13 décembre 2010

L’autre (2008) de Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic

L'autreLui :
Anne-Marie est une quarantenaire qui vient de se séparer de son jeune amant. Lorsque celui-ci lui apprend qu’il fréquente une autre femme, elle cherche à en savoir plus sur elle, une recherche qui l’obsède de plus en plus… Sur une trame d’histoire que l’on pourrait penser rebattue, Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic nous livrent un des films les plus originaux du cinéma français actuel. Ils ont une façon toute particulière d’inscrire le personnage principal dans un décor urbain, cette façon est à la fois très graphique (1) et créatrice d’une atmosphère étrange et envoutante. La caméra semble épier son personnage principal, la suivant ou l’observant à distance avec une fausse furtivité. Elle vient se placer parfois juste derrière Dominique Blanc, jouant alors le rôle d’une caméra subjective (impression bien entendu amplifiée lors des scènes de miroirs). Pourtant très ancré dans la réalité, notamment par l’importance des transports en commun actuels et de la technologie qui est présente mais actuelle, le film semble hors du temps. Cette impression est accentuée par le jeu de Dominique Blanc, actrice à la diction si particulière (on peut penser à Jeanne Moreau) et dont le calme et le sourire contrastent avec son mal à l’aise intérieur. L’environnement sonore joue aussi un rôle très important dans la mise en place du climat. L’autre semble aller jusqu’aux limites du réalisme sans toutefois franchir la ligne qui le ferait basculer dans le fantastique. C’est un film qui peut dérouter mais qui, par ses qualités graphiques, son climat, sa force, se place parmi les productions les plus intéressantes du cinéma français récent.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Dominique Blanc, Peter Bonke, Cyril Guei, Anne Benoît, Christèle Tual
Voir la fiche du film et la filmographie de Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic sur le site IMDB.

(1) Le générique est, à lui seul, superbe. On a déjà vu des plans aériens d’une autoroute périurbaine de nuit dans nombre de films américains mais jamais de façon aussi graphique, presque abstraite avec ses flots qui semblent suspendus, hors de la réalité.

Remarque :
Le film est adapté du roman d’Annie Ernaux « L’occupation ».

Homonymes :
L’autre (In name only) de John Cromwell (1939) avec Carole Lombard et Cary Grant
L’autre de Robert Mulligan (1972)
L’autre de Bernard Giraudeau (1991)
L’autre de Youssef Chahine (1999)
L’autre de Benoît Mariage (2003)

9 décembre 2010

Un barrage contre le Pacifique (2008) de Rithy Panh

Un barrage contre le PacifiqueLui :
Dans l’Indochine des années trente, une française tente de faire vivre une plantation de riz sur une concession achetée aux autorités coloniales. Ceux-ci ont oublié de lui préciser que les terres étaient régulièrement submergées par la mer toute proche. Elle a deux grands enfants, un fils et une fille, qu’elle craint de voir partir… Un barrage contre le Pacifique est au départ un roman autobiographique de Marguerite Duras qui a déjà été adapté, dans les années cinquante donc peu après sa sortie, par René Clément. Le réalisateur cambodgien Rithy Panh remet le personnage de la mère au centre de l’histoire et signe un film d’un beau classicisme. Sa réussite tient beaucoup à l’interprétation d’Isabelle Hubert, dans un personnage particulièrement complexe : elle parvient à générer en nous des sentiments contradictoires, elle est tout à la fois. Il faut aussi souligner la belle prestation de Gaspard Ulliel, dans un rôle plus simple certes, qui sait montrer beaucoup de présence à l’écran. Un Barrage contre le Pacifique est aussi un film montrant la corruption ; on peut y voir là un certain prolongement des documentaires tournés par le réalisateur sur son pays.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Isabelle Huppert, Gaspard Ulliel, Astrid Berges-Frisbey, Randal Douc
Voir la fiche du film et la filmographie de Rithy Panh sur le site IMDB.

Précédente adaptation : 
Barrage contre le Pacifique de René Clément (1958), film qui souffrait de son casting international : Sylvana Mangano (la fille), Anthony Perkins (le fils) et Jo Van Fleet (la mère). Une coproduction italo-américano-française…

7 décembre 2010

Ricky (2009) de François Ozon

RickyLui :
Ouvrière dans une usine de produits chimiques, Katie se lie avec un intérimaire qui vient vivre chez elle. Lorsque naît Ricky quelques mois tard, le bébé montre rapidement des dispositions très particulières. François Ozon est un réalisateur qui n’hésite pas à prendre des risques, à explorer des voies nouvelles, ce qui est une très bonne chose. Ici, il tente un rapprochement inattendu entre le film fantastique et le film social. C’est l’irruption du merveilleux dans un quotidien terne, en quelque sorte. La symbiose n’est pas parfaite, assez insatisfaisante même, mais le film a le mérite d’être très original. François Ozon laisse ouverte l’interprétation de Ricky : on peut certainement y voir un pamphlet social contre les enfants battus, une fable écologique, … On peu aussi supposer que tout l’ensemble (y compris la séquence du début) sort de l’imagination d’une femme enceinte qui craint d’être contaminée par les produits chimiques de son usine. Mais choisir une explication est secondaire, tout compte fait, ou du moins chacun peut choisir la sienne. 
Note : 3 étoiles

Acteurs: Alexandra Lamy, Sergi López, Mélusine Mayance, Arthur Peyret
Voir la fiche du film et la filmographie de François Ozon sur le site IMDB.

