8 juin 2010

Carrefour (1938) de Curtis Bernhardt

CarrefourLui :
Un industriel prospère (Charles Vanel), qui était revenu amnésique de la guerre de 14-18, se voit accuser vingt ans plus tard d’être en réalité un ancien petit truand et d’avoir pris l’identité d’un autre soldat. Un avertissement au début du film nous indique qu’il s’agit d’une histoire basée sur des cas réels similaires. Carrefour est un film dramatique, et aussi judiciaire puisque qu’une bonne partie se déroule pendant un procès. Bien mis en place, il nous fait accompagner cet homme dans ses doutes qui balayent peu à peu toutes les certitudes acquises au cours des ans. Il nous offre aussi de beaux moments d’émotion. Assez court mais bien fait, le film Carrefour aurait influencé l’écrivain Léo Malet et a eu plusieurs remakes, déclarés comme tels ou pas.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Charles Vanel, Jules Berry, Suzy Prim, Tania Fédor
Voir la fiche du film et la filmographie de Curtis Bernhardt sur le site IMDB.

Voir les autres films de Curtis Bernhardt chroniqués sur ce blog…

Remakes ou films très proches :
Dead Man’s Shoes de Thomas Bentley (1940) avec Leslie Banks
Crossroads de Jack Conway (1942) avec William Powell et Hedy Lamarr
Le Retour de Martin Guerre de Daniel Vigne (1982) avec Gérard Depardieu et Nathalie Baye
Sommersby de Jon Amiel (1993) très beau film avec Richard Gere et Jodie Foster

6 juin 2010

Une femme survint (1932) de John Ford

Titre original : « Flesh »

Une femme survîntLui :
Emprisonnée en Allemagne avec son amant, une jeune américaine est sans le sou à sa sortie de prison. Elle est recueillie par un catcheur, d’esprit simple mais au grand cœur, qui devient amoureux d’elle. Mais de son côté, elle n’a qu’un seul but : faire sortir son amant de prison. Tel est le point de départ de Une femme survint, premier film de John Ford à la MGM, qui évolue en triangle amoureux. Il est un peu difficile de détecter la patte du cinéaste dans ce film dont l’intérêt est principalement la belle prestation de Wallace Beery (qui venait d’avoir un Oscar pour The Champ, film de boxe de King Vidor), qui interprète ce genre de rôle (simple, honnête et le cœur sur la main) à merveille. Beaucoup de petites notes d’humour dans la première partie. Le film n’eut que peu de succès. Est-ce pour cette raison que Une femme survint est pratiquement le seul film sur le catch ?
Note : 2 étoiles

Acteurs: Wallace Beery, Karen Morley, Ricardo Cortez
Voir la fiche du film et la filmographie de John Ford sur le site IMDB.

Voir les autres films de John Ford chroniqués sur ce blog…

Homonyme (aucun lien avec ce film) :
Flesh (1968) de Paul Morissey, produit par Andy Warhol, avec Geraldine Smith et la jeune Patti d’Arbanville (qui n’était pas encore « Lady »…;))

10 mai 2010

Prix de beauté (1930) de Augusto Genina

Autre Titre : « Prix de beauté (Miss Europe) »

