17 juin 2025

Le Départ (1967) de Jerzy Skolimowski

Le DépartMarc est un jeune garçon coiffeur passionné par les voitures. Il s’est inscrit à un rallye avec une Porsche 911 S, comptant « emprunter » celle de son patron, mais il découvre que celui-ci a prévu de partir en week-end avec sa voiture le jour de la course…
Le Départ est un film belge co-écrit et réalisé par le polonais Jerzy Skolimowski, alors âgé de 29 ans. Il s’agit de son quatrième long métrage et son premier à l’ouest du rideau de fer. Il a été tourné en français (alors que Jerzy Skolimowski ne parle ni français, ni anglais, ni allemand) et avec un petit budget à Bruxelles. Le résultat se montre très influencé par la nouvelle vague, le cinéaste a d’ailleurs repris deux interprètes de Masculin féminin de Jean-Luc Godard qu’il admire. La forme est très libre avec des scènes qui n’ont pas toujours de lien entre elles, un ensemble de saynètes burlesques. Il fait bien reconnaitre que le contenu est tout de même un peu mince. La musique est excellente et très présente, composée par Krzysztof Komeda et enregistrée à Paris avec des jazzmen de premier plan (Don Cherry, Gato Barbieri, Philip Catherine). Ours d’Or au festival de Berlin en 1967, le film fut toutefois mal reçu en France, la critique le jugeant inférieur à ses films précédents. Ce n’est que récemment qu’il a été réévalué plus favorablement. Il est vrai, qu’avec le recul, Le Départ dresse un portrait de la jeunesse des années soixante et montre les tensions de son époque avec ce mélange de burlesque, de romantisme noir, de cri de rage. Le jeu de Jean-Pierre Léaud se montre inventif et influencé par les grands acteurs burlesques, comme Keaton et Chaplin.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Pierre Léaud, Catherine-Isabelle Duport
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Remarque :
Catherine-Isabelle Duport n’a pas tourné d’autres films après celui-ci.

Jean-Pierre Léaud et Catherine-Isabelle Duport dans Le Départ de Jerzy Skolimowski.

23 janvier 2025

EO (2022) de Jerzy Skolimowski

EOAprès la faillite du cirque où il se représentait avec une très jeune dresseuse, un âne gris nommé Eo trouve le chemin de l’exode et traverse des moments de joie et de tristesse au gré des rencontres…
EO est un film polonais réalisé par Jerzy Skolimowski. Le réalisateur affirme que le seul film qui l’a ému aux larmes est Au hasard Balthazar (de Robert Bresson, 1966) qu’il a vu à sa sortie. Reprenant ce modèle, son personnage central est donc un âne auquel il donne une personnalité et des émotions. Il n’y a que très peu de paroles. Contrairement à Bresson, Skolimowski ne cherche pas à dresser le portrait des humains qu’il cotoie, même s’ils sont présents et variés. Il tente juste, en fin de film, de donner un récit à deux de ces humains (interprétés par Isabelle Huppert et Lorenzo Zurzolo) sans vraiment y parvenir. Le film est bien entendu très surprenant dans le fond mais il l’est aussi dans la forme : le cinéaste expérimente parfois par des effets de lentilles ou de lumières stroboscopiques (heureusement dans des passages assez courts). Le film a reçu un très bon accueil critique.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Sandra Drzymalska, Tomasz Organek, Mateusz Kosciukiewicz, Lorenzo Zurzolo, Isabelle Huppert, Lolita Chammah
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EO de Jerzy Skolimowski.

2 novembre 2012

Travail au noir (1982) de Jerzy Skolimowski

Titre original : « Moonlighting »

Travail au noirTrois ouvriers et un contremaître arrivent de Varsovie à Londres pour refaire à neuf le pied-à-terre de leur patron polonais. Ils ont un mois pour le faire. Seul Nowak, le contremaître, parle anglais. Un jour, il découvre que les lignes téléphoniques avec la Pologne sont coupées… Pour attirer l’attention sur l’état d’urgence décrété en son pays (1), le polonais Jerzy Skolimowski fait un film très original, à plusieurs niveaux de lecture. Le volet politique n’est pas le plus proéminent dans Travail au noir même s’il est bel et bien là, pesant de tout son poids sur l’évolution de l’histoire. L’action se passe d’ailleurs à Londres et non à Varsovie. C’est plutôt l’observation de ce petit groupe, isolé, presque coupé du monde, où le contremaître Nowak est le seul à pouvoir raisonner, sa position sociale étant renforcée par sa faculté à maitriser l’anglais et donc à communiquer avec le monde extérieur. Il va devoir aller nettement au-delà de ses seules prérogatives, ses trois ouvriers lui étant de fait livrés corps et âme, il va se comporter de façon despotique. Quelle belle allégorie. C’est aussi un film qui montre les petites mesquineries de la société anglaise, faisant preuve d’un certain humour sur ce point. Travail au noir fut réalisé très rapidement (écrit en onze jours et tourné en vingt-trois jours) (2) mais cela ne l’empêche pas d’être un film assez fort, finalement assez complexe, une approche très originale des évènements qui se déroulaient alors en Pologne, mêlant habilement humour et drame ; c’est l’un des films qui ont marqué le début des années quatre vingt.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jeremy Irons, Eugene Lipinski, Jirí Stanislav
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(1) En décembre 1981, face à la montée du syndicat Solidarność et par crainte d’une intervention militaire soviétique en Pologne, le premier ministre le général Jaruzelski déclare la loi martiale. Couvre-feu, arrestation des opposants, grèves brutalement réprimées, l’état de siège durera jusqu’en juillet 1983. Jaruzelski restera au pouvoir jusqu’en 1990, laissant la place à Lech Walesa, fondateur de Solidarność. On sait, depuis l’ouverture des archives soviétiques, que l’URSS n’avait pas l’intention d’intervenir en Pologne. Le général Jaruzelski a été inculpé en 2007 de « crime communiste » pour avoir instauré la loi martiale en 1981.

(2) Travail au noir fut présenté à Cannes en mai 1982, soit seulement cinq mois après l’instauration de la loi martiale en Pologne.

Lire aussi : une bonne analyse du film par Olivier Bitoun sur DVDClassik