Titre original : « Blackboard Jungle »
Un jeune professeur d’anglais est recruté par une école secondaire d’enseignement professionnel d’un un quartier populaire de New York. Il se heurte à l’hostilité des élèves et à leur désintérêt. La violence est très présente…
Basé sur un roman d’Evan Hunter, Blackboard Jungle est un film très novateur à la fois par le regard porté sur la délinquance juvénile et par son message anti-raciste. Le film est pratiquement une étude sociologique, débouchant sur la proposition d’utiliser des moyens détournés ou inhabituels pour parvenir à intéresser ces élèves particulièrement difficiles. Glenn Ford utilise ainsi un magnétophone, un film, des activités parascolaires, méthodes très peu usuelles à l’époque mais qui ont fait leur chemin depuis. Le film est aussi novateur pour sa musique : le générique débute sur « Rock Around the Clock » de Bill Haley qui attira en masse un public jeune et n’est pas étranger au grand succès du film. Celui-ci, en retour, ouvrit un véritable boulevard pour le rockabilly. Hormis Sydney Poitier, les élèves sont interprétés par des acteurs non-professionnels ce qui donne une très grande authenticité à l’ensemble (plusieurs firent carrière ensuite). Blackboard Jungle fut imité et lança une vogue de films sur la délinquance juvénile, de qualité inégale. Film franchement avant-gardiste, il semble toujours d’actualité aujourd’hui.
Elle:
Lui :
Acteurs: Glenn Ford, Sidney Poitier, Vic Morrow, Anne Francis, Louis Calhern, Margaret Hayes, John Hoyt
Voir la fiche du film et la filmographie de Richard Brooks sur le site IMDB.
Voir les autres films de Richard Brooks chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Richard Brooks…
Remarques :
* Les pressions internes à la Fox furent fortes pour bloquer le projet, puis pour empêcher la sortie du film. L’argument avancé est que le film allait ternir l’image des Etats-Unis. Richard Brooks s’en sortit en rajoutant un message avant le générique de début.
* L’ambassadrice des Etats Unis en Italie a réussi à empêcher que le film soit présenté au Festival de Venise puis a tenté de bloquer sa sortie en Europe.
* A sa sortie, le film fut interdit en Géorgie car il montrait un élève noir dans une classe de blancs.
* Le service juridique de la Fox a demandé à Sydney Poitier de signer un serment de loyauté stipulant qu’il n’avait pas l’intention de renverser le gouvernement des Etats-Unis (papier qu’il a réussi à ne pas signer).
* Certains cinémas coupèrent le son du générique du début car le rock and roll était suspecté d’avoir une mauvaise influence.
Paul Mazursky, Vic Morrow, Glenn Ford et Sydney Poitier dans Graine de violence de Richard Brooks. Le jeune garçon derrière Vic Morrow (juste sous Glen Ford) est John Erman, futur réalisateur et producteur de télévision.
Très beau film, et plus subtil qu’on ne l’écrit parfois (que ce soient Tavernier et Coursodon, justement, ou, il me semble, Jean Tulard dans son dictionnaire), malgré le symbolisme un peu pesant du drapeau américain dans la dernière scène.
L’artifice presque obligé des scènes de classe n’est pas propre au film : on retrouve ce genre de convention dans des films bien plus récents et « naturalistes », avec ces groupes retors qui ne bavardent ou ne contestent qu’un élève à la fois, sans jamais saturer la prise de son ni l’oreille du professeur…
En dépit de cela, et grâce notamment à Glenn Ford, qui est particulièrement juste dans son interprétation, le film parvient à une forme de vérité – à mille lieues des représentations pompières du genre du « Cercle des poètes disparus ». Je pense par exemple à la scène où il reprend un élève qui vient d’employer une invective raciste et se justifie d’un « mais c’est pour rigoler », et où il évoque l’escalade des insultes qui ne manqueront pas de fuser en retour pour faire prendre conscience aux élèves du poids de leurs mots. Quelques scènes plus loin, le proviseur le convoque suite à la dénonciation d’élèves qui l’accusent de tenir des propos racistes en classe. Sa sincérité dans la première scène, et son désarroi dans la seconde face à l’échec total de ce qu’il croyait avoir réussi à faire passer, sont l’une des rares représentations authentiques de ce que l’on peut ressentir de frustration en tant qu’enseignant. (Il s’agit en fait d’une manipulation de certains élèves qui veulent lui nuire et déforment volontairement ses propos, mais il ne le sait pas à ce moment-là.)
Sur ce plan le livre est finalement moins optimiste encore que le film. La scène de la vidéo que vous évoquez est vite suivie dans le roman d’un nouveau chapitre où le narrateur douche la satisfaction de l’enseignant en commençant par « la semaine suivante, tout était à recommencer évidemment » (je cite de mémoire et en traduisant platement). C’est un vécu qui ne peut que faire écho chez tout enseignant ou éducateur.
[Je ne voudrais pas être trop négatif sur le sujet : il y a de nombreuses joies à enseigner ! Mais elles sont bien plus aisées à retranscrire à l’écran.]
Je me permets d’ajouter que Evan Hunter était l’un des pseudonymes d’Ed McBain, ancien enseignant mais surtout auteur de nombreux romans policiers « procéduraux » (la série du « 87th precinct ») qui ont eu une influence majeure sur le genre et valent eux aussi le détour.
Je m’arrête là ! Pardon de ce long commentaire, et merci de votre article qui m’a donné envie de revoir le film 🙂
8,5/10 pour moi.
Film tout simplement excellent, voire avant-gardiste et doté d’un scénario intelligent, à juger (et c’est important) dans le contexte de l’époque (il y a 65 piges tout de même!) et à l’aune d’un sujet qui, en 1955, était peu traité et qui, aujourd’hui, a peut-être un peu vite cédé le pas à une logique plus sécuritaire. L’interprétation de Glenn FORD est tout simplement magistrale.
Je n’ai pas revu le film depuis longtemps.
Malgré des éléments qui faisaient sourire, comme cette scène où un collègue de Glenn Ford essaie d’amadouer les « rebelles » en leur faisant entendre de précieux 78 tours de jazz des années 1920, que les élèves s’empressent de détruire, le film était plutôt bon.
Certaines choses ont vieilli mais le film reste très fort ! Quel choc à la première vision du film ! Les Français furent atterrés car nous ne connaissions pas ce type de violence qui ne s’installerait chez nous que vers la fin des années 60. Glenn. Ford, Anne Francis, Louis Calhern, Margaret Hayes parfaits . Vic Morrow, Sydney Poitier, Rafael Campos et les autres jeunes sont très vrais et naturels. Très beau travail de Richard Brooks mais Bill Haley a sans doute fait beaucoup avec son rock : « Rock arond the clock » ..