Titre original : « Kurenai no buta »
Ancien pilote de la guerre 14-18, Porco est devenu chasseur de primes et combat les pirates dans l’Adriatique à bord de son hydravion entièrement peint de rouge. Noble au grand cœur, il a le visage d’un cochon, à la suite, pense-t-on d’un sort qui lui a été jeté. Pendant ce temps, le fascisme s’installe… C’est avec Porco Rosso que l’on a découvert Hayao Miyazaki en Europe et ce fut un véritable choc. Ce film présentait en effet un niveau de qualité que l’on n’avait jamais vu dans un dessin animé. La beauté des images, la simplicité et la pureté du graphisme, le soin apporté dans les décors jusque dans les petits détails, le naturel des personnages, le découpage très cinématographique, la profondeur de l’histoire, sa dimension romantique, tous ces éléments concourent à donner cette impression de perfection et d’être en présence d’un véritable créateur. Passionné d’aviation et de Saint-Exupéry, Hayao Miyazaki a écrit lui-même cette histoire empreinte d’une grande noblesse de caractère où pointent une certaine nostalgie et une indéniable poésie. Même si Miyazaki nous a depuis offert de grands films, Porco Rosso reste parmi ses tous meilleurs.
Elle:
Lui :
Acteurs: Shûichirô Moriyama, Tokiko Katô, Sanshi Katsura
Voir la fiche du film et la filmographie de Hayao Miyazaki sur le site IMDB.
Voir les autres films de Hayao Miyazaki chroniqués sur ce blog…
Remarques :
* Porco Rosso était au départ un projet de moyen métrage (45 minutes) prévu pour être diffusé dans les avions de la Japan Airlines qui a produit le film.
* Un comic-book en 4 volumes reprenant le découpage exact du film a été publié au Japon (Tokuma Shoten Publishing, 1992) ; il a été traduit et édité en France (Glénat, 1995).
* Présenté et primé au Festival d’Annecy en 1993, le film n’est sorti en France qu’en juin 1995. C’est Jean Reno qui prête sa voix à Porco Rosso dans la version française. Le film n’a pas connu immédiatement le succès en France, les critiques restant souvent méfiants.
Super film. Mais ce serait incroyable de connaitre quelqu’un qui l’aurait vu avant tout le monde (avant tout le monde en Europe). N’est ce pas?
:-))))))))))
Jusqu’à ce soir, Porco Rosso était (presque) le seul film de Miyazaki que je n’avais pas vu [je me permets de compter à part Le château de Cagliostro — que je n’ai toujours pas vu — puisque Nausicaä de la vallée du vent est considéré généralement comme le premier « vrai » film que Miyazaki a maîtrisé librement]. Faute d’arriver à trouver l’occasion de le voir sur un grand écran, j’ai fini par me résoudre à le découvrir via un DVD.
Je comprends et j’imagine le choc que ce film a pu représenter à l’époque, et d’autant plus qu’il fut le premier Miyazaki à sortir en Europe (et j’imagine le choc que cela a pu être pour vous de le voir en avion, avant que quiconque en Europe n’ait encore parlé de Miyazaki).
À chaud, je ne le placerais pas tout-à-fait au même niveau que les deux joyaux bruts que sont pour moi Le château dans le ciel et Nausicaä… mais cela confirme une fois de plus un phénomène que j’ai déjà observé avec ce cinéaste : presque tous les amateurs de Miyazaki que je connais placent au sommet le premier film de lui qu’ils ont vu ! Pour certains, Totoro. Pour d’autres, Mononoke. Pour moi, Laputa (Le château dans le ciel). Pour vous, Porco Rosso. L’émerveillement de la découverte apporte le « petit plus » en faveur de tel ou tel film.
Et je reconnais que c’est un film troublant et puissant. Durant le premier quart, j’étais légèrement surpris du déroulé inattendu et du rythme hésitant. Puis le charme opère, avec cet équilibre toujours exceptionnel chez Miyazaki entre drame et humour, que je n’hésite pas à comparer à certaines pièces de Shakespeare sur ce point. Les personnages ont une vraie épaisseur, certaines scènes (ou micro-détails inattendus) sont d’une extrême drôlerie, les codes des récits d’aventure sont joyeusement détournés ou transgressés, la mélancolie enveloppe le récit de sa triste douceur. Même la fin n’est pas claire, et conforte peut-être cette douce tristesse (tout en laissant espérer un double-sens puisque c’est « Porco » qui n’a plus donné de nouvelle et qu’un minuscule détail visuel laisse ouverte une autre possibilité).
Par ses petites transgressions inattendues des codes des films d’aventure, par sa portée politique discrète mais tenace *, par ses pointes d’humour parfois imperceptibles, par son féminisme militant **, par sa mélancolie profonde *** et sa fin ambiguë, Porco Rosso s’adresse aux adultes — c’était sans doute exceptionnel lors de sa sortie (à l’exception de quelques films d’animation de René Laloux en France dans les années 1980) et cela reste rare pour un dessin animé.
* Il est utile de noter que le titre (qui a le même sens en japonais que le choix italien logique du titre international) fait explicitement référence à l’Italie fasciste : les mussoliniens traitaient leurs adversaires communistes de « porcs rouges ».
** C’est décidément une dimension quasiment omniprésente chez Miyazaki : l’émancipation féminine et la revendication pour les femmes d’une place égale à celle des hommes. Une fois de plus, même lorsque le héros est masculin, il n’aurait rien pu faire sans l’aide d’une (ou plusieurs) femme(s) décidée(s) et délurée(s).
*** Un bonus de mon DVD m’apprend, via une interview du producteur du film réalisée pendant le tournage, que l’apparence du « porc » fait référence aux cinquantenaires égoïstes, prenant du ventre, oubliant leurs idéaux de jeunesse et évitant lâchement d’affronter leurs contradictions (et que Miyazaki s’y est peint lui-même). L’autre bonus propose les bandes-annonces japonaises, dont l’une comporte un texte très explicite signé Hayao Miyazaki, où il dédie (entre autres) ce film aux cinquantenaires égoïstes abandonnant lâchement leurs rêves de jeunesse, qui refusent de faire la guerre mais ne peuvent s’empêcher d’y jouer (je cite de mémoire). Ces précisions éclairement puissamment le film ! La mélancolie générale et l’ambiguïté de la fin n’exposent pas seulement un « homme » poursuivi par la malchance ou les occasions manquées. Ce film est explicitement celui d’un homme qui s’accroche trop à sa passion égoïste d’aviateur et qui en paie le prix sur le plan sentimental et privé (il y a une sorte de lâcheté pleine de panache à la Cyrano). Le personnage de Porco/Marco n’est pas une victime, mais son propre bourreau.