15 septembre 2010

Erreur tragique (1913) de Louis Feuillade

Erreur tragiqueLui :
(Muet, 24 mn) Un aristocrate est pris de jalousie meurtrière après avoir vu dans un film sa femme avec un autre homme. Erreur tragique donne l’impression de préfigurer la série des Fantômas : le moyen imaginé par le mari jaloux est assez machiavélique et l’acteur René Navarre sera Fantômas. Louis Feuillade joue ici plus sur l’atmosphère générale que sur le suspense proprement dit. Erreur tragique On remarquera l’originalité de mettre un film dans le film, ce qui nous permet de visualiser l’entrée d’un cinéma de l’époque (même s’il est reconstitué en studio). De même, nous voyons la taille d’une bobine de film (étonnamment petite).
Note : 3 étoiles

Acteurs: René Navarre, Suzanne Grandais, Paul Manson
Voir la fiche du film et la filmographie de Louis Feuillade sur le site IMDB.

Voir les autres films de Louis Feuillade chroniqués sur ce blog…

29 août 2010

La dame de pique (1916) de Yakov Protazanov

Titre original : « Pikovaya dama »

Pikovaya damaLui :
Bien qu’il ait hélas laissé peu de traces, le cinéma russe a bien existé avant le cinéma soviétique (1). Yakov Protazanov, spécialiste des adaptations de chefs-d’œuvre littéraires russes, est l’un des réalisateurs les plus importants de la période tzariste. Ici, c’est l’adaptation d’une nouvelle de Pouchkine La Dame de Pique : un jeune officier tente par tous les moyens d’obtenir d’une vieille comtesse un secret qui lui permettrait de gagner à coup sûr au jeu. Cet officier, c’est Ivan Mosjoukine, acteur russe très célèbre (2), qui joue ici beaucoup avec son regard (largement surligné de noir). Si son jeu reste encore un peu trop chargé d’emphase par moments, il manifeste une très forte présence à l’écran. Il est indéniablement le pivot central de cette production assez ambitieuse qui a utilisé une cinquantaine de figurants pour certaines scènes. On notera également quelques effets spéciaux d’incrustation à la toute fin par double-exposition de la pellicule. Rare rescapé du cinéma russe, La Dame de Pique est intéressant ne serait-ce que pour son aspect historique.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Ivan Mosjoukine, Vera Orlova, Elizaveta Cheboueva, Tatiana Douvan
Voir la fiche du film et la filmographie de Yakov Protazanov sur le site IMDB.

Voir les autres films de Yakov Protazanov chroniqués sur ce blog…

(1) Le premier film russe connu est de 1908. On peut dater les débuts du cinéma soviétique au 27 août 1919, date à laquelle Lénine a signé le décret de nationalisation du cinéma. Les débuts du cinéma soviétique furent difficiles par manque de moyens. L’un des premiers grands films du nouveau régime sera Aelita (1924) du même Protazanov… revenu en Union Soviétique après avoir d’abord émigré en France juste après la Révolution.
(2) Après avoir tourné près de 50 films en Russie jusqu’en 1918, Ivan Mosjoukine émigrera en France où il continuera à tourner. Il a réalisé un remarquable film avant-gardiste : Le Brasier Ardent (1923).

Autres adaptations de la nouvelle de Pouchkine :
La Dame de Pique de Fyodor Otsep (1937) avec Marguerite Moreno
La Reine des Cartes (Queen of Spades) de Thorold Dickinson (1949) avec Edith Evans et Anton Walbrook
Pikovaya Dama de Roman Tikhomirov (1960) avec Oleg Strizhenov
La Dame de Pique de Léonard Keigel (1965) avec Dita Parlo
+ de nombreuses adaptations pour la télévision.

25 août 2010

A chacun sa vie (1918) de Marshall Neilan

Titre original : « Amarilly of Clothes-Line Alley »

