13 juin 2010

L’inconnu du Nord-Express (1951) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Strangers on a Train »

L'inconnu du Nord-ExpressLui :
Sortant de deux échecs commerciaux consécutifs, Alfred Hitchcock décide de revenir sur un terrain plus sûr en adaptant un roman de Patricia Highsmith. Un jeune champion de tennis est abordé dans un train par un inconnu qui semble en savoir long sur ses déboires conjugaux. Il lui expose une théorie sur le meurtre parfait où chacun va tuer le gêneur de l’autre. Un échange de meurtres. L’inconnu du Nord Express est très souvent cité comme l’un des chefs d’œuvre de Hitchcock. Pourtant, le film est loin d’être parfait : d’une part les dialogues sont très ordinaires (1) et, d’autre part, l’actrice principale (Ruth Roman, imposée à Hitchcock par la Warner) et même Farley Granger montrent un jeu fade et sans relief. C’est plutôt la forme qui rend le film si remarquable : la construction du récit tout d’abord, l’utilisation d’une grande variété de lieux, les plans originaux (la scène du meurtre vue en reflet dans les verres de lunette est l’une des plus audacieuses du cinéma), la mise en place du suspense, de ces éléments transpire une grande maîtrise qui frise la perfection. Alfred Hitchcock est bien ici le maître du suspense. Il faut aussi souligner la belle prestation de Robert Walker (2), en fils de bonne famille charmeur et schizophrène, et de Marion Lorne (sa mère). L’inconnu du Nord Express permit à Hitchcock de renouer avec le succès, c’est maintenant l’un de ses films les plus connus. 
Note : 4 étoiles

Acteurs: Farley Granger, Ruth Roman, Robert Walker, Marion Lorne, Leo G. Carroll
Voir la fiche du film et la filmographie de Alfred Hitchcock sur le site IMDB.
Voir les autres films de Alfred Hitchcock chroniqués sur ce blog…

(1) Alfred Hitchcock et Raymond Chandler (engagé par la Warner) ne se sont pas entendus, vraiment pas du tout. Hitchcock a alors engagé un second scénariste (Czenzi Ormonde, une assistante de Ben Hecht) pour réécrire une bonne partie du scénario. Hitchcock raconte que, une fois le découpage fini, auncun écrivain ne voulait écrire les dialogues car personne ne trouvait cela bon.
(2) Robert Walker, acteur très prometteur à la vie personnelle assez tumultueuse, est hélas mort prématurément quelques mois plus tard. Il n’avait que 32 ans.

9 juin 2010

12 hommes en colère (1957) de Sidney Lumet

Titre original : « 12 Angry Men »

