29 novembre 2012

Les diaboliques (1955) de Henri-Georges Clouzot

Les diaboliquesMichel Delasalle, le directeur d’une institution de la proche banlieue parisienne, se comporte de façon particulièrement odieuse aussi bien envers sa femme Christina qu’envers sa maitresse Nicole, toutes deux enseignantes dans l’établissement. Les deux femmes sont devenues amies et le haïssent profondément… Les diaboliques est l’un des films les plus célèbres d’Henri-Georges Clouzot et pourtant il est loin d’être l’un des plus intéressants. L’intrigue, adaptée d’un roman de Boileau et Narcejac (Celle qui n’était plus), réserve bien une belle surprise mais elle est unique. Pour le reste, les personnages n’offrent que peu de profondeur, ils sont dépourvus de complexité et le choix de Véra Clouzot pour interpréter l’un des premiers rôles n’est pas des plus heureux : H.G. Clouzot désirait faire de sa femme une grande actrice mais ce film montre bien « qu’elle n’est pas comédienne du tout » (1). Il reste toutefois à profiter du style de Clouzot qui est manifeste dans certaines scènes, souvent les plus noires. Les diaboliques fut un énorme succès à sa sortie et il est généralement bien considéré encore aujourd’hui. Trop sans doute…
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Simone Signoret, Véra Clouzot, Paul Meurisse, Charles Vanel, Pierre Larquey, Michel Serrault, Noël Roquevert
Voir la fiche du film et la filmographie de Henri-Georges Clouzot sur le site IMDB.
Voir les autres films de Henri-Georges Clouzot chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Alfred Hitchcock désirait lui aussi acheter les droits du roman. Clouzot ne l’aurait battu que de quelques heures. Voyant cela, Boileau et Narcejac se sont mis aussitôt au travail pour écrire un autre roman sur un thème proche, spécialement pour Hitchcock qui effectivement l’acheta et en tira Vertigo (Sueurs froides, 1958).
* L’un des enfants est interprété par le jeune Jean-Philippe Smet (futur Johnny Halliday). On le voit notamment dans la scène de la photo de classe où il est assis juste derrière Simone Signoret.

(1) Ce sont les propres mots de Simone Signoret dans ses mémoires (La nostalgie n’est plus ce qu’elle était, Seuil 1976) où elle présente toutefois les choses différemment : « C’est elle qui voulait tourner tout en se faisant croire que c’était lui qui l’y forçait ». En outre, Simone Signoret présente le tournage comme ayant été « un enfer », du fait de mauvaises relations avec Clouzot ; elle estime qu’ils se connaissaient trop (ils se fréquentaient depuis que Clouzot avait tourné Le Salaire de la Peur avec Montand).

Autre adaptation du même roman :
Diabolique de Jeremiah S. Chechik (1996) avec Sharon Stone et Isabelle Adjani (la fin est toutefois différente)

6 réflexions sur « Les diaboliques (1955) de Henri-Georges Clouzot »

  1. Dans le scène où Vera Clouzot sort de la morgue, le taximan qu’elle a hélé refuse de la conduire à Saint-Cloud. Charles Vanel vient à sa rescousse et montre sa carte d’inspecteur de police. Clouzot avait envisagé de faire jouer le rôle du taximan par Yves Montand, un clin d’œil complice au « Salaire de la peur », tourné deux ans plus tôt et où ils formaient équipe. Simone Signoret lui a fait comprendre le ridicule de cette idée et le réalisateur l’a abandonnée. Heureusement…

  2. LE TRIO INFERNAL
    « Ne soyez pas diaboliques. Ne détruisez pas l’intérêt que pourraient prendre vos amis à ce film. Ne leur racontez pas ce que vous avez vu. Merci pour eux »

