Après avoir été mis à la porte de la banque où il travaillait et ne pouvant trouver un travail pour faire vivre sa famille, Monsieur Verdoux a l’idée d’épouser de riches veuves pour les faire ensuite disparaître… Au sein de la filmographie de Charles Chaplin, Monsieur Verdoux peut étonner. Pourtant il s’y inscrit parfaitement. Le film est une fable sociale qui dénonce cette société capable de broyer les individus et que Verdoux combat avec ses propres armes (« le meurtre est l’extension logique des affaires »). La combat-il d’ailleurs puisqu’il cherche avant tout à s’y réinsérer? Le personnage est complexe : l’identification du spectateur avec lui ne peut être totale, il s’agit d’un meurtrier, mais pourtant ce Monsieur Verdoux ne manque pas de charme. C’est un être sensible, terriblement séducteur, élégant par son langage, cynique certes mais pouvant faire preuve de grande compassion comme en témoigne cette scène avec la jeune fille qu’il recueille. C’est aussi un film contre la guerre, comme le montre le propos vers la fin du film. Monsieur Verdoux peut ainsi être vu comme un condensé des Lumière de la ville, des Temps Modernes et du Dictateur. Bien entendu, le film n’est pas dénué de scènes comiques mais le burlesque tourne essentiellement autour d’un seul personnage, l’une de ses femmes qui a une chance extraordinaire. C’est un comique assez noir, toutefois. Le film est parfait dans sa forme, que se soit par sa construction ou son rythme. L’interprétation de Chaplin est remarquable. Monsieur Verdoux n’eut aucun succès à sa sortie. Victime de la paranoïa anticommuniste, Chaplin était alors l’objet d’une vaste campagne de dénigrement. Il fut mieux accueilli en Europe. Avec le temps, le film a regagné la place qu’il mérite. Monsieur Verdoux fait partie des très beaux films de Chaplin. C’est un film subtil et profond, mais aussi d’une grande sensibilité.
Elle:
Lui :
Acteurs: Charles Chaplin, Martha Raye, Isobel Elsom, Marilyn Nash
Voir la fiche du film et la filmographie de Charles Chaplin sur le site IMDB.
Voir les autres films de Charles Chaplin chroniqués sur ce blog…
Remarque :
C’est Orson Welles qui a donné à Chaplin l’idée de base de Monsieur Verdoux : Welles avait pour projet de tourner un documentaire romancé sur Landru et désirait que Chaplin en soit l’interprète principal. Chaplin refusa en disant qu’il ne s’était fait diriger par aucun metteur en scène jusqu’à présent et qu’il n’avait pas l’intention de commencer. Intéressé toutefois par l’idée, Chaplin racheta le script de Welles pour le réécrire ensuite entièrement.
Tiens, c’est amusant… j’ai récemment préparé une chronique des Temps modernes, mettant votre blog en référence complémentaire pour mieux connaître Chaplin. Merci de nous offrir un nouvel extrait de sa filmographie.
Je n’ai pas vu « Monsieur Verdoux », j’ai laissé passer la dernière occasion télévisée. J’espère avoir une autre chance bientôt. En attendant, merci encore de nous faire partager votre regard sur l’oeuvre du grand Charlot. J’apprécie tout particulièrement le fait qu’à vos avis critiques, s’ajoutent de nombreuses anecdotes sur les films. Celle d’aujourd’hui est bien sympa !
Je vous dis à bientôt, « Lui ». Saluez « Elle » pour moi, si vous voulez bien.
Bonjour Martin et merci pour ce gentil petit mot.
A propos de Welles et Chaplin, si on écoute Welles, c’est lui qui a tout écrit, si on écoute Chaplin, c’est lui qui a tout écrit.
J’ai relu ce que Welles raconte à propos de Monsieur Verdoux dans le livre d’entretiens de Bogdanovich et c’est un peu compliqué. Il faut savoir que Welles n’estime pas vraiment Chaplin (du moins en tant que metteur en scène car il dit que c’est un bon acteur). Il dit que Chaplin avait d’abord accepté de jouer Landru puis, une fois le scénario écrit, il aurait refusé. Il raconte aussi que son nom aurait été ajouté au générique après que le film ait reçu des mauvaises critiques. Bref, il y a du ressentiment dans l’air… Welles et Chaplin étant deux fortes personnalités, deux grands créateurs (avec une légère tendance à la mégalomanie), c’est normal qu’il y ait eu qq frictions entre eux. 😉
Bonjour,
Grand fan de chaplin, je découvre votre site et je me régale de vos anecdotes.
J’ai découvert avec plaisir la scène inédite des lumières de la ville dont j’ignorais l’existence jusqu’a ce jour.
En ce qui concerne Monsieur Verdoux, il s’agit d’un de mes films préférés de Chaplin. Et j’apprend avec étonnement son échec lors de sa sortie en salle.
Heureusement les années sont là pour réparer cet affront.
Je met votre site dans mes favoris car je sens que je vais y passer des heures dessus.
Merci pour votre (encourageant) message…