28 février 2009

L’Affaire Cicéron (1952) de Joseph L. Mankiewicz

Titre original : « 5 fingers »

L'Affaire CicéronElle :
(pas vu)

Lui :
L’affaire Cicéron est basé sur des faits réels qui se sont réellement déroulés et qui n’ont jamais été entièrement élucidés. Début 1944, à Ankara, un brillant espion vend des copies de nombreux documents secrets britanniques aux allemands qui peinent à croire à leur authenticité tant ils sont importants. Mankiewicz a adapté cette histoire avec beaucoup de soin pour en faire un film particulièrement prenant, avec beaucoup de style. La peinture qu’il fait des personnages est assez étonnante : il y a d’abord cette fascination pour son personnage principal qu’il rend extrêmement civilisé, brillant, sûr de lui, juste à la limite de l’arrogance, mû par un désir de revanche sociale qui provoque en lui cet appât du gain. Ce personnage, complexe et séduisant, est magnifiquement personnifié par le jeu de James Mason dont la prestance trouve ici l’un de ses plus beaux écrins. Ensuite, on peut que remarquer que les personnages secondaires ne sont aucunement traités avec manichéisme : allemand ou anglais, personne n’est montré sous un mauvais jour, tout le monde nage en eaux troubles car la tromperie peut être partout. L’affaire Cicéron est parfaitement rythmé et Mankiewicz fait preuve d’une grande maîtrise dans le déroulement du scénario pour signer l’un des plus grands films d’espionnage.
Note : 5 étoiles

Acteurs: James Mason, Danielle Darrieux, Michael Rennie,  Oskar Karlweis, John Wengraf
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Remarque :
Dans la réalité, le nom de cet espion était Elyesa Bazna ; il était bien domestique auprès de l’ambassadeur d’Angleterre à Ankara. En revanche, le personnage de la comtesse est inventé de toutes pièces. D’autre part, il semble que les plans du débarquement n’aient jamais fait partie de ces fuites, contrairement à ce qui a souvent été dit.
En 1950, l’allemand Ludwig Moyzich, l’homme qui assurait le contact avec Cicéron, a publié un livre « Who was Cicéro ? » (L’affaire Cicero). 12 ans plus tard, en 1962, Elyesa Bazna lui a en quelque sorte répondu en publiant « I was Cicero » (Signé Cicéron).

Autre remarque :
Fait suffisamment rare pour être noté, le titre français est plus juste et représentatif que le titre original, imposé par Zanuck à Mankiewicz. Dans l’esprit du producteur, les cinq doigts étaient censés symboliser la cupidité…

19 février 2009

Le Veuf (1959) de Dino Risi

Titre original : « Il Vedovo »

le VeufElle :
Ce n’est certes pas le meilleur Dino Risi mais Le Veuf reste une comédie amusante autour d’un Alberto Sordi haut en couleur dans le costume d’un industriel raté et sans scrupules. Marié à une femme riche, il dépense sans compter jusqu’au jour où celle-ci refuse de lui en prêter davantage. Dino Risi joue sur les quiproquos, le comportement hâbleur et fanfaron de son personnage principal, la stratégie loufoque mise en place pour se débarrasser de cette épouse rigide. Cette bourgeoisie coincée, uniquement appâtée par l’argent en prend plein la figure sous le regard féroce et ironique du cinéaste.
Note : 3 étoiles

Lui :
Le Veuf fait partie des premiers films de celui que l’on a surnommé « le prince de la comédie italienne », Dino Risi. Comme souvent, il s’amuse de l’égoïsme et de la cupidité de ses contemporains : ici, c’est un entrepreneur médiocre, baratineur et fauché, marié à une femme tout aussi cupide mais richissime. Sans être du niveau de ses meilleures comédies, Le Veuf est assez amusant, servi par une excellente interprétation : Alberto Sordi est ici dans son registre de prédilection, il y excelle, mais il est soutenu par de bons seconds rôles. Le scénario a soigné les relations que cet entrepreneur entretient avec ses acolytes et les scènes où ils complotent sont particulièrement réussies. Cette comédie d’humour un peu noir nous fait passer un bon moment.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Franca Valeri, Livio Lorenzon, Leonora Ruffo
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8 février 2009