12 hommes en colèreLui :
Premier long métrage de Sydney Lumet, Douze hommes en colère est un film assez unique en son genre : ce huis clos étouffant nous montre le fonctionnement de la justice comme on ne l’a jamais vu. La réussite du film doit beaucoup à l’excellent scénario de Reginald Rose, scénario qui avait été rodé par une adaptation télévisuelle deux ans auparavant. Dans une affaire sans éclat, un jeune garçon d’origine modeste accusé d’avoir mortellement poignardé son père, douze jurés s’enferment pour délibérer. Ils doivent donner un verdict unanime. Tout accuse le jeune garçon, tous le croient coupable… sauf un.  Sydney Lumet était jusqu’alors un réalisateur de télévision et il a su ainsi s’adapter au budget réduit et à l’unité de lieu. Douze hommes en colère est en effet le huis clos le plus célèbre du cinéma : à part la première et la dernière minute, tout le film se déroule dans une seule pièce, petite et sans attrait, en temps réel, sans ellipse ni flashback. Le propos est assez fort car le film nous démontre la faillibilité du système, la fragilité des témoignages et l’influence des préjugés de toute nature, qu’ils soient généraux ou personnels. Le film nous interpelle : quels peuvent être, dans ce contexte, les fondements d’une conviction ? Au-delà de sa forme et de son contenu, ce qui donne à Douze hommes en colère toute sa force, c’est aussi son atmosphère : la chaleur accablante de cette journée orageuse semble traverser l’écran pour venir jusqu’à nous. Pour ce faire, Lumet utilise les gros plans avec une certaine habilité. Il joue également beaucoup avec la hauteur de caméra pour donner ou non de l’intensité aux discussions. S’il fut un peu ignoré à sa sortie américaine, Douze hommes en colère a peu à peu acquis le statut de film-étalon de son genre.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Henry Fonda, Lee J. Cobb, E.G. Marshall, Jack Klugman, Jack Warden, Ed Begley, George Voskovec, Robert Webber, Martin Balsam, John Fiedler, Edward Binns, Joseph Sweeney
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Remarques :
1) Contacté par United Artists pour tenir le rôle principal, Henry Fonda a accepté d’être également producteur après avoir visionné la version TV. C’est lui qui a engagé Sydney Lumet. Il s’agit du seul film produit par Henry Fonda.
2) Henry Fonda a fait répéter tout le monde pendant deux semaines comme s’il s’était agi d’une pièce de théâtre. Le tournage en lui-même n’a duré que 17 jours. Le budget final s’est établi à $340.000 ! Un budget ridicule pour un film de cinéma.
3) Si le film se déroule en temps continu, le tournage fut fragmenté. Pour limiter les déplacements d’éclairage, et donc les coûts, les plans d’un même côté de champ furent regroupés pour être tournés et ainsi de suite.
4) Henry Fonda raconte dans ses mémoires qu’il avait l’intention de sortir le film dans une petite salle new-yorkaise et compter ensuite sur le bouche à oreille. United Artists a voulu qu’il en soit autrement et le film est sorti au Capitol Theater de 4600 places… « Au premier jour, seuls les quatre ou cinq premiers rangs étaient remplis. Le film fut enlevé de l’affiche au bout d’une semaine ». Quelques mois plus tard, le film gagna l’Ours d’Or à Berlin et sa notoriété grandit ensuite.
6) Joseph Sweeney (juré 9, le juré le plus âgé) et George Voskovec (juré 11, l’horloger d’origine étrangère) jouaient déjà les mêmes rôles dans la version TV.

Version originale :
Studio One – Twelve angry men de Franklin J. Schaffner (TV, 60 mn, 1954) avec Robert Cummings dans le rôle principal.
Remakes :
12 angry men de William Friedkin (TV, 1997) avec Jack Lemmon
12 de Nikita Mikhalkov (2007).

18 mai 2010

Le mystère du château noir (1952) de Nathan Juran

Titre original : « The black castle »

Le mystère du château noirLui :
Un intrépide anglais se fait inviter chez un comte qui a fait disparaître deux de ses amis, afin de le démasquer et le faire juger. Le Mystère du Château Noir a tout ce qu’il faut pour nous offrir une atmosphère gothique à souhait : l’époque, le XVIIIe siècle, un château isolé en pleine Forêt-Noire à l’atmosphère épaisse avec portes dérobées, cachots et mécanismes, une chasse au léopard (très bien faite, juste un peu trop courte) dont l’ambiance n’est pas sans rappeler Les Chasses du Comte Zaroff, des crocodiles qui ne semblent pas manger tous les jours, des cercueils, des poisons, un serviteur muet et difforme, homme à vraiment tout faire (surtout le pire), une belle et candide comtesse… la panoplie semble complète mais contrairement à ce que l’on pourrait croire à la lecture de cette liste, le film n’est pas un fourre-tout, tous ces éléments sont à leur juste place et sans excès. Boris Karloff, cette fois, ne joue pas le rôle du méchant mais au contraire désapprouve celui-ci. Son rôle est toutefois assez effacé. L’ensemble est vraiment crédible. Le scénario aurait sans doute gagné à être développé davantage. Le Mystère du Château Noir est surtout un film d’atmosphère, réalisé dans le style des productions Universal des années 30 et 40. C’est réussi.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Richard Greene, Boris Karloff, Stephen McNally, Rita Corday, Lon Chaney Jr.
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16 mai 2010

