3 novembre 2013

Rivière sans retour (1954) de Otto Preminger

Titre original : « River of No Return »

Rivière sans retourAprès une longue absence, le fermier Matt Calder retrouve son fils de neuf ans qu’il a peu connu. Tous deux vont s’installer dans une petite ferme isolée. L’enfant tient à dire adieu à Kay, une jeune chanteuse de saloon qui l’a hébergé. Quelques jours plus tard, ils voient passer sur un radeau pris dans les rapides Kay et son amant, un joueur qui a gagné dans des conditions douteuses une concession de mine d’or. Matt leur vient en aide… Rivière sans retour est le premier film en cinémascope d’Otto Preminger. C’est un film de commande (par contrat, le réalisateur doit encore un film à la Fox) dans un genre qu’il affectionne peu à priori, le western. Tourné en extérieur au Canada, dans les Alberta Rockies, le film profite pleinement des grands espaces et des rivières tumultueuses. Si personne n’était enthousiasmé par le tournage, le résultat n’en est pas moins remarquable. Rivière sans retour est un western calme et plutôt apaisant, sans grande scène d’action en dehors de la navigation dans les rapides, et qui repose sur des personnages attachants. Aujourd’hui, on le qualifierait certainement de « feel-good movie ». Loin des ses habituels rôles de sex-symbol, Marilyn Monroe joue ici avec beaucoup de fraicheur et même une certaine profondeur. A mesure qu’ils se débarrassent de leurs préjugés, les personnages gagnent une indéniable épaisseur. Rivière sans retour sera le seul western d’Otto Preminger.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Robert Mitchum, Marilyn Monroe, Rory Calhoun, Tommy Rettig
Voir la fiche du film et la filmographie de Otto Preminger sur le site IMDB.
Voir les autres films de Otto Preminger chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Quand elle chante, Marilyn Monroe serait doublée par Gloria Wood. (Information vue sur IMDB seulement.) Rectification : Ce serait uniquement les vocalises de One Silver Dollar qui auraient été doublées par Gloria Wood, c’est à dire 5 secondes environ.
* Jean Negulesco a revendiqué la réalisation de certaines scènes qui avaient besoin d’être refaites.
* Otto Preminger raconte dans autobiographie que Marilyn Monroe avait beaucoup de mal à se remémorer son texte et qu’il fallait faire en général une vingtaine de prises. Preminger a rapidement pris en grippe la répétitrice de Marilyn, Natasha Lytess, « une allemande qui se faisait passer pour russe », qui orientait le jeu de l’actrice dans le mauvais sens. Marilyn ambitionnait de devenir une actrice dramatique et suivait hélas ses recommandations. Lorsque la répétitrice à commencé à donner des conseils à l’enfant Tommy Retig, Preminger a tenté de lui interdire le plateau mais Marilyn fit intervenir Zanuck. Preminger ajoute : « Marilyn n’était que pâte d’argile dans les mains de charlatans tels que Natasha Lytess. »
* A la fin du tournage, Otto Preminger se jura de ne plus travailler pour un studio et vendit sa maison californienne pour racheter son contrat qui le liait encore à la Fox.

1 juin 2013

Délivrance (1972) de John Boorman

Titre original : « Deliverance »

DélivranceApprenant que la construction d’un barrage va entraîner la disparation d’une rivière de montagne, quatre citadins en mal d’aventures décident de la descendre en canoë. C’est à leurs yeux un hommage à la nature sauvage…
Délivrance est tiré d’un roman de James Dickey qui en a écrit lui-même l’adaptation. Boorman en fait un film puissant qui met à mal le mythe de la nature bienveillante : ces quatre citadins en quête de nature vont se heurter durement à son caractère hostile et primitif et découvrir, bien malgré eux, sa capacité à révéler les instincts. Nous sommes donc loin de l’image du paradis perdu. En outre, Boorman souligne de manière appuyée l’impossibilité de communication entre le monde urbain et le monde rural, y compris au niveau des hommes. La seule passerelle, bien fugitive, entre les deux mondes ne se fait qu’à un instant, grâce à un dialogue musical (1). Délivrance est un film assez dérangeant par son caractère brut et sa violence bestiale. Il n’y a toutefois aucun excès, le film est admirablement construit et maitrisé. Le budget fut pourtant assez réduit, forçant les acteurs à accomplir eux-mêmes beaucoup des scènes périlleuses et à pagayer longuement… Le film est, au final, d’une force peu commune.
Elle: 3 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jon Voight, Burt Reynolds, Ned Beatty, Ronny Cox
Voir la fiche du film et la filmographie de John Boorman sur le site IMDB.

