4 septembre 2010

Le petit fruit de l’amour (1926) de Alexandre Dovjenko

Titre original : « Yagodka lyubvi »

Yagodka lyubviLui :
(Muet, 25 mn) Ce court métrage burlesque est le tout premier film tourné par le réalisateur ukrainien Alexandre Dovjenko. Il avait été précédemment caricaturiste politique, ce qui peut expliquer le ton léger de cette comédie. Alors que sa fiancée vient littéralement de lui mettre un bébé dans les bras, un jeune homme fait tout pour s’en débarrasser, bien décidé à ne pas reconnaître l’enfant. L’aspect politiquement incorrect était certainement beaucoup moins marqué à l’époque mais, aujourd’hui, il pimente joliment le film. L’ensemble est vraiment très drôle, souvent hilarant, inventif, rythmé par de nombreux rebondissements, tout à fait dans la lignée des meilleurs films burlesques américains des années dix et vingt. On notera l’utilisation de l’accéléré et même du ralenti. En prime, une belle pirouette de fin. Surprenant, Le petit fruit de l’amour est une petite perle, assez rare, du burlesque soviétique.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Maryan Krushchelnitsky, Margarita Barskaya
Voir la fiche du film et la filmographie de Aleksandr Dovzhenko sur le site imdb.com.

Voir les autres films de Alexandre Dovjenko chroniqués sur ce blog…

3 septembre 2010

Gabbo le ventriloque (1929) de James Cruze

Titre original : « The Great Gabbo »

Gabbo le ventriloqueLui :
Gabbo le ventriloque est l’un des tous premiers films parlants. C’est le premier pour Eric von Stroheim. Il y interprète un ventriloque particulièrement brillant mais aussi très égocentrique, notamment dans ses rapports avec sa partenaire. Il utilise sa poupée pour exprimer ses côtés les plus humains et sociables. Il s’agit de l’adaptation d’une pièce de Ben Hecht. Eric von Stroheim est l’interprète parfait pour exprimer toute l’arrogance et l’ambigüité de ce personnage. Avec sa diction parfaite et son admirable phrasé lent (qui reste encore aujourd’hui sans égal), il surprit le public américain qui s’attendait à ce qu’il ait un accent autrichien à couper au coupeau. Hélas, pour rajouter de la longueur et attirer le public, plusieurs numéros musicaux ont été plaqués sur l’histoire. Si musicalement, ces ballets peuvent sembler proches de ceux des grands musicals du début des années trente, ce n’est pas le cas sur le plan de chorégraphie qui est ici assez primitive en comparaison. Ils n’offrent finalement qu’assez peu d’intérêt (sauf sans doute le ballet Web of love, franchement acrobatique). Si Gabbo Le Ventriloque reste intéressant, c’est donc surtout pour la remarquable interprétation d’Eric von Stroheim.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Erich von Stroheim, Betty Compson, Donald Douglas
Voir la fiche du film et la filmographie de James Cruze sur le site IMDB.

Remarques :
* James Cruze est un réalisateur surtout connu pour avoir tourné le premier grand western The Covered Wagon (La caravane vers l’Ouest, 1923). Beaucoup de ses films sont aujourd’hui perdus.
* Le film comportait une scène en couleurs (procédé Multicolor qui sera abandonné en 1932) : un numéro musical The Ga-ga bird qui semble perdu.
* Une version écourtée de 68mn est dans le domaine public (plusieurs numéros musicaux ont été coupés de cette version). La version actuellement la plus complète du film (c’est-à-dire sans la scène perdue en couleurs) dure 92 mn.

2 septembre 2010

L’apprenti (2008) de Samuel Collardey

L'apprentiLui :
Elève dans un lycée agricole du Jura, le jeune Mathieu est apprenti en alternance dans une ferme, petite exploitation familiale isolée. Là, il participe aux travaux de la ferme et s’intègre peu à peu dans cette famille. Le film de Samuel Collardey est fortement ancré dans la réalité : il n’utilise pas d’acteurs professionnels mais de vrais personnages, le scénario est le moins directif possible, l’évolution des personnages du film est celle des vraies personnes. En revanche, il donne un traitement vraiment cinématographique à son film (caméras 35mm, éclairages, montage travaillé) et filme avec une certaine perfection en évitant les facilités (pas de caméra à l’épaule tremblotante pour faire « vrai »). Lui-même originaire de ce monde rural qu’il filme, il en donne une image très authentique, certainement pas une image édulcorée pour citadins en mal de nature. Son tour de force est d’avoir su garder intacte cette réalité malgré les outils utilisés et d’avoir su transmettre la profondeur de ses personnages. Nous sommes loin des clichés. Revers de cette authenticité, il faut accepter le fait de ne pas comprendre tous les dialogues…
Note : 4 étoiles

Acteurs: Mathieu Bulle, Paul Barbier
Voir la fiche du film et la filmographie de Samuel Collardey sur le site imdb.com.