Prix de beautéLui :
Après avoir tourné Loulou et Journal d’une fille perdue en Allemagne avec Georg Wilhelm Pabst, Louise Brooks fait une escale en France avant de retourner à Hollywood. C’est Pabst qui aurait eu l’idée de départ de l’histoire et c’est René Clair qui la développe : une jeune dactylo gagne un concours de beauté. Elle est amoureuse d’un ouvrier d’imprimerie qui voit cela d’un très mauvais œil, d’autant plus qu’elle doit aller en Espagne concourir pour le titre de Miss Europe. Nous retrouvons ici certains des thèmes de Loulou : l’attrait de la célébrité et son aspect éphémère. Prix de beauté a été tourné au moment du passage au parlant, le film a d’ailleurs été commencé comme un muet. A ce titre, il revêt un intérêt historique dans la mesure où nous assistons aux balbutiements du parlant. Contrairement à d’autres films de la même période qui donnent l’impression que le parlant a été maitrisé très rapidement, Prix de Beauté est loin d’être parfait sur le plan sonore : bruitages cacophoniques, dialogues souvent insipides, paroles difficilement audibles et dites de façon emphatique, mauvaise balance avec la musique. Le pire est toutefois le doublage de Louise Brooks avec une voix à l’accent parisien très marqué, une voix bien peu gracieuse qui vient détruire toute l’image visuelle de Louise Brooks. C’est épouvantable ! Il est symptomatique que les plus belles scènes soient celles qui fonctionnent tout aussi bien en muet : la fête foraine où Louise Brooks nous fait ressentir son impression d’enfermement par ses yeux seuls et surtout toute la scène finale, absolument admirable qui domine magistralement tout le film par sa force. La façon de filmer est assez étonnante, très moderne, notamment dans les scènes de vie : le montage est très vif, enchaînant les très gros plans de façon presque excessive. Malgré ses défauts sonores et ses moments de faiblesse, Prix de Beauté est un film qui vaut la peine d’être vu, pour Louise Brooks bien entendu et pour sa fin, l’une des plus belles fins du cinéma.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Louise Brooks, Georges Charlia, Augusto Bandini
Voir la fiche du film et la filmographie de Augusto Genina sur le site IMDB.

10 avril 2010

L’école du crime (1938) de Lewis Seiler

Titre original : « Crime School »

L'école du crimeLui :
Le titre peut paraître désuet et faire sourire, il n’en est pas moins approprié. L’école du crime est en effet un film plutôt social où l’idée de base est de démontrer que les maisons de correction trop dures et rigides peuvent engendrer des criminels plutôt que de les réinsérer. Nous suivons donc une petite bande d’adolescents délinquants (interprétés par les Dead End Kids) qui est envoyée dans une maison de correction. Un nouveau directeur (Humphrey Bogart) est nommé pour mettre un frein aux pratiques brutales et carcérales employées jusque là. Il va tenter de gagner la confiance des enfants. Le film est donc pavé de bonnes intentions et la démonstration est quelque peu idyllique. L’école du crime serait probablement plus oublié qu’il ne l’est s’il n’avait Humphrey Bogart à l’affiche. L’acteur montre déjà un peu de présence mais la performance la plus remarquable est celle des Dead End Kids qui, pour leur deuxième long métrage, ont un rôle de tout premier plan. Leur interprétation est pleine d’authenticité. Cela ne suffit pas pour que le film soit remarquable, l’ensemble manque un peu de caractère. A noter que Lewis Seiler refera le même film un an plus tard, toujours avec les Dead End Kids mais aussi, cette fois, avec Ronald Reagan : Hell’s Kitchen
Note : 2 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Gale Page, Billy Halop, Bobby Jordan, Huntz Hall, Leo Gorcey, Bernard Punsly, Gabriel Dell
Voir la fiche du film et la filmographie de Lewis Seiler sur le site IMDB.

Voir les autres films de Lewis Seiler chroniqués sur ce blog…

Remarques :
1) La bande des six adolescents s’appelle Dead End Kids car ils se sont fait connaître dans une pièce intitulée Dead End, pièce qui eut un grand succès à Broadway. Elle fut ensuite adaptée au cinéma par William Wyler en 1937 avec Humphrey Bogart dans l’un des rôles principaux. Leur meilleur film est sans aucun doute Les anges aux figures sales qu’ils tournèrent quelques mois plus tard.
Dead End Kids = Billy Halop, Bobby Jordan, Huntz Hall, Leo Gorcey, Bernard Punsly, Gabriel Dell.
2) Le film est également très proche d’un autre film, toujours de la Warner :
The Mayor of Hell de Archie Mayo (1933) avec James Cagney.

