10 septembre 2010

L’honneur (1926) de Amo Bek-Nazaryan

Titre original : « Namous »

Namus Lui :
Dès sa création, le cinéma soviétique ne se limite pas au cinéma russe, il comprend aussi une bonne dizaine de courants nationaux. Amo Bek-Nazarov (ou Bek-Nazaryan) est considéré comme le fondateur du cinéma arménien. Un des cartons du générique de l’époque l’annonce fièrement : « Ceci est le premier film réalisé par les Maîtres du cinéma d’Arménie Soviétique ». L’honneur est l’adaptation d’un roman d’Alexandre Shirvanzade : Namus au XIXe siècle, Susanna est promise à Sejran, son ami d’enfance. Les deux jeunes gens ne doivent pas se voir avant le mariage mais ils bravent l’interdiction. Ils violent ainsi le namous (code d’honneur). Se considérant comme déshonoré, le père donne Susanna en mariage à un riche négociant. L’Honneur est donc un film sur le poids des traditions : Bek-Nazarov en présente le mauvais côté, ce carcan étouffant et même mortel, mais aussi le bon côté, par exemple quand il s’agit des traditions culinaires ou des réjouissances lors du mariage. Il faut bien reconnaître que le film n’est pas au niveau des meilleurs films de l’époque, le cadrage est très statique, les acteurs ont un jeu un peu appuyé mais, néanmoins, L’Honneur reste intéressant sur le plan historique, à la fois dans le domaine du cinéma comme témoin de la pluralité du cinéma soviétique renaissant et aussi dans le domaine de l’Histoire en tant que témoin des traditions de l’Arménie des XVIIIe et XIXe siècles.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Hovhannes Abelyan, Hrachia Nersisyan, Samvel Mkrtchyan
Voir la fiche du film et la filmographie de Amo Bek-Nazaryan sur le site IMDB.

5 septembre 2010

Arsenal (1929) de Alexandre Dovjenko

Titre original : Арсенал

Arsenal Lui :
(Film muet) Arsenal, du réalisateur ukrainien Alexandre Dovjenko est un film vraiment étonnant et assez fascinant. Destiné à glorifier le soulèvement des ouvriers de Kiev en 1918, il s’inscrit dans un ensemble de trois films sur l’Ukraine. Arsenal débute par les horreurs de la guerre de 1914 et se poursuit avec le retour des ouvriers-soldats et le soulèvement de ces derniers. Bien que Dovjenko ait débuté depuis peu de temps dans la réalisation, il a déjà un style bien à lui, très marqué et très original : un lyrisme très puissant, une approche franchement artistique des images, un déroulement du récit très particulier, souvent assez difficile à suivre. Il fait aussi une utilisation originale des sous-titres qui jouent souvent un rôle proche de celui des images, c’est-à-dire celui d’un moteur de lyrisme voire de poésie. Tout comme Eisentein, Dovjenko utilise beaucoup le montage mais il le fait sur un rythme moins rapide. Il adopte parfois des angles de vue extrêmement audacieux. Ses gros plans de visages sont puissants, étonnants, des trognes parfois à la limite du grotesque (il faut savoir que Dovjenko a été un temps caricaturiste politique). Il utilise aussi souvent l’immobilisme, soit pour exprimer l’attente, la grève, la peur, le désespoir, soit pour accentuer la dramatisation d’une action ou d’une situation. Arsenal Certaines des scènes d’Arsenal ont une force d’évocation peu commune : le vieillard et son cheval famélique, le soldat édenté victime du gaz hilarant, le voyage en train, le silence de la grève, l’invincibilité de Timosh dans la mort. Par son lyrisme puissant, Arsenal est un film qui marque les esprits (ce qui était son rôle puisqu’il s’agit, rappelons-le, d’un film de propagande). Il pourra sembler être peu facile d’accès ; il s’apprécie beaucoup plus à la seconde vision, lorsque l’on s’attache moins à comprendre le déroulement des évènements.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Semyon Svashenko, Amvrosi Buchma
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Contexte historique :
Au lendemain de la Révolution d’Octobre 1917, l’Ukraine proclame son indépendance et un gouvernement est mis en place à Kiev par la bourgeoisie ukrainienne. La Garde Rouge bolchévique attaque l’Ukraine. Les ouvriers ukrainiens, revenus du front début 1918, tentent de faire adopter le système bolchévique par le parlement ukrainien. En vain. Les ouvriers de l’arsenal de Kiev se mettent alors en grève. Les cosaques ukrainiens attaquent l’usine et les ouvriers résistent armes à la main. Ils seront tous massacrés ou exécutés.

