoup sur leur maladresse, leur incapacité à mener quelque chose à bien mais c’est un humour sans méchanceté, empreint au contraire d’une certaine tendresse. C’est aussi un regard sur l’Italie de l’après-guerre. Le scénario est intelligemment écrit, avec de belles trouvailles, très riche en petits détails ; sans aucun temps mort, son développement nous réserve d’amusantes surprises. La fin est hilarante. Les personnages sont typés mais sans excès, les seconds rôles sont savoureux : Carlo Pisacane (et sa dégaine unique) en simplet éternel affamé, Tiberio Murgia en fier sicilien qui séquestre sa soeur (Claudia Cardinale dans son premier vrai rôle à l’écran) et le merveilleux Totò en retraité-instructeur en perçage de coffre (1). Le pigeon est un film qui ne vieillit pas.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni, Renato Salvatori, Carlo Pisacane, Tiberio Murgia, Claudia Cardinale, Totò
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Suites (moins réussies) :
Hold-up à la milanaise (Audace colpo de I soliti ignoti) de Nanni Loy (1959) avec Vittorio Gassman, Renato Salvatori, Claudia Cardinale, Carlo Pisacane et Tiberio Murgia.
Le Pigeon vingt ans après (I soliti ignoti vent’anni dopo) d’Amanzio Todini (1985) avec toujours Marcello Mastroianni, Vittorio Gassman, Carlo Pisacane, Tiberio Murgia.

(1) On remarquera que Totò, bien qu’il n’ait qu’un rôle assez limité, est au centre de l’affiche originale, témoin de sa grande popularité à l’époque.

2 septembre 2012

Brancaleone s’en va-t’aux croisades (1970) de Mario Monicelli

Titre original : « Brancaleone alle crociate »

Brancaleone s'en va-t'aux croisadesBrancaleone et ses compagnons partent aux croisades. Menés par Dieu lui-même, ils embarquent pour traverser la Méditerranée et atteignent un peu trop rapidement la Terre sainte. En réalité, ils n’ont traversé qu’un lac… Tel est le début de Brancaleone s’en va-t’aux croisades, comédie loufoque qui fait suite à L’armata Brancaleone (L’armée Brancaleone) qui avait connu un formidable succès, quatre ans auparavant. Le film peut être vu comme une suite de sketches ou plutôt de séquences sur les rencontres qui ponctuent le périple de cette « armée ». L’esprit général est de démystifier le Moyen Âge(1) en insistant sur l’ignorance et l’intolérance. Avec son petit groupe de parias ou d’éclopés, Brancaleone se situe en marge de cette société cruelle. Les trouvailles de scénario sont nombreuses, avec des exagérations toujours au service de l’humour. Le film peut faire penser à ce que faisaient les Monty Python, à peu près à la même époque en Angleterre. On notera quelques clins d’oeil cinématographiques(2). Il faut aussi remarquer le travail fait sur les dialogues qui utilisent une sorte de dialecte, mélange d’italien courant et de latin. Grâce à son registre de jeu très étendu, Vittorio Gassman est vraiment l’interprète idéal de ce héro frapadingue et multi-facettes. Brancaleone s’en va-t’aux croisades est une bouffonnerie très réussie.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Vittorio Gassman, Adolfo Celi, Stefania Sandrelli, Beba Loncar
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Remarque :
Le film n’est sorti en France qu’en 1977 dans le cadre du festival d’humour de Chamrousse. Le premier opus n’avait pas été distribué en France.

(1) « Nous voulions démystifier le Moyen Âge, celui qu’on enseigne dans les écoles, avec ses paladins, ses chevaliers, ses pucelles, tout ce ballet de gens raffinés qui est non seulement invraisemblable mais historiquement faux. Le Moyen Âge a été une époque barbare, obscurantiste, cruelle et misérable. » (Entretien avec Mario Monicelli dans Cinéma n°230 de février 1978)

(2) Les dialogues de Brancaleone avec la Mort évoquent Le septième sceau de Bergman et le stylite sur son pilier évoque fortement Simon du désert de Bunuel.