2 octobre 2009

Female (1933) de William A. Wellman, Michael Curtiz et William Dieterle

FemaleElle :
(pas vu)

Lui :
Female est vraiment une belle petite curiosité. Le scénario et son traitement fleurent bon la liberté de ton qui régnait à Hollywood avant que le code Hays impose ses lois de bonne moralité. La jeune et jolie Alison Drake dirige d’une main de fer la grande compagnie de construction automobile qu’elle a hérité de sa famille. Aucun obstacle ne l’arrête et elle pousse ses employés à vendre toujours plus. Certains d’entre eux sont parfois invités le soir chez elle pour « finir une réunion ». Adapté d’un roman, le scénario joue donc sur l’inversion des genres et on imagine aisément qu’il y avait là de quoi choquer à l’époque (on peut toutefois se demander si les ligues de vertu qui s’indignèrent à la sortie du film protestaient pareillement devant les films qui montraient des directeurs-homme séduire leurs secrétaires…) Il faut dire que Female va assez loin car son héroïne est ouvertement sexiste et dénigre allègrement les schémas traditionnels, par exemple quand elle déclare que « une femme amoureuse est pitoyable »… Tout cela est d’autant plus délicieux que l’ensemble est souligné par de constantes petites touches d’humour. Le film est particulièrement court, moins de soixante minutes, et le rythme est enlevé. Bref, on dirait presque du Lubitsch… Il faut souligner la remarquable performance de Ruth Chatterton qui interprète avec une grande aisance toutes les facettes de son personnage. Produit par Henry Blanke de la First National, le film aura vu trois réalisateurs se succéder à la suite d’empêchements divers. Les décors Art déco sont remarquables, notamment le domicile d’Alison (1). Malgré une fin bâclée (2), Female est un petit bijou, il est remarquable de voir la qualité d’une telle comédie souvent considérée comme assez mineure.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Ruth Chatterton, George Brent, Lois Wilson, Johnny Mack Brown, Ferdinand Gottschalk
Voir la fiche du film et la filmographie de Michael Curtiz sur le site imdb.com.

(1) Les extérieurs de la maison sont en réalité ceux de l’Ennis House, vaste demeure dessinée par Frank Lloyd Wright en 1923 et située près de Los Angeles (voir photos). L’intérieur est tout autre, dans le pur style Art déco. La superbe piscine est celle qui venait d’être utilisée pour un ballet aquatique de Footlight Parade quelques mois plus tôt. A noter que le thème musical, que l’on entend plusieurs fois sous des formes diverses quand Alison séduit ses amants d’un soir, est le thème de la chanson Shanghai Lil du même Footlight Parade.
(2) Pour calmer les esprits moralistes, à la fin du film, la belle Alison rentre dans le rang et devient une femme classique (elle promet d’avoir neuf enfants!)… mais cette fin est tellement bâclée et rocambolesque que l’on n’y croit pas une seconde.

30 septembre 2009

La forêt pétrifiée (1936) de Archie Mayo

Titre original : « The petrified forest »

La forêt pétrifiéeElle :
(pas vu)

Lui :
Un jeune intellectuel arrive à pied dans une station-service isolée en plein désert de l’Arizona. Il lie connaissance avec la fille de la maison qui rêve de poésie et de partir en France. La radio annonce que le gangster Duke Mantee est en cavale dans la région. La Forêt Pétrifiée reprend une pièce de Robert Sherwood que Leslie Howard et Humphrey Bogart interprétaient à Broadway (1). Cette pièce, puis le film, furent un tremplin pour la carrière de Bogie qui était jusque-là cantonné à des rôles sans saveur d’adolescents (il avait pourtant plus de trente ans…) Il n’a qu’un rôle secondaire mais son entrée dans le café est assez mémorable : il montre dès les premières secondes une remarquable présence à l’écran qui ne faiblit plus ensuite. La mise en scène d’Archie Mayo est assez plate, il s’agit vraiment d’une pièce filmée, mais l’histoire possède une force certaine que Leslie Howard et Bette Davis parviennent parfaitement à transmettre. Démarrant gentiment, l’histoire monte en intensité et la tension est assez forte dans son dernier tiers avec une fin franchement dramatique (2). Grâce à son scénario et à la profondeur des personnages, La Forêt Pétrifiée est un beau huis clos qui se révèle franchement prenant.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Leslie Howard, Bette Davis, Dick Foran, Humphrey Bogart, Genevieve Tobin
Voir la fiche du film et la filmographie de Archie Mayo sur le site IMDB.
Voir les autres films de Archie Mayo chroniqués sur ce blog…