L’homme qui rétrécit (1957) de Jack Arnold

Titre original : « The incredible shrinking man »

L'homme qui rétrécitLui :
L’homme qui rétrécit est l’un des films de science-fiction les plus remarquables de la décennie des années cinquante (à laquelle on doit plusieurs des plus belles perles du genre). Richard Matheson a écrit lui-même l’adaptation de son second roman de science-fiction (1), l’histoire d’un homme qui rétrécit après avoir traversé un nuage d’insecticide radioactif. Au-delà des trompe-l’œil et des effets spéciaux, remarquables pour l’époque, le film possède une dimension psychologique, l’influence de cette infirmité sur les rapports affectifs et sociaux, une dimension philosophique, puisque qu’il aborde les notions de l’existence de l’Homme et de sa place dans l’univers, et aussi un aspect écologique avec la crainte de l’énergie atomique et cette notion que l’homme doit redéfinir sa place. Toute la seconde partie du film se déroule presque sans parole, seule une voix off nous fait partager les angoisses et raisonnements du héros, ce qui rend le film très intense, une tension qui monte pour ne plus se relâcher. La fin est étonnante, totalement ouverte, très audacieuse pour le Hollywood de cette époque. Un très beau film qui, hélas, ne va pas échapper à l’épidémie du remake (2).
Note : 5 étoiles

Acteurs: Grant Williams, Randy Stuart, April Kent, Paul Langton
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(1) Le premier roman de science-fiction de Richard Matheson est Je suis une Légende qui sera adapté plusieurs fois au grand écran (dont deux fois par Hollywood).
(2) Un remake de L’homme qui rétrécit est prévu pour 2012, réalisé par Brett Ratner (Rush Hour) avec… Eddie Murphy. Au moins, il ne cherchera probablement pas à copier l’original… (nota: il ne s’est finalement pas fait)

27 avril 2010

Le gaucher (1958) de Arthur Penn

Titre original : « The left handed gun »

Le gaucherLui :
Dès son premier long métrage, Arthur Penn met en place les éléments qui vont marquer pratiquement tous ses films : un personnage principal tourmenté, ici le légendaire Billy The Kid, et une mise en scène que certains trouvent trop brouillonne mais que l’on peut aussi définir comme assez versatile, dans le bon sens du terme, avec des brusques accélérations, et surtout très libre. Le Gaucher est déjà l’archétype de son cinéma. Pour son Billy The Kid, il trouve l’interprète idéal avec le jeune Paul Newman qui tient là son premier grand rôle, sans aucun doute parmi les plus grands de toute sa carrière. Avec son visage enjôleur, il est capable de passer en quelques secondes d’une figure parfaitement angélique à celle d’un tueur implacable : adolescent, naïf, rieur, déboussolé, grave, froid, sûr de lui… il est tout à la fois. Sa quête d’un père (autre thème récurrent chez Arthur Penn) est touchante, Arthur Penn introduisant une dose de psychanalyse pas vraiment courante dans le genre du western. C’est ici tout le moteur du Gaucher : Billy The Kid ne fait que rechercher les assassins de son père adoptif  et il trouve sur son chemin un autre figure du père (Pat Garrett). A l’image de son personnage principal, Le Gaucher est un film complexe mais aussi plein de vie.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Paul Newman, Lita Milan, John Dehner, Hurd Hatfield, James Congdon, James Best
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Remarques :
Billy the Kid* La légende qui affirmait que Billy The Kid était gaucher s’est révélée être fausse! Cette erreur aurait été engendrée par une photographie inversée (d’ailleurs Arthur Penn s’amuse a recréer la situation où cette photographie a été prise). Une seconde photographie, prouvant qu’il était droitier, n’a été retrouvée qu’en… 1986.
* C’est James Dean qui devait tenir le rôle principal. Sa mort prématurée en 1955 l’en empêcha.

