7 septembre 2010

De la guerre (2008) de Bertrand Bonello

De la guerreLui :
En mal d’inspiration, un cinéaste (qui serait un alter ego de Bertrand Bonello) est à la recherche de sensations nouvelles. Déprimé, il se laisse entraîner par un inconnu dans une propriété où un petit groupe tente d’atteindre le plaisir et un certain absolu. De la Guerre nous fait vivre cette expérience. Après la mise en place plutôt bien faite d’une atmosphère assez prenante, instable et fragile, le film s’empêtre quelque peu et nous livre un salmigondis de pratiques diverses : retour à l’animalité, zen, transe, vaudou, amour libre, isolement, privations,… tout y passe, le tout saupoudré de vagues références et d’une allégorie guerrière qui vaut son titre au film (interprétation au premier degré d’un axiome qui voudrait que « le plaisir doit se gagner comme on gagne une guerre »). Le seul qui semble s’amuser dans l’histoire, c’est Michel Piccoli qui fait une courte apparition en « vieux sage qui prodigue ses conseils au petit scarabée ». De la Guerre est typiquement le genre de film qui sera apprécié très différemment suivant les spectateurs : soit on réagit à (au moins) l’un de ses éléments soit on trouve tout cela très vain.
Note : 1 étoile

Acteurs: Mathieu Amalric, Guillaume Depardieu, Asia Argento, Clotilde Hesme, Aurore Clément, Laurent Lucas, Michel Piccoli
Voir la fiche du film et la filmographie de Bertrand Bonello sur le site IMDB.

6 septembre 2010

Foxfire (1987) de Jud Taylor

Lui :
Après la mort de son mari, Annie est restée dans sa maison isolée des Blue Ridge Mountains, une maison où elle a toujours vécu. A 80 ans, elle n’a aucune envie de la quitter. La pression d’un promoteur et l’un de ses enfants, chanteur de country, vont-ils la faire changer d’avis? Foxfire a été produit pour la télévision américaine, dans le cadre de la série de dramatiques Hallmark Hall of Fame. Malgré une certaine authenticité, le récit est très convenu, bourré de bonnes intentions mais sans originalité. Le thème global est celui du dépeuplement des campagnes qui perdent leur âme en devenant des villages de résidences secondaires. Les bonnes interprétations de Jessica Tandy et Hume Cronyn ne suffisent pas à relever l’ensemble.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Jessica Tandy, Hume Cronyn, John Denver, Gary Grubbs, Harriet Hall
Voir la fiche du film et la filmographie de Jud Taylor sur le site IMDB.

Remarques :
* Jessica Tandy et Hume Cronyn sont (ou plus exactement : étaient, puisque tous deux sont maintenant décédés) mari et femme dans la vraie vie également. Hume Cronyn s’est illustré dans de très beaux seconds rôles, surtout dans les années 40 et 50, notamment avec Hitchcock.
* Dans les scènes de concert, le banjoiste est Tony Trischka et le violoniste Kenny Kosek, deux musiciens bien connus des amateurs de bluegrass.
* La série télévisée de dramatiques Hallmark Hall of Fame existe depuis… 1951, soit à ce jour 308 films diffusés sur la chaîne CBS. Elle a été souvent primée.

Homonyme :
Foxfire de Annette Haywood-Carter (1996), collège-movie avec Angelina Jolie.

