13 novembre 2010

La strada (1954) de Federico Fellini

Titre original : « La strada »

La stradaLui :
Une jeune fille est vendue par sa famille très pauvre à un lutteur de foire. Elle l’accompagne sur les routes pour l’aider dans son numéro de briseur de chaîne. La Strada met face à face deux caractères totalement différents : la jeune Gelsomina, lunaire, innocente, fragile, avide de découvertes et Zamparo, colosse, assez brute, hâbleur, rustre à la vue courte qui refuse de montrer ses sentiments. Fellini crée des personnages presque caricaturaux tant il pousse loin cette opposition. La strada Le personnage de la jeune fille emprunte visuellement beaucoup de traits à Chaplin ; Giulietta Masima (1), avec peu de paroles, met beaucoup d’humanité dans son personnage en jouant avec les expressions enfantines de son visage. Car au-delà de la polémique (2), La Strada est un film plein d’humanité que Fellini transmet en évitant tout misérabilisme. Il trouve ici l’équilibre parfait et le film remportera un succès qui le propulsera au devant de la scène. Et grâce à la présence d’un acteur américain, ce succès sera international.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Anthony Quinn, Giulietta Masina, Richard Basehart
Voir la fiche du film et la filmographie de Federico Fellini sur le site IMDB.
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(1) Giulietta Masina est l’épouse de Fellini.
(2) La Strada a été vivement attaqué à sa sortie par certains critiques européens pour l’introduction de certaines valeurs religieuses, notamment au travers du personnage Il Matto, le Fou, dans la scène du caillou. Certains critiques virent là une trahison du néoréalisme.

5 novembre 2010

La forêt interdite (1958) de Nicholas Ray

Titre original : « Wind across the Everglades »

La forêt interditeLui :
Un jeune professeur de sciences naturelles arrive dans la toute jeune ville de Miami en Floride à la fin du XIXe siècle, alors que la mode des chapeaux à plumes a entraîné le massacre des oiseaux sauvages des marais. Promu garde-chasse, le jeune professeur se heurte au chef des braconniers. La Forêt Interdite est probablement le premier film scénarisé ayant pour thème central la défense de la nature. Tourné en Technicolor, il donne une large place aux images montrant la faune des marais de Floride avec ses nombreux oiseaux et reptiles lors des déplacements en barque dans ce dédale de verdure. Le tournage eut lieu dans le Parc National des Everglades. Côté humain, nous avons un beau face à face entre un jeune idéaliste et obstiné (Christopher Plummer) et un solide gaillard haut en couleur et plein de gouaille (magnifique composition de Burl Ives). En lisant entre les images, on peut remarquer une certaine indulgence envers les braconniers, les vrais responsables du massacre étant la société bien pensante qui, pour des raisons plutôt futiles, commandite le massacre des oiseaux. La Forêt Interdite est porteur d’un message écologique qui trouverait certainement plus de public aujourd’hui qu’à son époque.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Burl Ives, Christopher Plummer, Tony Galento, Sammy Renick, Pat Henning
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Remarques :
* A noter, la présence de Peter Falk, sa première apparition sur grand écran.
* Pendant le tournage, Nicholas Ray est entré en conflit avec le producteur Stuart Schulberg qui lui reprochait son alcoolisme et ses nombreuses prises. Il fut mis à la porte peu avant la fin du tournage, pour « raison de maladie ». Le film fut terminé par Budd Schulberg (frère du producteur) qui avait écrit le scénario du film. Cette éviction n’affecta que peu le tournage, qui était presque terminé, mais, plus important, Nicholas Ray ne participa pas au montage qui fut dirigé par les deux frères Schulberg. Du fait de cette éviction, le film a toujours été un peu délaissé par les critiques et les cinéphiles.