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2 décembre 2010

Parlez-moi de la pluie (2008) de Agnès Jaoui

Parlez-moi de la pluieLui :
Une intellectuelle féministe retourne dans son Var natal pour se présenter aux élections régionales. Un réalisateur de documentaires sur le retour (il vit toujours sur la gloire d’un court métrage remarqué il y a 20 ans) fait équipe avec un jeune rencontré dans un stage de cinéma pour une série sur « les femmes qui ont réussi »… Les trois personnages centraux de Parlez-moi de la pluie ne sont pas bardés d’assurance, aucun c’est sûr de lui-même ni de sa voie ; leurs hésitations provoquent ratés et controverses. Leur vie sentimentale prend le dessus. Le défaut du film d’Agnès Jaoui est sans doute de sembler partir dans plusieurs directions sans vraiment en explorer une seule. Il y a de tout… un peu. L’ensemble reste plaisant mais, malgré une bonne prestation d’acteurs, nous laisse plutôt sur notre faim (la fin, quant à elle, est franchement gentillette). Djamel Debbouze est assez étonnant, quittant son habituel personnage exubérant et poseur, pour adopter un jeu retenu avec plus de délicatesse et donc de richesse.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Pierre Bacri, Jamel Debbouze, Agnès Jaoui, Pascale Arbillot, Frédéric Pierrot, Florence Loiret Caille
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30 novembre 2010

Amère victoire (1957) de Nicholas Ray

Titre original : « Bitter Victory »

Amère victoireLui :
En 1943, l’état major britannique en Lybie envoie un petit commando s’emparer de documents militaires allemands. Il place à sa tête le major David Brand, un militaire de carrière qui n’a pas vraiment d’expérience du combat (Curt Jürgens), secondé par le capitaine Leith (Richard Burton), archéologue de profession. Les deux hommes se connaissent mais ne s’estiment guère, tous deux étant de tempéraments opposés et amoureux de la même femme. Face au danger, Brand fait preuve de lâcheté et Leith doit agir à sa place, ce qui ne fera que renforcer la rivalité pendant le long et périlleux trajet de retour dans le désert. L’histoire d’Amère Victoire, adaptée d’un roman à succès de René Hardy (1),Amère victoire met en relief la façon dont les vraies personnalités se dévoilent entièrement face au danger. Nicholas Ray retranscrit parfaitement cette opposition de caractères somme toute très humains. Sous la surface, chacun a des contradictions qu’il ne parvient pas toujours à gérer. Belle mise en scène de Nicholas Ray avec un jeu d’acteurs très retenu et parfaitement contrôlé. L’image est un beau noir en blanc en cinémascope qui magnifie les grandes étendues du désert.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Richard Burton, Curd Jürgens, Ruth Roman, Raymond Pellegrin
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(1) René Hardy est un ancien résistant, soupçonné d’être responsable de l’arrestation de Jean Moulin et sept autres grands résistants en juin 1943 mais, en l’absence de preuves suffisantes, n’a jamais été condamné. Après la guerre, il a écrit plusieurs livres qui ont rencontré un certain succès.

Remarques :
Amère Victoire est une production française : les producteurs sont Paul Graetz et l’éditeur Robert Laffon. S’il fut, bien évidemment, tourné en anglais, il s’agit donc bien d’un film français.

29 novembre 2010

Une femme a passé (1928) de René Jayet

Une femme a passéLui :
(Film muet) Une femme a passé est un film très méconnu qui, heureusement, a été récemment restauré. Il s’agit du premier long métrage du réalisateur français René Jayet, réalisateur qui s’est hélas illustré par la suite avec des films marqués d’un comique pas toujours très fin… Mais, rien de tel dans ce premier film, bien au contraire. Il s’agit d’un grand drame de la jalousie dans le monde des mariniers, une histoire de femme fatale. La plus grande partie du film se déroule sur une péniche (nous sommes, notons-le, six ans avant L’Atalante de Jean Vigo) et ce lieu clos exacerbe bien entendu les tensions. L’environnement et l’atmosphère générale sont très populaires ; René Jayet montre là une indéniable influence de l’expressionisme allemand. Les gros plans sur le décor ou sur une partie de la scène sont toujours très réalistes, on sent presque la poussière. Certains gros plans sur les visages sont assez remarquables. Une femme a passé est un film qui mérite d’être découvert.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Suzanne Talba, Camille Bardou, Gilbert Périgneaux, Gaby Dary
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27 novembre 2010