5 septembre 2010

Arsenal (1929) de Alexandre Dovjenko

Titre original : Арсенал

Arsenal Lui :
(Film muet) Arsenal, du réalisateur ukrainien Alexandre Dovjenko est un film vraiment étonnant et assez fascinant. Destiné à glorifier le soulèvement des ouvriers de Kiev en 1918, il s’inscrit dans un ensemble de trois films sur l’Ukraine. Arsenal débute par les horreurs de la guerre de 1914 et se poursuit avec le retour des ouvriers-soldats et le soulèvement de ces derniers. Bien que Dovjenko ait débuté depuis peu de temps dans la réalisation, il a déjà un style bien à lui, très marqué et très original : un lyrisme très puissant, une approche franchement artistique des images, un déroulement du récit très particulier, souvent assez difficile à suivre. Il fait aussi une utilisation originale des sous-titres qui jouent souvent un rôle proche de celui des images, c’est-à-dire celui d’un moteur de lyrisme voire de poésie. Tout comme Eisentein, Dovjenko utilise beaucoup le montage mais il le fait sur un rythme moins rapide. Il adopte parfois des angles de vue extrêmement audacieux. Ses gros plans de visages sont puissants, étonnants, des trognes parfois à la limite du grotesque (il faut savoir que Dovjenko a été un temps caricaturiste politique). Il utilise aussi souvent l’immobilisme, soit pour exprimer l’attente, la grève, la peur, le désespoir, soit pour accentuer la dramatisation d’une action ou d’une situation. Arsenal Certaines des scènes d’Arsenal ont une force d’évocation peu commune : le vieillard et son cheval famélique, le soldat édenté victime du gaz hilarant, le voyage en train, le silence de la grève, l’invincibilité de Timosh dans la mort. Par son lyrisme puissant, Arsenal est un film qui marque les esprits (ce qui était son rôle puisqu’il s’agit, rappelons-le, d’un film de propagande). Il pourra sembler être peu facile d’accès ; il s’apprécie beaucoup plus à la seconde vision, lorsque l’on s’attache moins à comprendre le déroulement des évènements.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Semyon Svashenko, Amvrosi Buchma
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Contexte historique :
Au lendemain de la Révolution d’Octobre 1917, l’Ukraine proclame son indépendance et un gouvernement est mis en place à Kiev par la bourgeoisie ukrainienne. La Garde Rouge bolchévique attaque l’Ukraine. Les ouvriers ukrainiens, revenus du front début 1918, tentent de faire adopter le système bolchévique par le parlement ukrainien. En vain. Les ouvriers de l’arsenal de Kiev se mettent alors en grève. Les cosaques ukrainiens attaquent l’usine et les ouvriers résistent armes à la main. Ils seront tous massacrés ou exécutés.

La scène de la procession est assez difficile à saisir… Le portrait porté religieusement par la foule est, semble t-il, celui de Tarass Chevtchenko, poète ukrainien (1814-1861) qui est une figure emblématique de l’identité ukrainienne. Symbole fort, il est encore aujourd’hui considéré comme le poète national de l’Ukraine.

La Trilogie Ukrainienne d’Alexandre Dovjenko :
Zvenigora (1928)
Arsenal (1929)
La Terre (1930)

4 septembre 2010

Le petit fruit de l’amour (1926) de Alexandre Dovjenko

Titre original : « Yagodka lyubvi »

Yagodka lyubviLui :
(Muet, 25 mn) Ce court métrage burlesque est le tout premier film tourné par le réalisateur ukrainien Alexandre Dovjenko. Il avait été précédemment caricaturiste politique, ce qui peut expliquer le ton léger de cette comédie. Alors que sa fiancée vient littéralement de lui mettre un bébé dans les bras, un jeune homme fait tout pour s’en débarrasser, bien décidé à ne pas reconnaître l’enfant. L’aspect politiquement incorrect était certainement beaucoup moins marqué à l’époque mais, aujourd’hui, il pimente joliment le film. L’ensemble est vraiment très drôle, souvent hilarant, inventif, rythmé par de nombreux rebondissements, tout à fait dans la lignée des meilleurs films burlesques américains des années dix et vingt. On notera l’utilisation de l’accéléré et même du ralenti. En prime, une belle pirouette de fin. Surprenant, Le petit fruit de l’amour est une petite perle, assez rare, du burlesque soviétique.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Maryan Krushchelnitsky, Margarita Barskaya
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3 septembre 2010

Gabbo le ventriloque (1929) de James Cruze

Titre original : « The Great Gabbo »

Gabbo le ventriloqueLui :
Gabbo le ventriloque est l’un des tous premiers films parlants. C’est le premier pour Eric von Stroheim. Il y interprète un ventriloque particulièrement brillant mais aussi très égocentrique, notamment dans ses rapports avec sa partenaire. Il utilise sa poupée pour exprimer ses côtés les plus humains et sociables. Il s’agit de l’adaptation d’une pièce de Ben Hecht. Eric von Stroheim est l’interprète parfait pour exprimer toute l’arrogance et l’ambigüité de ce personnage. Avec sa diction parfaite et son admirable phrasé lent (qui reste encore aujourd’hui sans égal), il surprit le public américain qui s’attendait à ce qu’il ait un accent autrichien à couper au coupeau. Hélas, pour rajouter de la longueur et attirer le public, plusieurs numéros musicaux ont été plaqués sur l’histoire. Si musicalement, ces ballets peuvent sembler proches de ceux des grands musicals du début des années trente, ce n’est pas le cas sur le plan de chorégraphie qui est ici assez primitive en comparaison. Ils n’offrent finalement qu’assez peu d’intérêt (sauf sans doute le ballet Web of love, franchement acrobatique). Si Gabbo Le Ventriloque reste intéressant, c’est donc surtout pour la remarquable interprétation d’Eric von Stroheim.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Erich von Stroheim, Betty Compson, Donald Douglas
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Remarques :
* James Cruze est un réalisateur surtout connu pour avoir tourné le premier grand western The Covered Wagon (La caravane vers l’Ouest, 1923). Beaucoup de ses films sont aujourd’hui perdus.
* Le film comportait une scène en couleurs (procédé Multicolor qui sera abandonné en 1932) : un numéro musical The Ga-ga bird qui semble perdu.
* Une version écourtée de 68mn est dans le domaine public (plusieurs numéros musicaux ont été coupés de cette version). La version actuellement la plus complète du film (c’est-à-dire sans la scène perdue en couleurs) dure 92 mn.