27 octobre 2010

Inspecteur de service (1958) de John Ford

Titre original : « Gideon’s Day »
Autre titre : « Gideon of Scotland Yard » (USA)

Inspecteur de service Lui :
Tourné en Grande-Bretagne, Inspecteur de Service est un film assez particulier dans la filmographie de John Ford. Il nous fait vivre une journée ordinaire de l’inspecteur en chef George Gideon de Scotland Yard et il a une journée passablement chargée : plusieurs affaires de nature très diverses y sont promptement résolues… L’adaptation est signée T.E.B. Clarke, brillant scénariste anglais à qui l’on doit quelques unes des meilleures comédies policières des Studios Ealing. Inspecteur de service Ce n’est toutefois pas une comédie même si le rythme est particulièrement enlevé. Avec plusieurs enquêtes entremêlées, le film aurait pu être embrouillé mais, tournée par John Ford, l’histoire sait être dense tout en restant limpide, forte tout en portant de nombreuses notes d’humour. Cet inspecteur de service est un héros comme les affectionne John Ford, c’est-à-dire portant les notions d’héroïsme ordinaire et de dévouement total. Inspecteur de Service est un film souvent considéré comme un John Ford très mineur. C’est néanmoins un film très complet.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jack Hawkins, Dianne Foster, Anna Massey, Cyril Cusack
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Remarques :
a) Columbia n’est s’est guère intéressée à distribuer le film aux Etats-Unis où seule une version en noir et blanc est sortie (alors que film a été tourné en Technicolor). Patrick Brion, dans son livre sur John Ford, émet la supposition que la décision de produire ce film aurait pu être motivée en premier par la nécessité d’utiliser au Royaume-Uni des crédits gelés qu’ils ne pouvaient rapatrier aux Etats-Unis.
b) De son côté, l’historien Jacques Lourcelles fait remarquer la qualité des maquettes utilisées comme décor visibles par les fenêtres avec de petits véhicules en mouvement, maquettes qui seraient, selon lui, les plus soignées de toute l’histoire du cinéma (avec celle de La Corde d’Hitchcock).

20 octobre 2010

Weddings and babies (1958) de Morris Engel

Weddings and BabiesLui :
Troisième et ultime film de Morris Engel (1), cinéaste américain qui a préfiguré le cinéma de la Nouvelle Vague. Après l’univers des enfants, il se penche sur celui des adultes. Weddings and Babies est le nom du petit studio de photographie que Al Capetti tient dans le quartier italien de Manhattan. Mais il a d’autres ambitions que de photographier les mariages et les jeunes enfants, il souhaite explorer l’art nouveau du cinéma 8mm. Il vit avec Béa qui, de son côté, désire qu’ils se marient enfin pour avoir des enfants. Al doit-il se résigner et abandonner ses projets par amour pour Bea ? Weddings and Babies nous plonge donc au cœur d’un couple face à une décision importante qui va certainement orienter leur vie dans un sens ou dans un autre. Morris Engel filme cela de façon très authentique, laissant ses acteurs improviser, mêlant des scènes de rues prises sur le vif avec sa fameuse mini-caméra. Le dilemme de Al nous interpelle d’autant plus car il nous paraît extrêmement proche. Malgré un (petit) prix à Venise, Weddings and Babies reste peu connu, Morris Engel n’ayant pu trouver de distributeurs. C’est dommage car le film fait réellement passer quelque chose par son authenticité. A son époque, il était en tout cas un vrai précurseur.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Viveca Lindfors, John Myhers, Chiarina Barile
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(1) En 2019, postérieurement à ce commentaire, un quatrième film de Morris Engel tourné en 1968 mais jamais sorti  est venu s’ajouter : I Need a Ride to California.

19 octobre 2010

La femme en question (1950) de Anthony Asquith

Titre original : « The woman in question »
Autre titre : « Five angles on murder » (USA)

La femme en questionLui :
Dans un quartier populaire d’une ville anglaise de bord de mer, une femme vient d’être retrouvée étranglée dans son appartement. Le commissaire de police mène l’enquête… Tourné peu après la guerre, période assez florissante pour le cinéma britannique, La femme en question est un film policier dont l’originalité réside dans sa construction : chacun des témoignages est l’occasion d’un flashback et, surtout, l’apparence de la victime change totalement selon l’image de chacun. L’intrigue est bien mise en place et la vérité n’est dévoilée qu’à la toute fin ; elle est hélas un peu terne. Le film est néanmoins plaisant avec cette ambiance assez prenante qui fait la force des films britanniques de cette époque. La femme en question est aussi l’occasion de voir Dirk Bogarde, assez jeune, dans un petit rôle.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jean Kent, Duncan Macrae, John McCallum, Susan Shaw, Dirk Bogarde
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11 octobre 2010

