29 juillet 2010

Danger, planète inconnue (1969) de Robert Parrish

Titre original : « Doppelgänger »
Autre Titre (USA) : « Journey to the far side of the sun »

Danger, planète inconnueLui :
Après la découverte au XXIe siècle d’une planète située exactement de l’autre côté du soleil, une expédition spatiale habitée est mise sur pied pour aller l’explorer. Danger, Planète inconnue a été écrit et produit par le couple anglais Gerry et Sylvia Anderson qui venait de connaître le succès avec la série télévisée de science-fiction Thunderbirds, série faite avec des maquettes et des marionnettes. Le thème de base (que je ne dévoilerai pas pour préserver l’effet de surprise) de ce long métrage est assez original, certes déjà exploité dans la littérature de science-fiction mais assez nouveau au cinéma. Les acteurs viennent essentiellement du monde de la télévision, à commencer par Roy Thinnes que l’on connait bien au travers de la série Les Envahisseurs et qui fait ici une brève incursion au cinéma. S’il a été réalisé avec un budget relativement limité, le film comporte néanmoins de belles scènes d’espace (dans lesquelles on sent assez nettement l’influence du 2001 Odyssée de l’espace de Kubrick, sorti un an plus tôt) et des effets spéciaux de modernité bien intégrés. Le « twist final » est étonnant… Bien réalisé, Danger Planète Inconnue est un film peu connu qui ne manque pas de charme.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Roy Thinnes, Ian Hendry, Patrick Wymark, Lynn Loring, Loni von Friedl
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Parrish sur le site IMDB.
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Remarques :
Après ce long métrage, le couple Anderson reviendra vers la télévision pour produire (entre autres) deux autres séries de science-fiction très célèbres : UFO (Alerte dans l’espace) et Cosmos 1999.

17 juillet 2010

Les comédiens (1967) de Peter Glenville

Titre original : « The Comedians »

Les comédiensLui :
Basé sur un roman de Graham Greene qui en a assuré lui-même la transposition, Les Comédiens nous plonge dans l’Haïti de Duvallier et de ses sinistres Tontons Macoutes. Un anglais, patron d’un bel hôtel sans clients, tente avec quelques occidentaux de passer entre les gouttes et de rester apolitique. Le titre du film prête un peu à confusion : en fait, il caractérise la faculté de ces personnages de mentir à leur entourage par jeu social, sentimental ou politique. Il ne fait nul doute que les qualités médiatiques du couple Taylor/Burton aient motivé les producteurs américains mais le film, d’esprit plutôt anglais, n’est pas sans intérêt. Il est porté par la belle interprétation de Richard Burton, qui manifeste, comme toujours, une très forte présence à l’écran. Il est soutenu par de solides seconds rôles, remarquablement tenus par des acteurs comme Alec Guinness, Peter Ustinov ou encore Lillian Gish. Petit plus : le film présente aujourd’hui un certain intérêt historique.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Richard Burton, Elizabeth Taylor, Alec Guinness, Peter Ustinov, Paul Ford, Lillian Gish
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6 juillet 2010

Le jour du vin et des roses (1962) de Blake Edwards

Titre original : « Days of wine and roses »

Le jour du vin et des rosesLui :
Intermède dramatique dans la filmographie de Blake Edwards, Le jour du vin et des roses est l’un des rares films hollywoodiens traitant de l’alcoolisme. Jack Lemmon, probablement désireux de démontrer ses talents d’acteur dramatique, est à l’origine du projet : porter au grand écran une pièce de J.P. Miller qui avait été très remarquée à la télévision. L’histoire est celle d’un cadre commercial qui va entraîner sa femme dans l’alcoolisme. Il est inévitable de penser à son illustre prédécesseur, le film que Billy Wilder a réalisé 17 ans plus tôt: Le Poison. Tourné en un superbe noir en blanc, le film de Blake Edwards atteint une tension dramatique soutenue, aidé par l’excellent jeu de Jack Lemmon et de Lee Remick. Remarquablement construit, le film est ponctué de scènes particulièrement fortes qui alimentent la force du film jusqu’à sa fin, assez puissante.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Jack Lemmon, Lee Remick, Charles Bickford, Jack Klugman
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Le jour du vin et des roses Remarques :
1) Blake Edward a subi de fortes pressions pour édulcorer la fin. Il a heureusement tenu bon. Jack Lemmon avait d’ailleurs avancé son départ vers l’Europe (pour son film suivant) afin d’empêcher le tournage de toute nouvelle scène.
2) La version TV de The days of wine and roses a été diffusée en 1958 par CBS dans la série Playhouse 90. Elle avait été tournée sur la direction de John Frankenheimer qui aurait bien aimé diriger également la version cinéma. Ce serait Jack Lemmon qui aurait préféré Blake Edwards.
3) Le titre peut surprendre. Cette phrase est extraite d’un court poème du poète anglais Ernest Dowson (1867-1900) intitulé « Vitae Summa Brevis » :