Le voyage de la peur (1953) de Ida Lupino

Titre original : The hitch-hiker

The Hitch-HikerElle :
(pas vu)

Lui :
Ida Lupino est probablement plus connue en tant qu’actrice qu’en tant que réalisatrice. De ses quelques longs métrages du tout début des années 50, Le Voyage de la Peur est son seul film policier, les autres étant plutôt des mélodrames sociaux. Ce film est particulier sur plusieurs plans : il est considéré comme le seul film noir réalisé par une femme, il est essentiellement basé sur trois personnages et surtout il se déroule en un lieu unique et inhabituel, une voiture, véhicule qui symbolise normalement la liberté de mouvement et qui se transforme ici en quelque sorte en prison. L’histoire serait inspiré de faits réels : deux amis partis pêcher sont pris en otage par un auto-stoppeur, criminel en fuite, qui va les forcer à le conduire à un certain endroit. Ida Lupino filme cette histoire de façon très réaliste, de telle sorte que nous sommes immergés dans cet univers aride et presque désertique de la péninsule mexicaine de la Basse Californie. Les kidnappés réagissent avec pragmatisme, sans héroïsme, face à ce tueur psychopathe (belle prestation de William Talman). La tension reste très forte tout au long du film qui reste pourtant simple dans son déroulement. C’est sans doute cette simplicité et ce réalisme qui donne à ce Voyage de la Peur toute sa force.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Edmond O’Brien, Frank Lovejoy, William Talman
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21 janvier 2009

Le grand attentat (1951) de Anthony Mann

Titre original : « The tall target »

Le Grand attentatElle :
(pas vu)

Lui :
Un policier démissionnaire tente de déjouer un complot qui vise à abattre Abraham Lincoln le jour même de son investiture en 1861. Précisons qu’il s’agit de fiction, libre extrapolation d’un incident qui eut effectivement lieu. Plutôt mal connu, Le Grand Attentat est remarquable pour plusieurs raisons : il se déroule entièrement dans un seul lieu, un train allant de New York à Washington, et de plus quasiment en temps réel, l’action et la durée du film correspondant presque parfaitement. Bien que de tendance libérale, le film ne s’étend nullement en discours ou explications, se concentrant essentiellement sur l’action et la montée du suspense. Dans ce domaine, il réussit parfaitement grâce à un traitement très brut qui immerge totalement le spectateur dans l’action. La tension monte assez rapidement et notre policier (qui s’appelle… John Kennedy ! Cela ne s’invente pas…) se retrouve assez rapidement seul face à un adversaire de taille. Tourné avec un budget plutôt supérieur à une production B, Le Grand Attentat se révèle être un suspense vraiment brillant.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Dick Powell, Paula Raymond, Adolphe Menjou, Marshall Thompson
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Remarque :
On rapproche souvent The Tall Target du film de Richard Fleischer The Narrow Margin (L’Énigme du Chicago Express, 1952) qui se déroule, lui aussi, entièrement dans un train.

16 janvier 2009

Au fil de l’eau (1950) de Fritz Lang

Titre original : « House by the river »

Au fil de l’eauElle :
A la fin de l’ère victorienne, un écrivain, qui éprouve des difficultés à placer ses manuscrits, habite une maison à l’embouchure d’une rivière. Alors que sa femme s’est absentée pour la journée, il tente de séduire la jeune servante et l’étrangle accidentellement. Au même moment, on sonne à la porte… Tel est le point de départ de cet Au fil de l’eau, film très prenant sur l’arrivisme et la culpabilité. Sans acteur connu, Fritz Lang parvient à nous tenir en haleine en nous dévoilant peu à peu toutes les facettes de la personnalité de cet écrivain particulièrement prêt à tout.
Note : 3 étoiles

