27 février 2010

Orphée (1950) de Jean Cocteau

OrphéeLui :
Jean Cocteau transpose le mythe d’Orphée à l’époque actuelle, transposition qu’il faut plutôt voir comme une interprétation très personnelle de cette légende grecque. Dans un quartier genre Saint-Germain des Prés, Orphée est ainsi un poète à succès méprisé par la jeunesse. Il va faire connaissance avec La Mort, sous les traits d’une jeune femme qui va le fasciner et dont il va tomber amoureux. Il est indéniable que Jean Cocteau s’identifie à Orphée (ce sera encore plus net dans le film Le Testament d’Orphée, dix ans plus tard).
OrphéeCinématographiquement, Orphée se distingue par son inventivité et certaines libertés que Cocteau prend dix ans avant la Nouvelle Vague. Il utilise avec parcimonie certains trucages pour créer des effets surréalistes assez réussis. Le texte est beau et les acteurs l’interprètent avec la bonne mesure, sans mettre trop d’emphase. Maria Casarès incarne une Mort troublante et fascinante que les effets d’éclairages rendent plus envoûtante encore. Le film reste très facile d’accès, il suffit de se laisser gagner par lui. Malgré son positionnement marqué dans le temps, il apparaît aujourd’hui assez intemporel.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Jean Marais, François Périer, María Casares, Marie Déa, Juliette Gréco, Edouard Dermithe
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Cocteau sur le site IMDB.
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Remarques :
Orphée1) Jean Cocteau avait déjà adapté Orphée en pièce de théâtre en 1925, adaptation un peu plus proche de la légende grecque mais déjà très personnelle.
2) Les scènes situées dans le Royaume des Morts ont été tournées dans les ruines de Saint-Cyr (bombardé pendant la guerre).
3) Les dessins du générique sont de Cocteau lui-même, tout comme la voix off.
4) En plus de Juliette Gréco (qui joue Aglaonice, l’amie d’Eurydice), on peut remarquer la présence dans des petits rôles non crédités au générique de Jean-Pierre Melville (le directeur de l’hôtel), de Jean-Pierre Mocky (l’un des jeunes fauteurs de trouble), de Jacques Doniol-Valcroze, futur réalisateur et fondateur des Cahiers du Cinéma (l’un des jeunes au café).
5) Voici comment Cocteau parle de son film : « Orphée est un film qui ne peut exister que sur l’écran. J’ai essayé d’y employer le cinématographe non comme un stylographe mais comme de l’encre. J’y mène plusieurs mythes de front et je les entrecroise. Drame du visible et d’invisible. La Mort d’Orphée se trouve dans la situation d’une espionne. Elle se condamne elle-même au bénéfice de l’homme qu’elle doit perdre. L’homme est sauvé, La Mort meurt, c’est le mythe de l’immortalité. »

Autres adaptations du mythe d’Orphée au cinéma :
Orfeu negro (Orphée noir) film franco-brésilien de Marcel Camus (1959)
Parking de Jacques Demy (1985) avec Francis Huster

25 février 2010

Soit je meurs, soit je vais mieux (2008) de Laurence Ferreira Barbosa

Soit je meurs, soit je vais mieuxElle :
Note : 1 étoile

Lui :
Un adolescent et sa mère doivent déménager après le départ du père. Le jeune garçon a du mal à trouver ses repères dans sa nouvelle école. Il est attiré par deux sœurs jumelles au comportement assez mystérieux. Il est un peu difficile de cerner les intentions de Laurence Ferreira Barbosa. La relation entre cet adolescent et sa mère fantasque est assez conventionnelle, le trio formé avec les deux jumelles n’est guère crédible, le film passant (on le suppose, volontairement) la limite pour aller dans le domaine du fantasme. Peut-être s’agit-il tout simplement d’un film sur l’adolescence. Toujours est-il qu’après une mise en place des personnages plutôt bien faite, nous nous sommes hélas désintéressés du sujet.
Note : 1 étoile

Acteurs: Florence Thomassin, François Civil, Marine Barbosa, Carine Barbosa, Emile Berling
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20 février 2010

Dorothy (2008) de Agnès Merlet

Titre anglais : « Dorothy Mills »

DorothyLui :
Agnès Merlet est une réalisatrice qui ne tourne que très peu. Après son remarqué premier long métrage Le Fils du Requin, elle a mis cinq ans pour écrire et tourner Artemisia et dix ans pour Dorothy. Elle aborde une fois de plus un genre bien différent puisqu’il s’agit ici d’un thriller surnaturel et psychologique centré sur une adolescente au comportement étrange (les distributeurs le présentent comme « une version moderne de l’Exorciste »…) L’histoire prend place sur une île isolée irlandaise et Agnès Merlet l’a tournée en anglais. Le climat est étrange et nous met particulièrement mal à l’aise. L’histoire n’échappe pas à certaines conventions du genre, jouant certainement un peu trop avec l’obscurantisme de cette petite communauté. Dorothy est remarquablement interprétée par la jeune Jenn Murray qui réussit à donner une vraie dimension à son personnage multi-facettes.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Carice van Houten, Jenn Murray, David Wilmot, Ger Ryan
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19 février 2010