Amarilly of Clothes-Line AlleyLui :
(film muet) A Chacun sa Vie est une comédie faite sur mesure pour Mary Pickford, alors au sommet de sa gloire. Dans la rue Clothes-Line Alley (ainsi nommée du fait des cordes à linge tendues en travers de la rue), la jeune Amarilly vit gaiement entre sa mère, lingère, ses nombreux frères et son fiancé. Elle fait la rencontre d’un riche jeune philanthrope qui veut la faire changer de vie… La peinture sociale est à la fois amusante et assez mordante. Le regard porté sur cette famille nombreuse d’origine irlandaise est plein de tendresse (1) alors que la peinture faite de la bonne société qui fait de la charité un passe-temps mondain est sans complaisance. L’humour est toutefois omniprésent, y compris dans les « dialogues ». Mary Pickford illumine le film par sa pétulance, pleine de vie, capable de passer d’exprimer de multiples sentiments dans la même scène. On comprend aisément l’attrait qu’elle pouvait avoir sur le public et son immense popularité. La fin du film n’est pas très conventionnelle, surtout pour cette époque qui prônait la réussite sociale (à l’instar de notre époque actuelle). A chacun sa vie est le quatrième des 7 films que Mary Pickford a tourné avec Marshall Neilan (2). Ce n’est pas le plus connu, il n’en est pas moins brillant et particulièrement plaisant.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Mary Pickford, William Scott, Kate Price, Ida Waterman, Norman Kerry
Voir la fiche du film et la filmographie de Marshall Neilan sur le site IMDB.

Remarques :
(1) A ce sujet, il faut garder à l’esprit que Marshall Neilan et Mary Pickford ont en commun d’avoir des origines plutôt modestes. Marshall Neilan a commencé comme chauffeur de D.W. Griffith qui lui donna ensuite sa chance en tant qu’acteur. C’est chez Griffith qu’il a connu Mary Pickford.
(2) Dans ses mémoires, Mary Pickford déclare qu’elle considère Marshall Neilan comme le meilleur réalisateur avec qui elle ait tourné… C’est en tout cas certainement celui avec lequel elle s’est le mieux entendu. Ceci dit, il est certain que Neilan était plus au service de Mary Pickford que l’inverse.

24 août 2010

La raccomodeuse de filets (1912) de David W. Griffith

Titre original : « The mender of nets »

La raccomodeuse de filetsLui :
(muet, 12 mn) Une jeune raccommodeuse de filets est demandée en mariage par un pêcheur. Celui-ci avait cependant promis la même chose à une autre femme (on nous laisse supposer qu’elle est même enceinte). Le frère veut laver l’honneur de la famille. Ce film est assez étonnant par la force du récit qui est pourtant assez simple à la base. Une fois de plus, Griffith joue sur les attitudes ou les regards pour créer un suspense, une tension et offrir un mélodrame intense. Il montrait alors une extraordinaire maitrise de la mise en scène. A noter la présence conjointe de Mabel Normand et Mary Pickford. Les deux actrices n’ont tourné que deux fois ensemble.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Mary Pickford, Charles West, Mabel Normand
Voir la fiche du film et la filmographie de David W. Griffith sur le site IMDB.

Voir les autres films de David W. Griffith chroniqués sur ce blog…

23 août 2010

Derrière les volets clos (1910) de David W. Griffith

Titre original : « The house with closed shutters »

The House with Closed ShuttersLui :
(muet, 16 mn) Pendant la Guerre de Sécession, une jeune femme Grace Henderson), patriotique exaltée, prend la place de son frère (Henry Walthall) qui se révèle être trop lâche. Elle est tuée sous son identité lors d’un combat et le frère doit rester caché pour sauver l’honneur de la famille.  Le film est largement surjoué par tous les acteurs, ce qui donne une certaine grandiloquence à l’ensemble et lui enlève hélas toute force. En revanche, les scènes d’action et de combats sont assez remarquables, l’une d’entre elles étant en plan large, filmée avec beaucoup de soin et une certaine nombre de figurants, une scène qui préfigure  Naissance d’une Nation.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Henry B. Walthall, Grace Henderson, Dorothy West
Voir la fiche du film et la filmographie de David W. Griffith sur le site IMDB.

Voir les autres films de David W. Griffith chroniqués sur ce blog…

23 août 2010

L’usurier (1910) de David W. Griffith

Titre original : « The usurer »

The UsurerLui :
(muet, 17 mn) Un usurier envoie ses agents collecter l’argent auprès de familles pauvres parfaitement incapables de payer. Ils saisissent les meubles. Comme pour le film Les spéculateurs (Corner in wheat), David Griffith réalise un montage parallèle pour montrer le fort décalage entre les riches profiteurs, dénués de toute compassion, et les pauvres qui luttent pour simplement survivre. Le propos ici est plus brutal puisque l’usurier est qualifié plusieurs fois dans les intertitres de suceur de sang et que sa mort (assez tragique) est présentée comme une délivrance et un bienfait. A noter la présence de Mack Sennett (l’un des usuriers) et de Mary Pickford (la jeune fille couchée et invalide).
Note : 3 étoiles

Acteurs: George Nichols, Grace Henderson, Mack Sennett, Mary Pickford
Voir la fiche du film et la filmographie de David W. Griffith sur le site IMDB.