Lui :
House by the River fait partie des films mal connus de la filmographie de Fritz Lang. C’est compréhensible puisqu’il n’est jamais sorti en salles en France et qu’il a fallu attendre les années 80 pour qu’il soit diffusé à la télévision. Ce n’est en aucun cas un film mineur cependant. Dans l’esprit, il est assez proche du Secret derrière la porte qu’il a tourné deux ans plus tôt. On y retrouve en effet une atmosphère très forte, sombre et noire, qui donne l’impression de tendre parfois vers le fantastique. En fait, Fritz Lang nous plonge en quelque sorte dans les tourments de cet homme, les tourments du désir tout d’abord puis les tourments de la culpabilité. La photographie est superbe avec des plans simples mais très forts, tout au service du récit. House by the River est très prenant et particulièrement puissant.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Louis Hayward, Jane Wyatt, Lee Bowman
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9 janvier 2009

Winchester 73 (1950) de Anthony Mann

Titre original : « Winchester ’73 »

Winchester 73Elle :
(pas vu)

Lui :
Winchester 73 est le premier des cinq superbes westerns qu’Anthony Mann a tourné avec James Stewart. Le fil rouge du film est l’exemplaire parfait d’un fusil qui change plusieurs fois de main mais le fond du scénario est celui de la traque d’un homme et d’une vengeance. La construction du récit est donc remarquable et, de plus, Anthony Mann parvient à y intégrer toutes les scènes qui constituent le grand classicisme du western : longues chevauchées, confrontations, attaque d’indiens hostiles, hold-up de banque, duel final. Il contient aussi deux forts symboles de l’Amérique : on connaît la fascination des américains pour les armes à feu, comment ils en ont fait un symbole de liberté individuelle, et ici cette Winchester parfaite (« il y en a une sur 10 000 ») représente non seulement l’objet convoité de tous mais aussi la récompense ultime qui vient marquer le devoir accompli une fois justice faite. L’autre symbole, c’est James Stewart qui fait partie de ces quelques grands acteurs auxquels tous les américains s’identifient : un homme réservé mais brillant et surtout particulièrement obstiné quand il est persuadé de défendre une cause juste. Il est particulièrement remarquable ici, dans un rôle qui tranche quelque peu avec les comédies qu’il a tournées dans les années 40. La réalisation d’Anthony Mann est particulièrement riche tout en restant sobre, avec de très beaux mouvements de caméra qui dynamisent les scènes d’action. Winchester 73 est vraiment un western particulièrement brut, jusque dans son manichéisme,  remarquable dans son classicisme.
Note : 5 étoiles

Acteurs: James Stewart, Shelley Winters, Dan Duryea, Stephen McNally, Millard Mitchell
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Les 5 (superbes) westerns d’Anthony Mann avec James Stewart :
Winchester ‘73 (1950) Winchester 73
Bend of the river (1952) Les affameurs
The Naked Spur (1953) L’appât
The Far Country (1955) Je suis un aventurier
The Man from Laramie (1955) L’homme de la plaine

22 décembre 2008

La belle de Moscou (1957) de Rouben Mamoulian

Titre original : « Silk stockings »

La belle de Moscou Elle :
(pas vu)

Lui :
La Belle de Moscou est la seconde adaptation à l’écran du roman de l’hongrois Melchior Lengyel et il est inévitable de la comparer à la version que Lubitsch avait tourné presque 20 ans plus tôt, le merveilleux Ninotchka. La comparaison n’est pas du tout à l’avantage du film de Mamoulian. Certes, Cyd Charisse n’a pas le magnétisme de Greta Garbo mais ce n’est pas sa performance qui pose problème :  elle se tire très bien de ce rôle à deux facettes, une femme soviétique rigide et froide qui va peu à peu succomber aux charmes de Paris. On lui doit même les meilleures scènes. La transformation en comédie musicale est, en revanche, loin d’être réussie (1) : d’une part, Fred Astaire avait alors 57 ans et donc montrait tout de même moins de grâce dans son jeu et ensuite, les numéros musicaux ne sont dans l’ensemble pas franchement réussis, souvent précipités et assez fades. La belle de Moscou Le clou du film est incontestablement le numéro de danse Silk Stockings où Cyd Charisse effectue une véritable mutation, passant de son habit austère à une robe de soirée du plus bel effet, scène qui a flirté de très près avec les limites de la censure. Au chapitre des curiosités, on pourra noter un Peter Lorre empâté en apparatchik empoté et un numéro musical rock’n roll de Fred Astaire, le seul de sa carrière (numéro pas très convaincant, assez poussif). On pourra aussi s’amuser de l’anticommunisme caricatural, à prendre au second degré. La Belle de Moscou sera le dernier film (achevé) de Rouben Mamoulian. Les meilleurs réalisateurs ne finissent pas toujours en beauté…
Note : 1 eacute;toiles