Le jour du vin et des roses

They are not long, the days of wine and roses:
Out of a misty dream
Our path emerges for a while, then closes
Within a dream.

Que l’on peut traduire assez librement par :
« La vie est brève » – « Ils ne durent pas les jours du vin et des roses : / Emergeant d’un rêve brumeux / Notre chemin se trace un moment avant de s’achever / Comme dans un rêve. »
(En utilisant le singulier au lieu du pluriel, la personne qui a traduit le titre en français en a quelque peu détruit le sens au passage.)
A noter que le titre « Gone with the wind » était également tiré d’un poème de Dowson.

11 juin 2010

Les compagnons de la marguerite (1967) de Jean-Pierre Mocky

Les compagnons de la margueriteLui :
Virtuose de la restauration de documents écrits à la Bibliothèque Nationale, l’employé-modèle Matouzec (Claude Rich) découvre soudainement qu’il peut utiliser ses talents pour modifier le registre d’état civil de son mariage. Il passe donc une annonce pour faire un échange de conjoint avec un autre couple, « sans frais d’avocats et sans tracasserie administrative ». C’est l’inspecteur Leloup (Francis Blanche) qui va y répondre pour tenter de le coincer. Ce ne sera pas si facile… Avec Les Compagnons de la Marguerite, Jean-Pierre Mocky s’attaque joyeusement à l’institution du mariage qu’il fait voler en éclats avec un humour bien enlevé. Lui-même sortait d’un divorce difficile, ce qui a du le motiver tout particulièrement. Ici, tout se fait à l’amiable, dans la bonne humeur, échange de conjoints ou même polygamie, tout le monde est heureux… sauf les avocats qui n’ont plus de travail. Mocky fustige un modèle de société où il faut un permis pour tout. Tourné presque deux ans avant mai 68, son film présente une utopie qu’il appelle « la démocratie conjugale ». Claude Rich incarne parfaitement l’idéaliste naïf avec une petite touche d’anarchisme mondain. Face à lui, il a un solide groupe de policiers, Francis Blanche et Michel Serrault en tête, qui alimentent l’histoire en situations cocasses dans ce jeu du chat et de la souris. Les jeux de mots sont nombreux, souvent assez discrets, bien intégrés dans les scènes. Personne ne charge trop son personnage, l’humour est constant et bien dosé. Les Compagnons de la Marguerite est l’un des films les plus réussis de Jean-Pierre Mocky. C’est un vrai plaisir de le redécouvrir aujourd’hui.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Claude Rich, Michel Serrault, Francis Blanche, Paola Pitagora, Roland Dubillard, René-Jean Chauffard
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Remarque :
Catherine Rich, qui interprète la femme de Claude Rich dans le film (la grande adepte de la télévision), était (et même est toujours) sa femme dans la vraie vie.

10 juin 2010

Le mauvais chemin (1961) de Mauro Bolognini

Titre original : « La viaccia »

Le mauvais cheminLui :
A la fin du XIXe siècle, une famille tente de maintenir entière la petite ferme familiale La Viaccia. Le jeune fils Amerigo est envoyé chez son oncle malade à Florence dans l’espoir de bénéficier du futur héritage. Mais, une fois en ville, il tombe amoureux de la belle Bianca qui travaille dans une maison close. Le mauvais chemin est adapté d’un roman de Mario Pratesi. Sur cette trame qui évoque Zola, le film de Mauro Bolognini est à la fois un grand drame passionnel sans espoir et une peinture sociale qui met en relief les différences entre la grande pauvreté des campagnes et la relative aisance de la bourgeoisie des villes. C’est aussi le triomphe de la passion sur la raison. Filmé en noir et blanc, La Viaccia restitue parfaitement l’atmosphère du tournant du siècle, avec ses décors de maisons closes, lourdement chargés de tentures et de colifichets. Jean-Paul Belmondo (ici doublé en italien) apporte beaucoup de fraîcheur et de candeur tandis que Claudia Cardinale donne une belle interprétation, surmontant parfaitement la relative rigidité du texte. On lui doit les plus belles et les plus émouvantes scènes du film.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Paul Belmondo, Claudia Cardinale, Pietro Germi, Romolo Valli
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30 mai 2010