La scène de la procession est assez difficile à saisir… Le portrait porté religieusement par la foule est, semble t-il, celui de Tarass Chevtchenko, poète ukrainien (1814-1861) qui est une figure emblématique de l’identité ukrainienne. Symbole fort, il est encore aujourd’hui considéré comme le poète national de l’Ukraine.

La Trilogie Ukrainienne d’Alexandre Dovjenko :
Zvenigora (1928)
Arsenal (1929)
La Terre (1930)

4 septembre 2010

Le petit fruit de l’amour (1926) de Alexandre Dovjenko

Titre original : « Yagodka lyubvi »

Yagodka lyubviLui :
(Muet, 25 mn) Ce court métrage burlesque est le tout premier film tourné par le réalisateur ukrainien Alexandre Dovjenko. Il avait été précédemment caricaturiste politique, ce qui peut expliquer le ton léger de cette comédie. Alors que sa fiancée vient littéralement de lui mettre un bébé dans les bras, un jeune homme fait tout pour s’en débarrasser, bien décidé à ne pas reconnaître l’enfant. L’aspect politiquement incorrect était certainement beaucoup moins marqué à l’époque mais, aujourd’hui, il pimente joliment le film. L’ensemble est vraiment très drôle, souvent hilarant, inventif, rythmé par de nombreux rebondissements, tout à fait dans la lignée des meilleurs films burlesques américains des années dix et vingt. On notera l’utilisation de l’accéléré et même du ralenti. En prime, une belle pirouette de fin. Surprenant, Le petit fruit de l’amour est une petite perle, assez rare, du burlesque soviétique.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Maryan Krushchelnitsky, Margarita Barskaya
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29 août 2010

La dame de pique (1916) de Yakov Protazanov

Titre original : « Pikovaya dama »

Pikovaya damaLui :
Bien qu’il ait hélas laissé peu de traces, le cinéma russe a bien existé avant le cinéma soviétique (1). Yakov Protazanov, spécialiste des adaptations de chefs-d’œuvre littéraires russes, est l’un des réalisateurs les plus importants de la période tzariste. Ici, c’est l’adaptation d’une nouvelle de Pouchkine La Dame de Pique : un jeune officier tente par tous les moyens d’obtenir d’une vieille comtesse un secret qui lui permettrait de gagner à coup sûr au jeu. Cet officier, c’est Ivan Mosjoukine, acteur russe très célèbre (2), qui joue ici beaucoup avec son regard (largement surligné de noir). Si son jeu reste encore un peu trop chargé d’emphase par moments, il manifeste une très forte présence à l’écran. Il est indéniablement le pivot central de cette production assez ambitieuse qui a utilisé une cinquantaine de figurants pour certaines scènes. On notera également quelques effets spéciaux d’incrustation à la toute fin par double-exposition de la pellicule. Rare rescapé du cinéma russe, La Dame de Pique est intéressant ne serait-ce que pour son aspect historique.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Ivan Mosjoukine, Vera Orlova, Elizaveta Cheboueva, Tatiana Douvan
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(1) Le premier film russe connu est de 1908. On peut dater les débuts du cinéma soviétique au 27 août 1919, date à laquelle Lénine a signé le décret de nationalisation du cinéma. Les débuts du cinéma soviétique furent difficiles par manque de moyens. L’un des premiers grands films du nouveau régime sera Aelita (1924) du même Protazanov… revenu en Union Soviétique après avoir d’abord émigré en France juste après la Révolution.
(2) Après avoir tourné près de 50 films en Russie jusqu’en 1918, Ivan Mosjoukine émigrera en France où il continuera à tourner. Il a réalisé un remarquable film avant-gardiste : Le Brasier Ardent (1923).

Autres adaptations de la nouvelle de Pouchkine :
La Dame de Pique de Fyodor Otsep (1937) avec Marguerite Moreno
La Reine des Cartes (Queen of Spades) de Thorold Dickinson (1949) avec Edith Evans et Anton Walbrook
Pikovaya Dama de Roman Tikhomirov (1960) avec Oleg Strizhenov
La Dame de Pique de Léonard Keigel (1965) avec Dita Parlo
+ de nombreuses adaptations pour la télévision.