Acteurs: Fred Astaire, Cyd Charisse, Janis Paige, Peter Lorre
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(1) Le film de Mamoulian est en fait l’adaptation à l’écran d’une pièce à succès de Broadway qui était elle-même une transposition chantée du Ninotchka de Cole Porter (500 représentations à l’Imperial Theater avec Hildegarde Neff et Don Ameche).

25 novembre 2008

Le fleuve (1951) de Jean Renoir

Titre original : « The River »

Le fleuve Lui :
Jean Renoir a tourné Le Fleuve en anglais avec une production indienne, aucun studio américain n’ayant voulu financer le projet. Il s’agit de son premier film en couleurs. Et quelle couleur! Le directeur de la photographie, son neveu Claude Renoir et le décorateur Eugène Lourié jouèrent sur les demi-teintes de la végétation pour un résultat splendide, à la fois éclatant et tout en nuances. On pense inévitablement à l’influence du père de Jean, Auguste Renoir. Le Fleuve est un film d’occidental : Le Fleuve Jean Renoir ne connaît absolument pas l’Inde quand il découvre le roman de l’anglaise Rumer Godden sur l’éveil à l’amour d’une jeune fille dans une famille de colons britanniques. Renoir semble fasciné par ce pays et nous transmet cette attirance : détaillant précisément certaines coutumes, le film mêle documentaire et fiction si étroitement qu’ils semblent fusionner parfaitement. Au-delà de l’histoire sentimentale, le fond du propos est justement sur l’harmonie, chaque personne chaque objet faisant partie d’un tout pour parvenir à une certaine plénitude. Le récit est majestueux. Le Fleuve peut être vu comme un des beaux hymnes à la vie.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Thomas E. Breen, Patricia Walters, Radha, Adrienne Corri
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Homonymes :
The River de Frank Borzage (1929), avec Charles Farrell
The River (La Rivière) de Mark Rydell (1984) avec Mel Gibson et Sissi Spacek.

14 novembre 2008

La belle espionne (1953) de Raoul Walsh

Titre original : « Sea devils »

La belle espionneElle :
(pas vu)

Lui :
Lointainement inspiré du roman de Victor Hugo Les travailleurs de la mer, La belle espionne est un film d’aventures en technicolor comme les studios en étaient friands en ce début des années 50. C’est même un superbe exemple du genre, Raoul Walsh réussissant à mêler étroitement intrigue, suspense et romance. Yvonne de Carlo est cette belle espionne que des marins doivent convoyer de Guernesey aux côtes françaises ; elle illumine le film de son charme et de sa présence. Raoul Walsh a lui-même défini le film comme une ode à la beauté surnaturelle de son actrice et aussi à la mer. Face à elle, Rock Hudson est hélas peu crédible en marin, paraissant même un peu emprunté. Yvonne De Carlo dans La Belle Espionne La photographie est superbe, avec notamment une belle opposition entre les extérieurs toujours en clair-obscur et les scènes d’intérieur très lumineuses. Avec son climat envoûtant, La Belle Espionne est un délicieux spécimen de ces grands films d’aventure des années 50 et 60. A noter la présence de deux futurs réalisateurs : Gérard Oury joue Napoléon et Bryan Forbes interprète Willie (le compagnon de Rock Hudson).
Note : 4 étoiles

