22 novembre 2009

Sherlock Jr. (1924) de Buster Keaton

Sherlock Jr.Elle :
(pas revu)

Lui :
Sherlock Jr. est un moyen métrage de 45 mn seulement et c’est cette brièveté qui l’a tenu à l’écart des listes des meilleurs films. Sherlock Jr. est pourtant d’une inventivité de tout premier ordre. Un projectionniste de cinéma qui rêve d’être détective va vivre en rêve des aventures glorieuses dérivées de sa vie réelle qu’il juge trop terne. Buster Keaton trouve un moyen très ingénieux pour mettre cela en scène : son personnage de projectionniste va « traverser » l’écran pour pénétrer dans l’univers du film qu’il projette (on voit où Woody Allen a puisé son inspiration pour La rose pourpre du Caire ). Au passage, il joue avec le télescopage des univers ; n’étant pas encore parfaitement intégré à son nouvel univers, son personnage subit les changements de scènes : alors qu’il s’assoit sur une chaise par exemple, le plan change et il s’assoit dans le vide. Keaton s’amuse ainsi avec la distanciation du cinéma et nous montre en même temps sa dextérité dans les trucages car les raccords sont parfaits (1). Bien entendu, Sherlock Jr a aussi quelques prouesses en terme de cascade : être assis sur le guidon d’une moto lancée à haute vitesse sans pilote n’est pas exempt de dangers (2). Surréaliste et merveilleux, riche en rebondissements, enlevé à un rythme trépidant, Sherlock Jr. est bien l’un des films comiques les plus remarquables.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Buster Keaton, Kathryn McGuire, Joe Keaton, Erwin Connelly, Ward Crane
Voir la fiche du film et la filmographie de Buster Keaton sur le site IMDB.
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(1) On retrouve plusieurs effets en cours de film dont la fameuse scène où il passe à travers le corps d’une vendeuse de fleurs pour disparaître. Il faut garder à l’esprit que ce genre de scène était tourné en une seule prise sans traficotage ou retouche d’image comme on le fait aujourd’hui aisément. Il fallait donc concevoir tout un appareillage pour créer l’illusion. Ici le personnage est en réalité couché suspendu à un panneau pivotant. Keaton passe en réalité à travers la palissade préalablement découpée et le personnage est redressé aussitôt pour qu’il puisse s’éloigner de la palissade comme si de rien n’était… La scène de la robe dans le cerceau est aussi réalisée sans trucages. Pour la scène du billard, Keaton s’est très longuement entraîné…
(2) Keaton a déclaré que la scène était très dangereuse car la moto n’avait pas de frein! Keaton fut plusieurs fois projeté en avant lors de chocs. De plus, dans la scène où il tombe du train et reçoit une tonne d’eau sur la tête, Buster Keaton s’est presque brisé la nuque. Il a fallu près de dix ans à ses docteurs pour trouver qu’il en avait gardé une lésion qui lui occasionnait de forts maux de tête et que l’accident aurait pu être fatal.

Remarque :
Sherlock Jr. était vu ici avec une musique du Club Foot Orchestra’s de 1993, illustration sonore très riche et colorée mais qui a le gros défaut d’être trop présente, d’appuyer trop fortement les effets visuels et les gags. Si cela est possible, il est préférable de couper la musique ou du moins de baisser le volume sonore.

21 novembre 2009

The Kid (1921) de Charles Chaplin

Titre français parfois utilisé : « Le gosse »

The KidElle :
(pas revu)

