14 avril 2015

La Mort apprivoisée (1949) de Michael Powell et Emeric Pressburger

Titre original : « The Small Back Room »
Titre USA : « Hour of Glory »

La mort apprivoiséePendant la Seconde Guerre mondial, en Angleterre, Sammy Rice est un expert en engins explosifs, un chercheur brillant qui préfère rester dans l’ombre (1). Il a perdu un pied dans une précédente mission et ne peut marcher qu’imparfaitement grâce à une prothèse. Il s’en sent très diminué, notamment dans ses rapports avec Susan : il craint que la jeune femme ne reste avec lui que par pitié… Tourné juste après les oeuvres de belle ampleur que sont Black Narcissus et The Red Shoes, The Small Back Room permet au tandem Michael Powell et Emeric Pressburger de revenir à un cinéma plus simple, voire plus naturaliste, proche de l’esprit de ceux que Powell tournait juste avant la guerre. Basé sur un livre de Nigel Balchin qui en a écrit lui-même l’adaptation, le film met en avant les chercheurs qui ont oeuvré en coulisses, parfois au péril de leur vie. Il y a plusieurs volets à cette histoire : le drame personnel de cet homme, antihéros par excellence qui s’enferme dans son mal-être et qui ne doit à son travail et surtout à sa relation amoureuse de ne pas sombrer dans l’alcool ; il y a aussi un regard plutôt acide sur les gens de ministères où règnent incompétence et luttes de pouvoir ; il y a enfin un aspect presque documentaire sur le travail (dans de bien mauvaises conditions) des chercheurs et autres experts qui culmine lors d’une longue scène de déminage, superbe par sa tension et ses très gros plans. Les scènes oniriques à tendance psychanalytique sont moins convaincantes. Côté acteurs, il faut noter la grande présence à l’écran de ses deux acteurs principaux : David Farrar a une belle prestance, avec un faux air de Gary Cooper et de Robert Montgomery, et la belle Kathleen Byron est délicieusement énigmatique. A sa sortie, The Small Back Room fut très bien reçu par la critique mais fut plutôt boudé par un public qui désirait plutôt oublier cette guerre qui venait de se terminer.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: David Farrar, Kathleen Byron, Jack Hawkins, Leslie Banks, Michael Gough, Cyril Cusack
Voir la fiche du film et la filmographie de Michael Powell et Emeric Pressburger sur le site IMDB.

Voir les autres films de Michael Powell et Emeric Pressburger chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Michael Powell

small-back-room-large
Kathleen Byron et David Farrar dans The Small Back Room de Michael Powell et Emeric Pressburger

The Small Back Room
Déminage d’une bombe trouvée sur une plage : David Farrar dans The Small Back Room de Michael Powell et Emeric Pressburger (1948)

(1) En anglais courant, backroom = confidentiel, secret. The backroom boys désignent (désignaient ?) les experts et techniciens qui travaillent dans l’ombre, en arrière plan. On entend aussi dans le film le terme boffin qui désignait, pendant la guerre, les chercheurs, mot plutôt argotique mais non péjoratif.

6 septembre 2013

Le Narcisse noir (1947) de Michael Powell et Emeric Pressburger

Titre original : « Black Narcissus »

Le narcisse noirUne religieuse est envoyée par sa mère supérieure dans une région perdue de l’Himalaya pour y fonder une école et un dispensaire. Elle est accompagnée de quatre nonnes… Le Narcisse noir est adapté d’un roman de Rumer Godden, anglaise qui a grandi en Inde et également auteur du roman Le Fleuve que Jean Renoir adaptera peu après. C’est une histoire assez étrange qui met en scène de façon originale les différences de cultures. Michael Powell en fait un film à la fois assez fort et aussi très beau grâce aux matte paintings  de Walter Percy Day(1) magnifiés par le Technicolor et la photographie de Jack Cardiff. Ce dernier et le directeur artistique Alfred Junge furent tous deux oscarisés pour leur travail. En plus des questionnements et interrogations des nonnes sur leur foi, l’histoire peut être vue comme une métaphore de la fin de la domination anglaise en Inde (2). Le Narcisse noir n’est certes pas un film parfait, notamment sur le plan du déroulement du scénario et du rythme, mais il fait montre d’une belle intensité dans certaines scènes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Deborah Kerr, Kathleen Byron, Sabu, David Farrar, Jean Simmons
Voir la fiche du film et la filmographie de Michael Powell et Emeric Pressburger sur le site IMDB.

Voir les autres films de Michael Powell et Emeric Pressburger chroniqués sur ce blog…

Remarques :
Le narcisse noir* Le film a été tourné en studio avec des décors en toiles peintes et dans un parc exotique du sud de l’Angleterre (Leonardslee Gerdens, Horsham, West Sussex).
* Michael Powell écrit dans ses mémoires : « Black Narcissus est le film le plus érotique que je n’ait jamais tourné. Tout est suggéré, mais l’érotisme est présent dans chacun des plans du début à la fin. »
* Michael Powell y évoque également l’importance de la musique, notamment pour la scène débutant avec le petit Joseph apportant le thé jusqu’à la chute à la cloche (env. 86′ à 91′). Pour ces cinq minutes, tout fut minuté, la musique étant écrite avant de tourner. Il est vrai que l’utilisation parfaite de la musique donne beaucoup de force à cette scène. De plus, Kathleen Byron y est absolument exceptionnelle : lorsqu’elle ouvre la porte, il y a une intensité phénoménale qui se dégage de son regard.
* Dans la version américaine, la censure a imposé de couper toutes les scènes de flashbacks (scènes en Irlande où Sister Cladagh est amoureuse avant d’entrer au couvent).

(1) Lire le premier commentaire ci-dessous pour une explication et une belle illustration de la technique du matte painting.
(2)Le film a été tourné au moment où l’Inde était en plein processus d’indépendance. On pourra cependant noter que le roman de Rumer Gordon avait été écrit dix ans auparavant en 1938. Il était donc assez prophétique.