6 août 2010

Le cuirassé Potemkine (1925) de Sergueï Eisenstein

Titre original : « Bronenosetz Potyomkin »

Le cuirassé PotemkineLui :
Le Cuirassé Potemkine est souvent cité pour être le plus grand film de tous les temps. La seule scène de l’escalier d’Odessa est certainement la plus célèbre de toute l’histoire du cinéma. Le film fut conçu comme un film de propagande, une commande du gouvernement soviétique pour commémorer le vingtième anniversaire de la Révolution de 1905. A la suite d’un simple incident de viande avariée, l’équipage du Potemkine se mutine. Il est soutenu par la population d’Odessa. Ce soulèvement, qui sera réprimé de façon sanglante, annonce la Révolution de 1917.

Le cuirassé Potemkine Pour le jeune Eisenstein (il n’a alors que 26 ans et n’a réalisé qu’un seul film), la gageure est de trouver une façon de montrer la foule,  d’exprimer le caractère collectif de la colère. Il le fait, non pas en reculant la caméra comme le faisait par exemple Griffith, mais au contraire en se rapprochant pour mieux filmer les visages. Et aux plans de foule, il mêle des très gros plans de plusieurs personnages qu’il enchaîne en série rapide. Il n’y a pas de héros de premier plan, très peu de personnages sont individualisés. Eisenstein a aussi le génie pour créer des images fortes : dans la célébrissime scène de l’escalier, il n’y a pratiquement que des images fortes, souvent sur des détails ou des gros plans. Le cuirassé Potemkine Quelle force et quel impact! Et tout cela, uniquement avec des images car le scénario, de son côté, reste très simple, découpé à la serpe en cinq tableaux qui s’enchaînent implacablement. On comprend aisément que ce film ait tant fasciné toutes les générations de réalisateurs qui ont suivi. Il faut aussi noter la tension, toujours très forte ; seule la troisième partie offre une petite respiration.

Le Cuirassé Potemkine apporta instantanément une grande notoriété à Eisenstein. Le film eut aussi beaucoup de succès en dehors de l’URSS, notamment en Allemagne et même aux Etats-Unis. En France, l’interdiction dont il fut frappé ne fut levée qu’en… 1952 et il fallut attendre 1984 pour que le film soit diffusé sur une chaîne de télévision.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Aleksandr Antonov, Vladimir Barsky, Grigori Aleksandrov
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Remarques :
L'escalier d'Odessa en 19001) Ce serait le chef opérateur d’Eisenstein, Edouard Tissé, qui aurait eu l’idée de placer la caméra sur un chariot mobile le long de l’escalier monumental d’Odessa, créant ainsi l’ancêtre de la dolly (caméra sur roue).
2) La première projection eut lieu au Bolchoï devant tout un parterre de personnalités politiques. Les délais furent si courts qu’Eisenstein n’avait toujours pas fini de monter la fin que la projection avait déjà commencé. L’entracte avant la dernière bobine dura donc un peu plus longtemps que prévu… Il l’apporta en courant dans la nuit glaciale.
3) L’historien du cinéma Jacques Lourcelles souligne que l’interdiction dont Le Cuirassé Potemkine fut frappé si longuement (en France et dans quelques autres pays européens) a certainement encore augmenté son aura auprès des cinéphiles et professionnels du cinéma.

6 août 2009

Alexandra (2007) de Aleksandr Sokurov

Titre original : « Aleksandra »

AlexandraElle :
Un film sombre et émouvant dans lequel Alexandre Sokurov porte un regard mélancolique et fataliste sur la réalité de la guerre en Tchétchénie. Alexandra monte au front pour voir son petit fils officier qu’elle n’a pas vu depuis sept ans. Dans ce scénario original aux allures de documentaire, on suit simplement les déambulations de la vieille dame auprès de jeunes soldats lassés par une guerre si longue ou auprès des habitants tchétchènes meurtris par un passé douloureux. On écoute les conversations du quotidien sur la solitude, la vieillesse et la difficulté de survivre dans un monde en chaos. Les jeunes comme les vieux sont en sursis. Les tchétchènes et les russes sympathisent entre eux face à l’absurdité d’un conflit auquel ils ne peuvent plus rien.
Note : 4 étoiles