Lui :
En 1920, Charlie Chaplin a enfin toute la liberté qu’il souhaitait sous l’égide de la First National. Perfectionniste et exigeant, il mettra un an pour tourner son premier long métrage, The Kid, qui réalise une symbiose parfaite entre mélodrame et comédie. La base de l’histoire est simple : un vagabond élève comme il peut un enfant trouvé. Chaplin met beaucoup de lui-même dans cette histoire, il a été, lui aussi, abandonné par sa mère, il a grandi dans les quartiers pauvres de Londres. La pièce où vit son vagabond dans The Kid est une réplique de celle où il a vécu. La réussite du film doit beaucoup au personnage du gosse. Chaplin a découvert par hasard Jackie Coogan alors qu’il faisait un numéro sur scène avec son père et il s’est reconnu en lui. Il en a fait un petit Chaplin. The Kid Le jeune Jackie Coogan montre un sens de la comédie et une forte présence à l’écran (1). Chaplin et l’enfant forment un tandem parfait, ils se compètent merveilleusement, chacun mettant l’autre en valeur. The Kid a aussi son lot de scènes de comédies, l’hilarante bagarre avec le gros costaud par exemple, ou le permanent jeu de cache-cache avec le policier. Mais tout l’art de Chaplin, c’est de trouver ce subtil équilibre entre le rire et les larmes. La comédie n’empiète en rien sur la profondeur du sujet, au contraire elle en amplifie la portée. Certains ont pu toutefois trouver les aspects mélodramatiques trop appuyés, surtout dans la version longue (2). Même s’il surprit un peu le public, le film fut un énorme succès à l’époque. C’est toujours un plaisir de le voir aujourd’hui, c’est l’une des merveilles du 7e Art…
Note : 5 étoiles

Acteurs: Charles Chaplin, Jackie Coogan, Edna Purviance, Tom Wilson
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The Kid (1) Après l’avoir trouvé, Chaplin lui avait d’abord donné un petit rôle pour le tester dans le court métrage A day’s pleasure (Une journée de plaisir). Après l’énorme succès de The Kid, Jackie Coogan tournera dans divers mélodrames sans retrouver la force de son jeu. Il ne fera finalement pas une grande carrière d’acteur et finira dans des séries télévisées comme Adams Family dans les années 60. A noter aussi que Jackie Coogan n’a jamais rien touché de l’argent qu’il a gagné avant sa majorité, argent dilapidé par ses parents. Il est ainsi à l’origine d’une loi californienne appelée le Coogan Act qui protège maintenant les enfants acteurs.
(2) La version originale faisait 6 bobines, environ 68 minutes. La version la plus courante aujourd’hui en vidéo est celle de 50 minutes. Une version plus complète a toutefois été éditée en Laserdic puis dans certaines éditions DVD. Les scènes manquantes dans la version courte sont essentiellement des scènes mélodramatiques, notamment celles entre la mère et le vrai père de l’enfant.

16 novembre 2009

Frigo à l’Electric Hotel (1922) de Buster Keaton et Edward F. Cline

Titre original : The Electric House

The Electric HouseElle :
(pas vu)

Lui :
(Court métrage de 23 mn) Un jeune ingénieur a pour tâche de mettre l’électricité dans une maison. Il va en fait beaucoup plus loin car il place de multiples appareillages et gadgets : un escalier mécanique, un petit train pour apporter les assiettes à table, une machine qui lave la vaisselle (!) et beaucoup d’autres. Bien entendu, tout cela va finir par se dérégler… Ce qui est assez remarquable dans The Electric House, c’est la quantité d’inventions, d’automates divers. L’ensemble est bien entendu très amusant mais le tournage fut aussi dangereux (1). Un des meilleurs courts métrages de Keaton
Note : 4 étoiles

Acteurs: Buster Keaton, Joe Roberts, Virginia Fox
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The Electric House (1) À la suite d’un mauvais fonctionnement, l’escalator projeta Buster Keaton qui fit une chute de presque quatre mètres. Il se cassa une jambe et dut arrêter tout tournage. Quand il fut remis sur pied, quatre mois plus tard, il ne se remit pas tout de suite sur The Electric House, il tournât plusieurs courts-métrages avant de reconstruire les décors pour le reprendre pratiquement en entier. La scène où il se casse la jambe est présente dans le film.

Remarque :
Pour comprendre le titre, il faut savoir que Buster Keaton avait été à l’époque surnommé par les distributeurs français à la fois Frigo (par Gaumont) et Malec (par Superfilm).

