Titre original : « The Private Life of Sherlock Holmes »
Cinquante ans après la mort du Docteur Watson, certains de ses documents restés secrets sont dévoilés. Ils promettent de nous faire connaitre la vraie nature de Sherlock Holmes. Nous les suivons dans deux aventures… Face à l’échec commercial de ses deux derniers films (1) et au puritanisme de la critique américaine, Billy Wilder décide de tourner son film suivant en Europe. Avec La Vie privée de Sherlock Holmes, il s’attaque à un mythe très britannique. Toutefois, en grand amateur des écrits de Conan Doyle, il retourne le mythe de Sherlock Holmes mais ne le détruit pas. Certes, le détective est devenu prisonnier de son image publique par la popularité des récits du Docteur Watson, certes il est trop souvent dominé par les évènements, mais le personnage est suffisamment humain et humaniste pour rester attachant. Largement amputé par les studios (sur les quatre aventures, seules deux seront conservées dans la version commercialisée), le film n’en est pas moins remarquable, d’une mise en scène parfaite de simplicité et d’une réalisation sans faille. L’humour est toujours présent, souvent en petites touches, parfois plus truculent (comme cette scène où Watson se retrouve à danser avec des danseurs russes au lieu de danseuses !) Les parties coupées semblent hélas être perdues à jamais. On se prend à rêver qu’elles puissent être un jour retrouvées afin de voir, enfin, la version complète de La Vie privée de Sherlock Holmes.
Elle: –
Lui :
Acteurs: Robert Stephens, Colin Blakely, Geneviève Page, Christopher Lee
Voir la fiche du film et la filmographie de Billy Wilder sur le site IMDB.
Voir les autres films de Billy Wilder chroniqués sur ce blog…
Remarques :
* La première aventure coupée prenait place dans un bateau qui ramenait Holmes et Watson d’Istanbul où ils avaient enquêté dans un harem. Fatigué, Holmes laissait Watson résoudre le cas de la mort étrange de jeunes mariés à sa place, Watson endossant l’habit de Holmes.
* La seconde aventure coupée concernait le cas étrange d’un chinois retrouvé mort dans une pièce où tous les meubles étaient cloués au plafond. Cette affaire était en réalité montée de toutes pièces par Watson pour tenter d’éloigner son ami de la drogue.
* Une scène coupée importante expliquait pourquoi Holmes était si mal à l’aise avec les femmes. Pendant dans la partie écossaise, un flashback nous montrait comment le jeune étudiant Holmes avait été écoeuré de voir que la fille dont il était secrètement amoureux avait accepté d’être l’enjeu d’une tombola.
(1) Embrasse-moi idiot (Kiss Me Stupid, 1964) et La grande combine (The Fortune Cookie, 1966)
Pour moi, la meilleure adaptation d’un Sherlock Holmes traitée avec élégance par Billy Wilder.
Merci de cet article.
La musique de Miklós Rózsa est également superbe – le thème principal « Gabrielle », en particulier, est très émouvant. On peut l’entendre ici :
http://www.youtube.com/watch?v=QGFgt7l2eGg
Puis-je vous demander la source de vos remarques concernant les épisodes disparus ? Il ne me semble pas avoir lus d’éléments aussi précis dans le livre e conversations entre Cameron Crowe et Billy Wilder, dans lequel ce dernier dit cependant que les bobines en question dorment vraisemblablement dans un hangar quelque part à Hollywood, mais ne seront peut-être jamais retrouvées.
Oui, effectivement, la musique de Rozsa est très belle, vous avez raison de le souligner.
Sur le contenu des coupes, je l’ai trouvé à plusieurs endroits : dans le livre de Noël Simsolo sur Billy Wilder et sur le net ; je ne me rappelle plus très bien où, je pensais que c’était sur le site du British Film Institute mais je n’arrive pas à retrouver la page. En français, Olivier Bitoun en parle dans son article sur le site DVDclassik, excellent article d’ailleurs. http://www.dvdclassik.com/critique/la-vie-privee-de-sherlock-holmes-wilder
Merci beaucoup.
L’article (et tout le site, d’ailleurs) de DVDclassik est en effet très intéressant.
