12 décembre 2023

Caprice à l’italienne (1968) de Mauro Bolognini, Mario Monicelli, Pier Paolo Pasolini, Steno, Pino Zac et Franco Rossi

Titre original : « Capriccio all’italiana »

Caprice à l'italienne (Capriccio all'italiana)Caprice à l’italienne est un film à sketches italien réalisé par Mario Monicelli, Pier Paolo Pasolini, Mauro Bolognini, Steno, Pino Zac et Franco Rossi. Hélas, le résultat n’est pas à la hauteur de ces signatures prestigieuses. Souvent, seule l’idée de départ est amusante. Très moyen, le sketch de Steno n’est sauvé que par les nombreux déguisements de Totò. Celui de Pino Zac/Franco Rossi est mauvais et un poil raciste. Insignifiant, celui de Monicelli est heureusement très court. Les plus intéressants sont les deux sketches signés Bolognini qui s’amuse avec des traits de caractères (mais ils sont tous deux passablement misogynes) et le sketch de Pasolini (« C’est quoi les nuages ? ») qui apparaît un peu hors-classe et d’une indéniable profondeur. Le cinéaste propose une réflexion sur la notion de spectacle : notre vie est un spectacle où nous sommes des marionnettes tirées par des ficelles invisibles, impuissants à comprendre les idéologies que ceux qui les tirent. La vraie vie intervient finalement par une révolte des spectateurs qui changent l’issue de la pièce. L’épilogue est joliment poétique. Le défaut de Pasolini est toutefois de ne pas être toujours facilement accessible (1). Ce court film de Pasolini est la dernière apparition de Totò à l’écran qui décèdera peu après le tournage.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Totò, Silvana Mangano, Ninetto Davoli, Laura Betti, Adriana Asti, Carlo Pisacane, Ira von Fürstenberg, Walter Chiari
Voir la fiche du film sur le site IMDB.

(1) Un exemple : Le générique de son sketch s’inscrit sur une reproduction des « Ménines », le tableau de Velasquez. Or, ce tableau a été analysé en profondeur par Michel Foucault deux ans plus tôt : tous les regards convergent vers le hors champ, vers le spectateur, c’est-à-dire dans le cas de Velasquez, vers le Roi et la Reine. Ainsi, ce n’est pas le spectacle de la cour qui est diégétisé mais celui de la vie dans laquelle nous ne serions que des pantins. (Explication donnée par Martine Boyer et Muriel Tinel dans leur ouvrage « Les films de Pier Paolo Pasolini », Dark Star 2002.)

Ninetto Davoli et Totò dans le sketch de Pasolini de Caprice à l’italienne (Capriccio all’italiana)

Les sketches :
1) Il mostro della domenica (Le monstre du dimanche), réalisé par Steno.
Importuné par les hippies, un riche bourgeois les enlève pour leur raser le crâne.
2) Perchè? (Pourquoi ?), réalisé par Mauro Bolognini.
Dans un embouteillage, une femme pousse son mari à se faufiler entre les voitures.
3) Che cosa sono le nuvole? (C’est quoi les nuages ?) (22 min), réalisé par Pier Paolo Pasolini, assisté de Sergio Citti.
Des marionettes interprètent Othello avant que le public n’intervienne.
4) Viaggio di lavoro (Voyage d’affaires), réalisé par Pino Zac et Franco Rossi.
Lors d’une tournée en Afrique, la reine d’un pays européen se trompe de discours et fait l’éloge du pays ennemi.
5) La bambinaia (La nourrice), réalisé par Mario Monicelli.
Une gouvernante interdit aux enfants les bandes dessinées supposées violentes et leur raconte des contes de Perrault encore plus terrifiants.
6) La gelosa (La jalouse), réalisé par Mauro Bolognini.
Une femme montre une jalousie maladive et suit partout son mari.

