29 septembre 2010

Providence (1977) de Alain Resnais

ProvidenceLui :
En proie à l’insomnie et aux douleurs, un écrivain septuagénaire passe une mauvaise nuit tout en imaginant les scènes de son prochain roman. Peu à peu, il construit son histoire autour d’un procureur cynique et insensible, de sa femme qui aspire à une autre vie et d’un apathique doux rêveur. Providence est un film à plusieurs facettes : c’est en premier un film sur les mécanismes, parfois douloureux, de la création : cet écrivain puise dans ses proches pour créer des personnages en les transformant pour qu’ils deviennent tels qu’il les voit ; il place aussi ses propres terreurs, ses angoisses, sa propre culpabilité. C’est aussi un film sur l’imaginaire, un imaginaire qui n’est pas sans éviquer celui de Lovecraft (1). C’est un film sur l’autorité et le despotisme avec ce climat de guerre et de junte militaire directement issu des angoisses mêlés de souvenirs de l’écrivain. C’est un film sur la mort, omniprésente par la menace de son imminence. C’est un film sur la personnalité, celle qui est visible et celle qui est enfouie. Le retour à la réalité à la fin du film avec son déjeuner en plein air est à la fois éclairant et même amusant, car il nous donne les clés de son imaginaire de la nuit. Providence est ainsi un film très riche, qui peut dérouter, certes, mais qui s’inscrit indéniablement parmi les plus grands films d’auteur du cinéma français.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Dirk Bogarde, Ellen Burstyn, John Gielgud, David Warner, Elaine Stritch
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(1) Alain Resnais a très probablement nommé la maison de l’écrivain Providence en hommage à H.P. Lovecraft. Lovecraft a en effet vécu toute sa vie dans la ville de Providence (Rhode Island) aux Etats Unis.

21 septembre 2010

Tokyo! (2008) de Michel Gondry, Leos Carax et Joon-ho Bong

Tokyo!Lui :
De ces trois courts-métrages sur la mégapole de Tokyo, c’est sans aucun doute celui de Leos Carax qui est la plus marquant : un laideron humain qui semble avoir jailli des entrailles de la terre sème la panique et la mort dans les rues de Tokyo en courant comme un dératé. Les médias le surnomment « la créature des égouts ». Leos Carax crée un personnage assez étonnant, sorte de croisement entre Nosferatu et Quasimodo, au langage et au comportement incompréhensif, un être totalement déplacé. Avant cela, Michel Gondry met en scène un jeune couple qui tente de s’installer à Tokyo. Le thème est celui de la difficulté de s’insérer, l’histoire se recentrant essentiellement sur la jeune femme qui opère une métamorphose inattendue, d’abord fantastique mais qui devient poétique. Le dernier court-métrage, celui du coréen Bong Joon-ho, aborde le même sujet sous angle totalement différent : un « hikikomori », c’est-à-dire un jeune qui vit cloîtré chez lui avec le minimum de contact avec l’extérieur, va voir sa vie chamboulée lorsqu’une jeune livreuse de pizza s’évanouit à sa porte lors d’un tremblement de terre. Cette fable traite de façon amusante de l’incommunicabilité.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Ayako Fujitani, Ryo Kase, Denis Lavant, Jean-François Balmer, Teruyuki Kagawa, Yû Aoi
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Les trois courts-métrages qui composent Tokyo! :
Interior Design de Michel Gondry
Merde de Leos Carax
Shaking Tokyo de Bong Joon-ho

20 septembre 2010

Le récit du colonel (1907) de Louis Feuillade

Le récit du colonelLui :
(Muet, 4mn) Le récit du Colonel est une fantaisie particulièrement débridée. Lors d’un dîner mondain, un colonel se voit prié de raconter une bataille où il s’est illustré. Se laissant emporter par son récit, il commence à mimer l’action avec tant d’ardeur que la salle du dîner se retrouve rapidement mise à sac. Sur le plan cinématographique, il n’y a sans doute rien d’exceptionnel, la caméra reste en place, mais c’est le jeu des acteurs qui rend ce petit film vraiment très drôle : ils sursautent tout d’abord, ensuite la peur les gagne, puis la terreur… Leurs réactions sont parfaitement réglées ; une bonne troupe de comédiens. De plus, il est toujours amusant de voir que l’humour à cette époque pouvait aller assez loin dans l’absurde et même dans une certaine violence : la salle du dîner est en effet totalement dévastée.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Alice Tissot, Maurice Vinot, Renée Carl
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17 septembre 2010