Quoi de neuf, Pussycat? (1965) de Clive Donner

Titre original : « What’s New Pussycat »

Quoi de neuf, Pussycat?Lui :
Un jeune don juan fait tout pour être fidèle à sa fiancée mais toutes les femmes qu’il rencontre s’obstinent à tomber amoureuses de lui… Une aubaine pour le psychiatre farfelu et obsédé qu’il consulte. Quoi de neuf Pussycat? reste dans les annales comme étant le premier film de Woody Allen scénariste et Woody Allen acteur. Si ce dernier a des mots très durs sur ce film, le décrivant comme un massacre de son scénario par les producteurs, le résultat reste très amusant et assez délirant. Situations improbables et bons mots s’enchainent à bon rythme et Peter O’Toole occupe très bien le rôle central de cette histoire passablement mouvementée. Quoi de neuf, Pussycat? Peter Sellers, attifé d’une perruque dans le pur style médiéval, s’en donne à cœur joie dans son rôle de psychiatre obsédé par les femmes. Quoi de neuf Pussycat? fut un gros succès populaire mais fut boudé par la critique de l’époque qui se plaisait à dire que le meilleur du film était le générique… Avec le recul, ce jugement paraît pour le moins assez sévère. Le film fait toujours passer un bon moment, un délire visuel et verbal où l’on sent bien la patte de l’humour de Woody Allen qui montrait à cette époque une forte influence des Marx Brothers.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Peter Sellers, Peter O’Toole, Romy Schneider, Capucine, Paula Prentiss, Woody Allen, Ursula Andress
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Remarques :
1) Au départ, le film devait une gentille comédie basée sur Warren Beatty qui allait tenir le rôle principal. « What’s new Pussycat ? » était d’ailleurs une phrase que Warren Beatty, connu pour ses nombreuses conquêtes féminines, utilisait fréquemment dans la vraie vie. Le scénario tournant au burlesque à ses dépends, Warren Beatty refusa d’y participer. Ce fut le début d’une brouille durable entre Warren Beatty et Woody Allen.
2) Le film fut entièrement tourné en France.
3) Les scènes de karting furent dirigées par Richard Talmage.
4) En apparition fugitive (cameo), on notera la présence de Richard Burton (la vague connaisance croisée dans le bar) et de Françoise Hardy (la secrétaire de mairie).
5) Le film eut un (piètre) remake : Pussycat, Pussycat, I love you de Rod Amateau (1970).
6) On peut rapprocher le film de Casino Royale (1967) du même producteur Charles Feldman (voir nos commentaires sur ce film)

9 mai 2010

La maison du diable (1963) de Robert Wise

Titre original : « The Haunting »

La maison du diableLui :
Les maisons hantées et le paranormal ont de tous temps alimenté Hollywood en films de qualités diverses mais The Haunting (affublé du titre un peu ridicule La Maison du Diable en français) est certainement l’un des films majeurs du genre. L’histoire est adaptée d’un roman de Shirley Jackson : le docteur Markway, anthropologiste, s’installe dans une maison que tout le monde dit hantée. Avec deux femmes médiums et un observateur externe, il désire déterminer si la maison est réellement « habitée ». La Maison du Diable va bien au-delà du propos habituel de son genre car il traite avec une force peu commune de la crainte, de la peur ou encore de la raison. Côté acteurs, C’est Julie Harris qui est de loin la plus présente, les autres acteurs paraissant d’autant plus effacés que le talent de Robert Wise est d’avoir su introduire un cinquième acteur de taille : la maison elle-même, une vaste demeure aux structures verticales qui semble dotée de vie. L’actrice principale, c’est bien elle… Le film nous prend totalement, sans aucun effet facile, nous désarçonne et nous met assez mal à l’aise, une angoisse qui sans être insoutenable n’en est pas moins bien réelle. La fin dérange un peu. La Maison du Diable fera certainement sourire les amateurs de films d’horreur mais pour ceux qui (comme moi-même) n’en sont pas spécialement friands, ce film vaut vraiment la peine d’être vu. C’est l’un des plus intéressants et aussi des plus efficaces. Un film à déconseiller toutefois aux personnes qui dorment seuls dans une grande maison…
Note : 4 étoiles