Acteurs: Yvonne De Carlo, Rock Hudson, Maxwell Reed, Bryan Forbes, Michael Goodliffe
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Homonyme :
Sea devils de Benjamin Stoloff (1937), avec Victor McLagen et Ida Lupino

11 novembre 2008

Boulevard du Crépuscule (1950) de Billy Wilder

Titre original : « Sunset Blvd. »

Boulevard du CrépusculeElle :
(pas revu)

Lui :
Billy Wilder n’a sans doute pas toujours été considéré à sa juste valeur par les cinéphiles (1) et pourtant il a signé plusieurs très grands films. Boulevard du Crépuscule est probablement celui à mettre en premier. Sunset Boulevard, c’est le nom de la rue bien connue de Los Angeles où vivent nombre de stars du cinéma ; Sunset Blvd., le film, met en scène une grande star oubliée du muet qui vit recluse, au bord de la folie, persuadée que le monde entier attend son retour. Un jeune scénariste désargenté va devenir son gigolo.

Erich von Stroheim et Gloria SwansonBoulevard du Crépuscule est un film très original et particulier, par le fond et par la forme. Il donne une vision d’Hollywood et de la starisation qui est peu commune, une vision un peu cruelle sur l’envers du décor. Le fait que Billy Wilder fasse jouer les rôles des « déchus » par des acteurs qui sont eux-mêmes très proches de leur personnage donne un climat particulier au film : Gloria Swanson est elle-même une grande star du muet qui a vu sa carrière se terminer brutalement à l’avènement du parlant. Le film que l’héroine regarde avec son gigolo n’est autre que Queen Kelly de 1928 avec… Gloria Swanson et dirigé par… Erich von Stroheim, dont la carrière en tant que réalisateur s’est arrêtée, justement après avoir été renvoyé par Gloria Swanson (2). Et Billy Wilder lui fait jouer 20 ans plus tard le rôle d’un ex-metteur en scène devenu le maître d’hôtel de son ex-star… Quelle ironie ! Cette audace, cette liberté de ton donne au film un caractère unique. La scène finale de l’escalier est mémorable, on y voit l’espace de quelques instants Von Stroheim l’acteur redevenir Von Stroheim le réalisateur. Lui et Gloria Swanson se donnent en tous cas entièrement à leur rôle, semblant tous deux accepter et assumer pleinement leur personnage de « déchu ».

Boulevard du Crépuscule est aussi original sur la forme, ne serait-ce que par sa construction : le film est un flash-back et c’est un cadavre qui raconte son histoire, ce qui n’est pas si courant (3). Le film de Billy Wilder est un regard sur le monde du cinéma à la fois porteur de rêve et profondément cruel. Un film très intense, un petit chef d’œuvre qui fait partie de ces films qui vous marque durablement.
Note : 5 étoiles

Acteurs: William Holden, Gloria Swanson, Erich von Stroheim, Nancy Olson
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(1) Dans leur livre 50 ans de cinéma américain, Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier explique ce dédain de la critique cinéphilique envers Billy Wilder par le fait qu’il écrivait ses scénarios : un véritable auteur de films est censé être un « pur » metteur en scène…

(2) Gloria Swanson, qui était productrice sur le film Queen Kelly, a renvoyé Erich von Stroheim au tiers du tournage. Cela mit fin à la carrière de metteur en scène de Von Stroheim, déjà très mal vu par les studios. A noter que, bien que tourné en 1928, Queen Kelly n’était toujours pas sorti en 1950. Il n’est vraiment sorti qu’en… 1985 !
Parmi les autres « vrais acteurs », on notera les 3 joueurs de bridge : l’un est facile à reconnaître, c’est Buster Keaton, les deux autres beaucoup moins : il s’agit de Anna Q. Nilsson et H.B. Warner, deux acteurs du muet. En outre, Cecil B. DeMille joue bien entendu son propre rôle, tout comme la journaliste à potins Hedda Hopper.

(3) C’est même une règle de ne jamais faire parler les cadavres. Initialement, le cadavre était transporté à la morgue et racontait son histoire aux autres cadavres… Cette scène faisant rire le public dans les premières projections, elle fut enlevée du montage final.