(1) La Warner voulait au départ donner le rôle de Duke Mantee à Edward G. Robinson. Leslie Howard menaça alors de refuser le rôle si Humphrey Bogart était écarté. Bogie lui en garda une éternelle reconnaissance : « Sans lui, je serais peut-être encore en train de me maquiller dans les loges de New York » déclara t-il plus tard. En 1952, lui et Lauren Bacall appelleront leur fille Leslie.
(2) Une fois le film achevé, les studios firent tout pour imposer une fin plus heureuse, moins dramatique. Heureusement, Leslie Howard insista pour que la fin reste celle de la pièce.

Remarques :
* Si La Forêt Pétrifiée a révélé Humphrey Bogart, l’acteur devra attendre encore cinq ans et vingt-huit films (!) pour se voir confier un rôle avec une certaine épaisseur (High Sierra de Raoul Walsh en 1941).
* En 1955, donc peu avant sa mort, Humphrey Bogart reprendra le rôle de Duke Mantee pour une version télévisée de The Petrified Forest, avec Henry Fonda et Lauren Bacall. Bogart voyait là un moyen de préparer le public à son prochain film The Desperate Hours (La Maison des étrangers, 1955) dans lequel il prend un groupe de personnes en otage comme Duke Mantee.

18 septembre 2009

Je suis un criminel (1939) de Busby Berkeley

Titre original : « They made me a criminal »

Je suis un criminelLui :
Je suis un criminel est un film franchement inattendu de la part de Busby Berkeley. Bien plus connu pour ses chorégraphies fastueuses et ses ballets aquatiques dansés par des centaines de girls, il signe en effet ici un film plutôt à connotation sociale (et sans aucun numéro musical)… Un jeune boxer new-yorkais promis à un brillant avenir pense avoir tué un homme à la suite d’un enchaînement de circonstances. Sous une autre identité et cachant soigneusement ses capacités de boxeur, il s’enfuit vers l’ouest sans un sou en poche. Ce fugitif est interprété par le jeune et séduisant John Garfield, dont c’est le second film et qui n’a pas encore l’énorme popularité qu’il connaîtra par la suite (1). Je suis un criminel L’acteur vient d’ailleurs lui-même d’un milieu simple et a même été boxeur, donc il peut donner beaucoup de crédibilité à son rôle. A ses côtés, il faut noter la présence des Dead End Kids, le groupe de jeunes acteurs que l’on avait déjà vu dans Les anges aux figures sales avec lequel ce film a quelque analogie ; c’est par leurs personnages de gamins difficiles que le film prend d’ailleurs un certain aspect social. Les valeurs véhiculées ont beau être à la gloire de l’american way of life, elles n’en sont pas moins assez nobles et le film est plutôt fort. Il est aussi assez prenant. Dans la filmographie de Busky Berkeley, Je suis un criminel est rarement cité, totalement éclipsé par ses films musicaux. Il mérite pourtant mieux que cela.
Note : 3 étoiles

Acteurs: John Garfield, Gloria Dickson, Claude Rains, Ann Sheridan, May Robson
Voir la fiche du film et la filmographie de Busby Berkeley sur le site IMDB.
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Le film est le remake de
The life of Jimmy Dolan d’Archie Mayo (1933) avec Douglas Fairbanks Jr. et Loretta Young adapté d’une pièce de Beulah Marie Dix (« Sucker« ), pièce qui ne fut jouée à Broadway qu’en 1933, peu avant la sortie du film.

(1) John Garfield deviendra durant les années quarante l’une des plus grandes stars de la Warner. Quand il succombera à la suite d’un crise cardiaque à l’âge de 39 ans en 1952, ses funérailles attireront la plus grosse foule jamais vue à Hollywood depuis l’enterrement de Rudolph Valentino.