L’homme des vallées perdues (1953) de George Stevens

Titre original : « Shane »

L'homme des vallées perduesLui :
Un cow-boy solitaire, qui semble venu de nulle part, vient en aide à une famille de fermiers harcelée par un grand propriétaire qui cherche à les repousser plus loin (1). L’homme des Vallées perdues est un grand classique du western. Sa grande originalité est d’être vu au travers des yeux d’un enfant de dix ans et donc les personnages sont idéalisés, stéréotypés, un peu à l’instar d’une bande dessinée. Le cow-boy au grand cœur (Alan Ladd) est taciturne à souhait, il n’utilise ses armes que pour une bonne cause et il aura face à lui un tueur tout de noir vêtu (Jack Palance), cruel et tellement mauvais que même les chiens préfèrent s’éloigner lorsqu’il paraît… (2) Malgré ces archétypes, le film comporte des aspects très réalistes notamment sur la vie de fermier et sur l’exactitude des lieux, de la ville (quatre maisons alignées), des costumes. Avec des personnages typés et ses vastes étendues, L’Homme des Vallées Perdues est considéré comme un modèle du genre. Le film a rencontré un très grand succès à l’époque et bénéficie toujours d’une très forte aura aujourd’hui.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Alan Ladd, Jean Arthur, Van Heflin, Brandon De Wilde, Jack Palance
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Remarques :
Le film a été tourné en 4/3 (1.33 : 1) puis recadré en 16/9 (1.66 : 1) pour sa sortie afin de ne pas détonner à un moment où le cinémascope avait toutes les faveurs du public.

(1) Une fois de plus, nous sommes à cette période charnière où de petits fermiers, munis d’une concession accordée par le gouvernement fédéral, venaient s’installer dans les grandes plaines de l’Ouest et trouvaient en face d’eux de grands propriétaires partisans de l’open land (c’est à dire aucune clôture) pour faire paître leurs vastes troupeaux.
(2) Nous ne sommes pas loin de Lucky Luke… d’ailleurs le film aurait été une source d’inspiration pour Morris et Goscinny : le personnage Phil Defer est en effet très proche du tueur tout en noir interprété par Jack Palance dans l’Homme des Vallées Perdues.

24 septembre 2010

Lovers and Lollipops (1956) de Morris Engel et Ruth Orkin

Lovers and LollipopsLui :
Une jeune veuve qui vit à New-York avec sa fille de 7 ans retrouve pendant un été un ami de longue date. Une relation se développe entre eux sous les yeux de la fillette…
Lovers et Lollipops (1) est le second film de Morris Engel et Ruth Orkin, trois ans après Le Petit Fugitif, film précurseur de la Nouvelle Vague par sa nouvelle façon de filmer dans un environnement naturel. Lovers and Lollipops contient ainsi de nombreux passages tournés en extérieur à New York même avec une petite caméra 35mm. Le film a une atmosphère très authentique, proche de la vie réelle. Le film oscille entre le regard des deux adultes sur l’enfant et le regard que l’enfant porte sur leur relation naissante. Cette différence entre le monde des adultes et le monde de l’enfance est toutefois moins puissante que dans Le Petit Fugitif et le personnage de la fillette n’a pas la force du petit Joey. Le film a eu moins d’impact que son prédécesseur mais il reste l’un des précurseurs du cinéma indépendant américain.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Lori March, Gerald S. O’Loughlin, Cathy Dunn
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(1) Les « lollipops » sont des sucettes (celles que la fillette plante dans le sable)…

23 septembre 2010

L’enquête est close (1951) de Jacques Tourneur

Titre original : « Circle of Danger »