1 septembre 2010

Le coeur nous trompe (1921) de Cecil B. DeMille

Titre original : « The affairs of Anatol »

Le coeur nous trompeLui :
(Film muet) Un homme de la haute société qui trouve sa vie conjugale un peu ennuyeuse ne peut s’empêcher de venir en aide à quelques jeunes femmes prétendument en détresse… Le cœur nous trompe est la libre adaptation d’une pièce du dramaturge autrichien Arthur Schnitzler qui faisait scandale depuis de nombreuses années. Le personnage de la femme légitime est ajouté et confié à une grande vedette. Cela permit certainement d’adoucir le propos mais les aspects licencieux de la situation restent bien présents ; ils sont contrebalancés, de façon assez amusante, par des intertitres moralisateurs qui vont jusqu’à citer la Bible. Le coeur nous trompe Les robes et les mises en scène (notamment l’antre satanique de Babe Daniels) ont frappé les esprits. S’il manque un peu de rythme et souffre de longueurs, le film de Cecil B. DeMille n’en est pas moins plaisant. Il préfigure la légèreté des comédies du début des années trente. C’est l’un des derniers films de Wallace Reid, dont la célébrité était alors immense (1).
Note : 3 étoiles

Acteurs: Wallace Reid, Gloria Swanson, Wanda Hawley, Bebe Daniels, Theodore Roberts
Voir la fiche du film et la filmographie de Cecil B. DeMille sur le site IMDB.

Voir les autres films de Cecil B. DeMille chroniqués sur ce blog…

Wallace Reid(1) La vie de Wallace Reid fait partie des grands destins tragiques d’Hollywood. Alors qu’il est une très grande star, adulé par toutes les femmes, Wallace Reid est grièvement blessé à la tête lors du tournage de la Vallée des Géants (1919). Pour qu’il puisse continuer à jouer, le studio fait venir un docteur avec de la morphine. En quelques mois, il devient totalement dépendant de la drogue. Par ailleurs, il abuse de l’alcool et mène une vie tapageuse (quand Will Hays dresse en 1922 une liste des 117 personnalités les plus scandaleuses d’Hollywood, le premier de la liste est… Wallace Reid). Placé dans un sanatorium où il est brutalement sevré, il entre en dépression et sa santé décline rapidement. Il meurt en janvier 1923, à l’âge de 31 ans.

Remarque : 
Les chutes de The Affairs of Anatol (scènes non utilisées entre Wallace Reid, Gloria Swanson et Elliott Dexter) auraient servi pour monter le film Don’t Tell everything de Sam Wood (1922), film mineur qui semble aujourd’hui perdu. Cette pratique n’était pas inhabituelle à cette époque.

31 août 2010

Sommaire d’août 2010

Le petit fugitifUn conte de NoëlLa dame de piqueMonsieur RipoisAide-toi, le ciel t'aideraLa Vie du ChristA chacun sa vieNos souvenirs brûlés

Le petit fugitif

(1953) de Morris Engel et Ray Ashley

Un conte de Noël

(2008) de Arnaud Desplechin

La dame de pique

(1916) de Yakov Protazanov

Monsieur Ripois

(1954) de René Clément

Aide-toi, le ciel t’aidera

(2008) de François Dupeyron

La Vie du Christ

(1906) de Alice Guy

A chacun sa vie

(1918) de Marshall Neilan

Nos souvenirs brûlés

(2007) de Susanne Bier

La raccomodeuse de filetsLes aventures de DollieLa chambre scelléeLes spéculateursDerrière les volets closL'usurierLa dernière larmeMaris aveugles

La raccomodeuse de filets

(1912) de David W. Griffith

Les aventures de Dollie

(1908) de David W. Griffith

La chambre scellée

(1909) de David W. Griffith

Les spéculateurs

(1909) de David W. Griffith

Derrière les volets clos

(1910) de David W. Griffith

L’usurier

(1910) de David W. Griffith

La dernière larme

(1911) de David W. Griffith

Maris aveugles

(1919) de Erich von Stroheim

HarakiriThe Brasher DoubloonAppaloosaLa grande horlogeLe bon Dieu sans confessionWalkyrieLe cuirassé PotemkineKill, la forteresse des samouraïs