16 août 2009

Scarface (1932) de Howard Hawks

Titre original : « Scarface, shame of a nation »

ScarfaceElle :
(pas vu)

Lui :
Public Enemy, Little Caesar et Scarface sont les trois grands films de biographie de gangster du tout début des années trente. Contrairement à ses deux prédécesseurs, Scarface est une production indépendante : Howard Hughes avait acheté les droits d’un livre d’Armitage Trail mais Howard Hawks et Ben Hecht ont réécrit l’histoire en ne gardant pratiquement rien du livre. L’idée de Hawks était de décrire la montée d’Al Capone « comme s’il s’agissait des Borgia venus s’installer à Chicago ». De fait, on retrouve dans le traitement de l’histoire un certain côté de tragédie, notamment par l’introduction des éléments incestueux de l’histoire des Borgia.

La succession de meurtres et l’absence de jugement moral ne plut guère à la censure de l’époque et la sortie du film fut retardée de plusieurs mois et ne put se faire qu’après avoir tourné une nouvelle fin (1), coupé plusieurs scènes, ajouté un avertissement musclé en prologue (2) et accolé le sous-titre « Honte de la nation ». Ces interdictions peuvent faire sourire aujourd’hui où notre tolérance à la violence est bien plus grande (par exemple, la violence dans le remake de Scarface de De Palma en 1983 est sans aucune mesure) mais l’effet à l’époque était assez fort : ainsi, malgré l’énorme succès populaire, Hollywood prit l’engagement de ne plus tourner un tel déploiement de sauvagerie (4). Pourtant, le recul permet de se rendre compte que Scarface est l’un des films de gangsters qui fait le moins l’apologie du crime. Hawks ne rend pas son personnage sympathique, en revanche il réussit à donner à son personnage une dimension qui appartient à la tragédie et fait de Scarface un film totalement à part.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Paul Muni, Ann Dvorak, George Raft, Karen Morley, Boris Karloff
Voir la fiche du film et la filmographie de Howard Hawks sur le site IMDB.

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(1) La fin originelle montrait Scarface abattu par la bande rivale. Elle fut interdite. Hawks en tourna une autre, celle que l’on peut voir actuellement. Toujours insatisfait, le comité de censure exigea de retourner une fin où il était jugé puis pendu. Cette version (où une doublure vue de dos a été utilisée à la place de Paul Muni) a été commercialisée bien qu’entre temps Howard Hughes ait réussi à faire rétablir la seconde fin, la plus puissante, qui donne un petit côté de héros romantique à Scarface du fait de cet amour incestueux impossible.
(2) Cet avertissement trouve un prolongement par une scène au milieu du film où quelques notables réunis dans le bureau d’un directeur de journal réclame l’intervention de l’armée et une législation sur les armes. Cette scène fut ajoutée sur ordre du comité de censure.
(3) Avant Scarface, Georges Raft était surtout un danseur mondain dans les cafés. Voyant son manque d’expérience d’acteur et ses postures figées, Howard Hawks eut l’idée de lui faire lancer une pièce de monnaie en l’air. Cette image est restée célèbre et a été maintes fois copiée, y compris (paraît-il…) par de vrais gangsters.
(4) Dans son livre sur le Film Noir (1979), François Guérif parle de Scarface en ces termes : « Scarface aura été le plus grand film de gangster en même temps que leur chant du cygne. Le destin tragique du gangster allait laisser la place à l’éloge de la loi et de ceux qui la défendent. »
(5) Les journaux de l’époque ayant l’habitude de montrer les emplacements de cadavres par un X sur les photos, Howard Hawks s’est amusé à placer de nombreux X dans tout le film, à commencer par la toute première image du générique. Ensuite, à chaque fois qu’il y a un mort, il y a un X quelque part dans l’écran, un croisillon, un X sur une feuille de score, etc…

Remake :
Scarface de Brian De Palma (1983) avec Al Pacino.