Lui :
A l’âge de 80 ans et se déplaçant difficilement, Alexandra vient en Tchétchénie rendre visite à son petit fils, militaire de carrière. Elle séjourne ainsi quelques jours dans un campement. Le film d’Alexandre Sokurov est franchement hors du commun : ce n’est absolument pas un documentaire, bien qu’il en ait quelques aspects, c’est en fait une vision sur la guerre qui est autant inhabituelle qu’efficace. Point de fait d’armes, ni de confrontation directe, Sokurov nous montre la vie d’un campement russe vu par les yeux d’une femme de 80 ans. Sa présence nous paraît tout d’abord très incongrue (une femme de cet âge est aussi bien physiquement que moralement aux antipodes d’un militaire, de plus elle se montre passablement réfractaire aux règles de la vie militaire) mais, peu à peu, cette incongruité se transmet à la guerre en elle-même qui, bien que nous ne la voyions pas directement, nous paraît au final absurde et sans justification. Cette prise de position est assez courageuse de la part du cinéaste russe qui refuse ici nettement le nationalisme. La photographie est assez belle, assez monochrome pour accentuer l’effet d’enfermement et de monotonie. Certains clairs-obscurs paraissent même comme dessinés. Alexandra est un film étrange mais particulièrement efficace dans sa dénonciation de la guerre.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Galina Vishnevskaya, Vasily Shevtsov, Raisa Gichaeva
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23 mai 2009

Le Soleil (2005) de Aleksandr Sokurov

Titre original : « Solntse »

Le SoleilElle :
Un film original de par son sujet. Sokurov ne cherche pas à analyser les ambiguïtés et le rôle historique de l’Empereur Hirohito lors de la deuxième guerre mondiale. Il s’intéresse davantage à l’homme qu’il est, en tant qu’homme de pouvoir vénéré comme un dieu soleil au moment où le Japon connaît la défaite. Hirohito est prisonnier de codes rigides tout comme les chambellans qui l’accompagnent. Multitude de courbettes mécaniques et de politesses à l’image d’un Japon sclérosé dans ses traditions. L’homme est presque touchant tant il vit dans une bulle comme un enfant, à l’écart de la tragédie qui se joue. C’est la reddition aux américains qui va lui faire perdre son aura et le transformer en être humain. Peu de dialogues ; c’est une lente métamorphose qui se concentre sur les scènes du quotidien, les gestes et les tics de l’empereur. Une belle mise en scène sépulcrale accompagne cette renaissance.
Note : 3 étoiles

Lui :
Le Soleil évoque le destin de l’Empereur du Japon Hirohito au moment il doit accepter la capitulation face aux américains en août 1945. Le film d’Alexandre Sokurov n’a cependant rien d’un film historique classique ; en fait, le cinéaste russe a choisi de nous immerger dans l’univers étroit et fermé de l’Empereur pour mieux comprendre quelle a pu être son influence sur le déroulement de la seconde guerre mondiale (sa responsabilité réelle est toujours controversée). Nous suivons donc l’Empereur sur quelques jours, assistons aux cérémonials codifiés de sa vie quotidienne. L’Empereur a un statut de demi-dieu dans la civilisation japonaise, il vit dans palais/bunker, totalement coupé du monde extérieur, surprotégé. Petit à petit, nous pénétrons dans son univers et avons l’impression de faire corps avec lui. Sa rencontre avec le Général MacArthur est délicate tant ils semblent vivre dans deux mondes différents. L’acteur Issei Ogata a fait un travail remarquable pour personnifier « celui qui ne doit pas être personnifié ». Face à lui, le général MacArthur (interprété par un acteur assez jeune alors que MacArthur avait 65 ans à l’époque) n’a aucune prestance ni aucune présence, certainement un choix volontaire du réalisateur pour accroître l’abîme qui les sépare. Le Soleil se déroule vraiment très lentement, surtout dans sa première partie, mais au final se révèle être assez fort.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Issei Ogata, Robert Dawson, Shirô Sano, Shinmei Tsuji 
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29 juillet 2008

Alexandre Nevski (1938) de Sergei Eisenstein et Dmitri Vasilyev

Titre original : « Aleksandr Nevskiy »

Alexandre NevskiLui :
Alexandre Nevski est une commande de Staline qui désirait un grand film patriotique alors que la menace hitlérienne se précisait en cette fin des années 30. C’est donc l’histoire du Prince Alexandre Nevski qui repoussa une invasion de chevaliers teutoniques au XIIIe siècle qui sert de support pour exalter les sentiments nationalistes et de sauvegarde de la terre de Russie. Pour Eisenstein, c’est aussi l’occasion de se racheter aux yeux du pouvoir après plusieurs années passées à l’étranger. Le réalisateur détourne donc largement l’histoire pour mieux servir le but recherché. Alexandre Nevski De tout le film, c’est la scène de la bataille sur le lac qui reste la plus marquante, 30 minutes d’une beauté formelle où Eisenstein joue remarquablement avec les mouvements de foule, ponctuant de plans rapprochés de morceaux de bravoure. Dans le reste du film, ce sont les scènes de foule et gros plans sur les visages, avec ou sans armure, qui sont les plus remarquables. Les scènes de la belle et de ses deux prétendants semblent en revanche un peu maladroites, Eisenstein étant globalement moins à l’aise avec le parlant, surtout quand il s’agit de dialogues vivants et un peu futiles. La musique d’Alexandre Nevski a été composée pour le film par Prokofiev, le compositeur ayant travaillé de façon très étroite avec Eisenstein. Cette musique souffre, hélas, d’un certain pleurage par moments du fait d’imperfections dans les copies qui ont survécu.
Note : 4 eacute;toiles