Max veut faire du théâtre (1911) de René Leprince et Max Linder

Max veut faire du théâtreLui :
(Muet, 12 mn) Max veut faire du théâtre et n’a donc aucune envie de se marier. Son père le force à rencontrer une jeune fille qui serait un beau parti. En réalité, celle-ci n’a aucune envie de se marier car elle nourrit les mêmes ambitions. Tous deux vont faire en sorte de se montrer le plus laid possible pour rebuter l’autre. Il y a de bonnes trouvailles et l’humour fonctionne bien, grandement basé sur les mimiques et les manières de nos deux tourtereaux. La fin repose sur un faux-semblant amusant.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Max Linder, Jane Renouardt
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27 novembre 2010

Max célibataire (1910) de Max Linder

Max célibataireLui :
(Muet, 8 mn) A la suite d’une petite querelle de ménage, la femme de Max retourne chez sa mère. Il se voit contraint de faire les tâches ménagères ce qui ne va pas se passer sans casse… Il faut bien avouer que cet humour qui repose sur les maladresses d’un homme forcé de faire la vaisselle, la cuisine ou les courses fonctionne beaucoup moins bien aujourd’hui. La toute dernière partie où Max retourne toute la maison pour trouver sa cravate est toutefois assez amusante.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Max Linder
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Remarques :
Le nom du réalisateur n’est pas connu de façon certaine.

24 novembre 2010

Les pirates du rail (1938) de Christian-Jaque

Les pirates du railLui :
A la frontière chinoise, la ligne de chemin de fer du Tonkin est souvent attaquée par des pirates et des groupes qui cherchent à prendre le pouvoir. A la tête de la concession, un groupe de français est en danger permanent. En cette fin des années trente, l’orientalisme et l’exotisme étaient à la mode et avec ces Pirates du Rail, Christian-Jaque tente de profiter de cette vogue. L’intrigue est confuse, un peu simplette, l’histoire étant tirée d’un feuilleton paru dans un grand journal du soir. Elle n’est pas très crédible non plus. Erich von Stroheim campe… un chinois qui a fait West Point (!), Marcel Dalio ne semble peu convaincu de son personnage de marchand d’armes, Charles Vanel se démène pour donner un peu de vraisemblance à l’ensemble.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Charles Vanel, Suzy Prim, Erich von Stroheim, Marcel Dalio, Simone Renant
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23 novembre 2010

L’empreinte (2008) de Safy Nebbou

Titre original : « L’empreinte de l’ange »

L'empreinte de l'angeLui :
A la fin de L’Empreinte, on se dit qu’une telle histoire est vraiment improbable et c’est à ce moment précis qu’un carton précise qu’elle est inspirée d’un fait réel (survenu aux Etats-Unis). En allant chercher son fils dans un anniversaire, une mère de famille aperçoit une fillette et paraît profondément troublée. Elle se met à l’espionner pour trouver où elle habite sans que l’on comprenne tout d’abord ses motivations. Comme souvent, il est préférable d’en savoir un minimum avant de voir ce film car tout l’art de Safy Nebbou est de ne dévoiler que lentement les motivations de son héroïne. Nous la voyons se mettre en chasse, patiente et obstinée. Le réalisateur parvient à créer une tension qui, si elle est légère, se maintient tout au long du film et nous ne savons plus qui ou quoi croire. Très belle interprétation, riche et complexe, de Catherine Frot (que le grand public connaît surtout par ses rôles comiques alors qu’elle a déjà prouvé maintes fois qu’elle avait un registre plus large). Malgré la présence de Sandrine Bonnaire, Catherine Frot domine le film, elle en est le pivot central. Toute cette histoire est d’ailleurs vécue par les yeux de son personnage. Au final, L’Empreinte est un très bon suspense psychologique français.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Catherine Frot, Sandrine Bonnaire, Wladimir Yordanoff, Antoine Chappey, Michel Aumont
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Remarques :
* Par décision de justice du début 2010, le film doit dorénavant porter le titre L’empreinte. Le titre initial L’empreinte de l’ange est en effet celui d’un livre de Nancy Houston.
* L’ « empreinte de l’ange » désigne la partie creuse située entre la bouche et le nez, plus ou moins marquée selon les personnes. D’après une légende, juste avant la naissance, un ange viendrait poser son doigt sur notre bouche, comme pour faire silence, afin que nous puissions oublier le paradis dont on vient et accepter de naître.

Homonyme :
L’empreinte de David Mathieu-Mahias (2004), moyen-métrage avec Michael Lonsdale