6 avril 2010

Femme ou démon (1939) de George Marshall

Titre original : « Destry Rides Again »

Femme ou démonLui :
Le roman de Mac Brand, Destry rides again, fut adapté plusieurs fois au cinéma. Cette version est de loin la plus remarquable. Femme ou Démon tente de combiner western et comédie en un seul film. Il y parvient de façon imparfaite mais le résultat reste convaincant à la fois grâce à une solide base de scénario et grâce à un excellent jeu d’acteur. James Stewart est là dans le style de personnage où il excellera dans toute sa carrière, un homme dont la probité et la force morale triomphent dans les pires situations. Ici, il incarne un shérif pacifique qui doit rétablir l’ordre dans une petite ville tenue par des malfrats. Il trouve face à lui Marlène Dietrich, dans un type de personnage inhabituel pour elle, une chanteuse de saloon un peu vulgaire… mais au fond noble, toutefois. Tous les seconds rôles sont solidement tenus, la réalisation est parfaitement rythmée. Même si Marlene Dietrich ne paraît pas toujours à son avantage, les scènes les plus mémorables font toutes intervenir l’actrice : la partie de poker où elle gagne le pantalon de son adversaire, un incroyable crêpage de chignons franchement sauvage (qui reste l’une des bagarres les plus célèbres de toute l’histoire du cinéma) et la chanson « See what the boys in the back room will have », chanson écrite pour le film. S’il n’est pas parfait, Femme ou Démon reste assez remarquable. Son succès permit à Marlene Dietrich de voir sa carrière rebondir.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Marlene Dietrich, James Stewart, Mischa Auer, Charles Winninger, Brian Donlevy, Jack Carson, Irene Hervey, Una Merkel
Voir la fiche du film et la filmographie de George Marshall sur le site IMDB.
Voir les autres films de George Marshall chroniqués sur ce blog…

Remarques :
1) Après l’échec commercial d’Angel, la carrière de Marlene Dietrich était bien mal en point. Classée dans les « épouvantails du box-office » par la presse et les exploitants de salles, elle partit pendant une année en villégiature en Europe. Les Studios Paramount laissèrent mourir son contrat bien qu’elle leur devait encore un film. Quand un producteur d’Universal approcha Marlene Dietrich pour tourner un western, sa première réaction fut bien entendu de refuser. Son entourage (dont Sternberg) la convainquit d’accepter.
2) La scène de bagarre entre Marlene Dietrich et Una Merkel devait être tournée par des cascadeuses mais Marlene réclama de la jouer elle-même. Les studios refusent d’abord devant le risque de blessures mais, flairant un bon coup de publicité, ils finirent par accepter. Le jour du tournage, le plateau était effectivement envahi de journalistes. Une infirmerie spéciale avait été installée au dehors. Avant la bataille, Marlene Dietrich prévint Una Merkel de ne pas hésiter à la taper parce que, elle, n’allait pas se retenir… Elle se jetèrent dessus comme deux furies et toute la scène fut tournée en une seule prise. La fin de la scène fut saluée par un tonnerre d’applaudissements. La fille de Marlene raconte que la pauvre Una Merkel eut des bleus sur tout le corps… Cette bagarre eut un formidable retentissement dans la presse qui assura, en partie, le succès ultérieur du film.

Autres adaptations du roman de Max Brand :
Destry rides again (1932) de Benjamin Stoloff avec Tom Mix et Claudia Dell
Frenchie (La femme sans loi) de Louis King (1950) avec Joen McCrea et Shelley Winters
Destry (Le nettoyeur) à nouveau de George Marshall (1954), mais cette fois en couleurs, avec Audie Murphy et Mari Blanchard.

3 avril 2010

Red Ensign (1934) de Michael Powell

Red EnsignLui :
The Red Ensign est un autre de ces « quota-quickies » (1), ces petits films réalisés par le tout jeune Michael Powell. Pour tenter de retrouver le succès du film précédent, The Fire Raisers, les deux mêmes acteurs principaux sont conservés : Leslie Banks et l’américaine Carol Goodner. Le thème est tout autre mais toujours basé sur un article lu dans la presse : The Red Ensign relate les efforts personnels d’un audacieux constructeur de navires marchands pour maintenir à flot l’industrie navale écossaise. Le film a un petit côté documentaire car il montre le fonctionnement d’un chantier de cette époque. Il a aussi un côté social que ne renierait pas le cinéma anglais d’aujourd’hui. Leslie Banks met probablement un peu trop d’emphase et de rigidité dans son jeu, il marque trop le caractère fonceur et obstiné de son personnage. Le film est moins convaincant que son prédécesseur.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Leslie Banks, Carol Goodner, Frank Vosper, Alfred Drayton, Donald Calthrop
Voir la fiche du film et la filmographie de Michael Powell sur le site IMDB.

