Titre original : « Sunset Blvd. »
Elle :
(pas revu)
Lui :
Billy Wilder n’a sans doute pas toujours été considéré à sa juste valeur par les cinéphiles (1) et pourtant il a signé plusieurs très grands films. Boulevard du Crépuscule est probablement celui à mettre en premier. Sunset Boulevard, c’est le nom de la rue bien connue de Los Angeles où vivent nombre de stars du cinéma ; Sunset Blvd., le film, met en scène une grande star oubliée du muet qui vit recluse, au bord de la folie, persuadée que le monde entier attend son retour. Un jeune scénariste désargenté va devenir son gigolo.
Boulevard du Crépuscule est un film très original et particulier, par le fond et par la forme. Il donne une vision d’Hollywood et de la starisation qui est peu commune, une vision un peu cruelle sur l’envers du décor. Le fait que Billy Wilder fasse jouer les rôles des « déchus » par des acteurs qui sont eux-mêmes très proches de leur personnage donne un climat particulier au film : Gloria Swanson est elle-même une grande star du muet qui a vu sa carrière se terminer brutalement à l’avènement du parlant. Le film que l’héroine regarde avec son gigolo n’est autre que Queen Kelly de 1928 avec… Gloria Swanson et dirigé par… Erich von Stroheim, dont la carrière en tant que réalisateur s’est arrêtée, justement après avoir été renvoyé par Gloria Swanson (2). Et Billy Wilder lui fait jouer 20 ans plus tard le rôle d’un ex-metteur en scène devenu le maître d’hôtel de son ex-star… Quelle ironie ! Cette audace, cette liberté de ton donne au film un caractère unique. La scène finale de l’escalier est mémorable, on y voit l’espace de quelques instants Von Stroheim l’acteur redevenir Von Stroheim le réalisateur. Lui et Gloria Swanson se donnent en tous cas entièrement à leur rôle, semblant tous deux accepter et assumer pleinement leur personnage de « déchu ».
Boulevard du Crépuscule est aussi original sur la forme, ne serait-ce que par sa construction : le film est un flash-back et c’est un cadavre qui raconte son histoire, ce qui n’est pas si courant (3). Le film de Billy Wilder est un regard sur le monde du cinéma à la fois porteur de rêve et profondément cruel. Un film très intense, un petit chef d’œuvre qui fait partie de ces films qui vous marque durablement.
Note : 
Acteurs: William Holden, Gloria Swanson, Erich von Stroheim, Nancy Olson
Voir la fiche du film et la filmographie de Billy Wilder sur le site IMDB.
Voir les autres films de Billy Wilder chroniqués sur ce blog…
(1) Dans leur livre 50 ans de cinéma américain, Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier explique ce dédain de la critique cinéphilique envers Billy Wilder par le fait qu’il écrivait ses scénarios : un véritable auteur de films est censé être un « pur » metteur en scène…
(2) Gloria Swanson, qui était productrice sur le film Queen Kelly, a renvoyé Erich von Stroheim au tiers du tournage. Cela mit fin à la carrière de metteur en scène de Von Stroheim, déjà très mal vu par les studios. A noter que, bien que tourné en 1928, Queen Kelly n’était toujours pas sorti en 1950. Il n’est vraiment sorti qu’en… 1985 !
Parmi les autres « vrais acteurs », on notera les 3 joueurs de bridge : l’un est facile à reconnaître, c’est Buster Keaton, les deux autres beaucoup moins : il s’agit de Anna Q. Nilsson et H.B. Warner, deux acteurs du muet. En outre, Cecil B. DeMille joue bien entendu son propre rôle, tout comme la journaliste à potins Hedda Hopper.
(3) C’est même une règle de ne jamais faire parler les cadavres. Initialement, le cadavre était transporté à la morgue et racontait son histoire aux autres cadavres… Cette scène faisant rire le public dans les premières projections, elle fut enlevée du montage final.