Pour avoir vu récemment de nombreuses adaptations de Sherlock Holmes (séries Elementary et Sherlock, les deux films de Guy Ritchie, l’autre film (très oubliable) Holmes & Watson et son apparition secondaire dans les deux films Enola Holmes), je trouve que celui-ci est d’une part très réussi, et d’autre part reposant et élégant.
Robert Stephens incarne un Holmes certes solitaire, désabusé et ne supportant pas l’ennui, mais beaucoup plus serein, beaucoup plus apaisé que les autres interprètes du rôle. Il apporte au personnage une simplicité et une sobriété qui sont bienvenues. Comme vous l’écrivez, il est attachant (tout en restant parfaitement fidèle au personnage des romans : so british, cérébral, asocial, un peu triste).
L’intrigue est bien construite tout en restant simple. Le rythme est parfaitement maîtrisé. Les touches d’humour sont bien distillées.
En fait, en termes de rythme et d’évolution des personnages, le film est parfait dans sa version actuelle. Je me demande si les deux séquences que vous évoquez ne l’auraient pas déséquilibré. Ici, la première est courte et permet de préparer l’intrigue principale, de placer le film sous l’angle du rapport d’Holmes aux femmes. Une succession de quatre séquences distinctes aurait donné un tout autre film, moins cohérent (peut-être plus riche, mais moins cohérent). Nous avons peut-être été privés d’un film encore meilleur (nous ne le saurons jamais) mais il est certain que grâce à ce recentrage du récit nous avons été gratifiés d’un film excellent. Avec tout ce qu’il faut d’humour initial et de tragi-mélancolie finale.
CARNETS INTIMES D’UNE CÉLÉBRITÉ Voilà un personnage célèbre qui a connu moult adaptations et interprètes à l’écran (comme du reste pas mal de détectives : Hercule Poirot, Rouletabille, Arsène Lupin…). De celle ci émane beaucoup de charme et de finesse contribuant à sa réussite : scénario, décors, dialogues, intelligence narrative, cadrage au format Scope, musique, humour, ambiguité qui m’ont rappelé l’époque adolescente où je dévorais les romans de Conan Doyle. Pourtant la particularité du film vient qu’il ne s’agit plus de l’adaptation d’une de ces nouvelles mais bel et bien d’un scénario original, via la découverte de manuscrits inédits du docteur Watson trouvés (rendus publics) après la mort de ce dernier dont la voix off d’outre tombe accompagne l’explication de cette raison. Les deux hommes vivaient « en couple » de co location dans le grand appartement de Baker street à Londres aux bons soins de leur logeuse, et à ce sujet le film laisse chaque spectateur libre de filer sa propre métaphore, l’un étant aussi soupe au lait et prompt à s’enflammer que l’autre est placide et aux portes de la neurasthénie.. Malgré les nombreuses difficultés du film à se faire et à se finaliser tel qu’il est, le résultat possède un charme indéniable à l’ancienne. On suit avec ravissement cette intrigue élégante à tiroirs qui nous emporte jusqu’aux brumes du Loch Ness écossais. La surprise principale est que notre limier tombe amoureux pendant l’enquête et se laisse prendre au jeu même s’il s’avère bien amer. L’oiseau tombé dans le nid par amnésie se nomme Gabrielle, est belge et à la voix et la beauté veloutées de Geneviève Page qui ne quitte jamais son ombrelle. Cette péripétie inattendue dans l’intrigue influe sur les rebondissements de l’interprétation des comédiens avec bonheur ainsi en effet que sur la superbe partition violon et orchestre du hongrois Miklos Rozsa. Ce qui est miraculeux est qu’on ne sent jamais que le film a contraint Billy Wilder de le tripatouiller et le réduire considérablement pour satisfaire ses producteurs après les previewes américaines désastreuses Plus de 50 ans après j’ai dégusté le film, que je n’avais pas revu, comme la première fois. Et le plaisir oublié de retrouver Christopher Lee en Mycroft, frère ainé du détective, occupant un poste mystérieux de haut fonctionnaire au foreign Office et plus souvent attablé au Diogène club réservé à la gent masculine. (Mais qu’est devenu Robert Stephens/Sherlock?)