Voir les autres films de Michael Powell chroniqués sur ce blog…

Remarques :
« Red Ensign » (littéralement : pavillon rouge) est le nom du drapeau qui flotte à la poupe des navires anglais.

(1) « Quota » parce que les compagnies de cinéma en Angleterre devaient respecter un quota de 10% de films anglais (l’industrie cinématographique anglaise avait alors bien du mal à résister à la déferlante hollywoodienne après l’avènement du parlant) et « quickies » parce ces films devaient être réalisés très rapidement, le budget standard étant défini au mètre de pellicule (1 livre par pied, soit environ 6000 livres pour un film de 75 mn). Pour le jeune réalisateur Michael Powell qui n’avait pas encore trente ans, ces films lui permirent de se faire la main.

27 mars 2010

Le Cantique des Cantiques (1933) de Rouben Mamoulian

Titre original : « The Song of Songs »
Autre titre français (vidéo) : « Cantique d’amour »

Song of songsLui :
Déçus par le maigre succès du film précédent Blonde Venus, les Studios Paramount impose à Marlene Dietrich de tourner avec un autre réalisateur que son Von Sternberg préféré : pour Le Cantique des Cantiques ce sera donc Rouben Mamoulian. Personne n’est satisfait de cette association forcée, d’autant plus que le scénario est jugé par tous épouvantable. Il s’agit d’un roman, déjà adapté en pièce puis par deux fois à l’écran, dont l’histoire tient, il est vrai, plus du roman-photo que d’un grand roman d’amour : une jeune paysanne arrive à Berlin et y rencontre un jeune sculpteur dont elle tombe amoureuse. Cantique des cantiques A la vision du film, on perçoit sans peine que le courant n’est pas passé entre le réalisateur et Marlene dont le jeu est assez inconsistant, avec des sautes d’expression d’un plan à l’autre comme si elle semblait prendre des poses. Rouben Mamoulian parvient tout de même à créer de très belles scènes, notamment dans l’atelier du sculpteur avec la statue pour troisième personnage. Il parvient également à magnifier Marlene dans une ou deux scènes, même s’il est délicat de savoir si le crédit doit en être donné à la star ou au réalisateur qui n’a pas pu montrer ici tout son talent. Le Cantique des Cantiques n’eut que peu de succès, il est même devenu assez peu courant aujourd’hui.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Marlene Dietrich, Brian Aherne, Lionel Atwill, Alison Skipworth, Hardie Albright
Voir la fiche du film et la filmographie de Rouben Mamoulian sur le site IMDB.

Voir les autres films de Rouben Mamoulian chroniqués sur ce blog…

Remarques :
A) Malgré les affirmations des services de publicité de Paramount, Marlene Dietrich n’a pas posé nue comme modèle pour la création de la statue utilisée dans le film. Elle a catégoriquement refusé pour plusieurs raisons dont une fort simple qui est dévoilée par sa fille dans son livre (mais qu’en homme bien élevé, je n’aurai pas la muflerie de répéter…)
B) Si le courant n’est pas vraiment passé entre Rouben Mamoulian et Marlene Dietrich (sans qu’il y ait eu d’hostilité franche, Mamoulian sachant arrondir les angles), il en fut tout autrement entre Marlene et Brian Aherne qui eurent une liaison le temps du tournage, ce qui a du apporter un peu de chaleur au film qui en manque singulièrement.
C) Après cet intermède, Marlène sera « redonné » à von Sternberg qui fera L’impératrice Rouge (The Scarlet Empress) tandis que Rouben Mamoulian fera tourner Greta Garbo (la bête noire et grande rivale de Marlene Dietrich) dans La Reine Christine (Queen Christina). Ils signeront là deux des plus grands films hollywoodiens de toute la décennie.