Acteurs: Julie Harris, Claire Bloom, Richard Johnson, Russ Tamblyn
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Remarques :
Bien que l’histoire se déroule en Nouvelle-Angleterre (donc au nord-est des Etats-Unis), le film a été tourné (et produit) en Angleterre. La maison est une véritable demeure anglaise.

Remake :
Hantise (The Haunting) de Jan de Bont (1999) avec Liam Neeson et Catherine Zeta-Jones, version très nettement inférieure à l’original.

3 mai 2010

Crésus (1960) de Jean Giono

CrésusLui :
Après avoir été adapté plusieurs fois à l’écran, l’écrivain Jean Giono décide de passer lui-même derrière la caméra pour mettre en scène cette fable provençale, Crésus. Un berger découvre une ogive bourrée de billets de banque. L’histoire en elle-même est une variation sur le thème « l’argent ne fait pas le bonheur » que Giono parvient à rendre savoureuse, d’une part par ses dialogues relevés et d’autre part par son interprétation très colorée, Fernandel en tête. C’est la Provence des hauts plateaux qui sert ici de cadre, pas de cyprès à l’horizon mais des montagnes assez arides et plutôt froides. La mise en scène de Giono est très simple, assez statique, presque rustique ce qui ne dépare pas l’histoire, ceci dit. A l’époque, le film a été porté au pinacle par les Cahiers du Cinéma, il est vrai que, par certains aspects, par son traitement notamment, on peut rapprocher Crésus de la Nouvelle Vague.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Fernandel, Marcelle Ranson-Hervé, Rellys, René Génin, Paul Préboist
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Remarques :
1) Il s’agit de la seule réalisation de Jean Giono.
2) Claude Pinoteau aurait été assistant-directeur (non crédité au générique) pour assister Jean Giono sur Crésus. S’il n’avait pas encore réalisé de films, Pinoteau était assistant depuis de nombreuses années, notamment auprès de Cocteau.

Voir aussi le site du Centre Jean Giono

20 mars 2010

Le testament d’Orphée (1960) de Jean Cocteau

Titre complet: « Le testament d’Orphée, ou ne me demandez pas pourquoi! »

Le testament d'Orphée, ou ne me demandez pas pourquoi!Lui :
Dernier long métrage de Jean Cocteau, Le Testament d’Orphée est aussi son ultime message comme il le définit lui-même en exergue de son film : « Voici le legs d’un poète aux jeunesses successives qui l’ont toujours soutenu » (1). Tourné dans les carrières des Baux-de-Provence, il s’agit d’une introspection où Cocteau se met lui-même en scène pour une série de variations poétiques et philosophiques sur les thèmes qu’il a explorés toute sa vie durant. « Ma grande affaire est de vivre une actualité qui m’est propre et qui abolit le temps. Ayant découvert que cet état était mon privilège, je m’y suis perfectionné et enfoncé davantage. » Il meurt et renaît plusieurs fois tel un phénix poétique. Il joue avec le temps, mêlant les époques et les mythologies, créant aussi de jolis effets visuels de plans retournés et de trucages audacieux. Il faut certainement être très familier de l’œuvre de Cocteau pour apprécier ce film à sa juste valeur. Beaucoup d’acteurs différents (dont Jean-Pierre Léaud à l’âge de quatorze ans!) et quelques apparitions de ses amis (2).
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jean Cocteau, Henri Crémieux, María Casares, François Périer, Edouard Dermithe, Jean Marais, Yul Brynner, Daniel Gélin
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Cocteau sur le site IMDB.