Autres films sur le thème de Billy the Kid chroniqués sur ce blog :
Billy the Kid de King Vidor (1930) avec Wallace Beery
Pat Garrett et Billy the Kid de Sam Peckinpah (1973) avec James Coburn, Kris Kristofferson (et Bob Dylan)
Il y a de nombreuses autres variations (voir la liste sur IMDB)

12 avril 2010

Intelligence service (1957) de Michael Powell et Emeric Pressburger

Titre original : « Ill met by moonlight »
Autre titre (USA) : « Night ambush »

Intelligence serviceLui :
L’histoire est basée sur des faits réels. En 1944, dans la Crète occupée, un officier britannique s’allie avec les résistants crétois pour enlever le général allemand qui règne en maître sur l’île. Le réalisateur Michael Powell a toujours eu une certaine attirance pour les îles et ici, une fois de plus, il sait utiliser magnifiquement reliefs et paysages pour donner un vrai style à son film (1). Mais c’est surtout par son humour que Intelligence Service a une personnalité propre, un humour discret qui apporte une indéniable distanciation, un humour très britannique qui sous-tend tout le film qui devient de ce fait plus un divertissement qu’un film d’action au fort suspense. Dirk Bogarde adopte un style de jeu très détendu (2). Intelligence serviceIntelligence Service n’est pas à la hauteur des meilleurs films de Michael Powell mais se laisse néanmoins regarder sans déplaisir. Tout au plus pourra t-on lui reprocher de manquer un peu d’intensité. Il s’agit du dernier film du tandem Powell / Pressburger.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Dirk Bogarde, Marius Goring, David Oxley, Dimitri Andreas, Cyril Cusack
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(1) Toutefois, le film a été tourné en grande partie non pas en Crète mais…  en France et en Italie.
(2) Dans son autobiographie, Michael Powell reproche à Dirk Bogarde son style trop décontracté, parfois presque enfantin, qui aurait déteint sur les autres acteurs.

8 avril 2010

Victime du destin (1953) de Raoul Walsh

Titre original : « The lawless breed »

Victime du destinLui :
Présentant une vision édulcorée de la vie de John Wesley Hardin (1), Victime du destin est un western qui met en relief la façon dont un homme peut être pris dans un engrenage de violence et être accusé de meurtres qu’il n’a pas commis. C’est aussi un réquisitoire contre les armes à feu puisque c’est à cause de son expertise dans leur maniement que le personnage sera pris dans cet engrenage. Rock Hudson, qui est ici pour la première fois dans un rôle de premier plan, donne une interprétation assez molle de son personnage, ce qui au moins le mérite d’en renforcer l’aspect naïf mais ne permet pas au film de prendre de l’ampleur. Victime du Destin apparaît aujourd’hui comme un Raoul Walsh plutôt mineur.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Rock Hudson, Julie Adams, Mary Castle, John McIntire, Dennis Weaver, Lee Van Cleef
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(1) John Wesley Hardin est un meurtrier qui a sévi au lendemain de la guerre de Sécession. On lui attribue une quarantaine de meurtres, dont plusieurs dans le dos et un « parce qu’il ronflait trop fort ». A partir de la publication posthume de son autobiographie en 1925, une légende s’est développée autour de son personnage, le présentant souvent comme une victime. Le mythe a certainement été alimenté par le fait qu’il est l’un des derniers grands bandits manieurs de colt. John Wesley Hardin reste aussi un nom connu de beaucoup depuis que Bob Dylan a ainsi nommé l’un de ses albums en 1967 (John Wesley Harding, avec un « g » à la fin, mais il s’agit bien du même).