Voir les autres films de David W. Griffith chroniqués sur ce blog…

23 août 2010

La dernière larme (1911) de David W. Griffith

Titre original : « The last drop of water »

The Last Drop of WaterLui :
(muet, 18 mn) Parmi ses deux prétendants, une jeune fille choisit le moins timide et l’épouse. Quelques mois plus tard, ils se retrouvent tous les trois dans une caravane de chariots en route vers l’Ouest. Attaqués par les indiens en zone désertique, les deux hommes doivent trouver de l’eau. The last drop of water est l’un des premiers westerns de Griffith. Il est entièrement tourné en extérieurs et fait intervenir plusieurs dizaines de figurants. Bien que l’action soit le plus souvent bien centrée sur le trio principal de personnages, le déroulement et le propos restent un peu confus. Les scènes d’attaque des indiens semblent un ton en dessous des scènes de guerre de Sécession que Griffith a précédemment mises en scène dans d’autres films courts.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Blanche Sweet, Charles West, Joseph Graybill
Voir la fiche du film et la filmographie de David W. Griffith sur le site IMDB.

Voir les autres films de David W. Griffith chroniqués sur ce blog…

20 août 2010

Maris aveugles (1919) de Erich von Stroheim

Titre original : « Blind husbands »
Autre titre français : « La loi des montagnes »

Maris AveuglesLui :
(film muet) Après avoir été l’assistant de Griffith ou d’Emerson et joué de nombreux rôles secondaires (1), Erich von Stroheim réalise son premier film en 1919. Il en a écrit le scénario et interprète l’un des trois rôles principaux. Dans un petit village des Alpes autrichiennes, un officier, redoutable homme à femmes, jette son dévolu sur une touriste américaine, épouse négligée par son mari, médecin et alpiniste chevronné. Si cette histoire de triangle amoureux est moins complexe que celle de ses films suivants, Maris Aveugles apparaît fortement marqué par l’empreinte d’Erich von Stroheim : le film comporte déjà cette atmosphère légèrement décadente et bon nombre d’éléments de scénario et de style qu’il poussera ensuite jusqu’à la perfection. La loi des montagnes Le film est franchement en avance sur son époque par le jeu retenu des acteurs et le scénario se déroule, non pas au moyen d’une profusion de mouvements, mais plutôt par des attitudes, des regards, des petits évènements. L’ensemble paraît ainsi beaucoup plus naturel. Maris Aveugles fut un grand succès, critique et populaire, Erich von Stroheim apportant ainsi aux jeunes Studios Universal (qui n’avaient alors que quatre ans d’existence) leur premier grand titre, le premier film pourvoyeur de rentrées financières réelles et d’une reconnaissance artistique. De son côté, Eric von Stroheim aura ensuite les coudées franches pour tourner ses films suivants qui furent ainsi bien plus dispendieux et aussi plus complets et plus aboutis.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Sam De Grasse, Francelia Billington, Erich von Stroheim, Gibson Gowland
Voir la fiche du film et la filmographie de Erich von Stroheim sur le site IMDB.

Voir les autres films de Erich von Stroheim chroniqués sur ce blog…

Remarques :
La loi des montagnes * Par son contrôle complet sur tous les aspects du film (écriture, interprétation, réalisation) et par sa vision personnelle, Erich von Stroheim peut être ainsi considéré comme le premier véritable auteur de cinéma.
* Il faut signaler que, parmi les films réalisés par Erich von Stroheim, Blind Husbands est le seul qui ne fut pas mutilé par les coupes des Studios : la version de 92 minutes qui est parvenu jusqu’à nous est donc celle qu’a voulu Stroheim (hormis le titre, puisqu’il voulait l’appeler « The Pinnacle », le nom de la montagne qu’ils vont escalader). Il existe toutefois une version de 68 minutes.

(1) Dans la seconde moitié des années 1910, Eric von Stroheim s’est vu rapidement cantonné aux rôles de personnages cyniques et cruels. Son style d’officier prussien guindé était parfait en ces années de guerre pour personnifier les méchants de toutes sortes. Cela lui valut le surnom de « l’homme que vous aimerez haïr » (« the man you love to hate »).