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(1) Cocteau a été soutenu par la Nouvelle Vague, y compris matériellement : apprenant que Cocteau avait des problèmes pour boucler son budget, François Truffaut lui apporta les toutes premières recettes de son premier film Les 400 coups ce qui permit à Cocteau de tourner.
(2) Les amis : Picasso, le danseur Serge Lifar, le torero Luis Miguel Dominguín, Charles Aznavour, Françoise Sagan, Jacqueline Roque (Jacqueline Picasso), Alice Sapritch
Francine Weisweiller a produit le film dont certaines scènes ont été tournées dans sa villa de Saint-Jean-Cap-Ferrat, villa décorée de fresques par Cocteau aujourd’hui classée monument historique. Elle joue également la femme élégante qui s’est trompée d’époque.

Remarque :
Un livre de photographies (jusque là inédites) prises pendant le tournage du Testament d’Orphée par Lucien Clergue est sorti chez Actes Sud en 2003 : Phénixologie.

12 mars 2010

La cible (1968) de Peter Bogdanovich

Titre original : « Targets »

La cibleLui :
Les origines de La Cible sont assez inhabituelles : Boris Karloff devait par un vieux contrat quelques jours de tournage au producteur/réalisateur Roger Corman. Ce dernier en fit profiter son jeune protégé, Peter Bogdanovich, qui imagina un scénario très original mêlant une certaine nostalgie cinéphilique à une réflexion sur la violence. Il y a deux histoires juxtaposées : l’une concerne un acteur qui désire prendre sa retraite après une longue carrière dans les films d’horreur, l’autre un jeune homme, charmant en apparence, mais qui se met à tirer et tuer au hasard. Bogdanovich oppose, ou met en parallèle, l’horreur de pacotille et l’horreur réelle, non pas pour montrer que l’une a engendré l’autre mais plutôt pour mieux faire ressortir le caractère très ordinaire de la violence réelle : alors que les films utilisent des décors anciens, presque irréels, et des visages à faire frémir, le jeune tueur fou est un garçon tout à fait ordinaire, très calme et poli, anonyme. Peter Bogdanovich montre un réel talent pour mettre cela en images et, de plus, avec très peu de moyens (1). Il parvient à créer une atmosphère paisible qui contraste avec les évènements. Il réussit aussi de superbes plans comme celui de la juxtaposition de Karloff et de son image projetée dans le drive-in (2). A 81 ans, Boris Karloff joue donc son propre rôle et, même, s’en amuse (3). C’est en tout cas un beau moyen de terminer sa longue carrière car, déjà très malade, il n’a que très peu tourné ensuite. Pour Peter Bogdanovich, ancien critique de cinéma, La Cible est un beau moyen de débuter sa carrière de réalisateur. Ce premier film a généralement été apprécié par la critique, ses suivants beaucoup moins… (4)
Note : 4 étoiles

Acteurs: Tim O’Kelly, Boris Karloff, Arthur Peterson, Nancy Hsueh
Voir la fiche du film et la filmographie de Peter Bogdanovich sur le site IMDB.

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(1) Le tournage n’a duré que 22 jours. Boris Karloff a tourné cinq jours seulement, allant un peu au delà de ce qu’exigeait son contrat car il aimait beaucoup le projet.
(2) Le film projeté dans le drive-in est L’halluciné (The Terror) de… Roger Corman (1963) avec Boris Karloff et le jeune Jack Nicholson (autre protégé de Corman).
(3) Ce serait Boris Karloff lui-même qui aurait suggéré la scène amusante où, mal réveillé, il a un petit sursaut de peur en s’apercevant dans une glace. A noter que Peter Bogdanovich joue aussi presque son propre rôle : le jeune réalisateur qui désire faire tourner Karloff.
(4) Ses défenseurs (dont je fais partie) se plaisent à affirmer que les critiques ont la dent dure envers Bogdanovich parce qu’ils ne lui ont pas pardonné le succès de son film suivant (The Last Picture Show). « On » aurait sans doute préféré voir cet ancien critique de cinéma faire des films obscurs…

Remarques :
– Samuel Fuller a participé à l’écriture du script (non crédité).
– L’histoire qu’Orlock raconte (le valet qui cherche à échapper à la Mort) est en réalité une courte nouvelle de W. Somerset Maugham, Rendez-vous à Samarra, texte qui a en outre inspiré un livre à John O’Hara intitulé… Rendez-vous à Samarra.