2 septembre 2010

L’apprenti (2008) de Samuel Collardey

L'apprentiLui :
Elève dans un lycée agricole du Jura, le jeune Mathieu est apprenti en alternance dans une ferme, petite exploitation familiale isolée. Là, il participe aux travaux de la ferme et s’intègre peu à peu dans cette famille. Le film de Samuel Collardey est fortement ancré dans la réalité : il n’utilise pas d’acteurs professionnels mais de vrais personnages, le scénario est le moins directif possible, l’évolution des personnages du film est celle des vraies personnes. En revanche, il donne un traitement vraiment cinématographique à son film (caméras 35mm, éclairages, montage travaillé) et filme avec une certaine perfection en évitant les facilités (pas de caméra à l’épaule tremblotante pour faire « vrai »). Lui-même originaire de ce monde rural qu’il filme, il en donne une image très authentique, certainement pas une image édulcorée pour citadins en mal de nature. Son tour de force est d’avoir su garder intacte cette réalité malgré les outils utilisés et d’avoir su transmettre la profondeur de ses personnages. Nous sommes loin des clichés. Revers de cette authenticité, il faut accepter le fait de ne pas comprendre tous les dialogues…
Note : 4 étoiles

Acteurs: Mathieu Bulle, Paul Barbier
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1 septembre 2010

Le coeur nous trompe (1921) de Cecil B. DeMille

Titre original : « The affairs of Anatol »

Le coeur nous trompeLui :
(Film muet) Un homme de la haute société qui trouve sa vie conjugale un peu ennuyeuse ne peut s’empêcher de venir en aide à quelques jeunes femmes prétendument en détresse… Le cœur nous trompe est la libre adaptation d’une pièce du dramaturge autrichien Arthur Schnitzler qui faisait scandale depuis de nombreuses années. Le personnage de la femme légitime est ajouté et confié à une grande vedette. Cela permit certainement d’adoucir le propos mais les aspects licencieux de la situation restent bien présents ; ils sont contrebalancés, de façon assez amusante, par des intertitres moralisateurs qui vont jusqu’à citer la Bible. Le coeur nous trompe Les robes et les mises en scène (notamment l’antre satanique de Babe Daniels) ont frappé les esprits. S’il manque un peu de rythme et souffre de longueurs, le film de Cecil B. DeMille n’en est pas moins plaisant. Il préfigure la légèreté des comédies du début des années trente. C’est l’un des derniers films de Wallace Reid, dont la célébrité était alors immense (1).
Note : 3 étoiles

Acteurs: Wallace Reid, Gloria Swanson, Wanda Hawley, Bebe Daniels, Theodore Roberts
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Wallace Reid(1) La vie de Wallace Reid fait partie des grands destins tragiques d’Hollywood. Alors qu’il est une très grande star, adulé par toutes les femmes, Wallace Reid est grièvement blessé à la tête lors du tournage de la Vallée des Géants (1919). Pour qu’il puisse continuer à jouer, le studio fait venir un docteur avec de la morphine. En quelques mois, il devient totalement dépendant de la drogue. Par ailleurs, il abuse de l’alcool et mène une vie tapageuse (quand Will Hays dresse en 1922 une liste des 117 personnalités les plus scandaleuses d’Hollywood, le premier de la liste est… Wallace Reid). Placé dans un sanatorium où il est brutalement sevré, il entre en dépression et sa santé décline rapidement. Il meurt en janvier 1923, à l’âge de 31 ans.

Remarque : 
Les chutes de The Affairs of Anatol (scènes non utilisées entre Wallace Reid, Gloria Swanson et Elliott Dexter) auraient servi pour monter le film Don’t Tell everything de Sam Wood (1922), film mineur qui semble aujourd’hui perdu. Cette pratique n’était pas inhabituelle à cette époque.