L'enquête est closeLui :
Un américain arrive en Angleterre pour tenter de connaître les circonstances exactes de la mort de son frère pendant la guerre. Il était membre des commandos spéciaux et ne semble pas avoir été tué par l’ennemi. Production anglaise, L’enquête est close se déroule en partie à Londres et en partie en Ecosse. Le film se présente comme un film noir avec une atmosphère à la Hitchcock période anglaise. L'enquête est close L’enquête en question n’apporte pas franchement de rebondissements si ce n’est dans la dernière demi heure qui est bien construite. Une petite intrigue amoureuse est ajoutée à l’ensemble, pas toujours parfaitement intégrée. Le film garde un certain charme, celui des productions anglaises de l’après-guerre. Bonne prestation de RayMilland qui est, rappelons-le, originaire du Pays de Galles.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Ray Milland, Patricia Roc, Marius Goring, Hugh Sinclair, Naunton Wayne
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31 août 2010

Le petit fugitif (1953) de Morris Engel et Ray Ashley

Titre original : « Little fugitive »

Le petit fugitifLui :
Le Petit Fugitif est un film précurseur. Premier film indépendant américain, il préfigure la Nouvelle Vague française. C’est un film dont on avait toujours entendu parler sans pouvoir le voir, avant qu’il ne ressorte en 2009. La base scénaristique du film est simple : un petit garçon de 7 ans, qui croit avoir tué accidentellement son grand frère, s’enfuit de chez lui pour aller au parc d’amusement de Coney Island. Là, il découvre tout un monde qui le happe par ses attraits multiples. L’originalité du Petit Fugitif est d’avoir été tourné entièrement en situation réelle avec une caméra 35mm expérimentale, bricolée pour être minuscule et facilement cachée. De même, très peu de directives ont été données aux enfants qui jouent le plus naturellement du monde. Il en résulte une fraîcheur et une authenticité qui permettent au film de nous capter entièrement. Nous sommes totalement immergés et l’errance de ce jeune garçon a quelque chose d’attachant. Ce n’est qu’après avoir reçu un prix au Festival de Venise que Le Petit Fugitif a pu être bien distribué et bien accueilli par la critique et le public.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Richie Andrusco, Richard Brewster
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Remarques :
* Le montage a été assuré par Ruth Orkin, l’épouse de Morris Engel.
* Le Petit Fugitif préfigure principalement deux films majeurs de la Nouvelle Vague : Les 400 coups (Truffaut a toujours mentionné Le Petit Fugitif parmi les films qui ont montré la voie) et A bout de Souffle de Godard qui est lui aussi une fuite-errance. Godard a également repris des techniques de tournage de Morris Engel pour les porter plus loin.
* Remake : The Little Fugitive de Joanna Lipper (2006)

28 août 2010

Monsieur Ripois (1954) de René Clément

Titre anglais : « Knave of hearts »

Monsieur RipoisLui :
André Ripois est un jeune français vivant à Londres. Il a épousé une anglaise fort riche qui désire se séparer de lui. Pour tenter de séduire une amie de sa femme, André Ripois lui raconte la vie agitée qu’il a menée avant son mariage. Il désire ainsi lui prouver qu’en dépit de ses nombreuses conquêtes féminines, il n’a jamais aimé auparavant. Avec Monsieur Ripois, René Clément dresse le portrait d’un séducteur terriblement seul, fragile, insatisfait, superficiel… un portrait étonnamment complexe et empreint d’une forte authenticité. Beaucoup de scènes de rue ont été faites en plein Londres, en caméra cachée, ce qui accroît de sentiment de réalisme et de vérité (ce procédé sera repris par la Nouvelle Vague à la fin des années cinquante). Gérard Philippe montre là tout son talent avec un jeu tout en retenue, distillant une certaine ambigüité, donnant beaucoup de profondeur à son personnage.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Gérard Philipe, Valerie Hobson, Natasha Parry, Joan Greenwood, Margaret Johnston, Germaine Montero, Diana Decker
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Monsieur RipoisRemarques :
Les dialogues ont été écrits par Raymond Queneau. Le scénario est librement adapté d’un roman de Louis Hémon. Le film était initialement prévu pour être tourné en anglais. Après le choix de Gérard Philippe pour le rôle principal, il sera finalement tourné en français mais, heureusement, sans aucun doublage, les actrices anglaises jouant elles-mêmes en français avec un fort accent anglais ce qui accentue notre sentiment d’immersion dans le Londres des années cinquante.