L’orgie romaine (1911) de Louis Feuillade

HéliogabaleLui :
(Muet, 8 mn) Entre 1908 et 1913, Louis Feuillade a réalisé un certain nombre de petits films historiques et cette Orgie Romaine en est un bon exemple. En 218 après J.C., l’empereur romain Elagabal mène une vie décadente qui va se retourner contre lui. Précisons tout de suite que l’érotisme promis implicitement par le titre (si on le lit dans le sens moderne du terme) est totalement absent, les danseuses restent très habillées pendant la fameuse orgie. Cependant pour l’époque, la vision de cette vie de plaisirs avait de quoi choquer les esprits par ce qu’elle évoque et sous-entend… Le film est intéressant par ses costumes, nombreux et très travaillés, et aussi par l’utilisation de lions, d’abord dans une fosse où l’on jette un maladroit puis… en liberté dans la scène de l’orgie et donc sur le plateau(!) Etonnant. On peut noter aussi l’évidente cruauté de l’ensemble, même si les scènes dures se déroulent juste en dehors du champ de la caméra. A cette époque, le cinéma français (et aussi, dans une certaine mesure, italien) était bien en avance sur le cinéma américain, en particulier dans le genre du film historique.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jean Aymé, Louise Lagrange, Luitz-Morat
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16 septembre 2010

Le coeur et l’argent (1912) de Louis Feuillade

Le coeur et l'argentLui :
(Muet, 18mn) Bien qu’elle soit amoureuse d’un jeune batelier sans le sou, une jeune femme accepte d’épouser un homme riche et âgé sous la pression de sa mère. Le Cœur et l’Argent présente quelques particularité intéressantes : il a été tournée presqu’entièrement en extérieurs en banlieue (qui était encore très champêtre à cette époque), l’image est assez travaillée dans sa composition, Suzanne Grandais dans Le coeur et l'argent il présente une belle utilisation de l’écran partagé (ou split-screen, certainement obtenu ici à l’aide d’une double exposition avec cache) et il nous montre la jeune et fraîche Suzanne Grandais âgée de 19 ans, actrice qui allait devenir une grande vedette avant de périr tragiquement, à l’âge de 27 ans, dans un accident automobile pendant un tournage.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Suzanne Grandais, Renée Carl, Paul Manson
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15 septembre 2010

Erreur tragique (1913) de Louis Feuillade

Erreur tragiqueLui :
(Muet, 24 mn) Un aristocrate est pris de jalousie meurtrière après avoir vu dans un film sa femme avec un autre homme. Erreur tragique donne l’impression de préfigurer la série des Fantômas : le moyen imaginé par le mari jaloux est assez machiavélique et l’acteur René Navarre sera Fantômas. Louis Feuillade joue ici plus sur l’atmosphère générale que sur le suspense proprement dit. Erreur tragique On remarquera l’originalité de mettre un film dans le film, ce qui nous permet de visualiser l’entrée d’un cinéma de l’époque (même s’il est reconstitué en studio). De même, nous voyons la taille d’une bobine de film (étonnamment petite).
Note : 3 étoiles

Acteurs: René Navarre, Suzanne Grandais, Paul Manson
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14 septembre 2010

Chéri (2009) de Stephen Frears

ChériLui :
Stephen Frears adapte l’un des romans les plus célèbres de Colette : Chéri. L’histoire est celle d’un amour fou, au tout début des années 1900, entre une ancienne courtisane et le jeune fils de l’une de ses amies et anciennes collègues. Bien que l’époque ne soit pas la même, il est impossible de ne pas penser aux Liaisons Dangereuses qu’il a adapté avec brio 20 ans auparavant. Le scénariste est d’ailleurs le même : Christopher Hampton. L’histoire en elle-même peut paraître assez classique, mais c’est son traitement qui est remarquable. La reconstitution du Paris de 1910 est un vrai délice visuel avec ses décors art nouveau et la caméra de Stephen Frears y compose des plans de toute beauté. Certains plans sont à couper le souffle. Michelle Pfeiffer montre beaucoup de charme et une très grande présence à l’écran. Face à elle, le jeune Rupert Friend donne une interprétation consistante de son personnage vide et tourmenté. Stephen Frears est un grand cinéaste : de Chéri émane une ampleur et surtout une élégance qui est de plus en plus rare dans le cinéma.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Michelle Pfeiffer, Rupert Friend, Kathy Bates, Iben Hjejle, Frances Tomelty
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Remarque :
La maison où habite le personnage joué par Michelle Pfeiffer est l’Hôtel Messara, sis au 60 rue de la Fontaine à Paris 16e, superbe maison de style Art Nouveau dessinée par Hector Guimard lui-même (le créateur des entrées du métropolitain). L’extérieur et l’intérieur sont de toute beauté.
Voir photos sur le site lartnouveau.com, 3 pages : Extérieurs, Façade et Intérieurs.