18 août 2010

Harakiri (1919) de Fritz Lang

Madame ButterflyLui :
(film muet) Au tout début de sa carrière, Fritz Lang réalise cette adaptation de l’opéra de Puccini « Madame Butterfly » (1). L’adaptation est très fidèle, le scénario étant très proche du livret : une femme japonaise s’éprend d’un occidental de passage qui l’épouse. Elle attend son retour avec l’enfant qui a vu le jour. Les décors et costumes sont assez soignés, ce qui est assez remarquable quand on pense à la rapidité à laquelle se tournaient les films alors (2). En revanche, il est aujourd’hui assez difficile de ne pas être perturbé par l’apparence très occidentale des acteurs, pas un seul n’a le moindre trait japonais. Globalement, Harakiri n’a pas la force habituelle des films de Fritz Lang mais on peut remarquer quelques scènes remarquables, les plus tragiques. La scène finale est assez stupéfiante dans le sens où elle présente des points communs avec le drame qui a touché Fritz Lang et qui a marqué tous ses films. Seulement en 1919, ce drame n’est pas encore arrivé (3).
Note : 2 étoiles

Acteurs: Lil Dagover, Niels Prien, Georg John, Meinhart Maur, Rudolf Lettinger
Voir la fiche du film et la filmographie de Fritz Lang sur le site IMDB.
Voir les autres films de Fritz Lang chroniqués sur ce blog…

Honorables homonymes :
Hara-kiri de Marie-Louise Iribe et Henri Debain (1928)
Harakiri de Masaki Kobayashi (1962), superbe film
(ce ne sont pas des remakes, les scénarios sont différents)

(1) Le livret de Madame Butterfly est l’œuvre de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica. Cet opéra de Puccini fut représenté pour la première fois à La Scala de Milan le 17 février 1904, soit seulement 15 ans avant le film de Lang.
(2) Fritz Lang a réalisé 4 longs métrages au cours de la seule année 1919. Celui-ci est le quatrième. De plus, il faut se souvenir que la situation politique de l’Allemagne était très instable : la République de Weimar n’est dotée d’une Constitution qu’à la fin de juillet 1919.
(3) En 1920, Fritz Lang rencontre Théa von Harbou, ils écrivent ensemble les scénarios. Rapidement, ils tombent amoureux l’un de l’autre. Théa von Harbou emménage dans l’immeuble même où habite Fritz Lang et sa femme, Lisa Rosenthal. Un jour de 1921, la femme surprend les deux amants. Sans se montrer, elle remonte dans son appartement et se donne la mort avec une arme à feu appartenant à son mari. C’est du moins la version finalement retenue par la police qui a tout de même interrogé longuement les deux amants. L’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’un meurtre a même été émise. Sans aller jusque là, l’évènement est suffisamment traumatisant pour que tous les films ultérieurs de Fritz Lang soient marqués par la culpabilité et l’idée qu’il suffit de peu de choses pour qu’un homme ordinaire devienne un meurtrier, parfois involontaire.
Note: Le déroulement exact de cet évènement tragique reste incertain. Cette version des faits, la plus probable, est celle émise en premier par Patrick McGilligan dans son livre : « Fritz Lang: The Nature of the Beast », St. Martin’s Press, New York (1997)

31 mai 2010

Une idylle aux champs (1919) de Charles Chaplin

Titre original : « Sunnyside »

Une idylle aux champsLui :
(Court-métrage muet de 30 minutes) Avant dernier court-métrage de Chaplin, Sunnyside semble se placer à contre-temps dans sa filmographie, rappelant par certains côtés les films qu’il faisait chez Essanay quatre ans plus tôt. Chaplin délaisse le personnage du vagabond pour mettre en scène un garçon de ferme qui travaille en outre dans l’hôtel/épicerie du village et qui trouve néanmoins le temps pour aller conter fleurette à la voisine. L’humour est plus classiquement « slapstick » Sunnyside (le nombre de coups de pied aux fesses est d’ailleurs impressionnant) ce que ne l’empêche pas d’être très réussi par moments (comme par exemple, la scène du lever matinal, le petit déjeuner où il pose directement la poule sur la poêle pour qu’elle ponde, les scènes dans le hall de hôtel où il lave par terre entre les jambes des clients, etc…). L’ensemble est plaisant mais tout de même inégal, avec d’excellents passages alors que d’autres scènes paraissent bien inutiles : la scène avec les jeunes nymphes paraît aujourd’hui particulièrement superflue, Chaplin essayant bien maladroitement d’introduire une note de poésie qui est bien trop appuyée. Chaplin a eu beaucoup de mal à monter l’ensemble et cela se sent sur le résultat qui paraît assez décousu.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Charles Chaplin, Edna Purviance, Tom Wilson, Henry Bergman
Voir la fiche du film et la filmographie de Charles Chaplin sur le site IMDB.

Voir les autres films de Charles Chaplin chroniqués sur ce blog…

Remarques :
Sunnyside serait le premier film où Charles Chaplin a composé lui-même la musique.