16 juillet 2010

Les indomptables (1952) de Nicholas Ray

Titre original : « The Lusty Men »

Les indomptablesLui :
Un ancien champion de rodéo guide un jeune cowboy désireux de gagner rapidement de l’argent ; sa femme et lui rêvent en effet de s’acheter une petite ferme. Mais ces compétitions sont particulièrement dangereuses. Les indomptables a un indéniable côté documentaire sur le monde si particulier des rodéos (1), nous éclairant non seulement sur le déroulement des épreuves mais aussi sur les motivations des concurrents. Mais le film de Nicolas Ray est surtout un double portrait de déracinés : l’ex-champion qui ne parvient pas (ou plus) à trouver quelle peut être sa place et le jeune couple qui aspire à une vie meilleure. Ce thème des déracinés est un thème qui revient souvent dans l’oeuvre de ce cinéaste. Une solide interprétation donne au film toute son intensité, jusqu’au beau et poignant sacrifice final.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Susan Hayward, Robert Mitchum, Arthur Kennedy, Arthur Hunnicutt
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(1) Les scénaristes, l’un d’entre eux étant lui-même un ancien cowboy, ont suivi pendant presque toute année le circuit des compétitions de rodéo pour s’imprégner de l’atmosphère et de la façon de parler de ces cowboys.

15 juillet 2010

Pot-Bouille (1957) de Julien Duvivier

Pot-BouilleLui :
Un jeune arriviste arrive à Paris dans un immeuble bourgeois. Peu scrupuleux, il va séduire les femmes qui passent à sa portée pour se frayer un chemin dans le monde du négoce. Adaptation d’un roman d’Emile Zola, Pot-Bouille (1) est une comédie qui met en relief l’hypocrisie et les mesquineries de la vie bourgeoise. Le ton est particulièrement caustique et les dialogues d’Henri Jeanson sont vifs et relevés, parfois féroces. L’humour y est toujours présent. Que ce soit dans les premiers ou seconds rôles (et ils sont nombreux), l’interprétation est uniformément assez remarquable. Pot-Bouille est bien soutenu par une réalisation sans faille ce qui lui permet de traverser allégrement les époques. Assez bizarrement, le film est souvent considéré comme mineur. Il mérite bien mieux que cela.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Gérard Philipe, Danielle Darrieux, Dany Carrel, Anouk Aimée, Henri Vilbert, Jane Marken
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(1) « Pot-Bouille », dans le langage familier du XIXe siècle, est un synonyme de « popote », le quotidien du ménage. Balzac fut le premier à l’employer (1838) de façon littéraire sous sa forme « faire pot-bouille avec quelqu’un » qui signifie « se mettre en ménage ». Bien plus tard (1882), Zola en fera le titre d’un de ses romans auquel il donnera une suite un an plus tard : « Au bonheur des dames ».

14 juillet 2010

Duel au sommet (2008) de Philipp Stölzl

Titre original : « Nordwand »

NordwandLui :
Librement adapté d’un fait réel, le film allemand Duel au Sommet met en scène le vrai défi d’escalader la face nord de l’Eiger en Suisse, une paroi quasiment verticale de 1600 mètres, l’une des plus terribles des Alpes. Le film nous fait suivre la tentative des allemands Toni Kurz et Andreas Hinterstoisser, peu avant les Jeux Olympiques de 1936, en y ajoutant comme il se doit une petite romance. Si les films sur les grands exploits d’alpinisme peuvent être parfois assez passionnants, Duel au Sommet ne parvient que partiellement à ce but, le film n’ayant pas tout à fait l’envergure requise : caméra hésitante, effets de montage faciles, étirement du récit. Les scènes les plus réussies se situent lors de l’escalade mais finissent par être gâchées par les longueurs. Le suivi par les idéologues nazis, par l’intermédiaire d’un journal (partie inventée), ne convainc guère. Duel au Sommet manque quelque peu de densité.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Benno Fürmann, Florian Lukas, Johanna Wokalek, Georg Friedrich
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6 juillet 2010

Le jour du vin et des roses (1962) de Blake Edwards

Titre original : « Days of wine and roses »