30 octobre 2022

Oedipe Roi (1967) de Pier Paolo Pasolini

Titre original : « Edipo Re »

Oedipe Roi (Edipo Re)Oedipe Roi est un film ambitieux et complexe que Pier Paolo Pasolini décrit ainsi : « Ce film est autobiographique. Je raconte l’histoire de mon propre complexe d’Oedipe. Je raconte ma vie mystifiée, rendue épique par la légende d’Oedipe ». Le prologue, situé dans l’Italie des années 1920, « présente un nouveau-né cristallisant ce qui est communément appelé le complexe d’Oedipe (…) Son père, pour le punir, le prend par les pieds, accomplissant à travers le « symbole » du sexe (les pieds) une sorte de castration. Après quoi, dans la deuxième partie, commence la projection du mythe de ce fait psychanalytique. Oedipe roi se présente donc, dans cette deuxième partie, comme un énorme rêve du mythe qui se termine par un réveil, avec le retour à la réalité » (1).
Le film de Pier Paolo Pasolini est donc plus une interprétation qu’une adaptation de la tragédie de Sophocle. La représentation de la Grèce antique n’est d’ailleurs pas rigoureuse aux niveaux des costumes, ni des personnages, ni des lieux. Elle n’en a pas besoin. L’un des thèmes centraux est qu’il est difficile d’affronter l’énigme qui est en nous. Le grand malheur d’Oedipe est de savoir qu’il ne veut pas savoir ce qui est en lui. On retrouve cette contradiction entre ignorance et savoir dans tout le film et plus généralement dans toute l’œuvre de Pasolini. On peut reprocher au film une certaine austérité et un manque d’accessibilité mais il est indéniablement doté d’une belle force.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Silvana Mangano, Franco Citti, Alida Valli, Ninetto Davoli
Voir la fiche du film et la filmographie de Pier Paolo Pasolini sur le site IMDB.

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Remarque :
* Pasolini tient lui-même le rôle du grand prêtre qui vient sommer le roi de délivre la ville de la peste. A noter que, bien que située en milieu de film, la phrase qu’il récite est la première du texte de Sophocle.

(1) Pasolini, « Entretien avec Jean Narboni », Cahiers du cinéma, no 192,‎ juillet-août 1967

Oedipe Roi (Edipo Re)Silvana Mangano et Franco Citti dans Oedipe Roi (Edipo Re) de Pier Paolo Pasolini.

26 août 2021

Des oiseaux, petits et gros (1966) de Pier Paolo Pasolini

Titre original : « Uccellacci e uccellini »

Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini)Totò et son fils Ninetto errent dans la périphérie et les campagnes qui entourent Rome. Chemin faisant, ils rencontrent un corbeau qui leur parle…
Des oiseaux, petits et gros est réalisé par Pier Paolo Pasolini en 1966. Montrant dès le générique un visage burlesque, le film rompt avec le ton sérieux donné par ses films précédents. Cela ne signifie pas pour autant que Pasolini ne délivre pas un message car il s’agit d’une fable qui tourne en dérision le rationalisme idéologique que le volatile représente. Pour ce faire, il utilise une star du cinéma comique, Totò, et lui adjoint Ninetto Davoli qui interprète ici son premier grand rôle, en innocent joyeux. Les cibles de Pasolini sont le communisme radical dont il se détache (les images d’archives incluses sont celles des funérailles de Palmiro Togliatti, fondateur du Parti Communiste italien décédé en 1964) et aussi l’intelligentsia parisienne de gauche qui avait descendu son Evangile selon saint Matthieu l’année précédente (la charge aurait été encore plus nette avec la séquence de Toto au cirque que Pasolini a finalement supprimé du montage final (1)). Le cinéaste attend que l’idéologie renaisse de ses cendres pour suivre la voie des « Temps modernes », belle référence à Chaplin dont il emprunte le plan final. Pasolini filme tout cela très simplement : à cette époque, il s’opposait à la sémiologie de Christian Metz qui défendait l’idée d’un langage de cinéma. Pour Pasolini, la seule langue de cinéma devait être une « langue écrite de la réalité ».
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Totò, Ninetto Davoli
Voir la fiche du film et la filmographie de Pier Paolo Pasolini sur le site IMDB.

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(1) Dans Toto au Cirque, finalement monté en court métrage de 8 min, M Cournot (Totò) tente de faire parler un aigle et de l’instruire mais, en fait, c’est lui qui devient sauvage. Or (Michel) Cournot est le nom d’un critique français qui a éreinté L’Evangile selon saint Matthieu, déclarant qu’il n’y voyait que de « l’art pédé ».

Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini)Ninetto Davoli et Totò dans Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini) de Pier Paolo Pasolini.

Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini)Totò et Ninetto Davoli dans Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini) de Pier Paolo Pasolini.

Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini)Totò et Ninetto Davoli dans Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini) de Pier Paolo Pasolini.