Autres adaptations du roman de Colette :
Chéri de Pierre Billon (1950) avec Jean Desailly et Marcelle Chantal
Chéri (TV) de François Chatel (1962) avec Jean-Claude Brialy et Madeleine Robinson.

7 septembre 2010

De la guerre (2008) de Bertrand Bonello

De la guerreLui :
En mal d’inspiration, un cinéaste (qui serait un alter ego de Bertrand Bonello) est à la recherche de sensations nouvelles. Déprimé, il se laisse entraîner par un inconnu dans une propriété où un petit groupe tente d’atteindre le plaisir et un certain absolu. De la Guerre nous fait vivre cette expérience. Après la mise en place plutôt bien faite d’une atmosphère assez prenante, instable et fragile, le film s’empêtre quelque peu et nous livre un salmigondis de pratiques diverses : retour à l’animalité, zen, transe, vaudou, amour libre, isolement, privations,… tout y passe, le tout saupoudré de vagues références et d’une allégorie guerrière qui vaut son titre au film (interprétation au premier degré d’un axiome qui voudrait que « le plaisir doit se gagner comme on gagne une guerre »). Le seul qui semble s’amuser dans l’histoire, c’est Michel Piccoli qui fait une courte apparition en « vieux sage qui prodigue ses conseils au petit scarabée ». De la Guerre est typiquement le genre de film qui sera apprécié très différemment suivant les spectateurs : soit on réagit à (au moins) l’un de ses éléments soit on trouve tout cela très vain.
Note : 1 étoile

Acteurs: Mathieu Amalric, Guillaume Depardieu, Asia Argento, Clotilde Hesme, Aurore Clément, Laurent Lucas, Michel Piccoli
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2 septembre 2010

L’apprenti (2008) de Samuel Collardey

L'apprentiLui :
Elève dans un lycée agricole du Jura, le jeune Mathieu est apprenti en alternance dans une ferme, petite exploitation familiale isolée. Là, il participe aux travaux de la ferme et s’intègre peu à peu dans cette famille. Le film de Samuel Collardey est fortement ancré dans la réalité : il n’utilise pas d’acteurs professionnels mais de vrais personnages, le scénario est le moins directif possible, l’évolution des personnages du film est celle des vraies personnes. En revanche, il donne un traitement vraiment cinématographique à son film (caméras 35mm, éclairages, montage travaillé) et filme avec une certaine perfection en évitant les facilités (pas de caméra à l’épaule tremblotante pour faire « vrai »). Lui-même originaire de ce monde rural qu’il filme, il en donne une image très authentique, certainement pas une image édulcorée pour citadins en mal de nature. Son tour de force est d’avoir su garder intacte cette réalité malgré les outils utilisés et d’avoir su transmettre la profondeur de ses personnages. Nous sommes loin des clichés. Revers de cette authenticité, il faut accepter le fait de ne pas comprendre tous les dialogues…
Note : 4 étoiles

Acteurs: Mathieu Bulle, Paul Barbier
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30 août 2010

Un conte de Noël (2008) de Arnaud Desplechin

Un conte de NoëlLui :
Portant un passé lourd de tragédie et de haine, une famille se réunit à l’occasion des fêtes de Noël. Arnaud Desplechin livre un film très abouti, riche et complexe, qui sait s’écarter des conventions. Il joue avec les liens et les incompatibilités (d’humeurs ou médicales), la force et la fragilité de ses personnages, l’attirance et la répulsion. La maitrise dont il fait preuve pour mettre en place ce tissu complexe est absolument remarquable. Il est aidé par des comédiens qu’il connait bien et qui le connaissent bien. Un conte de Noël est sans aucun doute son meilleur film à ce jour.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Catherine Deneuve, Jean-Paul Roussillon, Anne Consigny, Mathieu Amalric, Melvil Poupaud, Emmanuelle Devos, Chiara Mastroianni, Laurent Capelluto, Emile Berling, Hippolyte Girardot, Samir Guesmi, Françoise Bertin
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