Le jour du vin et des rosesLui :
Intermède dramatique dans la filmographie de Blake Edwards, Le jour du vin et des roses est l’un des rares films hollywoodiens traitant de l’alcoolisme. Jack Lemmon, probablement désireux de démontrer ses talents d’acteur dramatique, est à l’origine du projet : porter au grand écran une pièce de J.P. Miller qui avait été très remarquée à la télévision. L’histoire est celle d’un cadre commercial qui va entraîner sa femme dans l’alcoolisme. Il est inévitable de penser à son illustre prédécesseur, le film que Billy Wilder a réalisé 17 ans plus tôt: Le Poison. Tourné en un superbe noir en blanc, le film de Blake Edwards atteint une tension dramatique soutenue, aidé par l’excellent jeu de Jack Lemmon et de Lee Remick. Remarquablement construit, le film est ponctué de scènes particulièrement fortes qui alimentent la force du film jusqu’à sa fin, assez puissante.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Jack Lemmon, Lee Remick, Charles Bickford, Jack Klugman
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Le jour du vin et des roses Remarques :
1) Blake Edward a subi de fortes pressions pour édulcorer la fin. Il a heureusement tenu bon. Jack Lemmon avait d’ailleurs avancé son départ vers l’Europe (pour son film suivant) afin d’empêcher le tournage de toute nouvelle scène.
2) La version TV de The days of wine and roses a été diffusée en 1958 par CBS dans la série Playhouse 90. Elle avait été tournée sur la direction de John Frankenheimer qui aurait bien aimé diriger également la version cinéma. Ce serait Jack Lemmon qui aurait préféré Blake Edwards.
3) Le titre peut surprendre. Cette phrase est extraite d’un court poème du poète anglais Ernest Dowson (1867-1900) intitulé « Vitae Summa Brevis » :

Le jour du vin et des roses

They are not long, the days of wine and roses:
Out of a misty dream
Our path emerges for a while, then closes
Within a dream.

Que l’on peut traduire assez librement par :
« La vie est brève » – « Ils ne durent pas les jours du vin et des roses : / Emergeant d’un rêve brumeux / Notre chemin se trace un moment avant de s’achever / Comme dans un rêve. »
(En utilisant le singulier au lieu du pluriel, la personne qui a traduit le titre en français en a quelque peu détruit le sens au passage.)
A noter que le titre « Gone with the wind » était également tiré d’un poème de Dowson.

5 juillet 2010

Lili Marleen (1981) de Rainer-Werner Fassbinder

Lili MarleenLui :
L’histoire est très librement adaptée de la vie de Lale Andersen, chanteuse allemande sans grand talent qui devint l’égérie de l’Allemagne nazie avec la chanson Lili Marleen. Cette chanson eut un destin tout particulier puisqu’elle fut extrêmement populaire aussi bien auprès des soldats allemands qu’auprès des soldats alliés. Lili Marleen fait partie d’un ensemble de films de Rainer-Werner Fassbinder sur l’Histoire récente de l’Allemagne  (1). Pour traiter de la période du nazisme, il choisit l’histoire étrange de cette femme qui, tout en étant amoureuse d’un juif suisse, se retrouve propulsée parmi les plus hautes sphères du nazisme. Fassbinder la met en scène avec beaucoup de distance, sans jugement, sans mise en valeur de l’un de personnages. Cette fausse neutralité vis-à-vis du sujet a parfois été mal comprise, jusqu’à être interprétée comme preuve d’une certaine nostalgie ou du moins d’une fascination/répulsion. En réalité, son film nous questionne sur la conscience et sur les choix ; rien n’est simple. Ce sentiment de distanciation est d’ailleurs amplifié par le doublage en allemand (le film a été tourné en anglais et postsynchronisé en allemand par Fassbinder) ; ce doublage ajoute emphase et fausseté, toutes deux assez inutiles.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Hanna Schygulla, Giancarlo Giannini, Mel Ferrer, Karl-Heinz von Hassel, Erik Schumann, Hark Bohm
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(1) Fassbinder déclarait à la sortie du film : « J’espère vivre assez longtemps pour réaliser une douzaine de films qui recomposeraient l’Allemagne dans sa globalité, telle que je la vois. Chacun représenterait une étape même si l’ordre chronologique n’est pas respecté. Lili Marleen est mon premier sujet sur le IIIe Reich, ce ne sera pas le dernier. Berlin Alexander Platz et Despair se situent avant, Le mariage de Maria Braun et Lola après. Je vais poursuivre jusqu’au temps présent, pas à pas. (…) Je cherche en moi où je suis dans l’histoire de mon pays, pourquoi je suis allemand. » (Le Monde du 17 avril 1981)
Hélas, la mort prématurée de Fassbinder en 1982 (à l’âge de 37 ans) ne lui a permis de mener ce projet à terme.