Précédentes versions :
The Song of Songs de Joseph Kaufman (1918) avec Elsie Ferguson
Lili of the Dust de Dimitri Buchowetzki (1924) avec Pola Negri

22 mars 2010

The Fire Raisers (1934) de Michael Powell

The Fire RaisersLui :
The Fire Raisers fait partie de ces petits films, des « quota-quickies » (1), que l’anglais Michael Powell réalisa au tout début de sa carrière. Cette fois, il bénéficiait d’un casting de choix avec d’excellents acteurs comme Leslie Banks (l’inquiétant comte des Chasses du Comte Zaroff), Francis L. Sullivan à la voix caressante (2) et même une actrice américaine Carol Goodner. L’histoire met en scène un agent d’assurance qui devient incendiaire dans le but de monter des escroqueries à l’assurance. Si The Fire Raisers n’est pas un grand film, il est néanmoins bien fait, avec un bon rythme et une bonne présence des personnages à l’écran. Il se laisse regarder sans déplaisir.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Leslie Banks, Anne Grey, Carol Goodner, Frank Cellier, Francis L. Sullivan, Lawrence Anderson
Voir la fiche du film et la filmographie de Michael Powell sur le site IMDB.
Voir les autres films de Michael Powell chroniqués sur ce blog…

(1) « Quota » parce que les compagnies de cinéma en Angleterre devaient respecter un quota de 10% de films anglais (l’industrie cinématographique anglaise avait alors bien du mal à résister à la déferlante hollywoodienne après l’avènement du parlant) et « quickie » parce ces films devaient être réalisés très rapidement, le budget standard d’un « quota-quickie » étant défini au mètre de pellicule (1 livre par pied, soit environ 6000 livres pour un film de 75 mn).
Pour le jeune réalisateur Michael Powell qui n’avait pas encore trente ans, ces « quota-quickies » lui permirent de se faire la main. Alfred Hitchcock (dans une moindre mesure) a lui aussi réalisé quelques « quota-quickies ».
(2) Francis L. Sullivan est un merveilleux acteur anglais qui a l’apparence physique de Sydney Greenstreet et une voix délicate et profonde, un peu dans le style James Mason. Quand il joue un personnage retors comme ici, le résultat est enchanteur.

11 mars 2010

La fiancée de Frankenstein (1935) de James Whale

Titre original : « The bride of Frankenstein »

La fiancée de FrankensteinLui :
Après le succès de Frankenstein quatre plus tôt, Universal décide de lui donner une suite ; c’est le début d’une longue série basée sur le personnage mythique créé par la romancière anglaise Mary Shelley un siècle plus tôt. La fiancée de Frankenstein est certainement le meilleur du lot, celui qui donne le plus de profondeur au personnage du Monstre (1). Il est ici doté de sentiments humains, allant ainsi bien au-delà du monstre sanguinaire, avec notamment l’une des plus belles et célèbres scènes du cinéma, la rencontre du monstre avec l’aveugle : ne pouvant le voir sous sa repoussante apparence, l’aveugle l’accueille comme un ami et lui fait découvrir quelques plaisirs simples de la vie. Le film est aussi remarquable par la qualité des maquillages et quelques trucages joliment utilisés. Bien que couramment classé dans les films d’horreur, La fiancée de Frankenstein n’est en réalité guère effrayant, Universal tenant à ce que le divertissement reste pour tous publics. Le film est court, 75 minutes (2), ce qui lui donne une intensité certaine. La plupart des scènes sont assez fortes, la création finale de la fiancée étant assez impressionnante. La fiancée en question n’est visible que cinq minutes, elle n’émet que quelques sons, mais son personnage et son apparence physique si particulière sont restés ancrés durablement dans les esprits (3).
Note : 4 étoiles

Acteurs: Boris Karloff, Colin Clive, Valerie Hobson, Ernest Thesiger, Elsa Lanchester
Voir la fiche du film et la filmographie de James Whale sur le site IMDB.

Voir les autres films de James Whale chroniqués sur ce blog…

La fiancée de Frankenstein(1) Le Monstre n’a en fait pas de nom. Frankenstein est le nom de son créateur, le docteur Frankenstein. Les titres de film, à commencer par celui-ci, ont créé la confusion et le langage populaire a retenu le nom de Frankenstein comme étant celui du Monstre…
(2) Le film était au départ prévu pour durer 120 minutes mais il a subi des coupes importantes. A noter que les titres initialement prévus étaient Frankenstein lives again! puis The return of Frankenstein.
(3) Boris Karloff, quant à lui, sera par la suite totalement prisonnier de son personnage : il ne tournera plus que des films d’horreur, genre qu’il n’aimait guère, lui qui rêvait d’être un grand acteur shakespearien.