19 mars 2010

Un américain bien tranquille (1958) de Joseph L. Mankiewicz

Titre original : « The quiet American »

Un Américain bien tranquilleLui :
En 1952, dans un Saigon sous présence française, un journaliste anglais d’âge mûr fait la connaissance d’un jeune américain. Très rapidement, celui-ci est attiré par la jeune maîtresse vietnamienne du journaliste. L’histoire est adaptée d’un roman de Graham Greene ; le début est assez fidèle au roman mais Joseph Mankiewicz s’en écarte rapidement, dénaturant totalement le fond du propos (1). Si le film a ainsi perdu une dimension importante, puisque l’on se retrouve face à une histoire plus banale et de moindre intérêt, il faut reconnaître qu’Un Américain bien Tranquille apparaît comme un film très intelligent doté d’une belle force. Il y a d’abord cette atmosphère, très authentique et très prenante, qui trace une trame de fond avec les problèmes d’un certain colonialisme et l’embarras des autorités françaises de l’époque. Il y a aussi cette importance des dialogues (comme toujours chez Mankiewicz) qui permet de tisser des relations complexes entre les personnages. Le cynisme du journaliste et la candeur du jeune américain (2) se font face dans une confrontation dont la jeune femme est malgré elle l’enjeu. La construction du film est adroite, elle permet en outre de donner une dimension dramatique dans la mesure où l’on connaît l’issue tragique dès la première minute. Malgré le détournement de l’histoire, Un américain bien tranquille est à ranger parmi les meilleurs films de Mankiewicz.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Audie Murphy, Michael Redgrave, Claude Dauphin, Giorgia Moll, Bruce Cabot, Fred Sadoff
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(1) Le roman de Graham Greene mettait en relief les manœuvres des américains pour mettre fin à la domination française en Indochine, « l’américain bien tranquille » était ainsi un agent de la C.I.A. Mankiewicz transforme l’ensemble et change les personnages pour adopter un propos plus simplement anti-communiste. Graham Greene s’en est indigné dès la sortie du film. L’Histoire lui a donné raison ; en 1958, l’Amérique ne savait pas qu’elle allait s’engager dans un conflit dont elle ne saurait se sortir avant de nombreuses années.
(2) Le film fut également critiqué pour son choix de l’acteur interprétant l’américain tranquille : Audie Murphy est un ancien soldat, le soldat américain le plus décoré de la Seconde Guerre mondiale, remarqué pour cette raison par James Cagney qui tenta d’en faire un acteur. Il faut bien admettre qu’Audie Murphy (qui a tourné surtout des westerns et des films de guerre) est loin d’être un acteur mémorable…

Remake :
Un américain bien tranquille (The quiet american) de Phillip Noyce (2002) avec Michael Caine, Brendan Fraser. Cette adaptation est plus proche du livre mais, néanmoins, n’a pas tout à fait la même force. Lire nos commentaires sur ce film