11 août 2009

Les mondes futurs (1936) de William Cameron Menzies

Titre original : « Things to Come »
Autre titre français : « La vie future »

La vie futureElle :
(pas vu)

Lui :
Les Mondes futurs est l’adaptation cinématographique du roman de H.G. Wells « The shape of things to come ». C’est Wells lui-même qui a écrit le scénario (1). Le producteur anglais Alexander Korda confie le projet à William Cameron Menzies, décorateur américain de génie. Les mondes futurs est le film de science-fiction le plus cher et le plus ambitieux des années trente, l’un des tous premiers grands films de ce genre avec Metropolis (2). Le film se déroule sur trois grandes périodes, anticipant ainsi les cent années à venir : 1940 avec le début d’une guerre qui durera 25 ans, 1972 où le monde exsangue est revenu à une civilisation de type féodal et enfin 2036 où règne le culte du progrès sous un régime de technocrates bienveillants.

Outre son côté prophétique (3), ce sont les décors qui sont le plus remarquables, tout particulièrement dans la période 2036 où Menzies montre tout son talent et son inventivité pour créer des illusions de gigantisme et de puissance. La transition vers cette période future est assez étonnante avec plusieurs minutes d’effets visuels de machineries gigantesques, un jeu de superpositions sans cesse renouvelé. Hélas, si Menzies est l’un des décorateurs les plus brillants d’Hollywood, il montre clairement ses limites sur le plan de la direction des acteurs dont le jeu est statique et qui déclament leur texte sans y insuffler suffisamment de vie. Pour cette raison, le film ne révèle pas être à la hauteur des talents mis en œuvre. Toutefois, Les mondes futurs reste l’un des films les plus importants de science-fiction et vaut la peine d’être vu, ne serait-ce que pour la qualité de ses décors et de ses prospectives.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Raymond Massey, Edward Chapman, Ralph Richardson, Margaretta Scott
Voir la fiche du film et la filmographie de William Cameron Menzies sur le site imdb.com.

Voir aussi : un excellent site sur le film Things to come avec notamment une superbe collection de posters et photos de tournage.

Notes:
(1) Wells a écrit « The shape of things to come » en 1933. Après avoir écrit l’adaptation cinématographique, il en a publié le script (ou une version très proche) sous le titre « Things to come: a film story » en 1935, peu avant la sortie du film. Ni l’un ni l’autre ne semblent avoir été traduits en français.
(2) H.G. Wells haïssait le film Metropolis de Fritz Lang (1927) et le disait haut et fort à toute l’équipe.
(3) Les mondes futurs place le début de la seconde guerre mondiale en décembre 1940, ne se trompant ainsi que de 15 mois. On y voit des attaques aériennes surprise sur l’Angleterre. Ce sont des bombes de gaz : à cette époque, la crainte que les allemands utilisent massivement les gaz, comme à la fin de première guerre mondiale, était très forte. La période de 2036 montre une civilisation plutôt pacifique mais gouvernée par des technocrates. Rejetant le progrès, la population se révolte ; il est encore trop tôt pour juger la qualité de cette prédiction… En revanche, le plus discutable est l’utilisation d’un canon géant pour envoyer des hommes sur la lune, faisant ainsi revivre l’idée de Jules Verne (et que Wells avait déjà reprise dans son livre de 1901 « Les premiers hommes sur la Lune » ) : en 1935, Wells devait savoir que ce n’était pas possible.

25 juillet 2009

L’impossible monsieur Bébé (1938) de Howard Hawks

Titre original : « Bringing up Baby »

L'impossible monsieur BébéElle :
(pas vu)

Lui :
Alors qu’il doit rencontrer un mécène pour son musée, un paléontologue timide et emprunté (Cary Grant) bute en chemin sur une jeune femme fantasque et excentrique (Katharine Hepburn) qui l’entraîne dans des aventures assez extravagantes… L’impossible Monsieur Bébé est l’une des meilleures comédies d’Howard Hawks. Délicieusement farfelue, elle repose sur le heurt de deux tempéraments opposés : le paléontologue voit une véritable tornade arriver dans son monde rangé et ordinairement calme. Nous, spectateurs, sommes rapidement emportés dans une succession rapide de dialogues et de situations où l’humour est omniprésent avec un très beau maniement de l’absurde. De nombreuses scènes (comme celle du restaurant, ou toute la fin dans le commissariat) sont jubilatoires. Contrairement à Cary Grant qui avait déjà une bonne pratique de la comédie, L’impossible Monsieur Bébé est le premier film vraiment comique de Katharine Hepburn mais cela ne se sent que très peu ; il faut dire ce rôle de femme très décidée et conquérante lui sied à merveille. Le film est aussi parfaitement soutenu par de beaux seconds rôles, avec au premier rang Charles Ruggles qui nous campe un flegmatique Major Applegate très pittoresque (il faut le voir imiter le cri du léopard…) Au vu d’un ensemble si parfait, il est bien difficile de comprendre pourquoi L’impossible Monsieur Bébé connut un tel insuccès à sa sortie ; ce fut à tel point qu’Howard Hawks fut remercié par la RKO et que Katharine Hepburn préféra casser son contrat vu les rôles que le studio lui proposait ensuite… (1)  Les opinions ont bien changé depuis car L’impossible Monsieur Bébé est considéré aujourd’hui comme l’un des sommets de la comédie américaine des années 30, ce genre que l’on nomme aussi la screwball comedy.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Katharine Hepburn, Cary Grant, Charles Ruggles, Walter Catlett, May Robson
Voir la fiche du film et la filmographie de Howard Hawks sur le site IMDB.