    Nous voilà prévenus! La découverte de ce carton en fin de film après la surprise finale par les spectateurs à partir de janvier 55 (500 000 entrées rien qu’en première exclusivité parisienne) se ralliait à un sacré coup de pub qui avait commencé dès l’entrée puisque l’accès aux salles était interdite dès le générique – formule qui sera reprise par Hitchcock à la sortie de PSYCHO – ce qui changeait la règle d’alors du cinéma permanent où l’on pouvait à tout moment entrer et sortir au cours de la projection (heureux temps!). Et puis il y avait ces deux affiches dessinées en abstraction par Raymond Gid où sur un fond vert glauque s’échappaient des bulles et des bras noirs décharnés tendus comme des marionnettes, et puis cette panière en osier telle un accessoire de théâtre où se cachent les costumes et les masques des trois personnages. S’y ajoutait encore le prix Louis Delluc, forte distinction. Même la poignée de lecteurs du livre de Boileau et Narcejac « Celle qui n’était plus » dont le film s’inspirait étaient surpris par le traitement de Clouzot qui ne reprenait ni le cadre, ni l’intrigue, ni la même formation du trio, ni le dénouement du livre.
    Bon, et le film? Et bien il est bon, très bon même, se hissant aux meilleurs films noirs américains, et sa revoyure aujourd’hui nous permet, connaissant son déroulé, de le suivre différemment. Dès le générique sur l’eau stagnante et croupie d’où s’élèvent musique dramatique et voix chorales de jeunes garçons, le ton est donné; la suite sera sans musique. Le film est préoccupé à solutionner un problème d’arithmétique : remplir les baignoires et vider les piscines, et le transformer en problème métaphysique, et l’un(e) et l’autre de ces fonctions prennent du temps et tiennent le spectateur cloué sur son fauteuil.
    Le trio : Michel (Paul Meurisse odieux à souhait et dont tout à chacun voudrait se débarrasser) : directeur autoritaire du pensionnat pour jeunes garçons qu’il dirige d’une poigne de fer, et tyran domestique
    Christine (Véra Clouzot à la fois victime et criminelle, passionnante dans son visage de craie se vidant progressivement de sa vie par la peur autant que sa fragilité cardiaque, comme sortie d’un film muet expressionniste) : sa femme soumise qu’il humilie publiquement la traitant de jolie petite ruine, directrice du pensionnat. Quand on sait que Véra Clouzot souffrait réellement d’une maladie cardiaque dont elle mourut quatre ans plus tard, et que Clouzot ne la ménagea pas (de l’argile entre ses mains) retournant sans cesse des scènes difficiles ….
    Nicole (Simone Signoret impressionnante de déterminisme) : sa froide maîtresse, institutrice à l’institution, et alliée de la femme légitime, liées l’une à l’autre par une étrange amitié et l’échafaudage d’un méchant traquenard, une machination pour se débarrasser du mâle qui nous mènera en bateau
    Le film déroule le grand jeu sado masochiste de ce trio infernal qui joue avec nos nerfs dans le décor assez sinistre en huis clos d’un collège privé avec parc glacé et solitaire du coté de Saint-Cloud (hormis un voyage éclair à Niort avec la panière pour une séquence croquignolette d’histoire d’eau). Les images/séquences se succèdent comme des lames de couteaux dans un noir et blanc presque terne et glauque puis de plus en plus contrasté et raffiné, haletant, angoissant.
    Evidemment on ne saurait en dire plus comme nous l’invite à le faire le carton, même si aujourd’hui beaucoup en connaissent la finalité. La dernière partie d’anthologie où tout se délite, se tend et se resserre à toute vitesse, la plus angoissante, faite pour mourir de peur, où la machine cinéma de Clouzot, une écriture par la caméra, tourne à plein régime, demeure la plus réussie, jusqu’à la réplique finale et pour le moins étrange lancée par un jeune élève puni du pensionnat…

  3. J’attendais beaucoup de ce film, mais, à l’instar de « Lui », je fus déçu.. je trouve que la mise en scène a beaucoup vieilli, que le jeu des acteurs s’en ressent (Véra Clouzot.. figée!! Oh my god 😱)!
    Quant au noir et blanc, d’une France qui paraît si ancienne.. et assez glauque, effectivement, dans ce pensionnat, il n’apporte pas beaucoup de joie dans ce film..
    Ce manque de dynamisme provient peut-être du décalage, trop grand, entre un homme de 36 ans en 2023, et cette société, si différente!!!!

    Je me suis quand même pris au jeu de cette machination, et, l’on n’oublie pas facilement ce trio de personnages, certes.. de même qu’on souhait connaître le dénouement de ce drame conjugal.

    3/5, allez, soyons beau Prince!

    Bien vu, Lui 😉

    Et merci encore pour ces chroniques!! C’est agréable, alors merci! Continuez!

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