Acteurs: Nikolai Cherkasov, Nikolai Okhlopkov, Andrei Abrikosov
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Remarque :
* Si historiquement parlant, la bataille d’Alexandre Nevski contre les Chevaliers Teutoniques a bien eu lieu, le lieu exact de la bataille n’a jamais pu être déterminé par les historiens.
* Eisenstein se serait inspiré du (très beau) film de D.W. Griffith Way Down East (1920) pour l’utilisation d’un lac gelé.

18 juin 2008

L’italien (2005) de Andrei Kravchuk

Titre original : « Italianetz »

L’ItalienElle :
Une découverte cinématographique bouleversante qui nous plonge avec vérité et sobriété au coeur de la misère russe avec ses enfants des rues abandonnés à leur sort et livrés aux appétits financiers des vendeurs d’enfants. Inspiré d’un fait divers, cette histoire met à jour les dérives de la société russe, sa pauvreté, sa corruption, ses abandons, sa décadence. Le jeune orphelin Vania, sur le point d’être adopté par une famille italienne, ne pense qu’a retrouver sa mère avec une ténacité et une intelligence incroyables. Le cinéaste fait monter progressivement l’intensité de ce destin émouvant avec un scénario bien construit, des acteurs convaincants et touchants, une ambiance sonore un peu dissonante et déstructurée. La mise en scène tout en effets de brume, de gris pastel et de neige délavée est superbe. La délicatesse de ces jeunes enfants perdus s’oppose à la violence de bandes de malfrats tout aussi abandonnés dans la vie. La caméra se pose avec une grande tendresse sur ces visages innocents et mélancoliques qui attendent résignés peu de choses de la vie.
Note : 5 étoiles

Lui :
Andrei Kravchuk parvient à trouver le bon équilibre et le ton juste pour raconter cette histoire d’un petit garçon russe abandonné qui veut retrouver sa vraie mère. En toile de fond, il montre le commerce qui se développe autour des adoptions en l’occurrence par un jeune couple italien (d’où le titre). Présenté ainsi, le film peut faire craindre un excès de misérabilisme mais il n’en est rien car le réalisateur a parfaitement su éviter les écueils de ce genre d’histoire : sa narration apparaît très authentique sans jamais verser dans le pathos. L’image est particulièrement belle et dépouillée de tout artifice tout comme la musique. Le jeune acteur principal est franchement étonnant par la puissance et le naturel qu’il dégage. L’italien est le second long métrage de ce réalisateur russe. Une belle réussite.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Kolya Spiridonov, Mariya Kuznetsova, Nikolai Reutov, Yuri Itskov
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18 avril 2007

Night watch (2004) de Timur Bekmambetov

Titre original : Nochnoy dozor

Night watchElle :
(pas vu)

Lui :
J’ai trouvé ce film fantastique russe assez intéressant à regarder même si je ne peux pas dire que j’y ai pris un énorme plaisir car ce n’est pas exactement mon genre préféré… L’histoire est noueuse et alambiquée à souhait ; elle présente suffisamment de développements et de rebondissements pour devenir intéressante alors que la trame globale est ultra simple (lutte du Bien et du Mal). Mais c’est la forme qui est très originale : les scènes, assez souvent confuses, s’enchaînent assez rapidement et créent une sorte de fatras solidement organisé. Ce qui est remarquable, c’est l’énergie et l’inventivité qui se dégage de l’ensemble, une énergie plutôt rare dans le cinéma occidental. La réalisation est étonnante, bien maîtrisée, avec beaucoup d’effets visuels mais jamais de lourdeur ou d’insistance. Premier d’une trilogie, le film a rencontré un énorme succès en Russie, ce qui n’est guère étonnant car il montre qu’il peut se battre contre les productions hollywoodiennes du même genre.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Konstantin Khabensky, Mariya Poroshina
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