Harakiri

(1919) de Fritz Lang

The Brasher Doubloon

(1947) de John Brahm

Appaloosa

(2008) de Ed Harris

La grande horloge

(1948) de John Farrow

Le bon Dieu sans confession

(1953) de Claude Autant-Lara

Walkyrie

(2008) de Bryan Singer

Le cuirassé Potemkine

(1925) de Sergueï Eisenstein

Kill, la forteresse des samouraïs

(1968) de Kihachi Okamoto

La belle et la bêteHomeLa captive aux yeux clairs

La belle et la bête

(1946) de Jean Cocteau

Home

(2008) de Ursula Meier

La captive aux yeux clairs

(1952) de Howard Hawks

Nombre de billets : 27

31 août 2010

Le petit fugitif (1953) de Morris Engel et Ray Ashley

Titre original : « Little fugitive »

Le petit fugitifLui :
Le Petit Fugitif est un film précurseur. Premier film indépendant américain, il préfigure la Nouvelle Vague française. C’est un film dont on avait toujours entendu parler sans pouvoir le voir, avant qu’il ne ressorte en 2009. La base scénaristique du film est simple : un petit garçon de 7 ans, qui croit avoir tué accidentellement son grand frère, s’enfuit de chez lui pour aller au parc d’amusement de Coney Island. Là, il découvre tout un monde qui le happe par ses attraits multiples. L’originalité du Petit Fugitif est d’avoir été tourné entièrement en situation réelle avec une caméra 35mm expérimentale, bricolée pour être minuscule et facilement cachée. De même, très peu de directives ont été données aux enfants qui jouent le plus naturellement du monde. Il en résulte une fraîcheur et une authenticité qui permettent au film de nous capter entièrement. Nous sommes totalement immergés et l’errance de ce jeune garçon a quelque chose d’attachant. Ce n’est qu’après avoir reçu un prix au Festival de Venise que Le Petit Fugitif a pu être bien distribué et bien accueilli par la critique et le public.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Richie Andrusco, Richard Brewster
Voir la fiche du film et la filmographie de Morris Engel sur le site imdb.com.

Remarques :
* Le montage a été assuré par Ruth Orkin, l’épouse de Morris Engel.
* Le Petit Fugitif préfigure principalement deux films majeurs de la Nouvelle Vague : Les 400 coups (Truffaut a toujours mentionné Le Petit Fugitif parmi les films qui ont montré la voie) et A bout de Souffle de Godard qui est lui aussi une fuite-errance. Godard a également repris des techniques de tournage de Morris Engel pour les porter plus loin.
* Remake : The Little Fugitive de Joanna Lipper (2006)

30 août 2010

Un conte de Noël (2008) de Arnaud Desplechin

Un conte de NoëlLui :
Portant un passé lourd de tragédie et de haine, une famille se réunit à l’occasion des fêtes de Noël. Arnaud Desplechin livre un film très abouti, riche et complexe, qui sait s’écarter des conventions. Il joue avec les liens et les incompatibilités (d’humeurs ou médicales), la force et la fragilité de ses personnages, l’attirance et la répulsion. La maitrise dont il fait preuve pour mettre en place ce tissu complexe est absolument remarquable. Il est aidé par des comédiens qu’il connait bien et qui le connaissent bien. Un conte de Noël est sans aucun doute son meilleur film à ce jour.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Catherine Deneuve, Jean-Paul Roussillon, Anne Consigny, Mathieu Amalric, Melvil Poupaud, Emmanuelle Devos, Chiara Mastroianni, Laurent Capelluto, Emile Berling, Hippolyte Girardot, Samir Guesmi, Françoise Bertin
Voir la fiche du film et la filmographie de Arnaud Desplechin sur le site IMDB.

Voir les autres films de Arnaud Desplechin chroniqués sur ce blog…

29 août 2010

La dame de pique (1916) de Yakov Protazanov

Titre original : « Pikovaya dama »

Pikovaya damaLui :
Bien qu’il ait hélas laissé peu de traces, le cinéma russe a bien existé avant le cinéma soviétique (1). Yakov Protazanov, spécialiste des adaptations de chefs-d’œuvre littéraires russes, est l’un des réalisateurs les plus importants de la période tzariste. Ici, c’est l’adaptation d’une nouvelle de Pouchkine La Dame de Pique : un jeune officier tente par tous les moyens d’obtenir d’une vieille comtesse un secret qui lui permettrait de gagner à coup sûr au jeu. Cet officier, c’est Ivan Mosjoukine, acteur russe très célèbre (2), qui joue ici beaucoup avec son regard (largement surligné de noir). Si son jeu reste encore un peu trop chargé d’emphase par moments, il manifeste une très forte présence à l’écran. Il est indéniablement le pivot central de cette production assez ambitieuse qui a utilisé une cinquantaine de figurants pour certaines scènes. On notera également quelques effets spéciaux d’incrustation à la toute fin par double-exposition de la pellicule. Rare rescapé du cinéma russe, La Dame de Pique est intéressant ne serait-ce que pour son aspect historique.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Ivan Mosjoukine, Vera Orlova, Elizaveta Cheboueva, Tatiana Douvan
Voir la fiche du film et la filmographie de Yakov Protazanov sur le site IMDB.