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(1) Après le départ de Katharine Hepburn (pour se libérer, elle n’hésita pas à racheter son contrat), la RKO l’affubla du surnom « box-office poison » (= briseuse de succès), surnom qui l’a suivi même après que le succès de Philadelphia Story (Indiscrétions) ne soit venu le démentir…

22 juillet 2009

Liliom (1934) de Fritz Lang

LiliomElle :
(pas vu)

Lui :
Liliom est un bonimenteur de foire qui fait chavirer le cœur des jeunes employées de maison qui viennent sur son manège. Il quitte son employeuse avec fracas pour s’installer avec l’une d’entre elles… Dans la filmographie de Fritz Lang, Liliom s’inscrit entre deux périodes : fuyant l’Allemagne nazie, le réalisateur s’installe un an à Paris et accepte de tourner cette nouvelle adaptation de la pièce de Ferenc Molnár avant de partir s’établir aux Etats-Unis. Liliom est un film qui paraît plus mineur que les autres films de Lang de cette époque mais on y retrouve la volonté du réalisateur d’explorer la psychologie de ses personnages, avec toujours une importance donnée au sentiment de culpabilité. Le contexte social y joue aussi un rôle sous-jacent mais important, à l’instar de M. ou des Mabuse. On y retrouve aussi la même notion d’aveuglement des institutions. Par les décors, le jeu des acteurs, Liliom montre sans doute un peu trop ses origines théâtrales. Il faut saluer la belle performance de Charles Boyer qui sait toujours aussi bien mêler séduction et cruauté dans le même personnage.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Charles Boyer, Madeleine Ozeray, Robert Arnoux
Voir la fiche du film et la filmographie de Fritz Lang sur le site IMDB.

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Autres versions :
Liliom de Michael Curtiz (1919) avec Gyula Csortos
A trip to paradise de Maxwell Karger (1921) avec Bert Lytell
Liliom de Frank Borzage (1930) avec Charles Farrell
Carousel de Henry King (1956) film musical avec Gordon MacRae.

17 juillet 2009

Peter Ibbetson (1935) de Henry Hathaway

Peter Ibbetson Lui :
Une histoire d’amour fou qui défie le temps et l’espace, avec un onirisme qui frôle le fantastique, Peter Ibbetson n’est pas le genre de scénario dont est coutumier Henry Hathaway, spécialiste des westerns et de films réalistes parfois assez violents. Effectivement, ce fut Gary Cooper qui imposa Henry Hathaway avec lequel il venait de tourner Les trois lanciers du Bengale. Avec le recul, il nous apparaît probable que c’est cette inaccoutumance du réalisateur aux grands drames passionnels qui lui a permit de signer une œuvre très personnelle. Cette histoire de deux êtres séparés dès la jeune enfance mais qui s’aimeront jusque dans la mort aurait pu être très conventionnelle. Hathaway ne force pas le côté romanesque mais, suivant là d’assez près le livre de George du Maurier, fait évoluer lentement son film depuis un début romantique vers une fin surréaliste assez étonnante, avec des scènes de rêve filmées de façon plutôt réaliste (s’éloignant franchement des canons hollywoodiens de l’époque), abolissant ainsi toutes les barrières entre rêve et réalité. Il n’est pas étonnant que Peter Ibbetson ait eu tant de succès auprès des surréalistes (1). Gary Cooper, avec son jeu tout en retenue, est parfait pour le rôle dans ce contexte. Henry Hathaway ne tournera pas d’autres films de cette veine mais déclara plus tard qu’il considère Peter Ibbetson comme étant son film artistiquement le plus réussi.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Gary Cooper, Ann Harding, John Halliday, Ida Lupino
Voir la fiche du film et la filmographie de Henry Hathaway sur le site IMDB.
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(1) André Breton a décrit Peter Ibbetson comme étant un « film prodigieux » qui montre le « triomphe de l’amour fou et de la pensée surréaliste ».
Léo Malet a écrit certains de ses livres sous le pseudonyme de Frank Harding, en hommage au personnage joué par Ann Harding dans ce film.