4 juillet 2010

La vérité sur Bébé Donge (1952) de Henri Decoin

La vérité sur Bébé DongeLui :
Adaptant pour la troisième fois un roman de Simenon, Henri Decoin adopte un style très noir et pessimiste dans cette histoire d’amour manqué entre un riche industriel, homme à femmes, et une jeune fille pleine d’espérance et de naïveté. La Vérité sur Bébé Donge offre à Danielle Darrieux l’un de ses plus beaux rôles, complexe et multi-facettes, fragile et vulnérable face à un Gabin plein de certitude et d’assurance. Henri Decoin assoit sur son film sur une solide construction, tout en flashback avec de fréquents allers-retours avec le présent qui rendent le film plus sombre. La Vérité sur Bébé Donge nous offre également une certaine peinture sociale et une vision sur les rapports homme femme de cette époque.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Danielle Darrieux, Jean Gabin, Jacques Castelot, Daniel Lecourtois, Claude Génia, Gabrielle Dorziat
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3 juillet 2010

Chantons sous la pluie (1952) de Stanley Donen et Gene Kelly

Titre original : « Singin’ in the Rain »

Chantons sous la pluieLui :
Film ultra-célèbre et ultra-populaire, Chantons sous la Pluie est devenu l’emblème de la comédie musicale, tout particulièrement par le biais de la scène qui donne son titre au film. L’image de Gene Kelly chantant et dansant sous la pluie battante est dans toutes les mémoires. Le reste du film est assez remarquable également, une sorte d’assemblage pêle-mêle de scènes dont les liens sont parfois tirés par les cheveux mais qui distillent toutes une bonne humeur particulièrement communicative. Rarement un film n’a été si positif, entrainant et joyeux. Et pourtant… l’écriture fut délicate, les scénaristes ne l’écrivirent que sous la contrainte, le tournage fut qualifié de désagréable par les acteurs du fait du perfectionnisme tyrannique de Gene Kelly. Si le résultat manque parfois un peu de cohérence, il n’en comporte pas moins de nombreux grands moments, de véritables prouesses dans les numéros et même une bonne dose de sensualité dans la scène (un peu parachutée) avec une envoutante Cyd Charisse coiffée à la Louise Brooks. Le fond de l’histoire raconte assez bien les difficultés des débuts du cinéma parlant qui obligèrent à une délicate reconversion pour de nombreux acteurs. Chantons sous la Pluie mérite bien son statut, sa vision génère toujours autant de plaisir.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Gene Kelly, Donald O’Connor, Debbie Reynolds, Cyd Charisse, Jean Hagen, Millard Mitchell
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Remarques :
1) Gene Kelly et Stanley Donen tournait parfois séparément sur des plateaux différents sans même savoir ce que tournait l’autre.
2) Le jour du tournage de son fameux numéro « Singing in the rain », Gene Kelly avait une forte fièvre. La scène fut tournée très rapidement, en une seule prise et, pour une bonne part, improvisée.
3) Donald O’Connor est resté alité pendant toute une semaine pour se remettre du tournage de « Make them laugh ».
4) Ironiquement, Debbie Reynold est doublée dans la plupart des chansons par la chanteuse Betty Noyes.
5) Au tout début du film, les actrices arrivant à la première sont des parodies de Clara Bow et Pola Negri.

2 juillet 2010

Le talisman de grand-mère (1922) de Fred C. Newmeyer

Titre original : « Grandma’s Boy »
Autre titre français : « Le petit à grand maman »

le talisman de grand-mèreLui :
S’il est le premier film d’Harold Lloyd dont la durée atteint 1 heure, Grandma’s Boy n’était pas prévu ainsi au départ. L’histoire de ce jeune garçon timide et froussard qui devient intrépide grâce à un faux talisman donné par sa grand-mère avait été conçu pour être un two-reeler (deux bobines, soit environ 20 minutes). Ayant mis l’accent sur les côtés dramatiques de cette histoire, Harold Lloyd s’aperçut lors de projections-tests que le public était assez décontenancé et il rajouta de nombreuses scènes comiques le talisman de grand-mère dont le flash-back du grand père pendant la Guerre de Sécession ; le film finit par durer cinq bobines. En faisant cela, Harold Lloyd a atteint un subtil mélange entre drame et comédie qui n’est pas sans rappeler ce que faisaient Chaplin et Keaton au même moment (1) : on découvrait alors que la comédie pouvait s’enrichir et dépasser le format court auquel il était jusque là cantonné. Grandma’s Boy est ainsi très amusant tout en en offrant une certaine profondeur. Il se regarde toujours avec grand plaisir.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Harold Lloyd, Mildred Davis, Anna Townsend, Charles Stevenson, Dick Sutherland, Noah Young
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(1) Charles Chaplin a d’ailleurs dit à propos de Grandma’s Boy et d’Harold Lloyd : « C’est l’un des meilleurs scénarios que j’ai jamais vu… Ce garçon a une belle maitrise de la lumière et des formes. Ce film m’a procuré un vrai frisson artistique et m’a stimulé. » (Interview par Rob Wagner, 23 mai 1922).

Homonyme :
Grandma’s Boy de Nicholaus Goossen (2006), comédie sans aucun lien avec ce film d’Harold Lloyd.