Les trois premiers (et les trois meilleurs) Frankenstein :
Frankenstein (1931) de James Whale
La fiancée de Frankenstein (1935) de James Whale
Le fils de Frankenstein (1939) de Rowland V. Lee avec Basil Rathbone, Boris Karloff et Bela Lugosi.
A noter que c’est ce troisième film qui est parodié par Mel Brooks dans Frankenstein Junior.
Après 1940, on ne compte pas moins d’une vingtaine de films comportant le mot Frankenstein dans leur titre…

9 février 2010

Blonde Vénus (1932) de Josef von Sternberg

Titre original : « Blonde Venus »

Blonde VénusLui :
Une ex-chanteuse de cabaret accepte de reprendre son ancien métier pour pouvoir payer une cure qui peut sauver son mari gravement atteint par des rayons X. Entretenue par un jeune et riche protecteur, elle doit fuir pour pouvoir rester avec son enfant lorsque revient le mari. L’histoire est à la base assez faible, peu crédible même. Sternberg voyait là surtout un moyen de montrer Marlene Dietrich, dont il était amoureux, sous plusieurs visages et aussi de lui donner une vraie dimension d’acrice dramatique : elle est ainsi tour à tour naïade nue, épouse parfaite, mère dévouée d’un jeune garçon, femme fatale, prostituée, meneuse de revue, riche élégante, fauchée au bout du rouleau, etc… C’est certainement un peu beaucoup pour un seul film et l’ensemble paraît inévitablement plutôt décousu. Blonde Venus est marqué par deux grands numéros musicaux de Marlene : Hot Voodoo où, déguisée en gorille, elle retire sa combinaison (contraste étonnant quand apparaissent ses mains) et enfile une perruque à la Harpo Marx… et I could not be annoyed où Sternberg joue à nouveau sur l’ambiguïté des sexes, dans un registre beaucoup plus élégant que pour l’Ange Bleu puisque Marlene Dietrich a un superbe smoking blanc avec haut de forme de la même couleur. Cela ne suffît pas : Blonde Venus n’eut aucun succès. On peut supposer que la vision de Marlene Dietrich en ménagère dérouta le public… A noter la présence d’un jeune acteur dans son premier grand rôle, Cary Grant.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Marlene Dietrich, Herbert Marshall, Cary Grant, Dickie Moore
Voir la fiche du film et la filmographie de Josef von Sternberg sur le site IMDB.

Voir les autres films de Josef von Sternberg chroniqués sur ce blog…

Blonde Vénus Remarques:
1) En plus de jouer son rôle, Cary Grant vendait des chemises sur le plateau pour arrondir ses fins de mois. « Il est si charmant que tout le monde lui en achète » précise Marlene Dietrich. Cary Grant avait été découvert par Mae West qui était, elle aussi, sous contrat à la Paramount.

2) La fille de Marlene Dietrich raconte que c’est elle-même qui avait suggéré à sa mère de faire briller les revers du smoking pour qu’ils ressortent sur le blanc. Elle avait alors à peine 8 ans. « Le début d’une longue collaboration » ajoute-t-elle (Marlene Dietrich concevait elle-même beaucoup de ses robes).

3) La scène d’ouverture où l’on voit six jeunes baigneuses (dont Marlene Dietrich) entièrement nues, imparfaitement masquées par les branches d’un saule pleureur, est étonnante. Elle a beau rester assez chaste, elle n’aurait probablement pas passé la censure du Code Hays ne serait-ce que deux ans plus tard. C’est en tout cas une scène extrêmement poétique pour du Sternberg.

4) Fait suffisamment rare pour être noté, l’excellent et séduisant acteur anglais Herbert Marshall était unijambiste, ce qui n’est le plus souvent guère visible à l’écran, tout au plus remarque-t-on qu’il boîte.