27 février 2010

Orphée (1950) de Jean Cocteau

OrphéeLui :
Jean Cocteau transpose le mythe d’Orphée à l’époque actuelle, transposition qu’il faut plutôt voir comme une interprétation très personnelle de cette légende grecque. Dans un quartier genre Saint-Germain des Prés, Orphée est ainsi un poète à succès méprisé par la jeunesse. Il va faire connaissance avec La Mort, sous les traits d’une jeune femme qui va le fasciner et dont il va tomber amoureux. Il est indéniable que Jean Cocteau s’identifie à Orphée (ce sera encore plus net dans le film Le Testament d’Orphée, dix ans plus tard).
OrphéeCinématographiquement, Orphée se distingue par son inventivité et certaines libertés que Cocteau prend dix ans avant la Nouvelle Vague. Il utilise avec parcimonie certains trucages pour créer des effets surréalistes assez réussis. Le texte est beau et les acteurs l’interprètent avec la bonne mesure, sans mettre trop d’emphase. Maria Casarès incarne une Mort troublante et fascinante que les effets d’éclairages rendent plus envoûtante encore. Le film reste très facile d’accès, il suffit de se laisser gagner par lui. Malgré son positionnement marqué dans le temps, il apparaît aujourd’hui assez intemporel.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Jean Marais, François Périer, María Casares, Marie Déa, Juliette Gréco, Edouard Dermithe
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Remarques :
Orphée1) Jean Cocteau avait déjà adapté Orphée en pièce de théâtre en 1925, adaptation un peu plus proche de la légende grecque mais déjà très personnelle.
2) Les scènes situées dans le Royaume des Morts ont été tournées dans les ruines de Saint-Cyr (bombardé pendant la guerre).
3) Les dessins du générique sont de Cocteau lui-même, tout comme la voix off.
4) En plus de Juliette Gréco (qui joue Aglaonice, l’amie d’Eurydice), on peut remarquer la présence dans des petits rôles non crédités au générique de Jean-Pierre Melville (le directeur de l’hôtel), de Jean-Pierre Mocky (l’un des jeunes fauteurs de trouble), de Jacques Doniol-Valcroze, futur réalisateur et fondateur des Cahiers du Cinéma (l’un des jeunes au café).
5) Voici comment Cocteau parle de son film : « Orphée est un film qui ne peut exister que sur l’écran. J’ai essayé d’y employer le cinématographe non comme un stylographe mais comme de l’encre. J’y mène plusieurs mythes de front et je les entrecroise. Drame du visible et d’invisible. La Mort d’Orphée se trouve dans la situation d’une espionne. Elle se condamne elle-même au bénéfice de l’homme qu’elle doit perdre. L’homme est sauvé, La Mort meurt, c’est le mythe de l’immortalité. »

Autres adaptations du mythe d’Orphée au cinéma :
Orfeu negro (Orphée noir) film franco-brésilien de Marcel Camus (1959)
Parking de Jacques Demy (1985) avec Francis Huster

1 février 2010

Les sensuels (1957) de Martin Ritt

Titre original : « No down payment »
Autre titre (Belgique) : « L’homme d’en face »

No Down Payment Lui :
Il faut mieux le préciser d’emblée : regarder Les Sensuels après avoir été attiré par le titre français risque de générer une certaine déception. Cette « traduction » est probablement le fait d’un distributeur qui a pris ses désirs pour la réalité… car il n’y a pas une once de sensualité à l’horizon. S’il est indéniablement moins affriolant, le titre original est au moins plus explicite. Il fait référence au système des ventes à crédit : « No down payment » signifie « sans apport initial ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit : le film est une peinture sociale de la bourgeoisie moyenne de l’Amérique des années 50, celle qui adhérait si fortement à cet american way of life reposant sur le crédit, où tout est proposé avec no down payment. No Down Payment Nous observons ainsi quatre couples qui viennent de s’installer dans l’une de ces petites villes résidentielles de bon standing qui poussent comme des champignons. Le film montre bien leurs valeurs, leur désir de progression sociale, la pression de l’argent et des conventions, leurs frustrations en cas d’échec et l’impact sur leurs vies personnelles. Il en est presque documentaire, tout en sachant rester prenant et vivant car remarquablement bien interprété par ses huit acteurs principaux. Un peu maladroitement, Martin Ritt ajoute une note dramatique trop appuyée en fin de film, elle semble bien inutile. No Down Payment est un film étonnamment peu connu, une superbe peinture sociale qui ne manque pas d’intensité.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Joanne Woodward, Sheree North, Tony Randall, Jeffrey Hunter, Cameron Mitchell, Patricia Owens, Barbara Rush, Pat Hingle
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Voir les autres films de Martin Ritt chroniqués sur ce blog…

Remarque :
L’affiche américaine ci-dessus aurait tendance à montrer que cette volonté de sensualiser l’ensemble viendrait aussi des distributeurs américains. Ce qui est amusant, c’est que le producteur aurait demandé à Martin Ritt d’écarter tous les passages trop intimes du roman de John MacPartland… c’est toute l’ambivalence des studios hollywoodiens.