16 novembre 2009

Les Lois de l’hospitalité (1923) de Buster Keaton et Jack Blystone

Titre original : Our hospitality

Our Hospitality Les lois de l’hospitalité est le second long métrage de Buster Keaton. Profitant d’une certaine vogue pour ce type d’histoires, il prend pour base une querelle entre deux familles qui eut lieu au siècle précédent et qui fit plusieurs morts. D’une histoire à priori tragique, il va faire un grand film comique Our Hospitality où il interprète un jeune homme qui revient dans son village natal et qui va être pourchassé par les membres d’une famille rivale. Après un court prologue, l’humour est constamment présent par petites touches. Passionné par les trains, Buster Keaton a reconstitué un trajet en train de 1830. Si beaucoup d’éléments sont assez farfelus (l’humour joue beaucoup avec les rails), la réplique de la locomotive et des wagons est quant à elle minutieuse (1). Le voyage est en tout cas pittoresque… L’autre moment fort du film est la scène dans les rapides où Buster Keaton prit (comme toujours) des risques insensés (2). Les lois de l'hospitalité Le résultat est, il est vrai, franchement spectaculaire. Natalie Talmadge était alors la femme de Keaton, le bébé du début du film est le leur et le mécanicien de la locomotive est Jo Keaton, le père de Buster. L’ensemble est à la fois amusant, charmant, bucolique, époustouflant. Les lois de l’hospitalité est indéniablement à ranger parmi les tous meilleurs films de « l’homme qui ne rit jamais ».
Note : 5 étoiles

Acteurs: Buster Keaton, Natalie Talmadge, Joe Roberts, Ralph Bushman, Craig Ward
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La locomotive Rocket de Stephenson(1) La locomotive est une réplique de la première locomotive anglaise, la « Rocket ». Keaton a choisi cette locomotive anglaise plutôt qu’une américaine à cause de sa forme très pittoresque. A noter aussi que la réplique de la draisienne (vélo sans pédale), que Keaton utilise au début du film, était si parfaite qu’elle fut ensuite exposée au musée Smithsonian.
(2) Certaines scènes ont été tournées en décors réels. Dans la scène où Buster Keaton est emporté par les rapides, un accident de tournage faillit lui coûter la vie. Le filin de sécurité s’est rompu et il a alors réellement été emporté par les flots. Il n’a du son salut qu’à des branches auxquelles il put s’accrocher plus loin. Le tournage fut arrêté plusieurs mois, le temps qu’il se remette de ses nombreuses contusions et blessures contre les cailloux. La scène a été gardée, elle est présente dans le film.
Plus tard, en studios, il perdit connaissance lors de la scène où il est suspendu à une corde au sommet de la cascade. Il fallu une intervention pour lui vider les poumons qui étaient plein d’eau.