Voir les autres films de Yakov Protazanov chroniqués sur ce blog…

(1) Le premier film russe connu est de 1908. On peut dater les débuts du cinéma soviétique au 27 août 1919, date à laquelle Lénine a signé le décret de nationalisation du cinéma. Les débuts du cinéma soviétique furent difficiles par manque de moyens. L’un des premiers grands films du nouveau régime sera Aelita (1924) du même Protazanov… revenu en Union Soviétique après avoir d’abord émigré en France juste après la Révolution.
(2) Après avoir tourné près de 50 films en Russie jusqu’en 1918, Ivan Mosjoukine émigrera en France où il continuera à tourner. Il a réalisé un remarquable film avant-gardiste : Le Brasier Ardent (1923).

Autres adaptations de la nouvelle de Pouchkine :
La Dame de Pique de Fyodor Otsep (1937) avec Marguerite Moreno
La Reine des Cartes (Queen of Spades) de Thorold Dickinson (1949) avec Edith Evans et Anton Walbrook
Pikovaya Dama de Roman Tikhomirov (1960) avec Oleg Strizhenov
La Dame de Pique de Léonard Keigel (1965) avec Dita Parlo
+ de nombreuses adaptations pour la télévision.

28 août 2010

Monsieur Ripois (1954) de René Clément

Titre anglais : « Knave of hearts »

Monsieur RipoisLui :
André Ripois est un jeune français vivant à Londres. Il a épousé une anglaise fort riche qui désire se séparer de lui. Pour tenter de séduire une amie de sa femme, André Ripois lui raconte la vie agitée qu’il a menée avant son mariage. Il désire ainsi lui prouver qu’en dépit de ses nombreuses conquêtes féminines, il n’a jamais aimé auparavant. Avec Monsieur Ripois, René Clément dresse le portrait d’un séducteur terriblement seul, fragile, insatisfait, superficiel… un portrait étonnamment complexe et empreint d’une forte authenticité. Beaucoup de scènes de rue ont été faites en plein Londres, en caméra cachée, ce qui accroît de sentiment de réalisme et de vérité (ce procédé sera repris par la Nouvelle Vague à la fin des années cinquante). Gérard Philippe montre là tout son talent avec un jeu tout en retenue, distillant une certaine ambigüité, donnant beaucoup de profondeur à son personnage.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Gérard Philipe, Valerie Hobson, Natasha Parry, Joan Greenwood, Margaret Johnston, Germaine Montero, Diana Decker
Voir la fiche du film et la filmographie de René Clément sur le site IMDB.

Voir les autres films de René Clément chroniqués sur ce blog…

Monsieur RipoisRemarques :
Les dialogues ont été écrits par Raymond Queneau. Le scénario est librement adapté d’un roman de Louis Hémon. Le film était initialement prévu pour être tourné en anglais. Après le choix de Gérard Philippe pour le rôle principal, il sera finalement tourné en français mais, heureusement, sans aucun doublage, les actrices anglaises jouant elles-mêmes en français avec un fort accent anglais ce qui accentue notre sentiment d’immersion dans le Londres des années cinquante.

27 août 2010

Aide-toi, le ciel t’aidera (2008) de François Dupeyron

Aide-toi, le ciel t'aideraLui :
Sonia (Félicité Wouassi) n’est pas épargnée par les pépins de toutes sortes, occasionnés par ses enfants ou son mari. Loin de se laisser abattre, elle garde un certain optimisme qui lui permet tant bien que mal de traverser toutes les crises. Aide-toi, le ciel t’aidera est un portrait de femme assez attachant, interprété avec beaucoup de présence par Félicité Wouassi. Dans cette cité, les personnes âgées semblent abandonnées de tous et Claude Rich crée un beau personnage de petit vieux soudainement libidineux. Loin de tout misérabilisme, l’ensemble est assez frais. François Dupeyron joue avec sa caméra, tantôt fixe, tantôt très mobile, la place souvent au ras du sol ; ce jeu apporte une touche d’originalité et de vie.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Félicité Wouassi, Claude Rich, Elizabeth Oppong, Ralph Amoussou
Voir la fiche du film et la filmographie de François Dupeyron sur le site IMDB.

Voir les autres films de François Dupeyron chroniqués sur ce blog…