Le premier jour du reste de ta vie (2008) de Rémi Bezançon

Le premier jour du reste de ta vieElle :
Une chronique familiale pleine de tendresse autour de trois enfants, leurs parents et le grand-père. Elle évoque les problèmes du lien familial et de la transmission entre les générations. Elle s’égrène en plusieurs tableaux montrant certains des moments importants de leur vie: l’adolescence, l’amour, les ruptures, le mariage, la vieillesse et la mort. On peut reprocher quelques clichés et un scénario qui s’étiole peu à peu.
Note : 3 étoiles

Lui :
Le premier jour du reste de ta vie est une chronique familiale évoquant l’évolution d’une famille, deux parents et trois enfants, sur une quinzaine d’années. Les enfants grandissent… Le scénario ne parvient pas à éviter les conventions et les clichés, les personnages sont typés et nous avons le quota réglementaire de conflits, de fragilités, de joies et de tragédies. Le film parvient toutefois à trouver un bon équilibre grâce à un excellent jeu d’acteurs, Jacques Gamblin et Zabou Breitman en tête, et grâce à une certaine sensibilité de la part de Rémi Bezançon dont c’est ici le second long métrage.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jacques Gamblin, Zabou Breitman, Déborah François, Marc-André Grondin, Pio Marmaï, Roger Dumas
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10 février 2010

Entre les murs (2008) de Laurent Cantet

Entre les mursElle :
Un très bon film admirablement bien interprété et senti. Nous sommes immergés de façon crédible dans la réalité scolaire d’un établissement difficile où le langage devient une arme pour faire passer les idées et le sensible. D’un côté, des adolescents aux ethnies mélangées qui doutent d’eux-mêmes et ne maîtrisent pas bien la langue française et de l’autre, des professeurs qui tentent de nouer le contact, d’élever les âmes et de valoriser. Dans le regard de Laurent Cantet, on sent de la tendresse et du respect pour les deux parties. C’est une partie d’échecs complexe qui se joue sur le fil du rasoir. Chacun avance ses pions à l’aide des mots et des registres de langage différents. Il suffit d’un grain de sable pour que la pyramide du savoir patiemment échafaudée, s’écroule d’un seul coup.
Note : 5 étoiles

Lui :
Dans une classe de 4e d’un collège parisien réputé difficile, un professeur de français s’applique à établir un dialogue avec ses élèves pour faire passer son enseignement. Entre les Murs est l’adaptation d’un roman de François Bégaudeau qui joue ici son propre rôle. Le film de Laurent Cantet parvient à nous intéresser sur un sujet peu facile, il montre les choses sans forcer le trait, sans dramatiser à outrance et c’est ce qui fait sa force. Il souligne l’étroitesse de la marge d’erreur dans une voie qui met en avant le dialogue, les inévitables faux-pas entraînant obligatoirement un repli sur un arsenal plus lourd. Entre les murs est parfaitement interprété, que ce soit par le professeur ou par les jeunes élèves. Un film tout en retenue et très réussi.
Note : 4 étoiles

Acteurs: François Bégaudeau
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3 février 2010

Tirez sur le pianiste (1960) de François Truffaut

Tirez sur le pianisteElle :
(pas vu)

Lui :
Pour son deuxième long métrage, François Truffaut choisit un univers qu’il a souvent défendu en tant que critique, le film noir américain. Il adapte un roman de Davis Goodis mettant en scène un pianiste de café dont le frère est poursuivi par deux truands. Il va ainsi se retrouver impliqué de force dans une histoire qui ne semble pas être sienne. Truffaut restitue avant tout l’atmosphère des films policiers, avec beaucoup de scènes de nuit, très contrastées. Il amplifie les ruptures de tons du roman, passant ainsi très rapidement d’une forte tension dramatique au burlesque le plus farfelu, souvent au moment où l’on s’y attend le moins. Il ajoute aussi ces discussions sur la vie et surtout sur les femmes, mélange de fascination, d’attirance et de méfiance. Tirez sur le pianiste se situe ainsi tout à fait dans l’esprit de la Nouvelle Vague. Tous ces aspects sont habilement mêlés : ainsi, entre les scènes d’action, les deux truands ne semblent qu’intéressés par de longues discussions sur la vie et les femmes (Tarantino n’a rien inventé…) Charles Aznavour est assez étonnant, il parvient à donner une réelle épaisseur à son personnage timide, fragile, effacé, qui semble subir la vie. On notera aussi la présence d’une rare prestation scénique de Boby Lapointe dans une chanson intégralement montrée (avec sous-titres, s’il vous plait, afin que l’on puisse en saisir au vol tous les jeux de mots).
Note : 3 étoiles

Acteurs: Charles Aznavour, Marie Dubois, Nicole Berger, Michèle Mercier, Serge Davri, Claude Mansard
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Remarque :
On peut rapprocher Tirez sur le pianiste du dernier film de François Truffaut, Vivement Dimanche. La démarche est en effet pratiquement la même, le résultat étant bien entendu différent.