5 novembre 2009

Les trois âges (1923) de Buster Keaton

Titre original : Three ages

Three Ages

Lui :
Après avoir réalisé presque vingt courts-métrages, Buster Keaton tourne enfin son premier long métrage : Les trois âges (1). Il s’inspire de la structure d’Intolérance de Griffith (2), c’est-à-dire un film où l’on suit la même histoire à trois époques différentes : l’âge de pierre, la Rome Antique et les temps actuels. Dans chacune de ces trois époques, un jeune amoureux tente de gagner la main d’une belle ingénue mais il est en compétition avec un homme qui a bien plus d’atouts que lui. Si la belle paraît plutôt empruntée à l’écran (3), Wallace Beery est parfait en concurrent quelque peu félon et bien entendu Buster Keaton déploie des trésors d’ingéniosité pour parvenir à ses fins, n’hésitant pas à accomplir des cascades périlleuses (4). Les gags s’enchaînent de façon constante, jouant beaucoup sur les anachronismes (l’homme préhistorique joue au golf, il neige à Rome pour la course de chars, …) Les Trois Ages remporta un grand succès et cela ne paraît guère étonnant quand on le visionne presque un siècle plus tard.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Buster Keaton, Wallace Beery, Margaret Leahy, Lillian Lawrence, Joe Roberts
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(1) Si le cinéma à ses débuts a fait une grande place au comique (à commencer par le premier film joué de toute l’histoire du cinéma : L’arroseur arrosé), le genre est resté cantonné au format court et moyen métrage (moins de 25 minutes soit 2 bobines) pendant plus de deux décennies. Il faut attendre le tout début des années vingt pour voir les premiers longs métrages de Charlie Chaplin, Harold Lloyd et Buster Keaton.
(2) Buster Keaton a déclaré par la suite que cette structure en trois époques permettait de sortir le film en trois courts-métrages si le long métrage n’avait pas marché. Il est difficile de savoir si cette affirmation est sérieuse ou pas. Le DVD de MK2 montre les séquences mises bout à bout : il en ressort que seule la partie moderne aurait été suffisamment longue et étoffée pour faire un court-métrage.
(3) L’actrice Margaret Leahy était une couturière anglaise qui gagna un concours organisé par les sœurs Talmadge (Norma et Constance) pour trouver une nouvelle actrice de premier plan. Hélas, une fois arrivée à Hollywood, il fut évident qu’elle était incapable de jouer et le réalisateur Franck Lloyd refusa de tourner avec elle. Joseph Schenck, co-producteur, l’imposa alors à Buster Keaton qui ne put refuser. Les trois âges fut le seul film où tourna Margaret Leahy… (Pour tout comprendre, il faut aussi savoir que Buster Keaton avait épousé en 1921 la troisième sœur Talmadge, Natalie, et que le mari de Norma Talmadge était alors… Joseph Schenck. Une histoire de famille donc.)
(4) La scène où Keaton saute d’un immeuble à l’autre qu’il manque de peu n’était pas prévue ainsi : Keaton se fit assez mal en tombant et mit trois jours à se remettre. Il décida de garder la prise et la compléta par une spectaculaire chute le long de l’immeuble, l’une des plus belles chutes du cinéma. A noter que la scène fut tournée à peu près au même endroit que la fameuse scène où Harold Lloyd se suspend aux aiguilles d’une horloge (Safety last), un endroit de Los Angeles où une petite colline permettait de créer un étonnant effet de perspective.
Hill Street Tunnel
Ci-contre : Photo du Hill Street Tunnel à Los Angeles peu après qu’il fut percé au début du XXe siècle. La photo donne une bonne idée des possibilités offertes. Le tunnel n’existe plus aujourd’hui, la colline a été aplanie dans les années cinquante.

2 novembre 2009

En vitesse (1928) de Ted Wilde

Titre original : Speedy

Speedy
Lui :
Speedy est le dernier film muet d’Harold Lloyd. La vitesse dont il est question est celle de la vie trépidante du New York des années vingt, tout en contraste avec le paisible tramway tiré par un cheval qui est le point central du film. La vitesse est aussi celle de scènes de conduite par Harold Lloyd dans les rues encombrées de New York, d’abord en taxi puis en tramway tiré par deux chevaux au galop ; ces scènes vraiment spectaculaires et toujours pleines d’humour forment incontestablement le clou du film. Elles furent assez dangereuses (1). Speedy a aussi un côté documentaire car, à part les scènes dans le quartier du vieux tramway, la majorité du film fut tourné à New York dont on peut ainsi voir l’encombrement des rues et des trottoirs (2). Parmi les comiques du cinéma muet, il est toujours étonnant de remarquer qu’Harold Lloyd est aujourd’hui moins connu que Chaplin ou Buster Keaton. Dans Speedy, son personnage d’amoureux lunaire est bien établi depuis plusieurs années, tenace, plein d’astuces et surtout chanceux, il parvient toujours à ses fins pour notre plus grand plaisir.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Harold Lloyd, Ann Christy, Bert Woodruff, Brooks Benedict
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En vitesse(1) L’accident du tramway contre un pilier n’était pas prévu. Ce fut un accident de tournage. Par chance incroyable, le conducteur que l’on voit être éjecté ne fut pas blessé. Harold Llyod dut improviser rapidement un moyen de repartir (grâce à la plaque d’égout) pour recoller au scénario.
(2) C’est aussi le New York d’avant les grands buildings puisque l’Empire State building ne sera érigé qu’en 1931. Les scènes dans le Luna Park de Coney Island furent aussi tournées sur les lieux réels en cachant la caméra pour éviter de créer un attroupement car Harold Lloyd était alors très célèbre. En revanche, lors de la course finale, on peut voir nombre de badauds le long de la route venus regarder le tournage.
Pour les américains ou autres amateurs de baseball, ce film est aussi célèbre pour le petit rôle de Babe Ruth, grand joueur des années vingt, qui joue ici son propre rôle en client du taxi.