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Remarques :
* Le roman de James Dickey mettait en avant les méfaits de la civilisation sur la nature. John Boorman en a donc presque retourné le propos.
* Au moment de sa sortie, certains ont vu dans Délivrance une allégorie de la guerre du Vietnam (où les soldats américains se sont heurtés à une nature hostile).

(1) Le célèbre morceau Dueling Banjos est basé sur l’instrumental Feudin’ banjos, composé dans les années cinquante par Arthur « Guitar Boogie » Smith, qui mettait face à face un banjo 4 cordes et un banjo 5 cordes (d’où le titre). Dans le film Délivrance, il est interprété par Eric Weissberg (banjo) et Steve Mandell (guitare). Il est devenu sous cette forme l’un des standards incontournables de la musique Bluegrass.

Delivrance

7 février 2012

Aguirre, la colère de Dieu (1972) de Werner Herzog

Titre original : « Aguirre, der Zorn Gottes »

Aguirre, la colère de DieuAu XVIe siècle, en Amazonie, une expédition espagnole est à la recherche de l’Eldorado, pays qui d’après les légendes incas regorge d’or. L’un des officiers est Lope de Aguirre, un homme bien décidé à aller coûte que coûte au bout de sa mission… Aguirre, la colère de Dieu est le film qui a permis à un public assez large de découvrir le jeune réalisateur allemand Werner Herzog. Sans s’éloigner de la vérité historique (1), Herzog imagine, invente et crée une œuvre superbe empreinte d’exaltation et de poésie. Le personnage d’Aguirre, rebelle exalté proche de la folie, lui donne un formidable support pour créer une atmosphère presque irréelle où il place des images fortes : le cheval abandonné, le bateau jugé au sommet d’un arbre (image réelle ou hallucination ?), la colonne de l’expédition serpentant dans les Andes. Pour personnifier cette lente dérive vers l’extase, Klaus Kinski paraît l’acteur idéal, à tel point que l’acteur peut se confondre avec son personnage (2), incontestablement l’un de ses plus grands rôles au cinéma.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Klaus Kinski, Helena Rojo, Del Negro, Peter Berling, Cecilia Rivera
Voir la fiche du film et la filmographie de Werner Herzog sur le site IMDB.

Remarques :
* Toutes les versions, même l’allemande, sont post-synchronisées et cela se sent. Ce fut la version anglaise qui fut diffusée en France dans les années 70  en tant que version originale.
* Le tournage, entièrement en décors réels au Pérou, fut périlleux (ce qui explique la post-synchronisation). Werner Herzog a avoué avoir pris personnellement de grands risques. Par exemple, dans la scène des rapides, tous les techniciens et acteurs étaient attachés sauf Herzog et son premier assistant.

(1) Seule la fin s’éloigne de la vérité historique. Dans la réalité, Lope de Aguirre suit le fleuve Orénoque jusqu’au bout, atteignant ainsi l’Atlantique. Il s’attaque alors au Royaume d’Espagne en s’emparant de l’île Margarita au nord du Venezuela puis de la ville de Valencia, semant terreur et désolation. Il est tué peu après par l’armée royale espagnole.

2) Klaus Kinski a été difficile à diriger sur le tournage, l’acteur se rebellant contre le réalisateur. Après la sortie du film, Werner Herzog déclarera à son sujet : « La perfection qu’il atteint est totale et je pense que toute sa vie est dans ce film ».

Remake :
El Dorado de Carlos Saura (1988) avec Omero Antonutti et Lambert Wilson.