28 janvier 2010

Largo Winch (2008) de Jérôme Salle

Largo WinchLui :
Largo Winch est une bande dessinée des années quatre-vingt-dix qui avait un certain charme et avait réussi à nous captiver avec un sujet pas bien passionnant à priori : une histoire d’héritier caché d’un grand groupe industriel qui se retrouve, malgré lui, victime de viles manœuvres de luttes de pouvoir. La bande dessinée de Jean Van Hamme et Philippe Francq jouait sur le choc de cultures, un (beau) garçon bourré d’idéaux lâché dans un panier de crabes, le tout saupoudré d’une bonne dose d’aventures. Le film ne parvient bien pas à retrouver cet équilibre. Menée tambour battant, cette histoire devient confuse et finalement pas très intéressante.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Tomer Sisley, Kristin Scott Thomas, Miki Manojlovic, Mélanie Thierry, Gilbert Melki, Anne Consigny
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27 janvier 2010

Vivement dimanche! (1983) de François Truffaut

Vivement dimanche!Elle :
Note : 3 étoiles

Lui :
Vingt trois ans après Tirez sur le Pianiste, François Truffaut rend à nouveau hommage au film noir et à la comédie policière. Filmé en noir et blanc, Vivement Dimanche retrace l’enquête d’une secrétaire plutôt débrouillarde pour innocenter son patron accusé de plusieurs meurtres. Les clins d’œil de Truffaut et références sont innombrables, parfois assez appuyés, que ce soit à des classiques américains, français ou encore à lui-même. Vivement Dimanche est aussi un film qui met remarquablement en valeur Fanny Ardant, qui était alors sa compagne. Elle est resplendissante de vitalité et charme. L’histoire en elle-même passe un peu au second plan, le cinéaste se concentrant beaucoup plus sur la forme et c’est ainsi qu’il faut le voir pour apprécier cet amusant hommage au film noir. Vivement Dimanche fut, hélas, le dernier film de François Truffaut.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Fanny Ardant, Jean-Louis Trintignant, Jean-Pierre Kalfon, Philippe Laudenbach, Philippe Morier-Genoud, Caroline Sihol
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21 janvier 2010

Un soir, un train (1968) de André Delvaux

Un soir, un trainLui :
Mathias, professeur de linguistique en Belgique flamande, vit avec Anna, créatrice de costumes pour une petite troupe de théâtre, qui se sent perdue dans ce pays qui n’est pas le sien. Alors que Mathias doit partir pour une conférence, ils se disputent et se séparent. Plus tard, il a la surprise de la retrouver dans le train. Un soir un train a pour thème central l’incommunicabilité, qu’elle ait pour cause la différence de langue ou l’indifférence et l’égoïsme. Mathias va le comprendre après un parcours initiatique ou plutôt un passage dans un certain au-delà mais ce sera hélas trop tard. André Delvaux crée une atmosphère fantomatique, éthérée, à la fois réelle et irréelle, sorte de reflet exacerbé de notre monde où tout est amplifié. Belle interprétation d’Yves Montand et d’Anouk Aimée.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Yves Montand, Anouk Aimée, Adriana Bogdan, Hector Camerlynck, François Beukelaers
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12 janvier 2010

L’enclos (1961) de Armand Gatti

L'enclosLui :
Dans un camp de concentration de la Seconde Guerre mondiale, un officier nazi jette un prisonnier politique allemand et un juif français dans un enclos. Par jeu pervers, il promet la vie sauve à celui qui aura tué l’autre avant le lendemain. Pendant ce temps, d’autres prisonniers veulent tenter de le faire sortir. Armand Gatti ayant lui-même été prisonnier en Allemagne, l’univers terrible qu’il nous décrit est certainement celui qui qu’il a vécu. Son film est indéniablement l’un des témoignages les plus forts sur ces camps de concentration où des hommes sont détenus parfois depuis plusieurs années dans des conditions épouvantables. Ce face à face en huis clos nous permet de mieux comprendre leur état psychologique, comment ils conservaient leur humanité, refusant la poussée d’une certaine animalité. Armand Gatti filme assez près de ses personnages, souvent avec une certaine pénombre, réduisant l’univers au cadre de l’image, se concentrant sur les hommes. L’Enclos reçut le Prix de la Critique à Cannes en 1961 puis sombra dans un oubli presque total. Il est à nouveau disponible aujourd’hui et ce n’est que justice car l’Enclos est un film fort et puissant qui mérite d’être vu.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Herbert Wochinz, Jean Négroni, Hans Christian Blech, Jean-Marie Serreau
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Remarque :
Avec l’échec total de son second film, El Otro Cristobal (1962), Armand Gatti s’est plutôt écarté du cinéma. Il est plus connu par ses écrits, notamment pour le théâtre.