Remarque :
Après Speedy, Harold Lloyd tournera quelques films parlants dont aucun n’atteindra le succès de ses films muets.

23 octobre 2009

Poil de carotte (1925) de Julien Duvivier

Poil de carotteElle :
(pas vu)

Lui :
Julien Duvivier a adapté par deux fois Poil de Carotte, cette version muette étant la première des deux. Duvivier choisit de s’éloigner quelque peu du texte de Jules Renard qui est, rappelons-le, une suite de petites saynètes mettant en scène un jeune garçon, mal aimé et persécuté par une mère tyrannique et ignoré par son père. En cherchant à créer une histoire continue et surtout en ajoutant quelques éléments superflus (comme l’amourette de son frère avec une chanteuse de cabaret), Duvivier rend l’ensemble un peu confus et ne retrouve pas toute la force du chef d’œuvre de Jules Renard. Il a aussi tendance à forcer la caricature, Madame Lepic est vraiment horrible à regarder avec sa moustache, et la servante est au contraire trop agréable et compatissante. Moins rustique, la version parlante que Duvivier tournera six ans plus tard aura beaucoup plus de force.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Henry Krauss, Charlotte Barbier-Krauss, André Heuzé
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Autres versions :
Poil de Carotte de Julien Duvivier (1932) avec Harry Baur et Catherine Fontenay
Poil de Carotte de Paul Mesnier (1952) avec Raymond Souplex et Germaine Dermoz
Poil de Carotte de Henri Graziani (1972) avec Philippe Noiret et Monique Chaumette
Poil de Carotte (TV) de Richard Bohringer (2003) avec Richard Bohringer et Fanny Cottençon

24 août 2009

L’aurore (1927) de F.W. Murnau

Titre original : « Sunrise: A song of two humans »

L'aurore(Film muet) En 1926, Friedrich Wilhelm Murnau quitte son Allemagne natale pour venir s’installer aux Etats-Unis. L’Aurore est son premier film à Hollywood. Grâce au succès aux Etats-Unis de son précédent film Le dernier des hommes, la Fox met alors à sa disposition de très gros moyens. Le réalisateur a parfaitement su les utiliser, L’Aurore étant finalement un film assez allemand où l’inspiration du cinéaste reste intacte. L'aurore L’histoire est simple et proche de nous, « l’histoire de deux êtres humains » (1). C’est Carl Meyer qui a écrit cette adaptation d’une nouvelle de Hermann Sudermann : séduit par une touriste venue de la ville, un jeune fermier envisage de tuer sa femme pour laquelle il avait un amour profond. L’Aurore forme un ensemble parfait où tout semble fonctionner en harmonie. La photographie et les éclairages sont absolument superbes, de nombreuses scènes sont de véritables tableaux qui forcent l’admiration, non seulement dans les scènes se situant à la campagne, ou sur le lac, mais aussi dans la grande ville. La mobilité de la caméra est permanente, toujours avec une grande délicatesse, les superpositions (faites pour la plupart directement sur le négatif avec des caches) forment des effets parfaitement fondus et particulièrement expressifs. Les scènes urbaines, entièrement recréées en studio, sont assez grandioses, vertigineuses même. Le jeu des acteurs est très expressif, d’une force rare. L'aurore Quelques pointes d’humour viennent compléter cet ensemble. L’Aurore est l’un des plus beaux films muets, probablement le plus beau. Malgré de très bonnes critiques, le film fut pourtant un échec commercial dont Murnau ne se releva pas. L’engouement pour le cinéma parlant naissant a desservi les films muets dès 1927 (2). Nous sommes là à la fin d’une époque. Quel dommage car, s’il y a un film qui mérite d’être qualifié d’oeuvre d’art, c’est bien L’Aurore de Murnau.
Note : 5 étoiles

Acteurs: George O’Brien, Janet Gaynor, Margaret Livingston, Bodil Rosing
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L'aurore (1) C’est le sous-titre du film.
En préambule, Murnau définit ainsi son film : « Ce chant de l’Homme et la Femme est de nulle part et de partout, on pourrait l’entendre n’importe où, à n’importe quelle époque. Partout où se lève et se couche le soleil, dans le tourbillon des villes ou dans le plein air d’une ferme, la vie est toujours la même, tantôt amère, tantôt douce, avec ses rires et ses larmes, ses fautes et ses pardons. » (Le dernier carton manque sur certaines copies du film, le texte s’arrêtant ainsi abruptement à « tantôt douce »).