2 juillet 2009

Bonne chance! (1935) de Sacha Guitry et Fernand Rivers

Bonne chance!Elle :
(pas vu)

Lui :
Bonne Chance est le premier film parlant de Sacha Guitry (il avait réalisé toutefois un film muet 20 ans auparavant). Une jeune femme, qui vient de se fiancer sans enthousiasme à un garçon gauche et emprunté, gagne à la loterie après qu’un artiste de son quartier, bien plus âgé qu’elle, lui ait souhaité bonne chance. Elle lui avait promis de partager les gains et ils partent tous deux en voyage avant son mariage. Le scénario a été écrit par Sacha Guitry spécialement pour le film, l’auteur ne croyant pas vraiment encore au cinéma mais désirant tenter l’expérience. C’est un film que l’on a longtemps cru perdu qui permet de profiter de ce couple fabuleux formé par Jacqueline Delubac, au sourire enjôleur, et Guitry. L’ensemble est léger avec beaucoup de bons mots dans les dialogues (la scène où ils passent commande dans un restaurant est un délice). S’il n’a pas la qualité de réalisation des longs métrages suivants du Guitry, Bonne Chance en a toute la fraîcheur et se révèle même assez brillant.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Sacha Guitry, Jacqueline Delubac, Pauline Carton, Paul Dullac
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Remake :
Lucky Partners (Double chance) de Lewis Milestone (1940) avec Ronald Coleman et Ginger Rodgers.

18 juin 2009

Vacances (1938) de George Cukor

Titre original : « Holiday »

VacancesElle :
(pas vu)

Lui :
Un trentenaire, plein de charme et de vie, rencontre une jeune femme en vacances. Quand il va la retrouver chez elle à son retour, il découvre qu’elle est la fille d’un banquier richissime et qu’elle a une jolie sœur, très libre d’esprit. Comment peut-il prendre place dans cette famille sachant qu’il nourrit le projet secret de s’éloigner de la carrière qui s’ouvre devant lui ? Il s’agit de l’adaptation d’une pièce de Philip Barry des années 20 (qui avait déjà été portée à l’écran en 1930). Cary Grant réussit parfaitement à donner vie à ce personnage multi facettes : alliant assurance et maladresse avec un charme déconcertant, il apporte une véritable bouffée d’air frais dans cette maison « aussi grande qu’un musée ». Katharine Hepburn saisit la balle au bond et les meilleures scènes sont celles où ils sont tous deux présents, les dialogues sont d’une grande authenticité et d’une belle richesse. Le fond du propos est de critiquer la lourdeur des conventions et le culte de l’argent, il souligne aussi la difficulté des grands choix de vie des trentenaires. En ce sens, le film est toujours aussi actuel 70 ans après sa sortie, si ce n’est que les conventions ont un peu changé de style… Assez curieusement, Vacances est parfois considéré comme un film assez mineur de Cukor. Bien entendu, nous sommes un cran en dessous de la pétulance de Philadelphia Story où le cinéaste portera le couple Hepburn/Grant à son sommet, mais Vacances reste une comédie à la fois légère et profonde, pleine de vie.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Katharine Hepburn, Cary Grant, Doris Nolan, Lew Ayres, Edward Everett Horton, Henry Kolker
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Version antérieure :
Holiday (1930) de Edward H. Griffith avec Ann Harding, Mary Astor et Robert Ames. Détail amusant : Edward Everett Horton interprète le même rôle (le professeur ami de Case) dans les deux versions.