(2) Seulement quinze jours séparent la première du film Le chanteur de jazz de celle de L’Aurore. A noter toutefois que L’Aurore est le premier film avec le système Movietone de la Fox qui permettait de placer une musique sur la pellicule elle-même, système qui deviendra un futur standard.

Versions :
Les négatifs originaux ont été perdus lors d’un incendie en 1937. La version la plus courante actuellement est la version Movietone de 95 minutes environ. On peut aussi trouver dans un coffret DVD (Fox Box Set), une version plus longue, 106 minutes, issue d’une copie d’origine tchèque. Un coffret HD avec les deux versions est sorti fin 2010.

Remake :
Le voyage à Tilsit (Die Reise nach Tilsit) de l’allemand Veit Harlan (1939). Le voyage à Tilsit est le titre de la nouvelle de Hermann Sudermann.

Homonymes (sans autre rapport avec le film de Murnau que le titre) :
Aurore de Luc Dionne (2005) avec Marianne Fortier
Aurore de Nils Tavernier (2006) avec Margaux Châtelier et Carole Bouquet.

28 mars 2009

L’image vagabonde (1920) de Fritz Lang

Titre original : « Das wandernde Bild »

Fritz LangElle :
(pas vu)

Lui :
L’image vagabonde fait partie des tous premiers films muets de Fritz Lang, entre Les Araignées et Dr Mabuse, le joueur. C’est le premier film écrit conjointement avec sa (future) femme Thea von Harbou. Il s’agit d’une intrigue qui ne se dévoile que petit à petit, où une femme, veuve de fraîche date, est poursuivi par un homme jusque dans les montagnes situées autour d’un grand lac. Le film a longtemps été considéré comme perdu mais une copie incomplète (60 minutes environ) a pu être restaurée en 1987. Les intertitres ont été recréés. Fritz Lang montre déjà beaucoup de son talent, jouant remarquablement avec les visages et les personnages. Belle symbolique autour d’une statue de vierge à l’enfant dans la neige qui reprend vie.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Mia May, Hans Marr, Rudolf Klein-Rogge, Harry Frank
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Remarque :
L’image vagabonde a été présenté pour la première fois en France par Patrick Brion en janvier 2009, au ciné-club de FR3.

31 août 2008

Les mystères d’une âme (1926) de Georg Wilhelm Pabst

Titre original : « Geheimnisse einer Seele »
Autre titre français : « Le cas du Professeur Mathias »

Les mystères d’une âmeLui :
(film muet) Les mystères d’une âme semble être le premier film qui utilise les théories de Freud qui étaient en plein développement dans ces années 20. Le film fait même plus que les utiliser puisqu’il nous fait une véritable démonstration d’un cas précis où la psychanalyse permet de soigner une névrose en apparence inexplicable. Le cas est inspiré de faits réels et deux psychanalystes ont participé à l’écriture du scénario. La première moitié du film expose le cas : un homme marié  a soudain la phobie des couteaux et a des pulsions de meurtre envers sa femme qu’il aime pourtant plus que tout au monde. L’homme est également en proie à des rêves étranges qui permettent à Pabst de montrer toute son inventivité pour créer ces images oniriques, dans un style proche de l’expressionnisme allemand. La seconde moitié du film est occupée par l’explication du psychanalyste que l’homme va consulter, explication qui n’omet aucune des scènes auxquelles nous avons assisté. La démonstration est presque didactique. Je ne dirais pas que Les mystères d’une âme est un grand film mais il est intéressant à visionner en le replaçant bien entendu dans son époque. Le choix des acteurs peut laisser perplexe puisqu’il y a une grande différence d’âge entre les trois acteurs principaux alors qu’ils sont censés avoir grandi ensemble. Cela a tendance à nous mettre d’ailleurs sur une fausse piste.
Note : 3 eacute;toiles

Acteurs: Werner Krauss, Ruth Weyher, Jack Trevor, Pavel Pavlov
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